L’hiver étant la saison idéale pour faire des projets, vous en êtes peut-être à planifier la plantation de votre verger pour les deux ou trois prochaines années. Les pommiers sont commandés, vous avez décidé de l’endroit où les planter et vous vous demandez maintenant quelle serait la densité de plantation optimale pour vos cultivars. Vous envisagez peut-être une densité supérieure ou un système de treillis en V pour maximiser la productivité, sans toutefois savoir si une telle augmentation du coût de production en vaudrait la peine. Des chercheurs de l’Université Cornell de l’État de New York ont récemment publié les conclusions d’une étude menée pendant 20 ans sur le rendement des vergers de pommes « Gala », « Fuji », « McIntosh » et « Empire », selon des densités allant de 240 arbres l’acre à 2200 arbres l’acre et suivant une configuration conique à port érigé, comme dans la plupart des vergers de l’Ontario, ou la configuration en V qui est aujourd'hui largement adoptée dans l’État de Washington (Lordan et al. 2018a, b). Le présent article résume l’étude de Lordan et al. (2018a, b) qui porte à la fois sur la productivité du verger et sur son rendement économique.

Méthodes

Les chercheurs Lordan et al. (2018a, b) ont mené un essai répété sur le terrain suivant huit densités différentes et deux formes d’arbre distinctes sur un sol non irrigué, constitué de loam sablo-argileux. Les pommiers ont été plantés à raison de 240 arbres à l’acre sur des porte-greffes M.7 et de 340 arbres l’acre sur des porte-greffes M.26. Aux densités supérieures, les arbres étaient établis sur des porte-greffes M.9T337. Les arbres coniques plantés selon des densités de 240 à 910 arbres l’acre étaient soutenus par un treillis à fil simple tendu sur des piquets en acier. Les arbres coniques plantés à plus haute densité étaient soutenus par un treillis à trois fils. Lors de l’élagage annuel, deux ou trois grosses charpentières ont été coupées en biseau afin de stimuler la nouvelle pousse. Les rameaux latéraux ont été simplifiés sans couper la pointe, sauf pour les arbres plantés à une densité de 2200 arbres l’acre, dont les rameaux ont été raccourcis pour ne laisser que des dards à moins de 50 cm du tronc.

Pour les arbres à ramure en V, ceux qui étaient plantés à une densité allant de 240 à 670 arbres l’acre étaient soutenus par un treillis à six fils (trois de chaque côté). La ramure a été divisée en conduisant la moitié des branches sur un côté du treillis, et l’autre moitié sur l’autre côté. Suffisamment de branches ont été attachées de manière à en laisser une tous les 20 cm le long du treillis. Une simplification a été effectuée chaque année et à partir de la sixième année, une branche par an a été enlevée et la nouvelle repousse a été attachée au fil. Aux densités plus élevées, la ramure a été divisée en inclinant les arbres de part et d’autre en alternance sur un treillis formé de deux fils tendus sur des conduits inclinés à 15 degrés de chaque côté. Les arbres ont été élagués de façon similaire aux arbres coniques en effectuant des tailles de renouvellement, sauf pour les branches qui ont poussé au milieu et qui ont tout de suite été supprimées en coupant près du tronc.

Les paramètres liés au rendement, à la croissance et à la qualité des fruits ont tous été évalués. La valeur actualisée nette (VAN) a été déterminée à partir du bénéfice net tiré du rendement fruitier et du coût d’investissement total, moins la valeur future de l’argent à un taux de 5 % (intérêt et inflation). Le revenu a été calculé à partir du rendement de la récolte, du nombre de fruits et de leur catégorie au conditionnement. Les coûts d’investissement ont été établis d’après les coûts comptabilisés de la conduite et de l’élagage des arbres, les coûts d’établissement, les coûts de gestion et d’autres frais provenant de moyennes enregistrées chez les pomiculteurs de l’État de New York.

Résultats et discussion

Les arbres coniques à port érigé par rapport aux arbres à ramure en V

Selon l’étude de Lordan et al. (2018a, b), dans l’ensemble, les pommiers de forme conique ont offert un meilleur rendement que ceux à ramure en V. Les arbres coniques ont produit des rendements cumulatifs supérieurs à ceux des arbres en V pour les variétés « Empire », « McIntosh » et « Gala », et des rendements cumulatifs similaires dans le cas de la variété « Fuji ». Quant à la qualité des fruits, les paramètres étaient semblables pour les deux formes de ramure, à quelques exceptions près : pour « Empire », la ramure conique a enregistré un degré Brix considérablement plus élevé, pour « McIntosh », le treillis en V a produit des pommes plus grosses, et pour « Fuji » et « Gala », la ramure en V a produit des fruits plus fermes.

Les chercheurs Lordan et al. (2018b) ont calculé la VAN cumulative en fonction de la durée de vie de 20 ans du verger. La forme conique a produit une VAN cumulative supérieure pour « Empire », « Gala » et « McIntosh », tandis qu'aucun écart notable n'a été relevé pour la variété « Fuji ».

Dans l’État de Washington, le treillis en V est beaucoup plus répandu, car il permet de maximiser le captage de la lumière. Les résultats de l’étude de Jordan et al. (2018a, b) montrent qu'une méthode qui fonctionne bien dans les conditions d’ensoleillement de l’État de Washington n'est pas forcément la meilleure dans nos régions plus nuageuses. Le coût d’établissement des arbres en V est également plus élevé par rapport aux arbres coniques, ce qui influe considérablement sur la VAN, surtout que la ramure en V n'offre pas d’avantage sur le plan du rendement.

Densité de plantation

Les chercheurs Lordan et al. (2018a) ont calculé la densité de plantation optimale à observer pour chaque forme de ramure en vue de maximiser le rendement cumulatif. Pour la ramure conique, leurs calculs indiquent une densité de plantation optimale de 2200 arbres l’acre pour « Gala » et « Fuji », et de 1500 arbres l’acre pour « McIntosh » et « Empire ». Pour la ramure en V, les calculs indiquent une densité de plantation optimale de 2200 arbres l’acre pour « Gala », « Fuji » et « Empire », et de 1400 arbres l’acre pour « McIntosh ».

L’étude de Lordan et al. (2018a) a révélé que la densité de plantation influe sur le calibre des fruits. Pour les variétés « Gala », « Fuji » et « Empire », les arbres coniques ont montré une tendance à produire des fruits de calibre supérieur lorsqu'ils étaient plantés à une densité inférieure. Aucun écart notable n'a été relevé sur le plan de la densité pour les arbres coniques « McIntosh ». Dans le cas des arbres en V, le calibre des fruits a été plus élevé à une densité de 910 arbres l’acre pour « Gala », « Fuji » et « Empire », et à des densités de 1300 et de 2200 arbres l’acre pour « McIntosh ».

La densité de plantation a également influé sur le pourcentage de rouge de tous les cultivars (Lordan et al. 2018a). Les arbres coniques « Empire » ont montré le plus fort pourcentage de rouge à la densité la plus faible, soit 240 arbres l’acre. Pour les arbres coniques « McIntosh », le meilleur pourcentage de rouge a été obtenu à des densités de 340 à 908 arbres l’acre. Chez les arbres coniques « Fuji », le pourcentage de couleur a été le plus élevé à 420 arbres l’acre et a baissé lorsque les densités étaient plus élevées (650 à 2200 arbres l’acre) ainsi qu'à la densité la plus faible (240 arbres l’acre). Une tendance similaire a été observée chez les arbres coniques « Gala », dont le pourcentage de couleur a été le plus élevé à 520 arbres l’acre et a diminué aux densités plus élevées (910 à 2200 arbres l’acre) ainsi qu'à la densité la plus faible (240 arbres l’acre). Chez les pommiers à ramure en V, l’effet de la densité de plantation sur le pourcentage de rouge a été à peu près le même que chez les arbres coniques, sauf que la densité la plus élevée (2200 arbres l’acre) a donné un pourcentage de rouge inférieur par rapport aux pommiers « McIntosh », « Fuji » et « Gala » plantés à des densités plus faibles.

Les chercheurs Lordan et al. (2018b) se sont penchés sur l’aspect économique des différentes densités de plantation en examinant la VAN cumulative pendant 20 ans et l’année du seuil de rentabilité. Ils ont déterminé la densité de plantation optimale par rapport à la VAN pour chaque cultivar et chaque forme d’arbre (Tableau 1). À l’aide de la VAN, ils ont également calculé l’année du seuil de rentabilité et l’année de récupération des coûts d’établissement et de production (Tableau 1).

Tableau 1. Densités de plantation qui ont donné des valeurs actualisées nettes (VAN) optimales et négatives, et valeurs inférieures et supérieures relatives aux années du seuil de rentabilité pour les arbres coniques ou les arbres à ramure en V » Empire « , » Fuji « , » Gala « et » McIntosh « (adapté de Lordan et al. 2018b)
Forme de la ramureCultivarDensités de plantation optimales (arbres à l’acre) pour la VANDensités de plantation (arbres à l’acre) donnant une VAN négativeDensités associées à des valeurs inférieures quant à l’année du seuil de rentabilité
Arbres/acre
Densités associées à des valeurs inférieures quant à l’année du seuil de rentabilité
Année du seuil de rentabilité
Densités associées à des valeurs supérieures quant à l’année du seuil de rentabilité
Arbres/acre
Densités associées à des valeurs supérieures quant à l’année du seuil de rentabilité
Année du seuil de rentabilité
ConiqueEmpire
810
2200
420, 670
10
2200
21
ConiqueFuji
490
240, 910–2200
340–520
13
240, 908–2200
21
ConiqueGala
1200
Nil
520–910
8
240
16
ConiqueMcIntosh
970
240, 1300– 2200
670
10
240, 1300–2200
21
VEmpire
570
240, 910–2200
520
10
240, 2200
21
VFuji
240
240, 1300–2200
340-520
12
240, 1300–2200
21
VGala
240
Nil
520
8
2200
14
VMcIntosh
850
240, 1300–2200
520
12
240, 1300–2200
21

Conclusions

Dans les deux articles publiés par les chercheurs, la densité de plantation optimale relative au rendement est supérieure à la densité optimale relative à la VAN. Ces résultats sont attribuables au fait que les coûts augmentent de façon linéaire à mesure que la densité de plantation augmente, tandis que le rendement supplémentaire lié aux densités supérieures commence à se stabiliser lorsque la densité augmente (Lordan et al. 2018b). Dans le cas de « Fuji », la densité optimale pour la VAN est faible avec les arbres coniques parce que le phénomène de l’alternance a réduit les rendements cumulatifs comparativement à d’autres variétés et que les arbres ont mis beaucoup plus longtemps à atteindre le seuil de rentabilité aux densités élevées qui sont associées à des coûts d’établissement supérieurs (Lordan et al. 2018b).

Références

Lordan, J., P. Francescatto, L. I. Dominguez, T. L. Robinson. « Long-term effects of tree density and tree shape on apple orchard performance, a 20 year study - Part 1, agronomic analysis », Scientia Horticulturae, vol. 238, 2018a, p. 303-317.

Lordan, J., M. Gomez, P. Francescatto, T. L. Robinson. « Long-term effects of tree density and tree shape on apple orchard performance, a 20 year study - Part 2, economic analysis », Scientia Horticulturae, vol. 238, 2018b, p. 435-444.