Introduction

Avec l’augmentation des prix du diesel (pétrodiesel) et du mazout de chauffage à base de pétrole, certains cultivateurs manifestent de l’intérêt devant la possible solution de remplacement pratique et économique de ces intrants que présente la production de biodiesel à la ferme à petite échelle. Cette fiche technique fournit des renseignements généraux sur le biodiesel et des lignes directrices pour l’estimation des coûts de production. L’objectif est de déterminer si la production de biodiesel à la ferme pour une utilisation sur place constituerait une solution pratique et économique. La plupart du temps, ce n’est pas le cas. Cette fiche offre aussi des ressources pour faciliter l’évaluation des aspects relatifs à la sécurité du procédé et à la qualité du carburant biodiesel produit à petite échelle.

Contexte

L’idée d’utiliser des huiles végétales, comme l’huile de soya ou de canola, pour faire fonctionner les moteurs à explosion est aussi vieille que le moteur diesel lui-même. Rudolph Diesel, l’inventeur du moteur du même nom, avait utilisé de l’huile d’arachide pour démontrer le fonctionnement de sa nouvelle invention à la foire universelle de Paris, en France, en 1900. Tout au long du 20e siècle, le carburant diesel à base de pétrole (le « pétrodiesel ») était relativement bon marché et pratique à utiliser. Par conséquent, les moteurs diesel ont été perfectionnés au fil des années pour fonctionner de manière optimale avec ce type de carburant.

Le pétrodiesel coule plus facilement, étant moins visqueux, que les huiles d’origine animale ou végétale. L’utilisation d’huile de source autre que pétrolière dans les moteurs diesel modernes exige de modifier le système d’alimentation en carburant du véhicule pour qu’il accepte ces huiles moins fluides ou encore de modifier les huiles afin qu’elles puissent être utilisées dans les moteurs diesel. Le processus chimique le plus couramment utilisé pour réduire la viscosité des huiles d’origine biologique et les transformer en biodiesel est appelé « transestérification ».

La transestérification chimique des huiles brutes est un processus relativement simple, soit :

100 kg d’huile brute
+ 10 kg de méthanol < catalyseur > 100 kg d’EMAG
+ 10 kg de glycérol

Notes :

  • Le catalyseur est un composé (habituellement de l’hydroxyde de potassium ou de l’hydroxyde de sodium ou potasse) présent en petite quantité qui facilite la réaction chimique exposée plus haut.
  • EMAG est l’acronyme d’« esters méthyliques d’acides gras », c’est-à-dire du biodiesel.

Les EMAG, ou le biodiesel, obtenus à l’issue de cette réaction sont considérés comme étant « bruts », car ils contiennent de nombreux contaminants, comme du savon et de l’alcool. Pour que le biodiesel produit selon ce procédé atteigne la norme de qualité ASTM D6751 (norme imposée par l’American Society of Testing and Materials pour le biodiesel), une transformation secondaire doit être effectuée afin d’éliminer ces agents contaminants. L’utilisation de biodiesel non conforme à cette norme peut endommager le moteur et invalider la garantie du fabricant du moteur. Il s’agit là d’un facteur très important, peut-être le plus déterminant, pour décider si les économies de carburant réalisées grâce à la production de biodiesel à la ferme valent le risque d’endommager des moteurs agricoles modernes, coûteux et sensibles.

Le producteur qui entreprend de transformer chimiquement des huiles végétales en biodiesel doit manipuler des produits chimiques toxiques et dangereux. Il faut prendre au sérieux les risques pour la santé et la sécurité ainsi que les considérations économiques, et en tenir compte avant d’entreprendre toute production de biodiesel à petite échelle. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la sécurité et la qualité de la production de biodiesel à petite échelle, consulter Biodiesel, Basics and Beyond: A Comprehensive Guide to Production and Use for the Home and Farm (en anglais), le Centre des énergies renouvelables et de l’agriculture durable de l’Université de Guelph et le site eXtension Farm Energy (en anglais), des États-Unis.

Le biodiesel en comparaison de l’huile végétale brute

Il est important de faire la distinction entre l’utilisation du biodiesel et l’utilisation d’huile végétale brute (HVB) comme carburants dans les moteurs diesel. Le biodiesel, produit issu du processus de transestérification, présente une fluidité voisine de celle du pétrodiesel. Les HVB ne subissent pas de transestérification, mais, avant de sortir du réservoir de carburant, elles doivent être chauffées pour mieux s’écouler dans le système d’alimentation du moteur. De même, on doit filtrer les nouvelles huiles extraites mécaniquement pour les débarrasser des gommes et des autres résines avant de les utiliser comme carburant. Le filtrage des huiles végétales usagées est essentiel pour extraire les particules étrangères et d’autres contaminants.

Certains groupes, notamment en Europe, effectuent des expériences sur des mélanges de pétrodiesel et de HVB dans diverses proportions, souvent selon un rapport de 1:1. Cette façon de faire élimine la nécessité de modifier le système d’alimentation en carburant des véhicules et permet d’éviter les dangers liés au procédé de fabrication de biodiesel. Une expérience plus vaste et à long terme des conducteurs est requise pour déterminer l’effet de ces mélanges sur l’usure et les besoins d’entretien des moteurs diesel.

Avantages et inconvénients du biodiesel

L’avantage environnemental net de l’utilisation de biodiesel ou de HVB comme carburant par rapport au pétrodiesel classique suscite des préoccupations. De nombreux pays européens ont interdit l’utilisation d’huiles de palme et même d’huiles de soya comme matières premières ou pour la production de carburants de transport, ou ont l’intention de le faire, en raison des problèmes de déforestation. Enfin, il ne faut pas négliger les préoccupations d’ordre social concernant l’incidence possible de la production de biodiesel sur l’approvisionnement alimentaire.

Parmi les avantages possibles du biodiesel figurent :

Le rendement de production

De manière générale, la production de biodiesel offre un rendement énergétique net supérieur à la production de pétrodiesel. Des études indiquent que pour chaque unité de carburant fossile utilisé pour produire du biodiesel, le biodiesel obtenu présente un rendement en énergie combustible de 3,2 unités contre 0,83 unité pour le pétrodiesel. Ce rapport s’accroîtra probablement à mesure que les réserves mondiales de pétrole deviendront plus difficiles à extraire.

Les émissions des véhicules

Les véhicules alimentés au biodiesel produisent également moins d’émissions. Pour chaque L consommé, le biodiesel émet 2,2 kg de moins de dioxyde de carbone (CO2) que les combustibles fossiles. Le biodiesel est aussi naturellement pauvre en soufre. L’extraction de soufre du pétrodiesel, obligatoire pour la production du carburant diesel vendu au Canada, exige un raffinage supplémentaire qui produit d’autres émissions atmosphériques polluantes.

Le biodiesel peut être utilisé pur ou mélangé en proportions variables au pétrodiesel. Par exemple, le biodiesel B20 est un mélange de 20 % de biodiesel et de 80 % de pétrodiesel. Dans un rapport publié en 2002, l’Environmental Protection Agency des États-Unis est arrivée à la conclusion que, dans l’ensemble, la combustion du biodiesel ne détériore pas la qualité de l’air comparativement au diesel conventionnel. Elle a corroboré cette conclusion dans un rapport de suivi publié en 2021footnote 1.

La figure 1 présente les conclusions générales sur l’effet de divers mélanges de biodiesel sur les émissions, telles qu’elles ressortent en moyenne de l’ensemble des études examinées. Cette même enquête de 2021 a également noté que les mélanges de biodiesel utilisés dans des moteurs diesel équipés d’injecteurs modernes, qui utiliseraient autrement du diesel à très faible teneur en soufre, pourraient en fait produire davantage d’émissions. Il y a donc lieu de se demander si les mélanges de biodiesel conformes aux normes ASTM ou aux normes de qualité européennes en matière de carburants sont réellement meilleurs que les nouveaux mélanges de pétrodiesel à très faible teneur en soufre alimentés par des injecteurs modernes à rampe commune.

Un graphique montrant l’effet linéaire de l’augmentation du pourcentage de biodiesel dans un mélange de diesel sur les émissions d’oxydes d’azote (NOx), d’hydrocarbures (HC) et de matière particulaire (MP) d’un moteur diesel. Les émissions de HC et de MP diminuent, tandis que celles de NOx augmentent légèrement avec la hausse des mélanges de biodiesel.
Figure 1. Variation des émissions de moteurs diesel lourds en fonction du niveau de mélange de biodieselfootnote 1

Parmi les inconvénients possibles du biodiesel figurent :

  • Le rendement par temps froid. Lorsque l’air se refroidit, les cires contenues dans le biodiesel se cristallisent. Le biodiesel commence alors à se figer et à obstruer les conduites et les filtres du système d’alimentation en carburant des véhicules. Le biodiesel à base de matières grasses animales provenant des usines d’équarrissage se fige à une température plus élevée que celui fabriqué à partir de graines oléagineuses comme le canola. En raison des températures hivernales habituelles en l’Ontario, la solidification du biodiesel est inévitable, peu importe la source d’huile utilisée. Le mélange de biodiesel avec du pétrodiesel no 1 ou tout autre accélérateur d’allumage pour carburant diesel vendu dans le commerce permet d’améliorer le rendement du biodiesel en hiver. Quoi qu’il en soit, dans les conditions climatiques typiques de l’Ontario, un mélange hivernal contenant plus de 20 % de biodiesel (B20) risquerait de créer des problèmes d’alimentation durant les journées les plus froides.
  • Le biodiesel présente une teneur en énergie légèrement inférieure au pétrodiesel no 2, de sorte que la consommation de ce type de carburant risque d’être légèrement plus élevée. On peut s’attendre à une augmentation de la consommation de 5 % pour la même quantité d’énergie produite.
  • L’utilisation de biodiesel peut faire courir le risque d’invalider la garantie du fabricant du moteur. D’après des données probantes fondées sur une utilisation de longue date, on peut se servir de biodiesel sans aucun problème pendant plusieurs années, mais il faut déterminer le niveau de risque que l’on est prêt à prendre avant de faire fonctionner de l’équipement coûteux au biodiesel. Certains fabricants de moteurs de tracteurs agricoles indiquent que leurs moteurs sont compatibles avec différents niveaux de biodiesel. Toutefois, ils précisent également que les carburants biodiesel doivent être conformes aux normes ASTM ou aux normes de qualité européennes en matière de carburants. Les tests nécessaires pour répondre à ces normes sont coûteux, ce qui les rend impossibles à réaliser à petite échelle.

La production de biodiesel permettrait-elle de répondre à la demande actuelle de pétrodiesel? L’huile tirée des cultures oléagineuses produites localement ne suffirait jamais à combler les besoins en carburant diesel. À titre d’exemple, en Ontario, la production moyenne de soya sur une période de 5 ans (2015–2020) s’est chiffrée à 3,8 millions de tonnes. Durant cette même période, la production de canola était nettement inférieure (43 135 tonnes). Même si toute l’huile extraite de ces cultures oléagineuses était convertie en biodiesel, elle ne comblerait que 14 % environ de la consommation annuelle de carburant diesel des véhicules routiers en Ontario, qui s’établit à 5,5 milliards de L.

Les matières grasses animales non comestibles et les huiles végétales usagées constituent une autre source de matière première pour la production de biodiesel. Si toutes les matières de cette nature produites en Ontario étaient transformées en biodiesel, elles ne combleraient que 2 % des besoins annuels de carburant des véhicules diesel routiers.

À l’heure actuelle, la production de cultures dans le seul but de fabriquer du biodiesel n’est pas rentable. Les avancées technologiques à venir qui permettraient d’accroître l’efficacité à la fois des moteurs diesel et de la production d’huile d’origine végétale pourraient contribuer à améliorer la situation.

Possibilités de production de biodiesel à la ferme en Ontario

Les huiles-déchets et les huiles végétales usagées ainsi que les graisses animales sont les matières premières les plus économiques pour la production de biodiesel. Toutefois, l’offre de ces huiles usagées est limitée. En leur absence, la plus importante source potentielle de matière première à la ferme en Ontario est le soya. La trituration du soya produit non seulement de l’huile, mais aussi du tourteau. Dans la province, beaucoup d’éleveurs de bétail cultivent du soya sur une partie de leurs terres. Ils vendent leur récolte et achètent ensuite du tourteau de soya qui entre dans les rations servies aux animaux.

Pour commencer, il faut déterminer comment extraire l’huile de la graine. Il existe de l’équipement conçu pour procéder à une telle extraction à la ferme (presse à vis). L’équipement montré à la figure 2 est commercialisé principalement comme un moyen de produire du tourteau de soya à la ferme, l’huile extraite étant le sous-produit généré. Les taux d’extraction d’huile varient selon les modèles de presses à vis. Les modèles bon marché peuvent sembler attrayants de prime abord, mais les plus coûteux présentant un taux d’extraction d’huile supérieur et de faibles coûts d’entretien s’avèrent souvent plus économiques à terme.

Un extracteur fixe de tourteau et d’huile de soya au premier plan et d’une scène agricole floue à l’arrière-plan.
Figure 2. Un extracteur fixe de tourteau et d’huile de soya produit et vendu en Ontario.
Source : Energrow

Le tableau 1 indique les quantités d’huile et de tourteau que l’on peut s’attendre à tirer des graines de soya et de canola. La teneur en huile des graines oléagineuses les plus courantes varie en fonction de la variété et des conditions de croissance des cultures.

Tableau 1. Rendement en huile et en tourteau prévu à partir graines oléagineuses courantes au moyen d’une presse à vis
OléagineuxRendement en huile d’une presse à visRendement en tourteau d’une presse à vis
Soya80 à 112 L/tonne890 à 860 kg/tonne
Canola160 à 360 L/tonne810 à 610 kg/tonne

Le tableau 2 fournit des indications sur la quantité de tourteau de soya obtenue par pressage mécanique qui pourra être ajoutée à la ration de certains types d’animaux. Des estimations sont également fournies pour le tourteau de canola. Les prix inférieurs payés pour le canola s’expliquent par la moindre appétence généralement reconnue du tourteau de canola utilisé comme aliment du bétail. Les montants sont basés sur la teneur accrue en matière grasse (énergie) du tourteau produit à la ferme comparativement au tourteau produit en usine (extraction par solvant), car il est pris comme hypothèse que toute l’huile produite à la ferme serait extraite avec des presses à vis. Bien que l’efficacité des presses à vis varie selon les modèles, ces machines laissent généralement entre 45 % et 50 % de l’huile des graines oléagineuses dans le tourteau. La méthode au solvant, utilisée dans les usines de trituration, ne laisse que 6 % d’huile environ, mais elle est très coûteuse et ne conviendrait pas pour la production à la ferme.

Tableau 2. Quantité de tourteau consommée par différents types d’animaux
Type d’animalPoids typiqueConsommation journalière moyenne de tourteau
(par 450 kg de poids vif)

Tourteau de soya
Consommation journalière moyenne de tourteau
(par 450 kg de poids vif)

Tourteau de canola
Vache laitière550 à 700 kg1,5 à 2,5 kg0,63 kg
Vache de boucherie550 à 700 kg0,6 kg0,29 kg
Bœuf à l’engrais180 à 635 kg0,40 kg0,20 kg
Chèvre laitière75 à 95 kg1,3 kg0,79 kg
Poulet de chair0 à 2,6 kg4,3 kg footnote aS. O.
Porc à l’engrais27 à 118 kg3 à 4 kg footnote a, footnote bS. O.

footnote aEn supposant que le processus de transformation du tourteau a permis d’éliminer l’inhibiteur de la trypsine

footnote bCette plage est fournie pour refléter le type de grain employé dans la ration des porcs. Si le grain utilisé est du maïs, il faut prendre la valeur inférieure. Si le grain utilisé est du blé, il faut prendre la valeur supérieure.

Les valeurs indiquées dans les colonnes 3 et 4 du tableau 2 ne sont pas destinées à être utilisées pour préparer des rations alimentaires détaillées pour le bétail. Elles constituent un guide pour estimer approximativement, pour une exploitation d’élevage, le potentiel d’utilisation du tourteau obtenu après la trituration de graines oléagineuses à la ferme. Ces mêmes valeurs représentent les montants « moyens » annuels, et non les taux de consommation possibles maximaux pour les types de bétail indiqués.

Selon le type d’animal, la quantité résiduelle d’huile contenue dans le tourteau produit avec une presse à vis peut accroître la valeur du tourteau comme supplément alimentaire. À titre d’exemple, les éleveurs laitiers souhaitent parfois accroître la teneur en matières grasses de la ration des vaches afin d’accroître le taux de matière grasse du lait. Les éleveurs de porcs souhaiteront peut-être l’inverse, étant donné qu’un surcroît de matières grasses dans les rations porcines favorisera la présence de « gras mou » dans la viande. En outre, dans le cas des animaux monogastriques (animaux à estomac simple comme les porcs et les poulets), il peut être nécessaire de soumettre le tourteau obtenu avec une presse à vis à un traitement thermique afin de détruire l’inhibiteur de la trypsine, dont la présence nuirait à la capacité d’absorption de protéines. La nécessité de ce traitement dépendra des températures auxquelles sont soumises les graines dans la presse à vis.

Le prix de vente du tourteau est un facteur déterminant pour les producteurs qui décident de transformer leurs graines oléagineuses et d’utiliser l’huile ainsi obtenue pour produire du biodiesel. Les éleveurs de bétail sont peut-être déjà en mesure d’utiliser ce sous-produit comme aliment du bétail. Pour rendre la production de biodiesel à peu près économique, les producteurs de soya ou de canola destiné à la vente devront trouver un marché fiable pour le tourteau ainsi créé.

Feuilles de calcul des coûts de production du biodiesel

Trois feuilles de calcul ont été préparées pour faciliter l’évaluation des coûts de production des ateliers de fabrication de biodiesel à petite échelle. Ces feuilles font aussi mention des principaux facteurs qui influencent les coûts de production du biodiesel, comme le prix du tourteau en tant que sous-produit. Elles ont été préparées, dans un premier temps, par Roy Arnott, agronome, spécialiste provincial du développement des affaires pour le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et du Développement rural du Manitoba. Elles ont été modifiées en fonction des pratiques culturales et des coûts qui prévalent en Ontario.

Les intrants des feuilles de calcul sont les suivants :

  • La taille de l’atelier de production (production de biodiesel en L/année)
  • Les coûts d’immobilisations de l’atelier (bâtiment, presse, équipement de fabrication de biodiesel)
  • Les frais d’exploitation de l’atelier (main-d’œuvre, électricité, administration, assurance, impôts fonciers)
  • Les coûts des intrants (coût de production des graines oléagineuses, méthanol, catalyseur)
  • Le prix d’achat du carburant diesel agricole
  • Le taux de mélange prévu de pétrodiesel/biodiesel qui sera utilisé à la ferme (par exemple 20 %, 50 %, 100 %)
  • Le rendement prévu des graines oléagineuses (kg par tonne d’oléagineux)
  • Le taux d’extraction d’huile de la presse à vis

Les hypothèses suivantes sont posées dans les feuilles de calcul :

  • Les bâtiments et les équipements sont évalués selon leur valeur d’achat
  • Les matières premières que constituent les graines de soya ou de canola sont évaluées en fonction de leur coût de production (à l’exception des coûts de bien-fonds), et non en fonction de leur prix de vente – toutefois, si le revenu brut d’un acre de soya produit est inscrit dans la feuille de calcul comme valeur du coût de production, le coût d’opportunité associé à la transformation du soya en biocarburant plutôt qu’à sa vente peut être pris en compte
  • Le tourteau produit à partir des graines de soya ou de canola broyées a une valeur marchande potentielle qui peut être comptabilisée pour obtenir le coût net des matières premières
  • Le biodiesel produit est réservé à une utilisation agricole, pour des véhicules non immatriculés (aucune taxe sur les carburants)

Telles sont les feuilles de calcul des coûts de production à consulter :

Choisir la feuille de calcul qui correspond au type d’huile brute qui sera utilisée (huile de soya ou de canola produite avec une presse à vis ou huiles usagées). Si l’on prévoit de combiner plusieurs types d’huile, remplir une feuille de calcul des coûts de production pour chaque type et combiner les résultats au prorata. Lors de la combinaison des résultats de plusieurs feuilles de calcul, veiller à répartir les coûts d’immobilisations en fonction des différentes sources d’huile.

Rappel : depuis le 1er avril 2014, à moins d’une exemption (par exemple diesel coloré), tous les carburants, y compris le biodiesel, employés comme source d’énergie dans un moteur à combustion interne sont taxés. Le taux de taxation, qui peut varier, oscillait entre 0,09 $ et 0,143 $ le L récemment. Par conséquent toute personne ou entreprise qui fabrique du biodiesel en Ontario ou importe du biodiesel à destination ou à partir de l’Ontario depuis le 1er avril 2014 doit s’inscrire auprès du ministère des Finances de l’Ontario, conformément à la Loi de la taxe sur les carburants.

Quelles sont les implications de cette obligation en ce qui concerne les coûts de production du biodiesel? Si le biodiesel est fabriqué uniquement pour une utilisation personnelle dans des véhicules motorisés non immatriculés (par exemple tracteurs de ferme ou générateurs d’appoint au diesel), sa production est exemptée de taxes. Cependant, si quelque partie que ce soit du biodiesel produit est employée comme carburant dans un véhicule motorisé immatriculé (par exemple, camions de ferme), cette partie est taxée, ce qui se répercute sur les coûts de production globaux. De plus, dans ce cas, le producteur de biodiesel doit s’inscrire auprès du ministère des Finances, conformément à la Loi de la taxe sur les carburants, et tenir compte de tous les coûts liés à cette étape dans le calcul du coût global de production.

Le ministère des Finances fournit de plus amples renseignements sur l’incidence fiscale de la production de biodiesel à la ferme, notamment au moyen d’une page Foire aux questions – Taxe sur les carburants sur son site Web. Il est possible de communiquer avec le ministère des Finances au 1 866 ONT-TAXS (668-8297).

Exemple pour une ferme laitière

Au moyen de la feuille de calcul des coûts de production du biodiesel, considérer l’exemple d’une ferme de 350 acres exploitant un troupeau de 70 vaches laitières qui utilise 15 000 L de carburant diesel par année pour son exploitation. Une ferme laitière a été choisie parce que ce type d’exploitation offre les meilleures possibilités d’utilisation du tourteau de soya obtenu après l’extraction d’huile pour préparer les aliments destinés aux animaux. Selon les données du tableau 1, une tonne de soya permettrait d’extraire près de 98 L d’huile. En prenant un rendement de soya de 3 025 kg par hectare (45 bu/acre), il faudrait cultiver autour de 50 hectares (124 acres) de soya pour combler tous les besoins en carburant diesel de la ferme. D’après les données du tableau 2, on peut estimer grossièrement les besoins en tourteau de soya de la ferme à 40 tonnes par année. En pressant la récolte des 50 hectares de soya, on obtiendrait près de 170 tonnes de tourteau de soya.

Si l’éleveur souhaitait produire juste assez de tourteau pour combler les besoins de sa ferme, il aurait seulement besoin de presser la production de 12,5 hectares environ (31 acres) de soya. Toutefois il ne comblerait que 25 % environ des besoins en carburant diesel de sa ferme. Dans cet exemple, on suppose que 15 000 L de carburant diesel seraient produits et que le surplus de tourteau pourrait être vendu à un voisin à sa valeur de marché. On pourrait également revoir les rations animales utilisées dans cette ferme pour déterminer s’il est possible d’y utiliser une plus grande part du tourteau produit.

Les tableaux 3 et 4 fournissent un sommaire des autres intrants utilisés dans la feuille de calcul des coûts de production du biodiesel à base de soya de cette ferme laitière.

Tableau 3. Feuille de calcul des intrants considérés pour l’estimation des coûts de production du biodiesel dans l’exemple pour une ferme laitière

Table 3.1. Atelier de production de biodiesel
IntrantValeur
Taille de l’atelier15 L/1 000
Jours d’exploitation65 jours/année
Heures d’exploitation8 heures/jour
Employés par rotation0,25
Coût des salaires20,00 $/heure
Huile brute requise0,99088/L
Méthanol requis6 950 $/tonne*
Méthanol récupéré25 %
Catalyseur requis
(par exemple hydroxyde de potassium)
12 350 $/tonne*
Glycérol, sous-produit180 $/tonne
Prix d’achat du carburant pétrodiesel agricole (coloré) : diesel à très faible teneur en soufre (DTFTS)1,20 $/L
Biodiesel utilisé en mélange à la ferme100 %
Gain d’efficacité du carburant agricole dû à l’utilisation de biodiesel1,5 %

* Les coûts de vente au détail au Canada proviennent du site Web de l’entreprise Ingredient Depot.

Table 3.2. Production d’huile de soya
IntrantValeur
Coûts de production du soya — hypothèse de soya Roundup Ready sans travail du sol, mais en excluant les coûts de bien-fonds (voir la dernière version de la publication Budgets des grandes cultures du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation et des affaires rurales (MAAARO)310 $/acre
Rendement moyen du soya(45 bu/acre)
Tourteau de soya (48 % de protéines)550 $/tonne
Jours de pressage des graines155 jours/année
Heures de fonctionnement du pressage24 heures/jour
Employés par quart – pressage0,05
Coût des salaires20,00 $/heure
Teneur en huile de soya17,5 %
Huile résiduelle dans le tourteau de soya8,5 %
Freintes lors du pressage des graines3,0 %
Prime due à la teneur en huile du tourteau0 %
Densité apparente de l’huile de soya0,920 kg/L
Table 3.3. Autres frais d’exploitation
IntrantValeur
Électricité (hypothèse du pressage effectué pendant les heures de pointe ou les heures normales)0,15 $/kWh
Entretien2,5 %
Élimination des eaux usées et de l’eau de lavage et divers frais d’administration2 000 $/année
Déclaration aux fins de la taxe sur les carburants de l’Ontario et inscription auprès du ministère des Finances0 $/L
Assurance0,5 %
Impôts fonciers0,5 %
Taux d’investissement2,5 %
Taux d’intérêt – crédit de fonctionnement4,0 %

Tableau 4. Feuille de calcul des intrants considérés pour l’estimation des coûts d’immobilisations dans l’exemple pour une ferme laitière

Table 4.1. Bâtiments
Immobilisations (bâtiments)Valeur d’origineValeur résiduelleDurée de vie utile
Atelier de production de biodiesel3 000 $10 %20 ans
Atelier de pressage5 000 $10 %20 ans
Table 4.2. Machinerie et équipement
Immobilisations (machinerie et équipement)Valeur d’origineValeur résiduelleDurée de vie utile
Atelier de production de biodiesel3 000 $10 %15 ans
Atelier de pressage36 000 $10 %15 ans

D’après les données des tableaux 3 et 4, la valeur totale du bien-fonds = 30 500 $/ha (12 343 $/acre)

Le tableau 5 résume les coûts de production estimés du biodiesel dans l’exemple pour une ferme laitière. Ces coûts de production, d’environ 0,350 $/L, ont été déterminés en insérant les intrants présentés aux tableaux 3 et 4 dans la feuille de calcul des coûts de production (soya).

Tableau 5. Coûts de production de 15 000 L/année du biodiesel dans l’exemple pour une ferme laitière

Pour consulter le tableau 5, reportez-vous à la version PDF.

Selon les valeurs et les hypothèses retenues dans l’exemple, la production et l’utilisation de biodiesel permettraient de réaliser des économies nettes sur les dépenses en carburant agricole d’environ 0,88 $/L (13 236 $/année) par rapport à l’achat de pétrodiesel pour les besoins de la ferme. La disponibilité des terres pour cultiver le soya et la possibilité d’utiliser le tourteau de soya comme aliment pour le bétail contribuent à ces économies. Les frais fonciers (bien-fonds) n’ont pas été inclus dans les coûts de production de la culture de soya, soit 766 $/hectare (310 $/acre). Si on ajoutait une valeur pour la location des terres de 741 $/hectare (300 $/acre), les coûts de production du biodiesel passeraient à 2,84 $/L, ce qui ne serait pas économique. À l’aide des feuilles de calcul, on peut examiner les autres suppositions faites pour les intrants et leur incidence sur les coûts d’approvisionnement de biodiesel dans cet exemple.

À la figure 3, on compare le coût de renonciation de la production de biodiesel à la ferme au lieu de la vente de soya sur le marché des produits de base. La ligne inférieure représente le prix d’achat hebdomadaire moyen de pétrodiesel en Ontario au cours de la période d’avril 2018 à mars 2021. La ligne supérieure représente les coûts de production de biodiesel si l’on suppose que, cette semaine-là, on aurait pu vendre le soya pressé et le tourteau de soya au prix courant. La ligne centrale est une version rajustée de la ligne supérieure si l’on suppose qu’on reçoit 5 % de moins que le prix courant du soya et que le tourteau de soya se vend toujours 30 $ de plus que le prix courant moyen hebdomadaire. La figure 3 montre que, pendant la plus grande partie de la période de 2018 à 2021, il était plus économique d’acheter du pétrodiesel agricole que de produire du biodiesel avec du soya qui aurait pu être vendu au prix courant. Cette conclusion dépend dans une large mesure des prix du soya et du tourteau de soya, comme le montre l’écart entre la ligne supérieure et la ligne centrale du graphique. Ces données confirment à quel point il est important de développer un marché fiable pour le tourteau de soya produit à la ferme dans un atelier de fabrication de biodiesel.

Un graphique linéaire avec le coût ($/L) en ordonnée et le temps (avril 2018 à mars 2021) en abscisse, qui compare le coût d’opportunité associé à la production de biodiesel à la ferme au lieu de la vente de soya sur le marché des matières premières. Deux scénarios d’hypothèses sont présentés. Dans les deux, les courbes montrent que, malgré les fluctuations des valeurs au fil du temps, il était toujours moins cher d’acheter du pétrodiesel que de produire du biodiesel à partir de graines de soya.
Figure 3. Comparaison du coût du pétrodiesel agricole et des coûts de production du biodiesel à partir de graines de soya achetées à leur valeur marchande (rajustée), ou à une valeur proche de celle-ci, et vente du sous-produit du tourteau de soya à sa valeur marchande (rajustée), ou à une valeur proche de celle-ci.

L’aménagement et l’exploitation d’un atelier de fabrication de biodiesel entraînent également des dépenses au chapitre des bâtiments, de la machinerie et de l’élimination des eaux usées. Les données de la figure 4 indiquent que les coûts de production du biodiesel à la ferme dépendent beaucoup moins des dépenses liées aux bâtiments et aux machines que de celles liées au détournement des graines oléagineuses ou encore du prix de marché du tourteau de soya. Le coût de l’élimination de l’eau issue du lavage du biodiesel peut avoir d’importantes répercussions sur la rentabilité de la production de biodiesel. Le lavage est nécessaire parce qu’il permet de produire un biodiesel conforme aux normes de qualité des carburants. Cela démontre que les systèmes de purification de l’eau doivent aussi être économiques.

Un graphique linéaire montrant la sensibilité de certains coûts d’intrants pour la production de biodiesel, à partir de l’exemple d’une ferme laitière. Le graphique montre que l’élimination des eaux usées est l’intrant le plus sensible, tandis que les coûts des bâtiments, des machines et des équipements ont un effet plus faible sur les coûts de production du biodiesel, puisqu’ils passent de 3 000 $ à 40 000 $.
Figure 4. Sensibilité des coûts de production du biodiesel aux coûts de certains intrants

Les deux derniers intrants qui peuvent avoir une incidence notable sur les coûts de production du biodiesel sont la capacité de production annuelle de l’exploitation et les coûts de main-d’œuvre requis pour faire fonctionner et entretenir l’atelier de production de biodiesel. Le tableau 6 résume les effets de ces deux variables dans l’exemple de la ferme laitière. Afin de réduire les coûts de production du L de biodiesel, on peut augmenter la production pour utiliser pleinement la capacité de production de l’équipement acheté, tout en réduisant les coûts de main-d’œuvre.

Tableau 6. Influence de la capacité de production et du coût de la main-d’œuvre sur la production de biodiesel
Capacité de productionCoût de la main-d’œuvre (20 $/heure)Coûts de production du biodiesel
2 000 L/an864 $/an2,61 $/L
5 000 L/an2 128 $/an1,05 $/L
10 000 L/an4 192 $/an0,52 $/L
15 000 L/an
(exemple de la ferme laitière)
6 320 $/an0,35 $/L
25 000 L/an10 512 $/an0,21 $/L
35 000 L/an14 768 $/an0,16 $/L

Chaque exploitation agricole est différente. Aussi, l’économie réalisée grâce à l’extraction de l’huile et à la production de tourteau à la ferme est propre à chacune. L’exemple de la ferme laitière montre comment la feuille de calcul des coûts de production peut aider à déterminer si la production de biodiesel à la ferme présente un intérêt économique. Il faut également prendre en compte les considérations liées à la sécurité et les coûts connexes, qui n’ont pas été inclus dans l’exemple fourni.

Conclusion

Si on envisage de produire et d’utiliser du biodiesel à la ferme, il faut prendre en considération de nombreux facteurs :

  • Le choix de produire de l’HVB et du tourteau seulement ou de poursuivre la transformation en biodiesel
  • Les questions de sécurité et de protection de l’environnement que posent la manutention et l’élimination des produits chimiques et des déchets issus de la production de biodiesel
  • Les garanties des moteurs
  • L’incidence fiscale, en particulier si le biodiesel est utilisé dans des véhicules routiers
  • Le choix de la source d’huile (huile usagée ou huile vierge issue du pressage des graines) et le coût d’achat de l’huile comparativement à la culture et à la transformation des oléagineux
  • La possibilité de vendre ou de consommer le tourteau obtenu à l’issue du processus de pressage

Les réponses à ces questions influeront énormément sur les coûts de production du biodiesel à la ferme en fin de compte. Par ailleurs, des mesures de sécurité devront être évaluées et mises en œuvre. Il est recommandé d’effectuer une analyse des coûts à partir de toutes les données relatives aux installations envisagées afin d’évaluer la faisabilité de cultiver et de produire son propre carburant. Les feuilles de calcul des coûts de production aideront à évaluer les coûts de production de biodiesel particuliers. Dans la plupart des cas, les coûts de production et les considérations de sécurité l’emportent sur les avantages découlant de la production.

Cette fiche technique et les feuilles de calcul qui y sont associées ont été rédigées par Kevin McKague, ingénieur, Qualité de l’eau et Richard Brunke, ingénieur, Gestion des éléments nutritifs, MAAARO. Nous remercions spécialement Roy Arnott, agronome, spécialiste en développement des affaires au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et du Développement rural du Manitoba, qui a élaboré la feuille de calcul des coûts de production du biodiesel ayant servi de point de départ pour cette analyse.