La nécessité des apports de soufre (S) aux cultures fourragères apparaît de plus en plus évidente. Selon Environnement Canada, les efforts concertés pour réduire les pluies acides depuis les 30 dernières années ont mené à une réduction globale des dépôts de soufre atmosphérique de 22 à 27 lb/ac/an en 1990 à 9 lb/ac/an en 2010. À la lueur de la diminution de soufre atmosphérique à l'état libre, des recherches réalisées récemment en Ontario sur du maïs ont montré que les effets du S sur la culture étaient variables et non uniformes. Des études similaires sur la luzerne ont aussi montré des effets très variés des apports de S sur les rendements.

Le soufre est un élément nutritif indispensable aux plantes pour former deux des 21 acides aminés et assurer la synthèse des enzymes et des vitamines utilisées pour la formation de chlorophylle. Dans les cultures de légumineuses, il a été démontré que le soufre joue un rôle important dans la fixation de l'azote.

Étude de cas sur la luzerne

En juin 2014, on a appliqué sur trois bandes, dans une parcelle de luzerne de cinq ans au site de FarmSmart Expo à la station de recherche d'Elora, le même traitement de 200 lb/ac de sulfate de potassium (~36 lb de S/ac) pour le comparer à des parcelles non fertilisées. Aucun autre engrais n'avait été appliqué à cette parcelle depuis son ensemencement. Bien que le rendement n'ait pas été mesuré en 2014, l'effet de l'apport d'engrais a été marqué, puisque les bandes fertilisées étaient plus hautes, plus touffues et d'un vert beaucoup plus foncé que les zones du champ n'ayant pas reçu de soufre. Ces bandes fertilisées étaient encore visibles au printemps de 2015 (figure 1) et contenaient davantage de luzerne comparativement aux bandes non fertilisées, d'un vert plus pâle, qui étaient surtout constituées de graminées. Les rendements ont été mesurés à la deuxième coupe (20 juillet). Le rendement en matière sèche et le pourcentage de matière sèche provenant de graminées et de luzerne ont été mesurés et consignés à la figure 2.

L'apport de sulfate de potassium a eu un effet important sur le rendement, les rendements en matière sèche ayant plus que doublé au site d'Elora. L'effet sur le rendement était surtout marqué dans la luzerne; dans les bandes témoins (sans apport d'engrais), la luzerne représentait en effet 68 % de la matière sèche contre 100 % dans les bandes traitées au sulfate de potassium.

À des fins d'évaluation de l'effet du S sur les rendements, des échantillons de sol ont été prélevés à 6 po de profondeur en mai 2015, et des échantillons foliaires ont été prélevés à la fin du stade de bourgeonnement de la repousse après la deuxième coupe (tableau 1).

Image

Figure 1. Effet de l'application de sulfate de potassium effectuée en 2014 sur le rendement de la luzerne en 2015, station de recherche d'Elora, Université de Guelph, 25 mai 2015.

Image
Image

 

 

 

 

 

 

Figure 2. Rendement fourrager (2ième coupe) après fertilisation l'année précédente à raison de 200 lb/ac de sulfate de potassium.

Tableau 1. Teneurs moyennes de sulfate de potassium dans le sol et teneurs en S dans les tissus de luzerne dans des parcelles fertilisées et non fertilisées à la station d'Elora.

Traitement Sulfate dans le sol (ppm) S dans les tissus (%)
Témoin (sans engrais)
0,51
0,20
0-0-50-18S @ 200 lb/ac
0,10
0,28

Tableau 2. Résultats des analyses de tissus dans les parcelles fertilisées et non fertilisées.

Élément Sans apport d'engrais 0-0-50-18,5S
200 lb/ac
Signification statistique
S
0,21
0,28
*
N
3,81
4,45
*
Ca
2,52
2,46
ns
P
0,46
0,42
ns
K
2,49
2,01
*
Mg
0,48
0,51
ns
Zn
56,13
48,76
ns
Mn
28,48
27,87
ns
Cu
12,21
14,4
ns
Fe
75,52
82,78
ns
B
58,72
46,15
ns

* La valeur dans les parcelles fertilisées était significativement plus élevée que celle dans les parcelles non fertilisées.
« ns »: la valeur n'était pas significativement différente entre les parcelles fertilisées et les parcelles non fertilisées.

L'analyse pour la teneur du sol en sulfate, effectuée en mai, n'a pas semblé être une bonne variable descriptive de l'effet du S à cet endroit, étant donné que les parcelles non fertilisées présentaient des teneurs en soufre plus élevées que les parcelles fertilisées. D'importantes différences entre les teneurs en S dans les tissus ont été observées entre les bandes fertilisées et les bandes non fertilisées. Par ailleurs, les teneurs en S des échantillons non fertilisés étaient légèrement inférieures aux concentrations critiques de 0,22 % (Guide agronomique des grandes cultures, MAAARO) et celles des bandes fertilisées étaient nettement supérieures.

Autres recherches

Une recherche distincte menée par John Lauzon à la station de recherche d'Elora a aussi montré que le S avait un effet important sur les rendements ainsi qu'un effet résiduel l'année suivante. En 2014, du soufre a été appliqué sur des parcelles à raison de 5 à 50 lb de S/ac, et ces apports ont eu des effets importants sur les rendements. En 2015, on a de nouveau observé des rendements plus élevés dans la luzerne dans les parcelles où du soufre avait été appliqué en 2014. Il est intéressant de noter que les rendements dans ces parcelles résiduelles ont encore augmenté lorsqu'on a effectué un apport additionnel de 36 lb de S/ac à la moitié de chaque parcelle en 2015. Cela laisse croire que dans les champs où l'effet du S est très marqué, il peut être nécessaire de faire des applications annuelles pour maximiser les rendements.

Durant l'année d'application, la forme de l'engrais a aussi semblé importante. À quantités égales, les apports d'engrais sulfatés assimilables ont eu un effet beaucoup plus important sur les rendements que le soufre élémentaire qui doit d'abord être transformé en sulfate par les microorganismes du sol.

L'effet du S sur les rendements dans les sites de la station de recherche d'Elora a été évident et a été observé ailleurs également. Des recherches à la ferme, menées par le MAAARO, ont montré que des apports de soufre dans des champs de luzerne avaient eu des effets significatifs sur les rendements dans certains cas à d'autres endroits.

Gestion du soufre

En raison de la nature transitoire du soufre dans le sol, aucune analyse de sol n'a été adaptée pour le soufre dans les grandes cultures en Ontario.

Comme l'azote, le sulfate assimilable est également libéré par la minéralisation de la matière organique du sol et est vulnérable au lessivage. Les conditions qui favorisent les effets du soufre sur le rendement peuvent se retrouver dans les champs qui se drainent rapidement (ex. : sols sableux) et ceux qui sont pauvres en matière organique ou qui ne reçoivent pas d'amendements contenant du soufre (le fumier).

Récapitulation

  • Le soufre atmosphérique à l'état libre a grandement diminué en Ontario au cours des dernières décennies.
  • L'effet du S sur les rendements a été observé dans les fourrages, alors que ce n'était pas le cas auparavant.
  • L'effet sur le rendement s'observe habituellement dans la luzerne (proportion plus élevée ou rendement supérieur de luzerne).
  • Les engrais sous forme de sulfate sont le plus efficaces sur les rendements durant l'année d'application.
  • Des applications annuelles semblent nécessaires pour maximiser les rendements.

Si vous êtes un producteur de cultures fourragères, essayez de fertiliser certaines bandes dans vos champs, surtout si les ressources en soufre risquent d'y être réduites ou si les risques de pertes de soufre sont élevés, tel que décrit plus haut.