Il est important de connaître les caractéristiques des éléments nutritifs contenus dans le fumier pour être en mesure de bien gérer la fertilisation des cultures. C'est une chose de savoir quels sont les éléments nutritifs que l'on retrouve dans le fumier qu'on épand, mais il importe aussi de savoir lesquels seront assimilables par les cultures.

On entend souvent des producteurs signaler qu'après avoir épandu du fumier dans un champ de maïs, ils ont l'impression de ne pas obtenir les améliorations que devrait normalement apporter l'azote (N) qui était contenu dans le fumier. On attribue habituellement cela à du temps frais qui aurait ralenti le processus de minéralisation, ou à du temps humide qui accroît les pertes d'azote par dénitrification. Il vaudrait peut-être la peine de se pencher sur les pertes possibles d'azote par volatilisation, en se basant sur certaines comparaisons entre des pertes subies dans le cadre de différentes pratiques d'épandage où le pH a semblé avoir un effet sur les pertes.

L'azote du fumier se compose d'azote organique et de nitrate d'ammonium N (NH4+). La portion ammonium est semblable aux engrais commerciaux du fait qu'elle est directement assimilable par la culture, mais elle comporte aussi un risque plus élevé de perte par volatilisation. La volatilisation se produit lorsque « l'ammoniac libre » (NH3) du fumier se perd dans l'atmosphère.

Image

Figure 1. La présence d'azote assimilable dans des parcelles où des matières dont le pH est élevé ont été épandues par injection plutôt qu'en surface est manifeste dans ce champ d'avoine semé en culture de couverture.

Le taux de perte dépend de la température, de l'humidité de l'air et du sol, de la vitesse du vent, du pH et de la couverture végétative (voir l'exemple de la figure1), ainsi que du taux d'épandage et de la capacité d'infiltration du sol. Les pertes augmentent en fonction de la surface exposée, ce qui signifie que l'incorporation est la meilleure méthode pour réduire les pertes d'ammoniac et retenir l'azote qui sera prélevé par la culture.

Image

Figure 2. Effet du moment de l'épandage et de l'incorporation sur la perte d'ammoniac.

La figure 2 illustre l'évolution des pertes d'ammoniac en fonction des conditions d'épandage. Plus le fumier est incorporé tôt, moins les pertes d'ammoniac sont élevées. Par ailleurs, la capacité du matériel d'incorporation à recouvrir complètement le fumier varie, de même que les températures et les taux d'humidité, lesquelles fluctuent selon les saisons et d'année en année. Il est donc difficile d'évaluer avec exactitude la quantité d'azote assimilable.

Cependant, l'effet du pH du fumier (et d'autres amendements organiques) sur les pertes d'azote a été découvert par hasard au cours d'essais en parcelles visant à mesurer les pertes d'ammoniac dans du fumier épandu immédiatement après une récolte de plantes fourragères. Normalement, le pH du fumier se situe entre 6,5 et 7. Lorsque des digestats provenant d'un système de digestion anaérobie avaient un pH de 7,8, les pertes d'ammoniac mesurées dans le dosimètre étaient immédiates et beaucoup plus élevées que dans le cas d'un fumier de vaches liquide au pH normal. La différence relative entre des matières à pH élevé épandues en surface et ces mêmes matières incorporées est montrée à la figure 3. La tendance est la même pour les matières à pH élevé ou à pH normal. Toutefois la perte immédiate est très prononcée avec les matières dont le pH est élevé. Les pertes d'ammoniac augmentent avec le pH, toutefois les pertes illustrées à la figure 3 correspondent à des pH situés entre 7,8 et 8,2.

Étant donné que le pH n'est habituellement pas mesuré dans les échantillons de fumier, bon nombre de producteurs ne sauront pas si les matières qu'ils épandent ont un pH élevé. Dans les cas où le fumier a un pH élevé et qu'il est épandu, mais non incorporé, même seulement dans la journée qui suit, le crédit d'azote « attendu » du fumier pourrait être beaucoup plus bas que prévu, ce qui signifie qu'il faudra peut-être ajouter un engrais azoté commercial pour maximiser le rendement économique.

À retenir

  1. Au moment d'expédier au laboratoire d'analyse un échantillon de fumier (surtout liquide), demander de mesurer le pH. Le coût est d'environ 10 $/échantillon; et ce serait aussi une bonne idée, de faire analyser la teneur en soufre.
  2. Si le pH des matières épandues est élevé, il est encore plus important de l'injecter ou de l'incorporer immédiatement. Le fait d'attendre seulement 24 heures pour incorporer le fumier peut entraîner jusqu'à 100 % de perte de la portion ammonium du fumier, ce qui occasionne des pertes de rendement ou des coûts pour apport additionnel d'azote commercial, dans le cas du maïs. La température, l'humidité du sol et la vitesse du vent influent aussi sur les risques de pertes d'azote.
  3. Les matières provenant de digesteurs anaérobies ou les produits comme Lystegro ont un pH élevé ainsi qu'une teneur élevée en NH4. Les digestats de source municipale et Lystegro sont injectés par des entreprises afin d'assurer que les éléments nutritifs soient le plus assimilables possible.
Image

Figure 3. Graphique illustrant les pertes rapides (seulement quelques heures après l'épandage) de nitrate d'ammonium contenues dans des matières épandues en surface et dont le pH est élevé comparativement à des matières épandues en surface dont le pH est normal.