Qu'est-ce qu'un nématode?

Les nématodes sont des organismes microscopiques qui ont la forme d'anguilles et qui vivent dans le sol et dans l'eau. Ce sont les organismes multicellulaires les plus abondants sur terre. La plupart des nématodes terricoles sont des organismes utiles qui contribuent à décomposer la matière organique et à rendre biodisponibles les éléments nutritifs qu'elle renferme. Certains nématodes utiles exercent une prédation sur d'autres nématodes ainsi que sur des insectes, des champignons et des bactéries nuisibles vivant dans le sol. Malheureusement, plusieurs espèces se nourrissent à la surface ou à l'intérieur de racines, de tiges et de bulbes, et occasionnent ainsi des baisses de rendement importantes dans les grandes cultures et les cultures horticoles pratiquées en Ontario (figure 1).

Figure 1. Les fraisiers infestés par des nématodes paraissent rabougris (à gauche) et produisent moins de fraises que les plants épargnés (à droite).

Figure 1. Les fraisiers infestés par des nématodes paraissent rabougris (à gauche) et produisent moins de fraises que les plants épargnés (à droite).

Les pièces buccales des nématodes phytoparasites comprennent un stylet creux qui fait penser à une seringue hypodermique. Une fois enfoncé dans les cellules végétales, le stylet injecte des enzymes qui décomposent le contenu des cellules. Le stylet sert aussi au nématode à retirer le contenu cellulaire partiellement digéré. Certains nématodes, comme le nématode cécidogène et le nématode à kystes, s'établissent en un point précis d'où ils s'alimentent pendant le reste de leur cycle biologique. D'autres nématodes, comme le nématode des racines, creusent la racine, s'alimentant et causant des dommages tout le long de leur parcours. Quand les plantes et racines infestées meurent à l'automne, les nématodes des racines migrent des racines vers le sol.

Nématodes phytoparasites en ontario

On trouve en Ontario plusieurs types différents de nématodes phytoparasites. Il y a le nématode à kystes du soya (Heterodera glycines), qui se propage dans différentes parties du sud-ouest ontarien, le nématode à kystes de l'avoine (H. avenae), le nématode à kystes de la betterave (H. schachtii), le nématode cécidogène du nord (Meloidogyne hapla), le nématode des tiges et des bulbes (Ditylenchus dipsaci), le nématode à dague (Xyphinema sp.) et le nématode des racines (Pratylenchus penetrans). À l'exception du nématode à kystes de la betterave, qui peut infecter plus de 220 hôtes et notamment la plupart des crucifères cultivées, les nématodes à kystes ont généralement tendance à avoir une gamme restreinte d'hôtes. Le nématode des tiges et des bulbes possède quant à lui un vaste éventail d'hôtes. Il existe plusieurs races de ce nématode qui, en général, n'est véritablement menaçant en Ontario que pour les cultures d'oignon et d'ail. Le nématode cécidogène du nord possède lui aussi un vaste éventail d'hôtes; il s'attaque particulièrement aux carottes. Le nématode des racines est considéré comme étant le nématode phytoparasite ayant la plus grande incidence économique sur les cultures de fruits et légumes en Ontario. Il parasite un vaste éventail d'hôtes, notamment de nombreuses espèces de mauvaises herbes indigènes.

Cycle biologique des nématodes

Chez la plupart des nématodes phytoparasites, les femelles pondent leurs œufs dans le sol ou dans les racines, ou les gardent en elles dans des kystes. Une fois les œufs éclos, les jeunes nématodes nagent en direction de racines avoisinantes et s'en nourrissent. Dans bien des cultures, les dommages causés par les nématodes ouvrent la voie à des infections par des organismes pathogènes, ce qui contribue à abaisser encore davantage les rendements. Durant la saison de croissance, les nématodes complètent leur cycle biologique en trois à six semaines, selon les conditions de température et d'humidité. Des conditions de température et d'humidité extrêmes contribuent à éliminer certaines espèces de nématodes.

Indices de la présence de nématodes

Les signes d'infestations par des nématodes diffèrent selon la culture et le type de nématode. Les plantes endommagées par des nématodes sont habituellement réunies par plaques ou le long d'un rang. Les plants infestés paraissent rabougris, fanés et chétifs. L'alimentation des nématodes provoque l'apparition de symptômes comme le jaunissement des tissus, la torsion des tiges, le gonflement des collets et des bulbes, la formation de galles sur les racines ainsi que des racines fourchues et déformées. De fortes populations de nématodes phytoparasites dans le sol peuvent faire mourir les jeunes plants. Souvent, les dommages causés par les nématodes passent inaperçus en raison de la difficulté à diagnostiquer les dommages et les infestations, ce qui entraîne des pertes culturales de millions de dollars annuellement. Le prélèvement d'échantillons de sol et/ou de racines à des moments précis de l'année et l'analyse de ces échantillons par des laboratoires accrédités chargés de l'identification et du dénombrement des nématodes permettent d'éviter ou à tout le moins de réduire les risques d'infestations des cultures par ces organismes.

Les nématodes des racines font apparaître sur les poils absorbants de minuscules lésions semblables à des égratignures, qui ouvrent la voie à des infections par des organismes terricoles responsables de la pourriture des racines (figure 2). Les nématodes des racines sont d'ailleurs souvent associés à des complexes de maladies dans lesquels interviennent d'autres agents pathogènes d'origine terricole qui contribuent à accroître l'incidence de la maladie et à abaisser les rendements de façon beaucoup plus marquée que lorsque les champignons pathogènes ou les nématodes sont seuls en cause. Certains nématodes parasites comme le nématode à dague sont des vecteurs de phytovirus.

Figure 2. Lésions en forme d'égratignures sur des racines de fraisiers, pouvant avoir été causées par les nématodes des racines.

Figure 2. Lésions en forme d'égratignures sur des racines de fraisiers, pouvant avoir été causées par les nématodes des racines.

La présence sur les racines de petites structures semblables à des perles le long des poils absorbants peut être l'indice d'une infestation par le nématode à kystes. Les petits kystes peuvent être blancs, jaunes ou bruns, selon l'espèce de nématode à kystes. Le nématode cécidogène du nord fait paraître les racines trapues et renflées et stimule à l'excès la croissance des racines secondaires, ce qui donne à la masse racinaire un aspect échevelé (figure 3). L'apparition dans un champ de zones à l'intérieur desquelles les plants présentent des symptômes racinaires inhabituels ou une pourriture sévère des racines, ou encore l'apparition, par plaques, de plants qui dépérissent peut être le signe d'une infestation par des nématodes et justifie l'analyse d'échantillons de racines ou de sol.

Figure 3. Renflement des racines caractéristique des dommages causés par le nématode cécidogène sur des racines de fraisier.

Figure 3. Renflement des racines caractéristique des dommages causés par le nématode cécidogène sur des racines de fraisier.

Quand prélever les échantillons de racines

Les prélèvements d'échantillons de racines et de sol avec racines peuvent se faire en tout temps, à condition que le sol ne soit pas gelé. Pendant la saison de croissance active, toutefois, les nématodes vivent et se nourrissent à l'intérieur ou le long des racines, surtout au cours des saisons chaudes et sèches. Durant la saison de croissance, pour faire confirmer un diagnostic d'infestation par des nématodes dans une zone en particulier d'une jeune culture, prélever séparément, de plants affichant des symptômes et de plants asymptomatiques, la motte racinaire au complet avec le sol qui l'entoure. Si un verger, un vignoble ou une culture vivace manque d'uniformité, creuser le sol et prélever soigneusement des échantillons de 10-20 g (poids frais) de poils absorbants sur les racines des sujets atteints et les soumettre à l'analyse. Inutile de prélever des échantillons de racines sur des plants morts, car les nématodes les auront déjà désertées ou seront déjà morts. Placer les échantillons dans un sac de plastique à l'abri des rayons du soleil et dans un endroit frais pendant le transport vers le laboratoire de diagnostic.

Quand prélever les échantillons de sol

Le meilleur moment pour échantillonner le sol en vue d'en évaluer les populations de nématodes est le printemps une fois que le sol s'est réchauffé, ou l'automne, peu après la récolte. Ne pas prélever d'échantillons quand les champs sont très mouillés. Les champs qui ont déjà été infestés de nématodes peuvent être échantillonnés périodiquement afin de déterminer si les populations frôlent ou dépassent les seuils de nuisibilité économique.

Les populations de la plupart des nématodes phytoparasites dans le sol ont tendance à culminer en septembre et octobre une fois que la partie aérienne des cultures s'est fanée et est morte. C'est là le meilleur moment de l'année pour dénombrer les nématodes. Un échantillonnage réalisé en début d'automne laisse le temps aux producteurs de décider si la fumigation doit se faire à l'automne ou au printemps, ou quelle culture ils doivent pratiquer le printemps suivant. Il leur laisse aussi le temps de mettre en œuvre un programme de lutte intégrée avant d'utiliser le champ pour une culture sensible. L'échantillonnage réalisé au printemps avant les semis peut également être fiable.

Où prélever les échantillons

Les points de prélèvement des échantillons de sol destinés à l'évaluation des populations de nématodes dépendent de la raison de l'échantillonnage du sol, du type de culture pratiquée dans le champ et du type de nématodes visés par l'échantillonnage. Si l'échantillonnage qui doit servir au dénombrement des nématodes vise à diagnostiquer un problème dans une culture en rangs au cours de la saison de croissance, prélever 8-10 carottes de sol à proximité de plants malades ou sur le pourtour de zones gravement atteintes. À des fins de comparaison, prélever séparément 8-10 autres carottes de sol autour de plants sains (figure 4). Lors de l'échantillonnage du sol effectué dans des cultures en rangs au cours de la saison de croissance, dans des plantations d'arbres ou dans des cultures vivaces, il est très important d'inclure des poils absorbants dans l'échantillon de sol, car beaucoup de nématodes y vivent.

Dans le cas d'arbres fruitiers ou d'arbustes ornementaux individuels qui sont soupçonnés d'être infestés de nématodes, il vaut mieux prélever les échantillons de sol sur le pourtour du feuillage, et dans les zones situées situées entre les extrémités des branches et le tronc (figure 5).

Figure 4. Schéma d'échantillonnage de zones endommagées ou de plaques infestées.

Figure 4. Schéma d'échantillonnage de zones endommagées ou de plaques infestées.

Figure 5. Schéma d'échantillonnage pour des arbres ou arbustes individuels.

Figure 5. Schéma d'échantillonnage pour des arbres ou arbustes individuels.

Lorsque l'échantillonnage vise à déterminer si la population de nématodes a atteint le seuil de nuisibilité économique dans une culture en rangs, prélever les échantillons de sol sur le rang, autour de plants en croissance active, afin d'obtenir des échantillons qui renferment des poils absorbants (figure 6). Quand les échantillons sont prélevés à l'automne dans des champs en jachère une fois le feuillage fané ou au printemps avant les semis, il vaut mieux prélever les échantillons en parcourant le champ suivant un tracé en Z, en W ou en M (figure 7). Un même échantillon de sol ne doit pas représenter plus de 2,5 ha.

Figure 6. Schéma d'échantillonnage pour des cultures en rangs.

Figure 6. Schéma d'échantillonnage pour des cultures en rangs.

Figure 7. Schéma d'échantillonnage réalisé à l'automne une fois le feuillage fané ou au printemps avant les semis. Ce schéma peut aussi servir dans les champs en jachère et dans les cultures qui ne sont pas en rangs

Figure 7. Schéma d'échantillonnage réalisé à l'automne une fois le feuillage fané ou au printemps avant les semis. Ce schéma peut aussi servir dans les champs en jachère et dans les cultures qui ne sont pas en rangs.

Comment échantillonner le sol

Les nématodes sont rarement répartis uniformément dans un champ, sans compter que leurs populations fluctuent au cours de la saison de croissance. Prélever les échantillons de sol à environ 20 cm (8 po) de profondeur à l'aide d'une tarière de 2,5 cm (1 po) de diamètre (figure 8). Les échantillons de sol peuvent aussi être prélevés à l'aide d'une pelle étroite ou d'une truelle; toutefois, cette méthode est moins fiable que l'utilisation de la tarière. Les saisons marquées par des conditions extrêmes de pluie, de sécheresse, de chaleur ou de froid peuvent avoir une influence sur les niveaux de populations, surtout dans les 2,5-5 premiers centimètres (1-2 po) de sol, d'où l'importance d'éliminer cette couche superficielle de sol, que les nématodes fuient normalement en pareilles conditions. Recueillir les carottes de sol dans un seau propre, bien mélanger le sol mais avec délicatesse et le déposer dans un contenant ou un sac de plastique étiqueté. Ne jamais laisser un échantillon de sol exposé à des températures très chaudes ni s'assécher. Conserver les échantillons de sol dans une glacière bien pourvue en glaçons jusqu'au moment de leur transfert dans une chambre froide ou de leur analyse.

Figure 8. Échantillonnage du sol à l'aide d'une tarière de 2,5 cm (1 po) de diamètre. Les échantillons de sol sont recueillis dans un seau propre et envoyés à un laboratoire d'analyse en vue du dénombrement des nématodes.

Figure 8. Échantillonnage du sol à l'aide d'une tarière de 2,5 cm (1 po) de diamètre. Les échantillons de sol sont recueillis dans un seau propre et envoyés à un laboratoire d'analyse en vue du dénombrement des nématodes.

Nombre de carottes de sol par unité de superficie

Le nombre de carottes de sol nécessaires pour évaluer les niveaux de populations de nématodes dépend de la superficie échantillonnée (tableau 1). L'échantillon soumis au laboratoire ne doit jamais représenter plus de 2,5 ha. Il faut tout juste suffisamment de sol pour donner une idée représentative de la population dans le sol. Le tableau 1 indique combien de carottes sont nécessaires pour obtenir un échantillon représentatif. Si le profil de sol varie dans un même champ, prélever des échantillons distincts pour chaque profil de sol. Envoyer les échantillons de sol à une clinique ou à un laboratoire de diagnostic apte à isoler, à identifier et à dénombrer les nématodes.

Table 1. Number of soil core samples/area required to estimate nematode populations
Zone Number of soil cores/sample
< 500 m2 8 - 10
500 m2 - 0,5 ha 25 - 35
0,5 ha - 2,5 ha 50 - 60

Seuil de nuisibilité économique

Les seuils de nuisibilité économiques sont déterminés d'après les populations initiales qui gonfleront au fil de la saison de croissance et qui causeront des dommages ayant une incidence économique. Le seuil de nuisibilité économique correspond au nombre de nématodes par kilogramme de sol. Ce seuil est souvent différent d'une culture à l'autre et pour chaque espèce de nématode (tableau 2). Lorsque le seuil de nuisibilité est atteint, que celui soit aussi élevé que 1000 nématodes des racines/kg de sol, comme dans le cas de la plupart des légumes, ou aussi faibles que 500/kg de sol, comme dans le cas des fraisiers, les pertes de rendement peuvent être considérables. Si le rapport d'analyse de sol indique des populations de nématodes supérieures au seuil établi, la mise en œuvre d'une stratégie de lutte intégrée contre les nématodes s'impose.

Tableau 2. Seuils de nuisibilité économique des populations de nématodes phytoparasites dans le sol et les racines
Nématode Seuil de nuisibilité économique Cultures
Sol
(nématodes/kg de sol)
Racines
(nématodes/50 g de racines sèches)
Des racines 500   fraisier
2,000   cultivars de tomates de transformation à croissance vigoureuse
1,000 50 la plupart des autres cultures
Cécidogène 0 0 carotte, panais, tomate
500   oignon, pomme de terre
1,000   la plupart des autres cultures
Du pin 5,000   la plupart des cultures
À dague 100   la plupart des cultures
Des tiges et des bulbes 100   la plupart des cultures
De la betterave 2,000 larva or eggs (> 250 cysts)   betteraves à sucre, crucifères
À kystes du soya 2,000 larva or eggs (> 250 cysts)   soya

La présente fiche technique a été rédigée par Michael Celetti, phytopathologiste, chef du programme de pathologie - Horticulture, MAAARO, Guelph, et John Potter, Ph.D., nématologiste, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Centre de recherches du Sud sur la phytoprotection et les aliments, Vineland.


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Sans frais : 1 877 424 1300
Courriel :ag.info.omafra@ontario.ca