Introduction

Le fumier et les autres matières de source agricoles (MSA) sont précieux pour les agriculteurs. Ils sont en effet riches en éléments nutritifs et en matière organique et contribuent de manière importante à la productivité et à la santé des sols. Toutefois, ces mêmes éléments nutritifs peuvent aussi être néfastes pour la qualité de l’eau lorsqu’ils ruissellent jusqu’aux lacs et aux rivières.

L’hiver n’est pas une bonne période pour épandre du fumier, car l’eau ne peut pas s’infiltrer de manière efficace dans un sol gelé. L’eau générée par la fonte des neiges, souvent combinée à des précipitations, circule dans les champs et transporte des éléments nutritifs. Des recherches effectuées en Ontario montrent que 67 à 98 % des pertes de phosphore à partir de terres cultivées se produisent hors de la saison de croissance.

Le risque accru de perte ou de déplacement d’éléments nutritifs signifie qu’une quantité moindre de ces derniers est disponible pour les cultures lorsque le fumier est épandu en hiver. Il est grandement reconnu que l’épandage hivernal n’est pas approprié et peut être à l’origine d’une mauvaise perception de l’agriculture par la population.

La présente fiche technique décrit des stratégies de gestion du fumier visant à prévenir les situations où le fumier doit être épandu durant l’hiver ainsi que des méthodes pour minimiser les risques lorsque l’épandage en hiver est incontournable.

La gestion du fumier : un travail à l’année

Les périodes traditionnelles d’épandage du fumier au printemps et à l’automne correspondent à des moments très occupés pour les producteurs agricoles. Des sols humides et des conditions météorologiques imprévisibles conjugués à la pression des semis ou des récoltes peuvent entraîner des retards dans l’épandage du fumier et obliger les agriculteurs à épandre le fumier dans des conditions moins qu’optimales. Toutefois, des modifications apportées à certaines pratiques peuvent réduire la pression associée à ces périodes surchargées.

Diversifier les rotations culturales. La culture de céréales qui peuvent être récoltées assez tôt permet de disposer de suffisamment de temps pour épandre le fumier sous des conditions idéales. Les cultures fourragères sont récoltées plusieurs fois durant la saison de croissance et permettent l’épandage de fumier entre les fauches (figure 1).

Le camion ajoute le blé d'hiver aux cultures

Figure 1. L’introduction de blé d’automne dans les rotations peut offrir une période additionnelle pour l’épandage du fumier pendant que les autres cultures poursuivent leur croissance.

Investir dans le stockage du fumier. La construction de structures additionnelles de stockage du fumier liquide ou d’un abri sur une structure existante pour la protéger de la pluie permet d’entreposer davantage de fumier durant l’hiver.

Faciliter le détournement de l’eau. La redirection de l’eau propre (provenant des toits et des endroits exempts de fumier) à l’écart des structures d’entreposage du fumier contribue à éviter la dilution de ce dernier. Envisager de construire un toit au-dessus des structures d’entreposage de fumier liquide afin de minimiser les quantités de pluie qui s’y ajoutent.

Prolonger les périodes d’épandage. L’épandage de fumier après les semis ou l’investissement dans du matériel qui permet d’épandre le fumier à des cultures en croissance (figure 2) représentent d’autres solutions de rechange.

Tracteur utilisant les nouvelles technologies pour appliquer de l'engrais sur des cultures vivantes

Figure 2. De nouvelles technologies peuvent être utilisées pour épandre le fumier sur des cultures en croissance.

Recourir à des services d’épandage à forfait ou à un courtier. Le recours à des entreprises d’épandage à forfait rapide et efficace permet à l’agriculteur de se consacrer à d’autres tâches importantes. Les courtiers peuvent assurer que le fumier est utilisé à bon escient.

Explorer les possibilités économiques d’ententes diverses. La vente ou l’échange de fumier pour de la paille ou d’autres produits agricoles nécessaires peuvent être profitables aux deux parties en cause. Se rappeler d’inclure la valeur des éléments nutritifs dans les baux.

Acquérir plus de superficies. L’acquisition de superficies additionnelles ou un accès à ces dernières dans le cas d’une entente d’épandage, de location ou autre peuvent offrir d’autres possibilités d’utilisation du fumier, dont le transport de ce dernier à des champs plus éloignés des lieux de stockage où les besoins agronomiques exigent des taux d’application plus élevés.

Planifier en fonction de certains imprévus. Un plan d’urgence est un plan écrit qui propose des mesures dans le cas où une stratégie ou un plan de gestion des éléments nutritifs ne peut être suivi, afin de faire face aux situations suivantes :

  • des conditions météorologiques ou un problème de matériel entraînent un retard dans l’entreposage ou l’épandage prévus
  • une plus grande quantité d’éléments nutritifs que ce qui a été prévu dans la stratégie de gestion des éléments nutritifs (SGEN) ou dans le plan de gestion des éléments nutritifs (PGEN) est disponible
  • la quantité d’éléments nutritifs générés est supérieure à la capacité de la structure d’entreposage
  • déversement

Toutes les exploitations agricoles qui sont tenues d’avoir une SGEN ou un PGEN sont également obligées de se doter d’un plan d’urgence. Ce dernier est également utile pour les exploitations qui ne sont pas tenues d’en avoir afin de réduire la nécessité des épandages en hiver et les répercussions environnementales négatives qui y sont associées.

Solutions de rechange en cas de surplus de fumier en hiver

Voici des exemples de solutions de rechange à l’épandage hivernal :

  • sites temporaires de stockage d’éléments nutritifs sur place pour le fumier solide (figure 3)
  • éléments nutritifs cédés à un courtier ou transférés vers une autre installation d’entreposage à proximité, dotée d’une capacité additionnelle
  • dans les parcs d’engraissement extérieurs, maintien du fumier dans des litières profondes pendant des périodes plus longues permettant de rendre moins nécessaires les épandages dans des conditions hivernales

Champ de culture en hiver

Figure 3. Durant l’hiver, le fumier peut être mis en tas dans des sites temporaires d’entreposage jusqu’au retour de conditions appropriées pour l’épandage de fumier au printemps.

Quand les épandages en hiver sont incontournables

Règlementation actuelle

Il existe plusieurs lois qui protègent la qualité des eaux de surface et des eaux potables, notamment la Loi sur la protection de l’environnement (1990), la Loi sur les ressources en eau de l’Ontario (1990) et au fédéral, la Loi sur les pêches, 1985. L’introduction de fumier dans des eaux de surface ou des eaux souterraines à tout moment de l’année peut être passible d’amendes en vertu de l’une ou plusieurs de ces lois, selon la nature des conséquences.

Le Règl. de l’Ont. 267/03 établit les normes relatives à l’épandage du fumier entre le 1er décembre et le 31 mars (appelée la période d’interdiction) et à tout autre moment lorsque le sol est soit gelé ou enneigé. On entend par sol gelé un sol dont une couche d’une épaisseur minimale moyenne de cinq centimètres, située dans les 15 premiers centimètres du sol, est consolidée par l’eau gelée qu’elle contient. Un sol enneigé qualifie un sol qui est recouvert d’une couche de neige d’une profondeur minimale moyenne de cinq centimètres.

Les exploitations agricoles ayant un PGEN doivent respecter les normes énoncées dans le Règl. de l’Ont. 267/03. Pour toutes les autres exploitations agricoles, ces normes constituent des recommandations minimales. Ces normes sont résumées au tableau 1.

Tableau 1. Restrictions relatives aux épandages hivernaux de matières de source agricole (MSA) (Règl. de l’Ont. 267/03, partie VI)

MSA liquides
1er décembre au 31 mars quand le sol n’est ni gelé ni enneigéÀ tout autre moment pendant que le sol est gelé ou enneigé

Méthodes d’épandage autorisées :

  • injection
  • incorporation le même jour (figure 5)
  • épandage en surface uniquement si au moins 30 % de la surface du bien-fonds est recouverte d’une culture vivante ou de résidus de culture

Méthodes d’épandage autorisées :

  • injection
  • incorporation dans les six heures qui suivent l’épandage

Distance de retrait minimale * par rapport au haut de la berge d’une eau de surface :

  • 100 m si la pente soutenue maximale du bien-fonds est supérieure à 3 %
  • 20 m partout ailleurs

Distance de retrait minimale * par rapport au haut de la berge d’une eau de surface :

  • 100 m si la pente soutenue maximale du bien-fonds est supérieure à 3 %
  • 20 m partout ailleurs
MSA solides
1er décembre au 31 mars quand le sol n’est ni gelé ni enneigéÀ tout autre moment pendant que le sol est gelé ou enneigé

Méthodes d’épandage autorisées :

  • injection
  • incorporation le même jour
  • épandage en surface uniquement si au moins 30 % de la surface du bien-fonds est recouverte d’une culture vivante ou de résidus de culture

Méthodes d’épandage autorisées :

  • injection
  • incorporation dans les six jours qui suivent l’épandage

Distance de retrait minimale * par rapport au haut de la berge d’une eau de surface :

  • 100 m si la pente soutenue maximale du bien-fonds est supérieure à 6 %
  • m partout ailleurs

Distance de retrait minimale * par rapport au haut de la berge d’une eau de surface :

  • 100 m si la pente soutenue maximale du bien-fonds est supérieure à 6 %
  • m partout ailleurs

ou :

Méthodes d’épandage autorisées :

  • épandage en surface
  • la profondeur maximale de neige dans la zone d’épandage ne doit pas être supérieure à 15 centimètres
  • la pente soutenue maximale de la zone d’épandage doit être inférieure à 3 %

Distance de retrait minimale * par rapport au haut de la berge d’une eau de surface :

  • 100 m

* La distance de retrait minimale par rapport au haut de la berge d’une eau de surface doit inclure une zone tampon de végétation minimale de 3 m.

Interdiction : biens-fonds vulnérables

Aucune matière prescrite ne peut être épandue entre le 1er décembre et le 31 mars ou quand le sol est gelé ou enneigé sur un bien-fonds qui présente les caractéristiques suivantes :

  • sujet aux inondations une ou plusieurs fois tous les cinq ans
  • sujet à des accumulations d’eau pendant une tempête de pluie ou un dégel, qui s’écoulent directement dans une eau de surface (figure 4).

Champ en proie à l'étang

Figure 4. Les endroits sujets à l’accumulation d’eau ne sont pas des zones acceptables pour l’épandage de fumier en hiver.

Tracteur labourant du fumier sur un champ gelé

Figure 5. L’incorporation de fumier par travail du sol dans un sol gelé peut être une étape difficile, mais nécessaire, en vue d’atténuer les risques pour l’environnement.

Réduction des risques

En tout temps, on doit réduire au minimum les épandages en hiver qui ne servent qu’à libérer suffisamment d’espace d’entreposage pour le fumier généré avant le retour de conditions d’épandage appropriées. En réduisant les taux d’épandage, on peut diminuer les effets de ce dernier sur l’environnement lorsque le sol est gelé ou enneigé.

Quand cela est possible, il vaut mieux incorporer le fumier dans le sol, soit par injection directe ou travail du sol. Dans le cas contraire, choisir un terrain porteur d’une culture sur pied ou d’une grande quantité de résidus. La végétation ou les résidus forment une barrière qui empêche les particules de fumier de franchir la surface du sol.

Choisir un terrain relativement plat et situé à l’écart des pentes abruptes, des eaux de surface, des entrées de drain ou des puisards afin de réduire les risques que des matières s’écoulent dans les eaux de surface. Éviter aussi les endroits recouverts d’une épaisse couche de neige, laquelle fera ruisseler le fumier au moment de la fonte.

Des recherches montrent que les risques de pertes d’éléments nutritifs sont plus élevés lorsque l’épandage est effectué sur sol gelé ou enneigé juste avant une fonte des neiges accompagnée de précipitations. Le fumier épandu au début de l’hiver sur des champs recouverts de résidus et dont la surface est rugueuse (c'est-à-dire travaillée avec le chisel) ruissellera moins que celui qui est épandu sur un sol gelé dénudé dont la surface est relativement lisse. Il faut éviter de faire les épandages si l’on prévoit de la pluie ou une hausse des températures de nature à faire fondre la neige.

Si le fumier s’écoule hors du champ, on doit communiquer avec le Centre d’intervention en cas de déversement au 1 800 268-6060, et appliquer le plan d’urgence.

Conclusion

La gestion des fumiers exige une planification et des interventions durant toute l’année. Pour disposer de plus de solutions d’épandage permettant de minimiser les épandages d’urgence et de maximiser l’utilisation des éléments nutritifs, il est nécessaire de se doter d’une capacité adéquate d’entreposage du fumier et de diversifier les rotations culturales. Les épandages en hiver ne sont pas recommandés en raison du risque accru de pertes d’éléments nutritifs. De plus, cette pratique est largement reconnue comme étant inappropriée et peut entraîner une perception négative de l’agriculture par la population en général.

Les renseignements dans cette fiche technique sont fournis à titre d’information seulement et ne devraient pas être utilisés pour déterminer les obligations légales de l’exploitant. Pour ce faire, consulter la loi pertinente. Pour des conseils juridiques, consulter un avocat. En cas de contradiction entre l’information fournie dans la fiche technique et toute loi applicable, la loi a préséance.

La version anglaise de cette fiche technique a été rédigée par Ben Hindmarsh, spécialiste de l’environnement, MAAARO, Jacqui Empson-Laporte, spécialiste de l’environnement, MAAARO, Matt Wilson, chargé de programme, gestion des éléments nutritifs, MAAARO, et Christine Brown, spécialiste de la durabilité des grandes cultures, MAAARO