Introduction

La qualité de la nutrition est un facteur clé de tout système d'élevage de bovins de boucherie qui se veut efficace. L'alimentation des animaux représente le coût le plus élevé de ce type de production. L'alimentation et la gestion ne sauraient satisfaire aux besoins de l'animal si l'on ne comprend pas les principes de base de la nutrition et de la digestion des ruminants.

Système digestif

Les bovins appartiennent au groupe de mammifères appelés ruminants, qui comprend notamment le mouton, la chèvre et le cerf. Les ruminants ont un système digestif spécial qui leur permet d'utiliser les fourrages, tels le foin et l'herbe, comme principale source d'éléments nutritifs (nutriments). Leur appareil digestif se caractérise dès son début par un grand réservoir stomacal d'une capacité allant jusqu'à 225 L (50 gal). Ce réservoir, qu'on appelle « panse » ou « rumen » est rempli de liquide et renferme une population microbienne (bactéries et protozoaires) considérable qui y réalise une grande partie de la digestion primaire des aliments (figure 1). Ces microbes sont capables de dégrader la cellulose et l'hémicellulose, principaux constituants des fourrages. Ils peuvent également dégrader d'autres composants alimentaires tels que les protéines et l'amidon. Adjacente au rumen se trouve une poche plus petite, appelée réseau, qui sert de réservoir temporaire aux aliments provenant de l'oesophage. Vient ensuite le feuillet, cavité qui absorbe l'eau du bol alimentaire (masse d'aliments mastiqués et imprégnés de liquides) avant son passage dans la caillette ou abomasum (figure 1). Les enzymes digestifs de l'animal dégradent le bol alimentaire au niveau de la caillette et de l'intestin grêle. L'absorption des éléments nutritifs libérés se fait principalement à travers la paroi de l'intestin grêle (figure 2). Étant dépourvus des caractéristiques décrites ci-dessus, les animaux monogastriques (non ruminants) tels que le porc, le chien et l'homme, sont incapables de digérer efficacement la cellulose.

Système digestif des bovins

Les ruminants ingèrent les fourrages par grandes quantités, sans trop les mastiquer. Ils entament ensuite la rumination, en position debout ou couchée : ils régurgitent ainsi le bol alimentaire du rumen à l'oesophage, puis jusqu'à la bouche, et le remastiquent longuement, avant de l'avaler de nouveau. Ce processus permet de réduire la grosseur des particules de fourrage et d'augmenter ainsi leur surface exposée à la digestion microbienne.

Nutriments

Les besoins nutritifs sont établis en fonction des quantités précises de chaque nutriment requis par l'animal. Chacun joue un rôle particulier sur les plans de la croissance, de la production ou du métabolisme. On classe ces nutriments selon leur structure chimique ou leur fonction métabolique.

Énergie

L'énergie permet au corps d'effectuer un travail. Lors du calcul des rations pour bovins de boucherie, on exprime généralement l'énergie sous forme d'un pourcentage d'UNT (unités nutritives totales). On entend par « travail » la croissance, la lactation, la reproduction, le mouvement et la digestion. L'énergie constitue la plus grande partie des besoins des bovins, et le prix des aliments dépend surtout d'elle. Les principales sources d'énergie utilisées par les bovins sont la cellulose et l'hémicellulose provenant des fourrages et l'amidon fourni par les céréales. Les graisses et les huiles possèdent une valeur énergétique élevée mais ne composent qu'une faible partie de la ration.

Protéine

La protéine représente l'un des éléments structurels les plus importants de l'organisme. On la mesure généralement en pourcentage de protéines brutes (% P.B.). Elle est un constituant majeur des muscles, du système nerveux et du tissu conjonctif. La protéine se compose de chaînes d'acides aminés, et son apport alimentaire en quantité suffisante est indispensable à l'entretien, à la croissance, à la lactation et à la reproduction de l'animal. On peut séparer la protéine en différentes fractions, lesquelles se distinguent par leur degré de solubilité dans le rumen. Les protéines solubles dans le rumen sont digérées par les micro-organismes qui s'y trouvent. Par contre, les protéines insolubles sont soustraites à la dégradation ruminale et atteignent intactes le reste de l'appareil digestif. Comme une partie de ces protéines est ensuite digérée dans l'intestin grêle, on qualifie celle-ci de protéine digestible (absorbable) dans l'intestin.

Minéraux

Divers éléments minéraux sont nécessaires à la croissance, à la formation des os, à la reproduction et à de nombreuses autres fonctions de l'organisme. Les éléments requis en grandes quantités sont appelés macro-éléments; ce sont le sodium (sel), le calcium, le phosphore, le magnésium et le potassium. Les éléments minéraux requis en quantités infinitésimales sont appelés oligo-éléments; l'iode, le cuivre, le zinc, le soufre et le sélénium en sont des exemples. Le type et la qualité de l'aliment déterminent sa teneur en minéraux. Il est habituellement nécessaire d'ajouter des minéraux à la ration afin qu'ils soient disponibles en quantités suffisantes pour l'animal. Il faut choisir le complément minéral en fonction du type d'aliment servi et des besoins nutritifs de l'animal. Le tableau 1 donne la description de troubles résultant de certaines carences minérales.

Tableau 1. Quelques symptômes de carences minérales
Élément minéralSymptômes de carences
Calcium
  • croissance ralentie
  • courbure des os des pattes
  • os fragiles
Phosphore
  • croissance ralentie
  • appétit pour le bois, les poils et la terre
  • faible taux de conception
Magnésium
  • tremblements musculaires
  • démarche titubante, convulsions (ténie d'herbage)
Sodium (sel)
  • croissance ralentie
  • mastication ou léchage du bois
Sélénium
  • faiblesse, incapacité de se tenir debout
  • zones blanchâtres sur les muscles (visibles à l'autopsie) : maladie du muscle blanc

Vitamines

Les vitamines sont des composés organiques qui sont actifs en quantités infinitésimales. Chez les bovins de boucherie, les vitamines les plus importantes sont A, D et E. On mesure habituellement les vitamines en unités internationales (U.I.). Le fourrage frais constitue une bonne source de vitamines A, D et E. Un foin bien conservé présente au départ une teneur élevée en vitamines, mais celle-ci diminue avec le temps. L'ensilage possède en général une faible teneur en vitamines, la plupart de celles-ci étant détruites par la fermentation. Les céréales, quant à elles, sont plutôt pauvres en vitamines.

La vitamine A est indispensable à la croissance, à la reproduction et à l'entretien normaux de l'animal. Une carence en vitamine A se traduit par une baisse de la fertilité chez les taureaux et les vaches. La vitamine D est indispensable au développement normal des os. Chez les veaux, une carence en vitamine D risque d'entraîner la courbure des os des pattes (rachitisme). Chez les animaux plus âgés, les os s'affaiblissent et sont prédisposés aux fractures. La vitamine E, comme le sélénium, est indispensable à la croissance des tissus musculaires. Une carence en vitamine E ou en sélénium cause une dystrophie musculaire nutritionnelle, appelée maladie du muscle blanc. Ce trouble, fréquent chez les jeunes veaux, peut être évité par l'injection d'un complexe vitamine E/sélénium chez les veaux naissants ou les vaches en gestation, ou par l'ajout de ces éléments à la ration des vaches.

Même si certaines situations imposent une certaine vigilance, on ne se préoccupe ordinairement pas des teneurs en vitamines B des rations pour bovins de boucherie. En effet, les micro-organismes du rumen synthétisent eux-mêmes ces vitamines en grandes quantités et les rendent utilisables par l'animal hôte. Une carence en vitamines B est toutefois plus à craindre chez le jeune veau, car son rumen n'est pas encore fonctionnel. Par ailleurs, les bovins dont la population microbienne a été décimée par un stress sévère ont intérêt à recevoir des apports de vitamines B.

Types d'aliments

Les bovins de boucherie peuvent se nourrir d'une grande variété d'aliments. Ceux-ci sont classés selon leur présentation et leur valeur nutritive. La plupart des aliments courants peuvent être classés dans l'un des groupes suivants :

  1. Fourrages et aliments fibreux :
    • riches en fibre (cellulose et hémicellulose) et valeur énergétique habituellement faible ou intermédiaire;
    • teneur en protéine très variable, selon l'espèce végétale et le stade de maturité;
    • exemples : foin, herbe, enveloppes des graines de céréales ou d'oléagineux (balle).
  2. Céréales :
    • valeur énergétique élevée, teneur en fibre plutôt faible;
    • la plupart ont une teneur protéique modérée;
    • exemples : maïs, orge, avoine.
  3. Oléagineux :
    • teneur protéique élevée, valeur énergétique généralement élevée;
    • teneur en fibre variable;
    • exemples : soya, tourteau de canola.
  4. Sous-produits :
    • valeur nutritive variable;
    • teneur en eau parfois élevée;
    • exemples : grains de distillerie, résidus de conserverie de maïs sucré, résidus de boulangerie, criblures (de grains), résidus de mouture et marc de pommes.

On trouvera au tableau 2 les teneurs énergétiques et protéiques de quelques aliments pour bovins les plus courants.

Tableau 2. Teneur protéique et énergétique de quelques aliments pour bétail courants en Ontario1
Aliment% matière sèche% protéines brutes (base de matière sèche)% estimé d'UNT (base de matière sèche)
Foin de légumineuses (1re coupe)86,715,858
Foin de graminées (1re coupe)87,79.755
Foin mélangé (1re coupe)87,712,256
Foin (2e coupe)86,817,759
Ensilage de légumineuses46,917,659
Ensilage de graminées38,813,057
Ensilage de foin mélangé49,415,858
Ensilage de maïs36,58,066
Avoine88,512,174
Orge88,612,282
Blé89,913,288
Céréales mélangées88,412,377
Maïs-grain86,69,690
Farine de soya à 44 %89,047,881

1 Source : Programme consultatif sur la pâture, MAAO

Digestion de l'énergie

Dans le rumen, la dégradation microbienne de l'amidon des céréales et la dégradation de la cellulose et de l'hémicellulose provenant des fourrages résultent en la formation de sous-produits très énergétiques, les acides gras volatils (A.G.V.). Ces derniers sont absorbés par l'animal à travers la paroi du rumen et constituent sa principale source d'énergie. Cependant, une portion de l'amidon n'est pas digérée dans le rumen : elle est acheminée vers la caillette (véritable estomac) et l'intestin grêle, où elle est dégradée par des enzymes et ensuite absorbée.

Les espèces microbiennes du rumen sont spécialisées dans la dégradation soit de l'amidon, soit de la cellulose. Lorsque la ration est riche en fibre (p. ex. fourrage), les micro-organismes qui dégradent la cellulose se multiplient davantage et leur population finit par prédominer. Si la ration est riche en céréales, ce sont les micro-organismes dégradant l'amidon qui prédominent par leur nombre. Par conséquent, il importe d'effectuer graduellement tout changement dans une ration, afin que les populations microbiennes du rumen puissent s'adapter. Par exemple, aucun changement catégorique dans les proportions des ingrédients utilisés ne devrait être réalisé en moins de deux semaines.

Le taux de dégradation des grains dans le rumen varie selon les céréales et leur degré d'humidité, en raison des différences dues à la nature chimique de l'amidon et à la structure physique des grains. Par exemple, des grains secs de maïs se dégradent beaucoup plus lentement dans le rumen que des grains humides ou que des grains secs de blé. Ces facteurs sont importants à considérer dans la préparation de rations riches en céréales, car ils influencent directement la santé du rumen.

Digestion de la protéine

On regroupe sous le terme « protéines brutes » non seulement les protéines vraies mais également les composés azotés non protéiques. Dans une large mesure, la digestion d'une protéine donnée dépend de sa solubilité dans les liquides du rumen. Les protéines très solubles sont plus facilement dégradées par les microbes du rumen que les protéines insolubles. Les sources d'azote non protéiques (A.N.P.), comme l'urée et l'ammoniac, sont solubles à 100 % dans le rumen. Les micro-organismes du rumen utilisent l'azote qui y est libéré pour former leurs propres protéines microbiennes. Par ailleurs, ces micro-organismes sont continuellement entraînés avec le bol alimentaire vers la région inférieure de l'appareil digestif, où ils sont eux-mêmes digérés et leurs constituants absorbés par l'animal. La plupart des protéines ayant échappé à la dégradation microbienne dans le rumen parviennent intactes dans la région inférieure de l'appareil digestif. Une fraction de ces protéines digestibles dans l'intestin (P.D.I.) est finalement dégradée par les enzymes de l'animal, qui peut ainsi les absorber. Comme les bovins utilisent efficacement les P.D.I., ces dernières constituent une part importante des rations pour bovins de boucherie à croissance rapide.

Les propriétés qu'ont les micro-organismes de dégrader et de recycler les protéines alimentaires constituent des avantages certains pour le ruminant :

  1. Ce dernier s'accommode beaucoup mieux que les monogastriques de régimes qui renferment une protéine peu coûteuse et de qualité inférieure, puisque les microbes du rumen rehaussent la qualité des protéines en synthétisant les acides aminés limitants.
  2. Le ruminant est en mesure d'utiliser, dans son régime, des sources peu coûteuses d'azote non protéique, telles que l'urée, comme substitut de protéines vraies.

Pour une performance optimale, il faut maintenir un bon équilibre entre les protéines solubles, l'azote non protéique et les protéines digestibles dans l'intestin. Il est possible que certains régimes riches en protéines solubles ou en azote non protéique ne fournissent pas suffisamment de protéines à l'intestin grêle. En revanche, certains régimes riches en P.D.I. risquent de ne pas apporter assez d'azote aux microbes du rumen pour assurer une multiplication microbienne et une digestion ruminale adéquates. Les rations optimales renferment habituellement de 30 à 40 % de P.D.I. disponibles et de 60 à 70 % de protéines solubles dans le rumen. En outre, les sources d'azote non protéique ne devraient pas constituer plus de 30 % de la protéine alimentaire totale.

Pour qu'ils utilisent efficacement l'azote non protéique, les micro-organismes du rumen doivent recevoir une quantité suffisante de glucides solubles, comme l'amidon. Sans cet apport énergétique, leur capacité d'utilisation de l'A.N.P. serait surchargée. Les excédents d'A.N.P. sont normalement absorbés par l'animal sous forme d'ammoniac, puis éliminés. Toutefois, une teneur en A.N.P. beaucoup trop élevée peut s'avérer toxique (empoisonnement par l'urée).

Composition des rations

Une ration « équilibrée » en est une qui fournit en quantités suffisantes tous les nutriments requis par le bétail, de façon qu'il atteigne le niveau de production recherché. On ne saurait équilibrer une ration sans les renseignements suivants :

  1. la description complète du groupe de bovins à nourrir (sexe, poids, taille, état de chair, taux de gain visé, stade de production),
  2. la description des pratiques de gestion employées (implants d'hormones, additifs alimentaires),
  3. la description précise des teneurs en nutriments des aliments disponibles.

L'analyse en laboratoire des fourrages est une condition préalable à tout rationnement valable. En effet, les teneurs nutritives des fourrages varient considérablement selon leur type, le stade de maturité au moment de la coupe et la qualité de leur conservation. Pour plus de renseignements sur les analyses en laboratoire, se reporter à la fiche du MAAO Échantillonnage et analyse des aliments pour animaux, AGDEX 400/60. Bien que les teneurs nutritives des céréales soient plus constantes que celles des fourrages, il est tout de même souhaitable de les faire vérifier en laboratoire. Pour se faire aider dans la formulation des rations pour bovins, communiquer avec un bureau régional du MAAO, un représentant de l'industrie de l'alimentation animale ou un conseiller agricole.

Résumé

Il est important que les éleveurs de bovins de boucherie connaissent dans ses grandes lignes le système digestif des bovins ainsi que le rôle joué par les différents nutriments. Une telle connaissance, jumelée à l'analyse des aliments en laboratoire, permettra au producteur de composer des rations équilibrées et d'atteindre ses objectifs de production de façon économique. Elle contribuera également à l'éleveur d'améliorer les programmes d'alimentation de manière économique et de façon à prévenir ou à corriger les situations problématiques.

Références

Church, D.C. Livestock Feeds and Feeding. Corvallis (Oregon) : O & B Books, 1977.

Byers, F. Beef Production and the Greenhouse Effect. Texas A & M University, 1990.

McBride, G. NRC Protein System. Ontario Ministry of Agriculture and Food, Guelph, Ontario, 1988.

NRC. Nutrient Requirements of Beef Cattle. National Academy of Sciences, Washington, D.C., 1984.


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