Les pommes ont besoin d'une interpollinisation entre les pollinisateurs de divers cultivars ou des pommetiers pour donner du fruit. Les insectes pollinisateurs sont appelés à remplir cette tâche, attirés vers les fleurs par des indices individuels, des odeurs, le nectar et le pollen de la récolte en pleine floraison. Même s'il ne faut qu'un pourcentage relativement modeste de fleurs à polliniser dans une récolte commerciale, il faut une pleine production de pépins pour donner des fruits de bon calibre et de qualité. En Ontario, les abeilles mellifères sont habituellement sollicitées pour cette tâche essentielle, à un taux recommandé de deux à trois colonies (saines) par hectare pour assurer une pollinisation satisfaisante.

Les pollinisateurs les plus fréquents de nombre de cultures agricoles sont les abeilles mellifères et les bourdons, mais combien d'entre vous savent qu'il existe plus de 400 espèces d'abeilles sauvages dont l'Ontario est la demeure (figure 1)? En grande majorité, les abeilles sont solitaires, ce qui signifie qu'il y a une seule femelle qui établit et entretient son nid. Pour la plupart, les abeilles solitaires nichent dans le sol. Leurs nids se composent d'un tunnel et d'une série de chambres individuelles ou cellules, toutes creusées par la femelle. Chaque cellule est alimentée par un mélange de pollen et de nectar (« boule de pollen ») dans laquelle la femelle dépose un œuf. Les cellules sont ensuite scellées et l'œuf se développe pour devenir une larve, une pupe et finalement, un nouvel adulte qui doit se frayer un chemin hors du nid et ensuite, le cycle recommence.

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Figure 1. Dans les systèmes de pomiculture de l'Ontario, on peut retrouver diverses espèces d'abeilles sauvages pollinisatrices dans une vaste gamme d'habitats naturels, notamment (de gauche à droite) abeilles fouisseuses, Andrena spp.; abeilles nichant dans le sol, Colletes spp.; ou halictes (photos : Université Cornell; David McIntyre, Custom Life Science Images; David Cappaert, Bugwood.org).

Dans d'autres régions productrices, les chercheurs ont constaté que les abeilles sauvages peuvent contribuer de façon considérable à la pollinisation des pommes. Voici quelques conclusions fondamentales :

  • La diversité des abeilles est un bon prédicteur des services de pollinisation, de la production de pépins et de la nouaison. La diversité et l'abondance des abeilles sauvages sont deux facteurs qui augmentent la production de pommes, tandis que l'abondance d'abeilles mellifères n'a pas cet effet. L'augmentation du nombre d'abeilles mellifères ne compensera pas la perte d'abeilles sauvages. Dans les régions où les populations d'abeilles sauvages sont bien implantées, l'ajout d'abeilles mellifères n'a aucun effet pour augmenter le rendement commercialisable.
  • L'habitat naturel augmente la diversité des espèces. L'accroissement de l'habitat naturel dans le paysage entourant les vergers offre une plus grande abondance et une plus grande diversité d'abeilles sauvages et sert de tampon contre les incidences éventuelles liées à l'usage des pesticides.
  • Intensifier l'usage des pesticides réduit l'abondance et la diversité des abeilles sauvages. D'après les données probantes récentes, certains fongicides ont un effet négatif sur les abeilles. Les populations d'abeilles sauvages ont tendance à être plus présentes dans la lutte intégrée dans les vergers classiques. Les abeilles visitent encore les fleurs après le stade du calice, attirées par le nectar qui reste.
  • Les cultivars n'ont pas tous le même pouvoir d'attraction. Les fleurs des cultivars varient sur les plans de la forme, de la morphologie interne et de la distribution du pollen sur les stigmates nécessaires à un jeu complet de pépins. Le comportement butineur des pollinisateurs, le pouvoir d'attraction des fleurs, les exigences de pollinisation, les modes de croissance des tubes polliniques et d'autres caractéristiques ne sont pas pris en compte au cours de la mise au point de nouveaux cultivars.
  • Les abeilles sauvages réussissent mieux le transfert pollinique. Les abeilles sauvages ont tendance à transporter sur leur corps davantage de pollen, à déposer plus de grains de pollen sur les stigmates des fleurs, et le pollen est d'une plus grande pureté (préférences pour les sources de pollen). Les abeilles sauvages, y compris les bourdons, travaillent presque toujours la fleur « par le haut », façon d'aborder la fleur qui favorise le transfert du pollen, tandis que les abeilles mellifères « abordent les fleurs par le côté » et souvent, volent le nectar sans transmettre de pollen.
  • Les abeilles sauvages solitaires cherchent surtout le pollen. Elles utilisent le pollen pour nourrir leur progéniture en développement. Le nectar sert à alimenter l'adulte butineur et une petite partie est utilisée pour maintenir ensemble les boules de pollen dans les cellules individuelles. Un fort pourcentage d'abeilles mellifères visitant les vergers butinent pour prendre le nectar, et non le pollen. Le nectar est un aliment important pour les colonies d'abeilles mellifères.
  • Dans un verger, les abeilles sauvages influencent le comportement des abeilles mellifères. L'augmentation des déplacements entre rangées et le contact avec les pollinisateurs peuvent entraîner une croissance accrue des tubes polliniques et, finalement, de la nouaison.
  • Les abeilles sauvages tolèrent mieux les intempéries que les abeilles mellifères. Nombre d'espèces sont plus actives au printemps, à des températures plus fraîches et par journées venteuses et pluvieuses et sont plus stables sur une vaste plage de températures. Si plusieurs types de pollinisateurs visitent les fleurs, cela peut permettre d'assurer la pollinisation tout au long de la floraison peu importe les conditions environnementales.
  • La densité et la distribution des ressources florales influent sur les profils de butinage. Les abeilles butinent « à partir d'un lieu central », revenant à leurs nids avec les ressources nécessaires pour assurer la croissance des jeunes en développement et, dans les abeilles sociales, le reste de la colonie. La taille corporelle (et la taille de la colonie) influe sur la distance maximale du butinage. Les abeilles mellifères et les bourdons peuvent parcourir de longues distances à la recherche de leur nourriture (de nombreux kilomètres). Pour la plupart, les abeilles solitaires parcourent moins de 500 mètres à partir de leur nid et certaines, moins de 125 m. C'est un facteur important à considérer du point de vue de l'abondance et de la diversité dans les vergers.
  • Dans les vergers aménagés en grands blocs, la diversité et l'abondance des abeilles sauvages tend à être moindre (effet de bordure). Puisque certaines espèces d'abeilles ont une aire de butinage limitée, on a constaté que l'augmentation de l'habitat adéquat dans les grands blocs et aux environs aide à combler les vides de pollinisation attribuables à la distance.
  • L'activité peut durer toute la saison. Certaines espèces spécialisées ne sont actives que pendant un court créneau coïncidant avec la floraison. Par contre, nombre d'autres butinent pendant des mois, parfois de mars à octobre (ou même plus tard). Ces abeilles doivent avoir accès à des plantes où butiner pendant toute la saison pour que leurs populations prospèrent.
  • Les essences à floraison hâtive et les plantes herbacées non graminoïdes (saule Marsault, amélanchier, érable rouge, saule et gainier rouge) sont des sources importantes de pollen pour les pollinisateurs sauvages. La présence de ces essences dans le paysage pourrait expliquer pourquoi l'habitat naturel/semi naturel a un lien avec l'abondance et la diversité des abeilles sauvages.

Voici les trois besoins fondamentaux des abeilles sauvages :

  • Nourriture adéquate pendant leurs périodes d'activité.
  • Sites de nidification sûrs (non dérangés) et accès à de l'eau propre.
  • Protection contre les pesticides.

Vous voulez savoir si les abeilles sauvages abondent dans votre ferme?

Dans le cadre d'un projet conjoint de l'Université de Guelph et de l'équipe de pomiculture du MAAARO au printemps 2018, les chercheurs se pencheront sur la diversité et l'abondance des collectivités de pollinisateurs dans les pommeraies de l'Ontario. Dans ce cadre, on procédera à la collecte et à l'identification des visiteurs des fleurs au cours de la période de floraison de cultivars de valeur dans un certain nombre de vergers un peu partout dans la province. Si vous êtes intéressés à participer à cette enquête, veuillez communiquer avec un membre de l'équipe de pomiculture du MAAARO :

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Pour répondre à la question que vous alliez poser, oui, Il existe une application pour cela!

Participez au projet de collecte de données sur les pollinisateurs des pommes du Nord-Est en téléchargeant l'application « Pollinator » pour recueillir les données de recensement des abeilles. Le guide interactif vous aidera à identifier facilement et à distinguer les abeilles autochtones des abeilles mellifères, tandis que l'évaluation proprement dite ne nécessite que trois observations de cinq minutes par verger pour y déterminer la diversité des abeilles. Tous les renseignements demeurent confidentiels. Pour en savoir plus, visitez la page Northeast Pollinator Partnership (en anglais seulement).

Bibliographies

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  • Park, M. et coll. (2015) Wild Pollinators of Eastern Apple Orchards and How to Conserve Them, 2e édition, Université Cornell, Université d'État Penn et Xerces Society.
  • Park, M.G., E.J. Blitzer, J. Gibbs, J.E. Losey, B.N. Danforth (2015) Negative effects of pesticides can be buffered by landscape context. Proc. R. Soc. B 282:20150299
  • Rands, S.A., H.M. Whitney (2011) Field margins, foraging distances and their impacts on nesting pollinator success. PLoS One 6(10)e25971
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