Introduction

Dans toute exploitation de naissage, ou exploitation vache-veau, il est important que chaque vache produise un veau par année. Les bénéfices dégagés par l’exploitation sont étroitement liés à l’atteinte de cet objectif. Dans ce contexte, il importe que chaque sujet reproducteur affiche un niveau de fertilité élevé. Comme un même taureau peut féconder de nombreuses femelles, une déficience dans la capacité reproductrice d’un taureau a une plus grande incidence sur la productivité du troupeau qu’un problème de fertilité chez une seule femelle. L’hypofertilité d’un taureau amène l’allongement des intervalles entre vêlages, la réduction du nombre de veaux qui naissent et l’augmentation des coûts d’hivernage des vaches non saillies, autant de répercussions qui se traduisent par de lourdes pertes économiques pour l’éleveur-naisseur.

On évalue souvent la fertilité d’un taureau d’après le pourcentage des femelles présentant un cycle œstral qui sont fécondées après avoir été exposées au taureau au cours d’une période donnée (habituellement de 60 à 90 jours). Les niveaux de fertilité tiennent à la fois au potentiel génétique et aux facteurs environnementaux, dont la nutrition, l’état de santé du troupeau et la conduite des vaches et des taureaux. Même si la fertilité d’un taureau ne s’évalue réellement qu’après sa mise en service dans le troupeau, il demeure possible d’évaluer les fonctions reproductrices d’un taureau et, de là, de se faire une idée de sa fertilité. Il arrive que certains taureaux soient stériles, mais la plupart sont fertiles, leur niveau de fertilité variant toutefois de très élevé à très faible.

Puberté

La puberté commence avec les premières éjaculations porteuses de 50 millions de spermatozoïdes dont un minimum de 10 % sont doués de motilité (faculté de se mouvoir). La puberté dépend de l’âge, du poids corporel et du poids des testicules. Si l’âge et le poids corporel à la puberté varient selon les races (tableau 1), la circonférence scrotale à la puberté (un indicateur du poids testiculaire) demeure constante à 28–29 cm. Les taureaux commencent à manifester un intérêt sexuel environ trois semaines avant la puberté. Ils sont aptes à s’accoupler environ six semaines après le déclenchement de la puberté. Même si les taureaux peuvent saillir des femelles dès leur puberté, leur capacité de reproduction augmente avec la maturité. Le développement de cette capacité à se reproduire et la performance des jeunes taureaux suscitent l’intérêt des sélectionneurs de bovins de boucherie, qui essaient d’accélérer l’amélioration des caractères à incidence économique chez les bovins et de réduire leurs coûts d’exploitation par l’utilisation de taureaux reproducteurs plus jeunes.

Tableau 1. Âge et poids des taureaux àla puberté
RaceÂge (jours)Poids corporel kg (lb)
Angus295246 (543)
Red Poll283258 (568)
Hereford326260 (574)
Suisse brune264294 (649)
Charolais287396 (873)

Facteurs influençant la fertilité du taureau

Cinq grands facteurs peuvent influencer la fertilité des taureaux :

  • leur morphologie;
  • le potentiel de leurs organes reproducteurs;
  • la qualité de leur sperme;
  • leur libido;
  • leur alimentation.

Ces facteurs sont tous importants; la fertilité est compromise dès que l’un d’eux est déficient.

Morphologie

L’état de santé général et la morphologie du taureau ont une grande influence sur sa fertilité. Une mauvaise santé peut nuire à la libido, à la capacité d’accouplement ainsi qu’à la production et à la qualité du sperme. La morphologie du taureau revêt une grande importance. Ce dernier doit posséder des pieds, des membres et des articulations fonctionnels pour être à même de se déplacer efficacement dans le pâturage et de saillir les femelles en chaleur. Toute condition pathologique qui gêne la mobilité du taureau nuit à sa performance de reproduction.

Un défaut d’aplomb des pattes arrière appelé « jarrets droits ou court-jointés » caractérisé par un jarret trop droit nuit à la flexion du jarret et prive le taureau de l’impulsion nécessaire à sa propulsion après la monte. Des aplombs normaux se caractérisant par un angle convenable des jarrets des pattes arrière facilitent par ailleurs l’absorption des chocs produits à chaque pas et rallongent la période reproductive du taureau.

Organes reproducteurs

Le schéma de la figure 1 illustre les différentes parties de l’appareil reproducteur du taureau. Le sperme est continuellement produit par les testicules et entreposé dans l’épididyme. La prostate, les vésicules séminales et les glandes bulbo-urétrales (glandes de Cowper) sécrètent la partie liquide du sperme. Pendant l’accouplement, le pénis sort de l’étui pénien à la suite de l’effacement de l’S pénien; les spermatozoïdes sont transportés des testicules jusqu’à l’urètre par le canal déférent et sont expulsés par le pénis.

La température corporelle normale étant trop élevée pour la production adéquate de spermatozoïdes, les testicules sont situés à l’extérieur de la cavité abdominale. Selon les variations de la température ambiante, les testicules sont remontés ou abaissés dans le scrotum afin de conserver une température adéquate pour la production de spermatozoïdes.

Anomalies des organes reproducteurs

Différentes anomalies peuvent nuire au fonctionnement de l’appareil reproducteur. S’il est impossible à un testicule de bouger à cause de dépôts de gras, de tissu cicatriciel ou d’un petit scrotum, la thermorégulation sera affectée, ce qui peut nuire à la qualité du sperme. Des testicules mous annoncent une dégénérescence des tissus et une mauvaise qualité de sperme. De très petits testicules indiquent un développement insuffisant du tissu sécréteur de spermatozoïdes. Des croûtes dues à de mauvaises engelures, des tumeurs ou des abcès sont aussi annonciateurs de problèmes éventuels.

Appareil reproducteur du taureau
Figure 1. Appareil reproducteur du taureau

L’un ou l’autre des organes reproducteurs peut être atteint d’une infection ou d’une inflammation. Une inflammation des testicules peut nuire à la qualité du sperme bien après le rétablissement des tissus, car il faut environ 60 jours aux nouveaux spermatozoïdes pour être produits et parvenir à maturité.

Les problèmes courants concernant le pénis comprennent :

  • la torsion;
  • la persistance du frein du prépuce; et
  • la présence d’un anneau de poils péniens.

Le problème ayant la plus grande incidence est celui du pénis qui est tordu plutôt que droit. Les taureaux qui présentent ce problème morphologique produisent moins de gestations que les taureaux normaux. Les taureaux évalués au moyen d’un électro-éjaculateur peuvent présenter une torsion du pénis qui ne se produirait pas en conditions de saillie naturelle.

La persistance du frein du prépuce est un problème héréditaire caractérisé par la pointe du pénis qui demeure attachée à l’étui pénien, ce qui empêche le pénis de s’extérioriser. Ce problème peut être corrigé par la chirurgie.

La présence d’un anneau de poils péniens est le plus souvent observée chez de jeunes taureaux. Les poils qui encerclent alors le pénis risquent, sans traitement, de provoquer des infections et la formation de tissu cicatriciel. Le pénis peut aussi présenter des fractures, des verrues et des cicatrices provenant de blessures antérieures.

Circonférence scrotale

La mesure de la circonférence scrotale chez les jeunes taureaux est une méthode précise et facile à répéter qui sert à évaluer la capacité actuelle et future du taureau à produire des spermatozoïdes. La mesure donne une estimation du poids des testicules, dont dépend directement la production de spermatozoïdes. Un lien direct peut en effet être établi entre la circonférence scrotale et le volume et la qualité du sperme. Le tableau 2 présente les circonférences scrotales minimales recommandées selon la race et l’âge. Les taureaux présentant un développement scrotal adéquat en fonction de leur âge ont plus de chances de devenir de bons reproducteurs que les taureaux présentant des circonférences scrotales moindres.

L’héritabilité de la circonférence scrotale est de moyenne à élevée. Une sélection axée sur ce caractère peut accroître la fertilité de la progéniture mâle. Un lien direct peut aussi être établi entre la circonférence scrotale d’un taureau et la fertilité de ses filles. Les génisses issues de taureaux ayant une circonférence scrotale supérieure à la moyenne ont tendance à atteindre la puberté plus précocement que celles qui sont issues de taureaux présentant des circonférences scrotales moindres. Une circonférence scrotale supérieure à la moyenne chez les mâles reproducteurs se traduit aussi chez leurs filles par un âge plus précoce à la première saillie, un taux de conception accru et un intervalle plus court entre le vêlage et la saillie suivante. Du fait de la faible héritabilité des caractères de fertilité de la femelle, une sélection axée directement sur ces caractères donne peu de résultats. Compte tenu du lien étroit observé entre la circonférence scrotale et les caractères reproducteurs de la femelle, la solution de rechange consiste à axer la sélection sur la circonférence scrotale.

Qualité du sperme

Les critères couramment utilisés pour évaluer la qualité du sperme sont la structure des spermatozoïdes et leur motilité (c.-à-d. à quel rythme et dans quel pourcentage se déplacent-ils par eux-mêmes). L’évaluation peut aussi porter sur le volume du sperme et sa concentration.

Lors de l’évaluation des résultats d’un test sur le sperme, il faut savoir que :

sur le terrain, les liens établis entre les caractères de qualité des spermatozoïdes et la fertilité vont de faibles à moyens;

la répétabilité des évaluations de sperme dans le temps sur le même taureau est faible;

les résultats des tests sur le sperme peuvent ne pas être concluants pour les jeunes taureaux. Un test ayant donné de mauvais résultats sur le sperme d’un taureau de moins de 15 mois n’est pas un indicateur fiable d’une mauvaise qualité de sperme pour ce même taureau quelques semaines plus tard. La qualité du sperme peut s’améliorer considérablement jus-qu’à quatre mois après le début de la puberté.

Tableau 2. Circonférence scrotale minimale recommandée (centimètres)
Âge (mois)SimmentalAngus Charolais Maine AnjouHereford ShorthornLimousin Blonde d’Aquitaine
12–2433323130
15–2035343332
21–3036353433
>3037363534

Même si la fertilité du taureau nécessite évidemment la production de sperme viable, l’évaluation de la fertilité globale doit tenir compte non seulement de la qualité du sperme, mais de l’ensemble des facteurs de fertilité.

Libido

La libido, ou pulsion sexuelle, joue un rôle primordial dans la fertilité. Elle est indépendante de la circonférence scrotale, de la qualité du sperme, du poids corporel, de la vitesse de croissance ou des caractères mâles. L’évaluation de la capacité à saillir est un moyen d’évaluer la libido. Pour procéder à cette évaluation, on met le taureau en présence d’un groupe de femelles confinées et on consigne le nombre de montes et de saillies complètes sur une durée donnée. Cette méthode prend beaucoup de temps et demande le confinement d’un certain nombre de femelles. Actuellement, la capacité à saillir n’est pas évaluée sur une base courante en Ontario.

Lorsque deux taureaux ou plus sont utilisés en même temps dans le même pâturage, les rapports sociaux influencent les performances de reproduction. Le rang social est lié à l’âge et à l’ancienneté dans le troupeau. Les taureaux dominants sont ceux qui ont tendance à compléter le plus grand nombre de saillies. Le nombre de vaches saillies peut donc être davantage lié à la dominance sociale qu’à la libido évaluée par le test de la capacité à saillir.

Alimentation

Une alimentation adéquate est nécessaire à une bonne performance de reproduction. Des quantités équilibrées d’énergie et de protéines sont requises pour la production de spermatozoïdes et pour l’activité physique associée à la reproduction. Des quantités adéquates de vitamines et de minéraux sont aussi importantes pour la reproduction.

Pendant la saison de reproduction, les taureaux ont tendance à manger moins qu’il leur est nécessaire pour garder leur poids corporel. Ils utilisent alors leur gras corporel comme source d’énergie et peuvent perdre jusqu’à 68 kg (150 lb). Le fait de servir un mélange de céréales aux taureaux au pâturage n’est pas toujours efficace. Une nutrition pré-reproduction adéquate est indispensable si l’on veut que le taureau ait des réserves suffisantes pour une bonne saison de reproduction.

Des dépôts de gras excessifs dans le scrotum peuvent nuire à la thermorégulation. On ne connaît toutefois pas très bien dans quelle mesure le gras corporel peut nuire à la production de spermatozoïdes. Un embonpoint excessif est néanmoins associé à une faible capacité à saillir. Cependant, les taureaux de un an de races lourdes commençant la saison de reproduction avec un minimum de gras dorsal peuvent présenter une plus mauvaise qualité de sperme que les taureaux présentant une couche de gras dorsal moyenne. Les besoins nutritifs nécessaires à une performance de reproduction optimale chez les taureaux reproducteurs doivent faire l’objet de plus de recherche.

Rapport vache-taureau

Afin de produire un veau tous les 12 mois, la vache doit être saillie moins de 80 jours après le vêlage. Pour atteindre des taux de gestation élevés dans une saison de reproduction limitée, éviter de surutiliser les taureaux. Le tableau 3 indique le nombre de vaches qu’un taureau de fertilité moyenne peut raisonnablement féconder pendant une saison de reproduction sur pâturage d’une durée de 60 jours. Le nombre de vaches peut augmenter d’environ 30 % si les animaux sont gardés en confinement ou si les vaches sont présentées au taureau seulement lorsqu’elles sont en chaleur. Si l’on synchronise l’œstrus chez les vaches et que l’on a recours à l’accouplement naturel, il faut réduire le rapport vache-taureau.

Tableau 3. Nombre maximal de vaches par taureau pour la reproduction au pâturage
Âge du taureauNombre de vaches
1 an15–20
2 ans20–30
3 ans et plus30–40

Résumé

Une bonne gestion et une bonne sélection des taureaux de boucherie augmentent la probabilité d’une saison de reproduction fructueuse. Une évaluation complète de la fertilité inclut une évaluation de la morphologie, des organes reproducteurs, de la qualité du sperme, de la libido et de l’état nutritionnel. La sélection axée sur la circonférence scrotale devrait augmenter la fertilité inhérente à la progéniture mâle et femelle.

Références

  • Blockey. M. A. « The Influence of Serving Capacity of Bulls on Herd Fertility » dans Journal of Animal Science, 1978, 46:589.
  • Coulter, G.H. et coll. « Testicular Development, Daily Sperm Production and Epididymal Sperm Reserves in 15-Mo-Old Angus and Hereford Bulls: Effects of Bull Strain Plus Dietary Energy », dans Journal of Animal Science, 1987, 64:254.
  • Lunstra, D.D. et coll. « Puberty in Beef Bulls: Hormone Concentrations, Growth, Testicular Development, Sperm Production and Sexual Aggressiveness in Bulls of Different Breeds », dans Journal of Animal Science, 1978, 46:1054.
  • Pruitt, R. J., et L. R. Corah. « Effects of Energy Intake After Weaning on the Sexual Development of Beef Bulls 1. Semen Characteristics and Serving Capacity », dans Journal of Animal Science, 1985, 61:1186.
  • Wenkoff, M.S. « The Evaluation of Bulls for Breeding Soundness », dans CVMA, 1987.

La présente fiche technique a été rédigée à l’origine par Tom Hamilton, chef du programme des systèmes de production bovine de boucherie, New Liskeard, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et Ministère des Affaires rurales (MAAARO), et Deb Stark, vétérinaire en chef de l’Ontario (auparavant consultante en santé bovine), Guelph, MAAARO.