Résumé

Les enfants atteints du syndrome Gilles de la Tourette (SGT) présentent souvent une symptomatologie supplémentaire indiquant des problèmes psychiatriques concomitants et des difficultés psychologiques (SGT+). L’étude actuelle a été entreprise pour explorer l’effet du SGT+, de concert avec les niveaux cliniques d’anxiété, sur le niveau de gravité global de la psychopathologie des enfants et des jeunes. Parmi les participants, 76 enfants et jeunes ont été orientés vers le service de la clinique du frein « The Brake Shop » de SGT+, une clinique ambulatoire hautement spécialisée pour les clients ayant des besoins extrêmes. À l’aide de scores cliniques sur l’anxiété, les enfants ont été divisés en deux groupes : les Anxieux (A) et les Non-anxieux (NA). Les clients et les familles ont suivi diverses mesures normalisées au moment de l’orientation. Les résultats ont indiqué que les enfants du groupe « A » présentaient un risque psychopathologique beaucoup plus élevé de dépression significative, d’automutilation, de symptomatologie du TDAH, de difficultés sociales et de mauvais fonctionnement adaptatif que les enfants et jeunes du groupe « NA ».

Introduction

Un large éventail de troubles psychologiques et comportementaux sont souvent associés au SGT. Des études ont fréquemment signalé la présence de symptômes obsessionnels-compulsifs [10], de trouble déficit de l’attention/hyperactivité [11], comportement d’automutilation [11], de dépression [12], de troubles de la personnalité [13], de comportements agressifs et antisociaux et de troubles du comportement [14] chez les enfants atteints de SGT. Les données bibliographiques font état d’une fréquence plus élevée de traits d’anxiété chez les patients atteints de SGT par rapport à la population générale [14]. L’étude actuelle a été conçue pour évaluer si les niveaux cliniques d’anxiété auraient un effet sur le niveau de gravité global de la psychopathologie chez les enfants et les jeunes atteints de SGT+.

Méthode

Les sujets étaient 62 garçons et 17 filles (M=11,97 ans) orientés vers le service de la clinique du frein « The Brake Shop » de SGT+, une clinique ambulatoire hautement spécialisée pour les clients ayant des besoins extrêmes. Au moment de l’orientation, les clients et leurs familles set aidants ont effectué les mesures standardisées suivantes : La Multidimensional Anxiety Scale for Children (MASC) [15], l’Asperger Syndrome Diagnostic Scale [16], le Child Depression Inventory [9] et l’Adolescent Anger Rating Scale [17]. Les enfants et les jeunes présentant des scores cliniques d’anxiété (scores >70) avec le MASC ont été identifiés comme le groupe anxieux (A), et les enfants et les jeunes présentant des niveaux d’anxiété non cliniques (scores <65) ont été identifiés comme le groupe non anxieux (NA).

Tableau 1 - Mesures

Child Depression Inventory (CDI)

Le CDI est un inventaire en 27 points basé sur l’inventaire de dépression de Beck. Il contient les sous-échelles suivantes : Humeur négative, problèmes interpersonnels, inefficacité, anhédonie et estime de soi négative.

Multidimensional Anxiety Scale for Children (MASC)

Le MASC est une échelle d’auto-évaluation qui évalue les principaux domaines d’anxiété chez les enfants et les jeunes âgés de 8 à
19 ans. Le MASC contient 39 éléments répartis entre quatre facteurs principaux, dont trois peuvent être divisés en deux sous-facteurs. Les facteurs comprennent (1) les symptômes physiques (tension/agitation et somatique/autonome); (2) prudence craintive (perfectionnisme et adaptation anxieuse); (3) anxiété sociale (craintes d’humiliation/rejet et de représentation publique); et (4) anxiété de séparation.

Aspergers Syndrome Diagnostic Scale (ASDS)

L’ASDS comporte 50 questions auxquelles il faut répondre par oui ou par non.  Il fournit un quotient du syndrome d’Asperger qui indique la probabilité qu’un individu en soit atteint.

Adolescent Anger Rating Scale (AARS)

L’AARS est un instrument en 41 points qui évalue l’intensité et la fréquence de l’expression de la colère chez les adolescents âgés de 11 à 19 ans. Il donne un score pour la colère totale, la colère instrumentale, la colère réactive et la maîtrise de la colère.

Résultats

Les analyses de la variance ont indiqué que les enfants et les jeunes du groupe « A », par rapport à ceux du groupe « NA », ont obtenu des scores significativement plus élevés sur les sous-échelles du CDI Dépression totale, F (1,72) = 18,22, p < 0,001, Humeur négative, F (1, 72) = 19,90, p < .001, Problèmes interpersonnels, F (1, 72), = 3,87, p<0,05, Estime de soi négative, F (1,72) = 11,30, p < 0,0001 et Anhédonie, F (1,72) = 20,90, p < 0,01 (voir figure 1) avec l’AARS, une tendance suggère que la colère instrumentale, F (1,43) = 3,33, p< 0,10, était significativement plus élevé pour le groupe « A » par rapport au groupe « NA ». Dans le cas de l’ASDS, Social, F (1,74) = 9,41, p< 0,01, Inadapté, F(1,74) = 9,96, p< 0,01, et Quotient du syndrome d’Asperger, F(1,74) = 8,49, p< 0,01 étaient tous plus élevés pour le groupe « A » par rapport au groupe « NA ». Le groupe « A » a également obtenu des scores plus élevés pour l’indice TDAH, F (1,33) = 4,17, p< 0,05, par rapport au groupe « NA ».

Discussion

Les enfants et les jeunes atteints de SGT+ qui présentaient des niveaux cliniques d’anxiété avaient un risque significativement plus élevé de présenter une psychopathologique indiquant dépression, automutilation, symptomatologie du TDAH, difficultés sociales et mauvais fonctionnement adaptatif que les enfants et jeunes du groupe non anxieux.  De plus, les enfants et les jeunes atteints de SGT et d’anxiété concomitante présentaient des caractéristiques associées au syndrome d’Asperger.  L’anxiété influence négativement le pronostic et semble contribuer aux déficits sociaux.

De manière surprenante, la colère instrumentale était plus élevée chez les enfants et les jeunes anxieux que chez les enfants et les jeunes non anxieux, ce qui peut refléter des approches et des styles d’adaptation spécifiques dans des circonstances stressantes (c’est-à-dire « utiliser » l’agressivité pour parvenir à des fins qui réduisent l’anxiété).  L’importance d’une évaluation complète et de plans de traitement individualisés doit être développée pour répondre aux besoins particuliers des enfants et des jeunes atteints du syndrome Gilles de la Tourette et des troubles associés.

Cette recherche a été financée en partie par le Centre d’excellence, Évaluation du projet Subvention n° PEG 160206-006.