Introduction

Le grand corégone (Coregonus clupeaformis) est un poisson d’eau douce qui est présent naturellement d’un bout à l’autre du Canada et dans le nord des États-Unis, depuis le bassin versant côtier de l’Atlantique jusque dans l’ouest, en Colombie-Britannique, au Yukon et en Alaska. On trouve cette espèce dans la plupart des plans d’eau en Ontario, y compris dans les bassins versants des Grands Lacs.

Le grand corégone (Figure 1) est une source de nourriture traditionnelle chez les peuples autochtones d’Amérique du Nord, d’où sa valeur culturelle considérable. Il s’agit également de l’une des espèces d’eau douce les plus précieuses au Canada pour le secteur de la pêche commerciale. Au cours du dernier siècle, l’abondance de grand corégone a varié considérablement dans les Grands Lacs (à l’exception du lac Supérieur), atteignant les plus faibles densités de population vers la fin des années 1960 et le début des années 1970. Le déclin de population est directement lié à la surexploitation, à l’introduction d’espèces envahissantes (moule zébrée, moule quagga et lamproie marine), à la dégradation de la qualité de l’eau et à la détérioration des habitats aquatiques.

Le grand corégone est un poisson benthivore qui se nourrit principalement d’invertébrés vivant au fond des lacs ou non loin de celui-ci. L’espèce fraie à l’automne lorsque la température de l’eau varie de 4,5 °C à 10 °C, ce qui se produit généralement en novembre ou en décembre dans les Grands Lacs.

Grand corégone

Figure 1. Grand corégone. Source : Centre ontarien de recherche en aquaculture.

Élevage du grand corégone en Ontario

L’élevage du grand corégone en Ontario débute vers la fin des années 1800 aux écloseries exploitées par les gouvernements provincial et fédéral dans le but d’intensifier la pêche commerciale dans les Grands Lacs et de procurer une source de nourriture locale à l’ensemble des régions de l’arrière‑pays. Jusque dans les années 1960, les activités d’empoissonnement menées dans les écloseries gouvernementales sont centrées sur la libération des poissons aux stades précoces de leur existence (œuf embryonné et alevin), ce qui, en définitive, ne donne pas les résultats escomptés.

En 1981, le gouvernement de l’Ontario lance un projet d’élevage de grand corégone à la Station de gestion des pêches — Glenora puis, au cours des années suivantes, crée un programme intensif de pisciculture qui se révèle efficace dans la mesure où il permet de faire l’élevage de l’espèce jusqu’à des stades avancés de son existence. À l’heure actuelle, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario n’ensemence le grand corégone que dans le lac Simcoe où l’espèce est introduite à un stade plus avancé de son existence (alevin d’un an d’automne) afin de préserver le stock génétique du lac Simcoe.

Au Canada, l’élevage du grand corégone aux fins d’aquaculture commerciale est restreint. La commercialisation et le développement de l’espèce en tant que poisson comestible sont d’ailleurs assez récents en Ontario. En 2016, on a cueilli des œufs de grand corégone sauvage de la baie Georgienne dans le cadre d’un projet pilote visant à déterminer si la production durable de l’espèce était envisageable en Ontario. On a incubé les œufs fécondés au Collège Boréal de Sudbury puis, après leur éclosion en 2017, on a transporté les alevins au Centre ontarien de recherche en aquaculture – Alma. C’est à cet endroit qu’on a fait l’élevage de cette cohorte jusqu’à ce qu’elle ait une taille convenable pour être transférée vers un site de grossissement pilote de parcs en filet situé au lac Huron où on l’a ensemencée. À ce jour, ces efforts ont donné de bons résultats, puisque les alevins d’un an de grand corégone ensemencés dans les parcs en filet submersibles se sont développés avec succès, ont atteint une taille marchande et ont été récoltés.

Perspectives concernant l’espèce

Au Centre ontarien de recherche en aquaculture, le grand corégone est élevé à des fins de recherche ainsi que de développement plus poussé de l’espèce en tant que poisson comestible. Le centre de recherche garde à présent une population reproductrice en captivité et entend développer une souche domestique de grand corégone en vue d’encourager la diversification du secteur de l’aquaculture en Ontario.

L’élevage du grand corégone en Ontario par des systèmes de production commerciale s’est révélé fructueux. Ces systèmes sont bien adaptés aux ressources en eau douce de l’Ontario, et les marchés de consommation pour cette espèce sont bien établis. D’autres activités de recherche et développement sont toutefois nécessaires afin de déterminer la viabilité économique du grand corégone en tant que poisson comestible. Enfin, l’approfondissement de la recherche en vue de constituer une population reproductrice en captivité, de tirer le meilleur parti des méthodes de production, et de mettre au point des régimes alimentaires commerciaux appropriés et des stratégies de protection de la santé des poissons contribuera à favoriser la production et l’expansion du secteur.

Références

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La version anglaise de la présente fiche technique a été rédigée par Madeline Borland, M. Sc., adjointe de revue de la littérature sur l’aquaculture, et révisée par Michael McQuire, spécialiste de l’aquaculture et de l’aquaponie du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (MAAARO). L’équipe tient à remercier particulièrement Marcia Chiasson, Centre ontarien de recherche en aquaculture, et Kevin Loftus (retraité), ministère des Richesses naturelles et des Forêts, pour leur contribution.

Rédaction

ISSN 1198-7138, Publié Décembre 2023.