Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête de l’UES sur les blessures graves subies par une jeune fille de 13 ans le 2 octobre 2016 lors de son interaction avec des agents à sa résidence.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 29 novembre 2016, à midi, le Service de police régional de Niagara (SPRN) a informé l’UES que la plaignante avait subi une blessure durant sa mise sous garde.

Selon le SPRN, un rapport de blessure lors de la mise sous garde a été porté à l’attention du SPRN via une plainte déposée auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP). Dans cette plainte, il est dit que, le 2 octobre 2016, à 9 h 30, deux agents de police du SPRN, identifiés comme étant l’agent impliqué (AI) et l’agent témoin (AT) no 1, se sont rendus à une résidence à Pelham afin d’intervenir auprès d’une jeune fille de 13 ans qui [traduction] « faisait une crise. »

Lorsque les agents de police sont arrivés sur les lieux, la plaignante a commencé à s’infliger des blessures au bras au moyen d’un cintre en plastique. La plainte de la plaignante était que, lorsque les agents de police l’ont plaquée au sol de force, elle a subi une commotion.

Le SPRN a reçu la plainte du BDIEP le 14 octobre 2016 et l’avait traitée comme une plainte du public. Par l’entremise du tuteur légal de la plaignante, le SPRN a pu obtenir confirmation qu’on a diagnostiqué à la plaignante une commotion.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignante :

Jeune fille âgée de 13 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  N’a pas participé à une entrevue (tuteur légal de la plaignante)

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1  A participé à une entrevue

AT no 2  N’a pas participé à une entrevue; l’entrevue n’a pas été jugée nécessairefootnote 1.

Agents impliqués (AI)

AI A décliné l’entrevue, comme la loi lui autorise en tant qu’agent impliqué; notes reçues et examinées.

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

La résidence de la plaignante est un bungalow situé à Pelham, dans la région de Niagara. La chambre de la plaignante se trouvait à l’arrière, au second niveau de la partie surélevée du bungalow.

L’incident s’est produit deux mois avant la notification. Par conséquent, les dommages causés à la résidence avaient été réparés et la chambre de la plaignante n’avait plus la même disposition. Voici une photo de la chambre à coucher de la plaignante telle que l’ont vue les enquêteurs de l’UES.

Chambre à coucher de la plaignante

Voici une photo des dommages causés à l’auto-patrouille du SPRN.

Dommages causés à l’auto-patrouille du SPRN

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRN les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • dossier d’arrestation
  • données d’enregistrement du système de télévision en circuit fermé (TVCC) de la zone de mise en détention
  • bref synopsis, liste des témoins potentiels et résumés des accusations
  • enregistrements audio des communications
  • copie de la plainte déposée au BDIEP et de la correspondance qui s’y rapporte
  • dossier de la Couronne
  • estimation des dommages
  • relevés détaillés des appels
  • registre de divulgation : dossier de formation de l’AI
  • ordonnance générale – personnes sous garde
  • ordonnance générale – emploi de la force
  • ordonnance générale – adolescents
  • ordonnance générale – pouvoirs d’arrestation
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • enregistrement du registre principal des enregistrements
  • demande d’enregistrement du registre principal des enregistrements
  • photos de l’agent de scènes de crime produites par le SPRN
  • rapport supplémentaire – estimation des dommages
  • dossier de formation de l’agent impliqué
  • déclarations de témoin du TC no 1 et de la TC no 4

Description de l’incident

À la fin septembre 2016, la plaignante a été assujettie à une condition ordonnée par la cour selon laquelle elle ne devait pas troubler l’ordre public et devait bien se comporter. Le 2 octobre 2016, la plaignante a lancé un plat de nourriture à une employée à sa résidence, a arraché un garde-fou du mur dans un couloir de la maison puis a menacé de tuer l’employée. Le SPRN a été appelé. Lorsque les agents sont arrivés sur place, la plaignante se trouvait dans sa chambre.

L’AT no 1 est arrivé le premier à la résidence, suivi de l’AI. Lorsque l’AT no 1 a dit à la plaignante qu’elle était sur le point d’être arrêtée pour manquement à sa condition, la plaignante est allée se terrer sur son lit, dans un coin de la chambre. Devant l’AT no 1 et l’AI, la plaignante a cassé un cintre en plastique et essayé de se taillader les avant-bras en utilisant l’extrémité cassée du cintre. Craignant pour la sécurité de la plaignante, les deux agents ont tiré la plaignante jusqu’au bord du lit puis l’ont immobilisée sur le sol.

Une fois sur le plancher, la plaignante a continué de se débattre, de donner des coups de pied aux agents et de se cogner la tête sur le sol. Cherchant à menotter la plaignante, l’AI lui a administré, quelque part sur la tête, un coup de la main ouverte. La plaignante a été maîtrisée, puis arrêtée et menottée. Alors que les agents de police tentaient de faire traverser le couloir à la plaignante et de l’amener à l’auto-patrouille, la plaignante s’est jetée par terre, atterrissant sur le côté gauche. Également, elle a cogné l’arrière de sa tête contre le mur à deux ou trois reprises.

Le lendemain, la plaignante a été transportée à l’hôpital et on lui a diagnostiqué une commotion aiguë.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 264.1(1) du Code criminel – Proférer des menaces

264.1 (1) Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace :

  1. de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un
  2. de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles
  3. de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un

Paragraphe 430(1) du Code criminel – Méfait

430 (1) Commet un méfait quiconque volontairement, selon le cas :

  1. détruit ou détériore un bien
  2. rend un bien dangereux, inutile, inopérant ou inefficace
  3. empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien
  4. empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 2 octobre 2016, la plaignante, alors âgée de 13 ans, a lancé un plat et des aliments à la TC no 4, une employée de sa résidence, puis a arraché un garde-fou du mur du couloir. Elle a alors menacé de tuer la TC no 4. À cette époque, la plaignante était assujettie à une condition ordonnée par la cour selon laquelle elle devait ne pas troubler l’ordre public et avoir un bon comportement. La TC no 4 a appelé la police. Lorsque la TC no 4 a dit à la plaignante que la police serait là dans environ cinq minutes, la plaignante a dit à la TC no 4 qu’elle avait environ cinq minutes pour la tuer.

L’AT no 1 est arrivé à la résidence le premier et s’est dirigé vers la chambre de la plaignante. La plaignante était alors sur son lit. Après que la TC no 4 eut dit à l’AT no 1 ce qui s’était passé et que l’AT no 1 eut pris connaissance des documents de la plaignante, il a décidé de procéder à l’arrestation de la plaignante. Lorsque l’AT no 1 a dit à la plaignante qu’il allait l’arrêter, la plaignante a reculé dans le coin de sa chambre, le dos contre le mur et les jambes faisant face à l’entrée de la chambre. C’est à ce moment que l’AI est arrivé; il se tenait à l’extérieur de la chambre de la plaignante avec l’AT no 1. La plaignante a saisi un objet et une lutte s’en est suivie. La plaignante a été immobilisée sur le plancher de sa chambre. Elle a résisté aux efforts pour la menotter et l’AI l’a frappée sur la tête ou au visage. Elle a fini par être menottée, escortée hors de la maison jusqu’à l’auto-patrouille puis emmenée au poste de police.

Le 3 octobre 2016, la plaignante a été transportée à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une commotion. Les dossiers médicaux de la plaignante font état d’ecchymoses sur le côté droit de la tête, au-dessous de l’œil. La plaignante allègue que, après avoir été plaquée au sol, l’AI lui a cogné le côté gauche de la tête sur le sol puis lui a donné un coup de poing sur le côté droit du visage et sur la joue droite. L’AI reconnaît avoir frappé la plaignante afin de pouvoir maîtriser et menotter l’adolescente. Il s’agit donc ici de déterminer si l’AI a recouru à une force excessive dans ses efforts pour menotter la plaignante.

La TC no 4 a décrit le comportement que la plaignante a eu ce matin-là et qui a mené à la décision d’appeler la police. La TC no 4 a déclaré que la plaignante était hors de contrôle, qu’elle lui lançait des assiettes et de la nourriture et qu’elle arrachait un garde-fou de l’escalier dans le couloir. Lorsqu’elle a dit à la plaignante qu’elle allait appeler la police si elle continuait d’endommager la propriété, la plaignante a menacé de la tuer. C’est alors que la police a été appelée.

La version des événements que la plaignante a donnée aux enquêteurs de l’UES diffère sensiblement de celle de la TC no 4. À aucun moment durant sa déposition aux enquêteurs, cependant, la plaignante n’a-t-elle révélé qu’elle avait agressé ou menacé des membres du personnel ou endommagé des biens avant l’arrivée des agents de police. La plaignante n’a pas non plus mentionné qu’elle s’est jetée par terre après qu’on l’eut menottée, ni qu’elle s’est cogné plusieurs fois la tête contre le mur pendant qu’on lui faisait traverser le couloir.

La plaignante a également donné une version quelque peu différente des événements à l’hôpital. Selon l’information reçue lorsque la plaignante était à l’hôpital, la veille au matin, la plaignante a eu une altercation avec les agents de police et, durant cette altercation, elle a été mise au sol et la surface pariétale gauche de son crâne (la partie supérieure à l’arrière du crâne) a heurté le sol. La plaignante a dit qu’un agent de police lui a donné un coup de poing sur la tempe gauche. Les dossiers indiquent que la plaignante n’a fait mention d’aucun autre impact ailleurs sur son corps. La plaignante n’a pas indiqué qu’un agent de police l’avait frappée au côté gauche de la tempe alors qu’elle était au sol ou lui avait donné un coup de poing au côté droit du visage et sur le haut de la joue droite, même s’il y avait des blessures visibles à cet endroit.

L’AT no 1 a dit aux enquêteurs que, lorsqu’il est arrivé à la résidence, il a observé des barreaux de bois arrachés de la rampe du porche et une table renversée dans l’entrée de cour. En se rendant à l’étage de la chambre de la plaignante, il a vu que le garde-fou du niveau supérieur de la maison avait été arraché du mur et qu’il y avait un trou dans le mur. La TC no 4 lui a dit que la plaignante avait fait un trou en donnant un coup de poing dans le mur. La TC no 4 a également dit à l’AT no 1 que la plaignante était sous le coup d’une condition ordonnée par la cour de ne pas troubler l’ordre public et de bien se comporter. L’AT no 1 a lu une copie de cette ordonnance de cour. Lorsque l’AT no 1 a ouvert la porte de la chambre de la plaignante, celle-ci était assise sur son lit, le dos au mur. L’AT no 1 a informé la plaignante qu’elle était assujettie à une ordonnance de la cour selon laquelle elle ne devait pas troubler l’ordre public et elle devait bien se comporter, et il lui a dit qu’il allait procéder à son arrestation pour défaut de se conformer à l’ordonnance et pour méfait. L’AT no 1 a dit à la plaignante de se lever, mais la plaignante n’a pas obtempéré. L’AT no 1 est entré dans la chambre et a dit à la plaignante que si elle ne venait pas avec lui il lui faudrait alors la menotter physiquement. La plaignante a tourné le dos à l’AT no 1 et a saisi un objet sur le sol, en ramassant un cintre de plastique blanc. La plaignante a brisé le cintre en deux morceaux et essayé de se taillader le poignet. L’AT no 1 s’est approché de la plaignante, et elle a commencé à lui donner des coups de pied. L’AT no 1 a empoigné les deux jambes de la plaignante et l’a tirée hors du lit. La plaignante a atterri sur les fesses et a tourné son corps en direction de l’AT no 1. L’AT no 1 a saisi le bras gauche de la plaignante pour le mettre derrière son dos. La plaignante a continué de se débattre tandis qu’elle était sur le ventre avec le bras droit sous son corps et qu’elle donnait des coups de pied. À ce moment-là, l’AI est entré dans la chambre. Il a essayé de sortir le bras droit de la plaignante de dessous son corps en tirant dessus, mais la plaignante a cogné sur le sol les deux côtés de sa tête. Elle a commencé à cracher et à donner des coups de pied aux agents de police. L’AT no 1 a conservé sa prise du bras gauche de la plaignante et s’est agenouillée sur le bas du dos de cette dernière afin de lui immobiliser la tête et de l’empêcher de cogner sa tête sur le sol. L’AI était du côté droit de la plaignante et il a donné un coup à la plaignante de la main ouverte quelque part sur l’arrière de sa tête. Le coup de la main ouverte avait un mouvement de type qui repousse avec la paume de la main. Après avoir reçu le coup, la plaignante a laissé aller son bras droit et a crié : [traduction] « Je peux pas croire que tu viens de me donner un osti de coup à la tête! » La plaignante a alors été menottée. Elle a d’abord refusé de se mettre sur ses pieds, mais elle a fini par se lever et sortir de la chambre en marchant. Tandis qu’elle franchissait le corridor, la plaignante a projeté le côté droit de son corps contre le mur du couloir étroit. Le côté droit de sa tête, au niveau de l’oreille droite, a frappé la cloison sèche, ce qui a laissé une marque sur le mur. La plaignante s’est alors assise par terre et a croisé les jambes. Elle s’est finalement redressée et a été conduite à l’extérieur. Lorsqu’on l’a placée à l’arrière de l’auto-patrouille, la plaignante a commencé à mordre la barre stabilisatrice et le repose-tête.

Bien que l’AI n’aie pas accepté de se prêter à une entrevue, les enquêteurs de l’UES ont pu saisir une copie des notes de ce dernier qui figuraient dans le dossier de poursuite original. Dans ses notes, l’AI indique que, lorsqu’il est arrivé, l’AT no 1 était en train d’arrêter la plaignante et lui donnait l’ordre de se lever. L’AI est entré dans la chambre après avoir vu l’AT no 1 s’avancer dans le but de procéder à l’arrestation. À ce moment-là, l’AI a vu la plaignante se mettre sur le dos sur son lit et tenir un objet de couleur blanche (qui a ultérieurement été identifié comme étant le cintre brisé en plastique) de la main droite. La plaignante criait qu’elle ne voulait pas aller en prison et agitait ses pieds en direction des agents de police. L’AT no 1 essayait de saisir les pieds de la plaignante, puis il a tiré la plaignante hors du lit pendant que l’AI saisissait le bras de la plaignante pour lui faire lâcher le cintre. Alors que l’AI maintenait le poignet droit de la plaignante, celle-ci continuait de crier et commençait à secouer son corps et à donner des coups de pied en direction des genoux de l’AI. À ce moment-là, l’AI a lâché le poignet de la plaignante, a fait un pas en arrière puis s’est avancé pour maîtriser le haut du bras droit de la plaignante. La plaignante a été tirée vers l’avant et s’est retrouvée par terre, sur le vente. L’AT no 1 avait le contrôle du bras gauche de la plaignante. Dans un effort pour se saisir du bras droit de la plaignante qu’elle avait sous le corps, l’AI a recouru à une [traduction] « technique de distraction douce à main ouverte » qu’il a appliquée sur le côté droit du visage de la plaignante. La plaignante a alors été menottée. Une fois menottée, la plaignante a toutefois continué de se débattre. L’AT no 1 et l’AI ont été capables de la redresser sur ses pieds, mais la plaignante se servait de sa taille pour se rasseoir et se retourner sur le sol. À un moment donné, la plaignante a cogné le côté gauche de sa tête sur la cloison sèche. Finalement, les agents de police ont été capables de faire marcher la plaignante vers l’extérieur, jusqu’à l’auto-patrouille.

À la lumière de l’ensemble de la preuve, il ne fait pas de doute que la plaignante était hors de contrôle le matin où la police a été appelée et s’est rendue à la résidence. Elle avait agressé et menacé une employée de la résidence, avait causé des dommages à la propriété et manquait manifestement à une condition imposée par la cour. Lorsque l’AT no 1 et l’AI sont entrés dans sa chambre, la plaignante pouvait être mise en état d’arrestation pour plusieurs infractions, dont menaces de mort, méfait à un bien et défaut de se conformer à une condition imposée par la cour. Il est clair que l’AT no 1 et l’AI tentaient légalement d’arrêter la plaignante ce matin-là. Néanmoins, en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale.

Je ne doute pas non plus que la plaignante résistait aux tentatives des agents de police de l’arrêter et de la menotter. Tous les témoins s’entendent pour dire que la plaignante gesticulait et se débattait pendant que les agents essayaient de la menotter. Dans les efforts qu’elle faisait pour résister à son arrestation, la plaignante est allée jusqu’à donner des coups de pied aux agents de police et à s’emparer d’un cintre, le briser en deux et tenter de s’infliger des blessures. Tout cela se passait dans une petite pièce qui était jonchée de débris. Et, même si la plaignante n’était âgée que de 13 ans, elle était de grande taillefootnote 2 et était manifestement dotée d’une force appréciable. Étant donné le risque que ses actions posaient tant pour sa propre sécurité que pour celle des agents de police qui intervenaient, l’AT no 1 et l’AI étaient justifiés de mettre la plaignante sur le sol et sur le ventre.

La plaignante soutient que, lorsqu’elle était sur le ventre, l’AI lui a cogné la tête par terre, avec la tempe gauche frappant le sol, puis l’a frappée du poing au côté droit du visage et sur le haut de la joue droite. J’accepte, en me fondant sur la déclaration de l’AT no 1 et sur l’admission de l’AI dans ses notes, que l’AI a frappé la plaignante à la tête ou au visage pendant qu’il essayait de la menotter. Les deux agents décrivent cette manœuvre comme un coup à main ouverte, tandis que la plaignante la qualifie de coup de poing. Bien que les ecchymoses de la plaignante cadrent avec les traces que laisserait un coup de poing, je nourris beaucoup de réserves quant à la fiabilité et à la crédibilité du souvenir que la plaignante a des événements compte tenu des contradictions que l’on trouve dans les versions qu’elle a fournies aux enquêteurs de l’UES et à l’hôpital, des tentatives manifestes de la plaignante de minimiser le comportement qu’elle a eu ce matin-là et des contradictions entre la version donnée par la plaignante et ce dont a été témoin la TC no 4. Compte tenu des observations cohérentes des témoins selon lesquelles la plaignante s’est cogné la tête sur le mur à plusieurs reprises tandis qu’on lui faisait traverser la maison, je ne peux pas non plus conclure que les blessures de la plaignante ont été causées par les actions de l’AI ce matin-là. Les efforts de la plaignante pour s’infliger elle-même des blessures permettent d’expliquer de façon subsidiaire les contusions et la sensibilité observées à sa tête, de même que les étourdissements d’après-coup qui ont été déclarés. Quoi qu’il en soit, même si c’était le coup à la tête administré par l’AI qui avait causé la commotion de la plaignante, je conclus que cette manœuvre a été faite pendant les tentatives visant à menotter une personne forte et de grande taille dans un petit espace confiné et recouvert de débris, alors que la plaignante donnait des coups de pied et se débattait pour résister aux efforts du policier.

Par conséquent, je suis convaincu que le coup de l’AI à la tête de la plaignante pendant que ce dernier et l’AT no 1 s’efforçaient de menotter la plaignante était raisonnablement nécessaire compte tenu de la taille et du comportement violent de la plaignante envers elle-même et envers les agents de police une fois qu’il est devenu évident qu’elle allait être arrêtée. La plaignante était hors de contrôle, donnant des coups de pied aux agents de police, essayant de se taillader les poignets avec du plastique brisé, puis gesticulant et opposant de la résistance même lorsqu’elle était sur le sol. Le comportement de résistance de la plaignante s’est poursuivi après qu’on l’eut menottée en ce qu’elle a cogné sa tête contre le mur pendant qu’on la faisait sortir de la maison et qu’elle a mordu des parties de l’auto-patrouille une fois qu’on l’a placée à l’intérieur. La jurisprudence établit clairement que, si les actions des agents de police doivent correspondre à la tâche à exécuter, on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.)) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206). Compte tenu de cela et de la preuve décrite plus haut, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle, si bien qu’il n’y a aucun motif de déposer des accusations en l’espèce.

Date : 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales