Introduction

Les collectivités rurales de l’Ontario sont les hôtes d’une industrie prospère et dynamique : l’industrie agricole. À l’instar de tout secteur de l’activité économique, comme l’industrie de l’automobile ou même les centres commerciaux, l’agriculture peut engendrer du bruit, des odeurs et du va-et-vient.

La présente fiche technique :

  • s’arrête à certaines récriminations fréquentes concernant l’utilisation du fumier et d’autres éléments nutritifs en agriculture
  • identifie les ressources et les façons de procéder pour traiter ces récriminations et les plaintes qu’elles entraînent

Le nouveau visage de l’industrie agricole et de la population rurale

Au cours des 50 dernières années, le public s’est habitué à ce que le secteur agricole lui offre des aliments de haute qualité, à bas prix. Les progrès technologiques et les forces du marché ont amené de nombreux producteurs à produire à plus grande échelle. L’augmentation de la taille des élevages, en particulier, inquiète certains membres du public qui emploient le terme « agriculture industrielle » pour qualifier les activités des exploitations d’élevage intensif ou d’élevage à haute densité. Parallèlement, l’évolution démographique a amené une augmentation en milieu rural de la population ne pratiquant pas l’agriculture.

Problèmes de gestion des éléments nutritifs c. problèmes de nuisance

Les récriminations qui touchent les pratiques d’entreposage, de transfert ou d’épandage des éléments nutritifs portent tantôt sur la gestion des éléments nutritifs, tantôt sur les nuisances que ces pratiques occasionnent. Naturellement, la solution varie selon la nature du problème.

Un problème de gestion des éléments nutritifs vient généralement d’une pratique qui contrevient au droit public. Ce genre de problème peut viser des matières de source agricole ou des matières de source non agricole. En général, les inquiétudes des citoyens portent sur des pratiques qui peuvent constituer un risque pour le public ou l’environnement. Voici des exemples de problèmes liés à la gestion des éléments nutritifs : mauvaises pratiques d’élimination du fumier à proximité ou à l’intérieur même d’un cours d’eau, contamination des eaux souterraines par des installations d’entreposage de fumier déficientes ou épandage d’éléments nutritifs sur des terres à des taux qui dépassent largement les besoins des cultures. Voilà autant de pratiques qui enfreignent l’une ou l’autre des lois suivantes :

Un problème de nuisance fait suite en général à une pratique qui est « normale » ou acceptable dans le contexte d’une ferme, mais qui peut déranger ou incommoder un citoyen. Les problèmes de nuisance ne contreviennent à aucune disposition législative. Ils résultent souvent d’une incompréhension de l’intention derrière une pratique ou de communications rompues entre les parties. Les problèmes de nuisance visent pour la plupart les odeurs dégagées au moment des épandages de fumier.

Centre d’information agricole

Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario (MAAARO) gère un Centre d’information agricole qui permet, par téléphone, au moyen d’un numéro sans frais, ou par courriel, de consulter des personnes-ressources sur les pratiques agricoles en général et sur les pratiques touchant spécifiquement la gestion des éléments nutritifs :

Numéro sans frais : 1 877 424-1300

Courriel : ag.info.omafra@ontario.ca

Questions fréquemment posées

Certaines des demandes d’information reçues portent sur des plaintes pour nuisance. Voici des questions qui sont souvent posées au sujet des plaintes pour nuisance, et les réponses à ces questions :

  • Pourquoi un agriculteur épand-il du fumier ? L’épandage de fumier n’est pas uniquement une méthode d’élimination du fumier. Le fumier est en fait une excellente source d’azote, de phosphore et de potassium, des éléments nutritifs nécessaires aux cultures. La matière organique que renferme le fumier améliore aussi les conditions de sol et par conséquent peut réduire l’érosion du sol et la pollution des cours d’eau.
  • À quelle fréquence les agriculteurs épandent-ils du fumier ? Un agriculteur peut épandre du fumier deux ou trois fois par saison de croissance. Le fumier est épandu au printemps avant les semis, l’été après une coupe d’une culture fourragère ou l’automne après une récolte. Une même opération d’épandage peut durer une journée ou quelques jours selon la quantité de fumier à épandre et la superficie à couvrir.
  • Quand les producteurs peuvent-ils épandre le fumier ? Le choix du moment des épandages est souvent dicté par les contraintes de la nature, les principales étant liées aux conditions météorologiques. Il ne devrait jamais y avoir d’épandage de fumier durant les mois d’hiver ni quand le sol est gelé, car il risque alors d’y avoir ruissellement du fumier à la surface du sol. Quand le sol est détrempé, les épandages ne sont pas possibles non plus, car le poids de la machinerie risque alors de compacter le sol. La présence d’une culture de couverture restreint également les possibilités d’épandage du fumier.
  • Pourquoi un producteur épand-il du fumier la fin de semaine ? L’agriculture ne se pratique pas de 9 à 5, du lundi au vendredi. Il arrive que la plage de temps disponible pour faire les épandages soit si étroite qu’elle oblige les producteurs à faire l’épandage le soir ou la fin de semaine. Voici les facteurs qui limitent les possibilités d’épandage : temps pluvieux (où les risques de compactage du sol sont accrus), culture de couverture, sol gelé et difficulté d’accès au matériel d’épandage.
  • Pourquoi le fumier dégage-t-il des odeurs et y a-t-il moyen de les éviter ? Les composés sulfurés et l’ammoniac sont deux des principales composantes du fumier auxquelles sont associées les odeurs. Une bonne incorporation du fumier dans le sol contribue à réduire les odeurs et les rejets d’ammoniac dans l’atmosphère. Quand les pertes d’ammoniac sont réduites, une fraction plus importante de l’azote est biodisponible pour la culture. Toutefois, différents facteurs peuvent empêcher l’incorporation, notamment la présence d’une culture de couverture, certaines méthodes de travail du sol ou l’absence du matériel nécessaire. La direction du vent, contre laquelle le producteur est impuissant, joue aussi un rôle important dans les nuisances occasionnées par le fumier pendant et après l’épandage.
  • S’il reste des flaques de fumier dans le champ après l’épandage de fumier liquide, est-ce à dire que trop de fumier a été épandu ? On peut difficilement en venir à cette conclusion par la simple observation de flaques de fumier. Il est fréquent que des flaques se forment temporairement en attendant que le sol absorbe le fumier (figure 1). Le type de sol, la pente du terrain et les conditions de sol sont autant de facteurs qui influencent la rapidité d’absorption.
Figure 1. Photo d’un champ de maïs après la récolte montrant les flaques d’eau entre les rangs occasionnées par l’épandage de fumier.
Figure 1. Flaques à la surface du champ après un épandage.
  • Comment l’agriculteur détermine-t-il la quantité de fumier à épandre ? Les taux d’application du fumier reposent essentiellement sur les besoins en éléments nutritifs des cultures, les résultats d’analyse de sol et la teneur du fumier en éléments nutritifs. Pour déterminer le bon taux d’application, le producteur peut élaborer un plan de gestion des éléments nutritifs (PGEN) qui équilibre les besoins nutritifs de la culture et les apports d’éléments nutritifs fournis par les matières épandues, qu’il s’agisse d’engrais commercial ou de fumier. Les producteurs peuvent s’aider du programme NMAN3 du MAAARO pour élaborer leur PGEN. Lorsque les producteurs mettent en œuvre leur PGEN, ils doivent s’en tenir aux taux qui y sont prévus. Les taux d’application du fumier sont établis en fonction de la capacité (volume) du matériel d’épandage, de la largeur de la surface traitée et du temps qu’il faut pour vider l’épandeur. Le réglage du matériel d’épandage constitue une pratique de gestion optimale pour les producteurs.
  • À quelle distance des habitations les producteurs sont-ils autorisés à épandre du fumier ? Aucune disposition de la LGEN n’interdit aux producteurs d’épandre du fumier à proximité d’une habitation. Ils sont par contre tenus de respecter les distances de retrait suivantes : 100 m d’un puits municipal, 15 m d’un puits foré à la sondeuse d’une profondeur minimale de 15 m et doté d’un tubage étanche jusqu’à une profondeur d’au moins 6 m, 30 m des autres puits et 13 m du dessus de la berge la plus proche dans le cas de la plupart des plans d’eau.
  • Est-il normal que les animaux d’élevage aient accès aux cours d’eau ? Garder les animaux à distance des cours d’eau par l’installation de clôtures constitue une pratique de gestion optimale qui empêche les animaux de souiller les cours d’eau par leurs déjections et d’endommager les berges. Les producteurs qui gèrent une exploitation dotée d’une zone de confinement extérieure permanente produisant plus de 300 unités nutritives (UN) ou ceux qui exploitent une zone de confinement extérieure permanente à haute densité sont tenus par la LGEN de garder leurs animaux hors de tout plan d’eau.
  • Un producteur peut-il garder du fumier en tas dans un champ ? L’entreposage du fumier solide dans un champ, une pratique désignée « entreposage au champ » ou « entreposage sur place », consiste à déposer le fumier en tas sur le sol plutôt que sur une dalle de béton. En vertu de la LGEN, l’entreposage au champ ne peut être que temporaire et l’emplacement doit répondre à des critères bien précis. Les fermes dépourvues d’un PGEN devraient voir ces exigences comme des pratiques de gestion optimales et s’y conformer. Pour plus d’information, voir la fiche technique du MAAARO, Entreposage temporaire au champ de fumiers solides ou d’autres matières de source agricole.

Si vous avez une préoccupation ou une plainte

Voici trois étapes à suivre avant de décider des mesures à prendre dans l’éventualité d’une nuisance ou d’un problème de gestion des éléments nutritifs :

  • cerner le problème et se renseigner
  • exprimer ses inquiétudes
  • décider de la marche à suivre

Cerner le problème

Si l’on n’est pas au fait de ce qui constitue une pratique agricole « normale » relativement à la gestion des éléments nutritifs, on peut se tourner vers les ressources suivantes pour y voir clair.

La Loi sur la gestion des éléments nutritifs

La LGEN et son règlement d’application, le Règlement de l’Ontario 267/03, régissent de nombreux aspects de la gestion des éléments nutritifs. Des dispositions réglementaires et des protocoles régissent par ailleurs les pratiques d’entreposage, de transfert et d’épandage des éléments nutritifs. Ceux-ci précisent, par exemple, les exigences relatives aux taux d’application et au choix du moment des épandages, aux distances de retrait à respecter et à l’entreposage temporaire au champ.

La LGEN exige de certains producteurs qu’ils se dotent d’une stratégie de gestion des éléments nutritifs (SGEN) et/ou d’un PGEN. Pour le moment, les producteurs n’y sont pas tous tenus. Toutefois, dans l’esprit de pratiques de gestion optimales, tous les agriculteurs qui produisent ou épandent des éléments nutritifs devraient se doter d’un quelconque plan ou d’une quelconque stratégie. Pour plus d’information sur les exigences du règlement relativement aux SGEN et aux PGEN, voir la fiche technique du MAAARO, Lorsque les exploitations agricoles ont besoin d’une SGEN, d’un PGEN ou d’un plan relatif aux MSNA.

Les pratiques de gestion optimales (PGO)

Le MAAARO distribue une série de fascicules intitulés Pratiques de gestion optimales. Ces publications décrivent de manière détaillée un certain nombre de méthodes pratiques et abordables pour assurer la conservation des ressources en sols, en eaux et en éléments nutritifs sur les fermes, sans sacrifier la productivité. Mentionnons toutefois qu’il est possible de pratiquer une agriculture responsable sur le plan de l’environnement sans nécessairement se conformer aux normes élevées préconisées dans les PGO. Même si les producteurs ne sont pas tenus de se conformer aux PGO, nombreux sont ceux qui les intègrent d’eux-mêmes à leurs pratiques de gestion courantes.

La Loi de 1998 sur la protection de l’agriculture et de la production alimentaire

La Loi de 1998 sur la protection de l’agriculture et de la production alimentaire (LPAPA) a pour but « de conserver et de protéger les terres agricoles et d’encourager leur développement et leur amélioration en vue de la production d’aliments, de fibres et d’autres produits agricoles et horticoles ». Cette loi définit ce qu’est une « pratique agricole normale ». Pour plus d’information, voir la fiche technique du MAAARO, Les plaintes de nuisance et la « Loi de 1998 sur la protection de l’agriculture et de la production alimentaire ».

Exprimer ses inquiétudes

Avant toute chose, l’essentiel est sans doute de soumettre directement la question au producteur. Une conversation avec le principal intéressé permet d’envisager sous un angle différent une pratique et sa fréquence. Il se peut fort bien qu’il ne soit même pas venu à l’esprit du producteur qu’une pratique pouvait être une source d’inquiétudes pour ses voisins; il se peut aussi qu’il puisse faire quelque chose pour régler la question.

Par exemple, un citoyen qui ne veut pas risquer que son voisin commence ses épandages près de chez lui la fin de semaine même où il planifiait d’organiser un BBQ a tout intérêt à mettre son voisin au courant de ses projets. Il se peut que l’agriculteur puisse reporter l’épandage. Entre personnes raisonnables, les choses ont de bonnes chances de se régler à l’avantage des deux parties. En même temps, dans l’éventualité d’un déversement accidentel ou d’un autre événement tout aussi grave, il y a fort à parier que le producteur a déjà alerté les autorités et qu’il est heureux que ses voisins lui proposent un coup de main pour une corvée de nettoyage.

Décider de la marche à suivre

Malheureusement, il y a des cas où l’intervention d’un arbitre s’impose, que le nœud du problème soit une nuisance ou la gestion des éléments nutritifs. Pour signaler un déversement accidentel que l’on soupçonne, il s’agit d’appeler le Centre d’intervention en cas de déversement du ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique au 1 800 268-6060. Par contre, si la situation ne représente aucun risque imminent pour l’environnement, appeler le Centre d’information agricole pour être dirigé vers la personne-ressource ou l’organisme approprié. La personne qui porte plainte est invitée à fournir son nom et son numéro de téléphone. Les appels anonymes sont traités au cas par cas.

Les fonctionnaires du ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique

Si l’on soupçonne qu’un incident a été causé par un déversement accidentel ou une infraction à la loi, le cas sera transféré au ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique où un fonctionnaire provincial étudiera la plainte.

La Commission de protection des pratiques agricoles normales (CPPAN)

Le plaignant peut demander une audience devant la CPPAN. La Commission détermine si la plainte a trait à une pratique agricole normale. Pour plus d’information sur la CPPAN, voir la fiche technique du MAAARO, Les plaintes de nuisance et la « Loi de 1998 sur la protection de l’agriculture et de la production alimentaire ».

Résumé

Si une pratique touchant à la gestion des éléments nutritifs soulève des inquiétudes chez un citoyen, celui-ci doit prendre le temps d’étudier les mesures de suivi à prendre. Il doit d’abord se renseigner sur le problème et parler au producteur touché. S’il reste inquiet, il peut aller plus loin. L’idéal est toujours de faire soi-même les démarches pour régler un problème en s’adressant au principal intéressé. C’est aussi la meilleure façon d’établir et d’entretenir de bons rapports avec ses voisins.

Avis de non-responsabilité

Les renseignements dans cette fiche technique sont fournis à titre d’information seulement et ne devraient pas être utilisés pour déterminer vos obligations légales. Pour ce faire, consultez la loi pertinente. Si vous avez besoin de conseils juridiques, consultez un avocat. En cas de contradiction entre l’information fournie dans la fiche technique et toute loi applicable, la loi a préséance.

La version anglaise de cette fiche technique a été révisée par Dale McComb, spécialiste de l’environnement, MAAARO.