Introduction

En l’absence de maïs, des céréales comme le blé et l’orge peuvent s’avérer très efficaces dans les rations pour porcs. La présente fiche technique a pour but de fournir des conseils sur l’alimentation des porcs à l’aide de céréales à petits grains comme le blé, l’orge, l’avoine, le seigle et le triticale.

Dans de nombreux pays de même que dans d’autres régions du Canada, le blé et l’orge sont utilisés au quotidien à titre de source principale d’énergie dans les rations pour porcs. Il est également possible d’intégrer aux rations d’autres céréales à petits grains, comme l’avoine, le seigle et le triticale, même si cela se fait généralement selon des taux d’inclusion moindres.

Tout comme le maïs, les conditions de culture et de récolte des céréales à petits grains peuvent avoir des répercussions sur leur valeur nutritive. Si les céréales à petits grains ressemblent au maïs sur le plan de la valeur nutritive, il existe toutefois certaines différences importantes qu’il convient de souligner. Avant tout, les céréales à petits grains sont traditionnellement plus riches en protéines brutes et en lysine que le maïs. Cela signifie que le besoin de compenser par l’intégration de tourteau de soya aux rations sera moins élevé. Les céréales à petits grains présentent également une teneur supérieure en phosphore digestible (ce qui procure des avantages économiques et environnementaux), mais elles ont tendance à être moins riches en énergie.

Au moment de faire la transition vers des rations à base de blé ou d’orge, testez les ingrédients et formulez les rations de manière à combler les besoins de vos porcs en éléments nutritifs. Le tableau 1 présente la teneur moyenne en éléments nutritifs de diverses céréales à petits grains. Le tableau 2 présente les taux d’inclusion maximums recommandés pour les céréales aux différents stades de la production porcine. Pour obtenir des résultats optimaux en matière de rendement de l’animal, testez vos ingrédients et collaborez avec votre nutritionniste pour formuler au mieux les rations.

Orge

On constate une variabilité importante entre les différents cultivars d’orge utilisables dans l’alimentation des porcs. Cette variabilité peut provoquer des différences dans les taux de croissance, la prise alimentaire et l’efficacité alimentaire. Par exemple, par rapport aux cultivars d’orge vêtue, l’orge à grain nu présente une teneur supérieure en protéines brutes et une teneur inférieure en fibres brutes. L’orge à deux rangs est généralement meilleure pour l’efficacité alimentaire, mais elle présente des rendements à l’hectare inférieurs.

L’orge peut servir à remplacer totalement le maïs dans les rations destinées aux porcs en croissance-finition et aux truies en gestation, mais elle devrait être mélangée à une céréale représentant une plus grande source énergétique, comme le blé, pour les rations destinées aux porcelets sevrés et aux truies allaitantes. Les porcs en croissance-finition consommeront de plus grandes quantités d’aliments à base d’orge pour compenser cette teneur énergétique moindre, tandis que les porcelets sevrés ne sont pas en mesure de faire de même. Dans certaines régions du monde, l’inclusion de l’orge (10 à 15 %) dans les rations destinées aux porcelets sevrés est fortement recommandée pour réduire l’incidence de la diarrhée.

La teneur élevée en fibres de l’orge signifie que celle-ci présente une chaleur métabolique dégagée durant l’alimentation plus élevée. En d’autres termes, l’organisme produit plus de chaleur au moment de digérer cet ingrédient qu’au moment de digérer d’autres ingrédients comme le maïs ou le blé. Cela peut s’avérer avantageux pendant l’hiver, mais provoquer une réduction de la prise alimentaire pendant les chauds mois d’été. Cette question ne se pose pas avec les cultivars nus, car la plupart des fibres se trouvent dans les glumes. La taille des particules recommandée est de 700 microns.

Tableau 1. Valeurs nutritives signalées (à la distribution) pour diverses céréales à petits grains. Le maïs figure également dans ce tableau à titre de comparaison.
Nutritives Orge Orge à grain nu Blé roux vitreux Blé tendre rouge Seigle Triticale Avoine Avoine à grain nu Maïs
Matière sèche (%) 89,9 89,6 88,7 86,4 89,4 88,5 89,9 91,8 88,3
Énergie digestible (kcal/kg) 3 150 3 266 3 313 3 450 3 270 3 320 2 627 4 126 3 451
Énergie nette (kcal/kg) 2 327 2 464 2 472 2 595 2 460 2 507 1 893 3 164 2 672
Fibre brute (%) 3,90 1,10 2,57 3,00 2,71 2,54 13,50 2,20 1,98
Protéines brutes (%) 11,33 12,77 14,46 10,92 11,66 13,60 11,16 14,70 8,24
Lysine (%) 0,40 0,51 0,39 0,35 0,43 0,46 0,49 0,56 0,25
Lysine digestible iléale standardisée1 (%) 75 65 82 82 74 78 76 90 74
Phosphore (%) 0,35 0,36 0,39 0,30 0,30 0,33 0,35 0,38 0,26
Digestibilité fécale standardisée2 du phosphore (%) 45 36 56 56 50 56 39 s/o 34
1
Lysine digestible iléale standardisée : le pourcentage de la lysine qui est digérée à la fin de l’intestin grêle.
2
Digestibilité fécale standardisée du phosphore : le pourcentage de phosphore digéré à la fin du tube digestif.
Tableau 2. Taux d’inclusion maximums recommandés pour diverses céréales à petits grains pour des porcs de tailles différentes, et valeur fourragère par rapport à celle du maïs.
Céréale Porcs démarrés Porcs en croissance-finition Truies en gestation Truies allaitantes Valeur fourragère par rapport à celle du maïs
Orge 25 % 95 % 90 % 85 % 95-100
Blé 45 % 95 % 90 % 40 % 100-110
Seigle 10 % 35-50 % 20 % 10 % 100-105
Triticale 25 % 95 % 25 % 40 % 95-105
Avoine1 0-5 % 40 % 90 % 0-15 % 80-85
1
La teneur élevée en fibres de l’avoine signifie qu’elle présente une densité énergétique plus faible. Comme les porcelets et les truies allaitantes ont déjà du mal à consommer suffisamment d’énergie pour satisfaire leurs besoins, il faut limiter l’inclusion d’avoine dans ces rations. Si on utilise de l’avoine affichant un poids spécifique élevé (supérieur à 36 lb/bo), des taux d’inclusion de 5 % pour les porcelets sevrés et de 15 % pour les truies allaitantes peuvent être utilisés.

Blé

Il n’est pas toujours rentable d’inclure du blé dans les rations destinées aux porcs, car cette céréale est principalement cultivée pour la consommation humaine. Toutefois, les avantages obtenus en matière de rotation des cultures peuvent contrebalancer en partie ces coûts supplémentaires. Comme l’orge, des écarts peuvent être observés dans la valeur nutritive du blé. La plupart de ces écarts proviennent davantage des conditions de culture que des différents cultivars. Les blés tendres sont traditionnellement plus pauvres en protéines brutes que les cultivars de blé dur, mais les deux présentent habituellement une teneur en protéines brutes supérieure à celle du maïs. Comme l’orge, le blé est plus riche en lysine que le maïs, et les moindres quantités de lysine synthétique nécessaires peuvent contribuer à la réduction des coûts liés à l’inclusion de blé dans les rations. Le blé présente également une teneur en phosphore disponible supérieure à celle du maïs, réduisant potentiellement la nécessité d’ajouter du phosphore.

Le blé contient en moyenne 5 à 10 % de moins d’énergie que le maïs, mais les taux de croissance des animaux ne sont généralement pas touchés par cet élément. Les porcs en croissance-finition augmenteront simplement leur prise alimentaire pour compenser la perte de teneur énergétique. Pour les porcelets sevrés et les truies allaitantes (et les porcs en croissance-finition), une petite quantité d’énergie supplémentaire peut être ajoutée aux rations pour favoriser l’augmentation de la valeur énergétique globale de l’alimentation.

Comme le blé ne présente pas une chaleur métabolique dégagée durant l’alimentation aussi élevée que l’orge, il est peut-être plus adapté aux étés chauds. Il faut essayer de conserver une taille des particules d’environ 700 microns.

Avoine

L’avoine vêtue, qui est une excellente option pour les truies en gestation, peut représenter jusqu’à 90 % de leurs rations. Elle est très appétente et sa teneur élevée en fibres contribue au sentiment de satiété des truies. La faible densité énergétique que présente l’avoine facilite également le maintien d’une bonne santé relativement à la reproduction. Cependant, la teneur élevée en fibres et faible en énergie fait de l’avoine une option moins intéressante pour les porcs en croissance ou les truies allaitantes. Dans ces situations, seules de faibles quantités d’avoine devraient être intégrées aux rations. L’avoine peut également servir à prévenir la constipation chez les truies, réduire la diarrhée chez les jeunes porcs et prévenir les ulcères chez les truies et les porcs de marché. L’avoine vêtue doit être finement moulue pour éviter que les porcs trient les glumes lorsqu’ils s’alimentent.

L’avoine à grain nu est un ingrédient très différent de l’avoine vêtue, car l’absence de glume accroît significativement sa teneur énergétique. Elle est également plus riche en protéines brutes et en lysine, cette dernière étant plus digestible.

Seigles

Le seigle n’est pas un ingrédient fréquent dans l’alimentation des porcs, mais il peut être utilisé s’il est disponible. Comme le seigle présente quelques problèmes d’appétibilité et certains facteurs anti-nutritionnels potentiels, ses taux d’inclusion sont bien plus faibles que ceux du blé ou de l’orge. La proportion de seigle devrait rester minimale dans les rations des jeunes porcs et des truies allaitantes, et ne devrait pas composer plus 50 % des rations des porcs en croissance-finition. Étant donné que le seigle est plus susceptible d’être contaminé par l’ergot que n’importe quelle autre céréale, il convient de faire des tests pour vérifier l’absence d’ergot, et plus particulièrement si vous envisagez d’en donner à votre troupeau reproducteur.

Au cours des dernières années, de nouveaux cultivars hybrides de seigle présentant moins de facteurs anti-nutritionnels et une résistance accrue à l’ergot ont été élaborés. Plusieurs essais d’alimentation ont été menés sur des porcs en utilisant certains de ces cultivars hybrides, et le rendement des animaux correspondait à celui obtenu dans le cadre d’une alimentation à base de maïs ou de blé lorsque les rations étaient formulées de manière appropriée. À mesure que ces cultivars hybrides de seigle seront perfectionnés, ils deviendront peut-être pour les éleveurs une option plus viable à utiliser dans l’alimentation des porcs.

Triticale

Peu d’études ont été menées sur l’alimentation des porcs à l’aide de triticale. Des études préliminaires en Amérique du Nord ont montré que des porcs en croissance-finition nourris avec des rations composées jusqu’à 95 % de triticale présentaient le même rendement que des porcs nourris au maïs ou à l’orge, du moment que les rations étaient équilibrées sur le plan nutritif. Les taux d’inclusion recommandés restent faibles pour les jeunes porcs et les truies en raison du manque de données scientifiques sur le sujet.

Difficultés potentielles

Mycotoxines

Comme le maïs, les céréales à petits grains peuvent être touchées par la fusariose de l’épi et d’autres maladies pouvant provoquer l’apparition de mycotoxines. Les mycotoxines sont des substances chimiques produites par les moisissures ou les champignons qui infectent différents types de grains. Bien qu’il existe plus de 400 mycotoxines connues, seul un petit nombre d’entre elles sont nocives pour le rendement des porcs. Les principales mycotoxines préoccupantes au Canada sont le déoxynivalénol (DON), l’aflatoxine, la zéaralénone, l’ochratoxine A, les fumonisines, les toxines T-2/HT-2 et l’alcaloïde de l’ergot. Plusieurs facteurs comme la température, l’humidité et la disponibilité de l’oxygène pendant les périodes de croissance, de récolte, de transport ou de stockage ainsi que les dégâts provoqués par des insectes ou des oiseaux peuvent contribuer à la production de mycotoxines.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a établi des directives réglementaires pour l’intégration de céréales contaminées par des mycotoxines dans les aliments du bétail. Ces directives décrivent les niveaux réglementés et tolérés pour certaines mycotoxines dans les aliments du bétail (pour l’ensemble des espèces). Les porcs sont généralement plus sensibles aux mycotoxines que les autres espèces. Les producteurs de porcs devraient donc faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’ils donnent des aliments contenant des céréales contaminées.

La maladie touchant le plus fréquemment les céréales à petits grains est la fusariose de l’épi, qui peut entraîner la production de DON. L’ergot est une autre mycotoxine que l’on peut trouver dans toutes les céréales à petits grains, mais qui est plus fréquente dans le seigle. Dans les rations finales (mélangées) destinées aux porcs, le DON ne devrait pas présenter des concentrations supérieures à 1 ppm, tandis que l’ergot ne devrait pas présenter des concentrations supérieures à 4 à 6 ppm.

Pour lire d’autres documents relatifs à l’alimentation des porcs avec des céréales contaminées par des mycotoxines, veuillez consulter la page Web consacrée aux porcs du MAAARO à l’adresse ontario.ca/elevages.

Qualité des éléments nutritifs

Lorsque les céréales à petits grains présentent un poids spécifique faible, elles sont habituellement plus riches en fibres et plus pauvres en énergie que celles qui présentent un poids spécifique élevé. Il faut tenir compte de cet élément au moment de formuler des rations équilibrées pour les porcs, car donner à ces derniers des céréales présentant un poids spécifique faible peut déboucher sur des taux de croissance plus faibles et une efficacité alimentaire médiocre. Les effets sont identiques à ceux recensés lorsque du maïs de faible poids spécifique est utilisé dans l’alimentation des porcs. Pour ce qui est de l’alimentation à base d’avoine, on recommande que les lots qui présentent un faible poids spécifique ne soient donnés qu’aux porcs lourds en finition ou aux truies en gestation, et en de faibles quantités.

L’inclusion d’enzymes qui dégradent les fibres dans des rations contenant des céréales à petits grains peut considérablement améliorer la digestibilité des éléments nutritifs pour les porcs tout en optimisant le rendement des animaux. Comme c’est le cas pour la pratique qui consiste à inclure de la phytase dans les rations pour favoriser la disponibilité du phosphore, les enzymes qui dégradent les fibres facilitent la rupture des liaisons qui rendent les fibres plus difficiles à digérer. Étant donné qu’il existe de nombreux produits, choisissez avec votre nutritionniste celui qui est le plus adapté à votre situation.

La présence de facteurs anti-nutritionnels dans certains cultivars de seigle et de triticale peut représenter un défi lorsque ces céréales sont intégrées à l’alimentation des porcs. Des inhibiteurs enzymatiques qui agissent sur l’activité des enzymes permettant la digestion des protéines (trypsine et chymotrypsine) réduisent la capacité des porcs à utiliser les protéines alimentaires aux fins de gain musculaire et peuvent avoir des répercussions sur la santé des porcs. Cependant, des cultivars plus récents de ces céréales ont été créés pour réduire ces facteurs anti-nutritionnels et peuvent souvent être inclus dans les rations sans aucun problème. Vous devez travailler avec votre nutritionniste pour vous assurer que les céréales que vous utilisez sont adaptées à l’alimentation des porcs.

Répercussions sur la qualité de la viande

Plusieurs études indiquent que le fait de remplacer le maïs par du blé ou de l’orge n’aura aucun effet négatif sur les caractéristiques de qualité des carcasses de porcs, y compris le rendement à l’abattage, le rendement en maigre, l’épaisseur de la longe et la teneur en gras lorsque les rations sont formulées de manière appropriée. Cependant, certains marchés de consommation préfèrent les porcs élevés avec une alimentation à base de blé. C’est notamment le cas du Japon, où les consommateurs souhaitent que le porc ressemble au porc produit localement et qu’il présente la même saveur. Le Japon est un marché d’exportation rentable pour la viande de porc canadienne, et celle qui est sélectionnée pour entrer sur ce marché provient habituellement de porcs nourris avec des aliments à base de blé ou d’un mélange de blé et d’orge.

Conclusion

De par le monde, des millions de porcs sont nourris avec des aliments à base de céréales à petits grains. En Ontario, de nombreux porcs en finition reçoivent des rations à base de blé ou d’orge, ou d’un mélange de blé et d’orge, pour améliorer les caractéristiques des carcasses destinées au marché japonais. Bien que cela exige certains efforts et une bonne relation avec votre nutritionniste, il est possible de mettre en place un bon programme d’alimentation avec ces ingrédients. Si vous avez des questions ou souhaitez en savoir plus sur l’alimentation des porcs à base de céréales à petits grains, veuillez consulter le site Web du MAAARO.

Ressources

Charmley, L.L. et H.L. Trenholm. RG-8 Directives réglementaires : Section 1 : Mycotoxin[e]s dans les aliments du bétail. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2015

Comparaison des valeurs nutritives d’aliments pour les porcs

Feeding Small Grains to Swine. Iowa State University. (en anglais seulement)

INRAE-CIRAD-AFZ Feed Tables. (en anglais seulement)

Nutrient Requirements of Swine. National Research Council of the National Academies, 2012 (en anglais seulement)

Tri-State Swine Nutrition Guide. Purdue University, The Ohio State University & Michigan State University. (en anglais seulement)

Small Grains for Livestock: A Meta-Analysis. University of Wisconsin-Platteville. (en anglais seulement)

La présente fiche technique a été préparée par Laura Eastwood, spécialiste de la production porcine au MAAARO, à Stratford. Nous tenons à remercier M. Elijah Kiarie (Ph. D.), professeur agrégé du département des biosciences animales à l’Université de Guelph, d’avoir relu cette fiche.