Introduction

Le succès d’une bonne fenaison réside dans la rapidité du fanage. « Il faut faire le foin quand le soleil brille » dit à juste titre le proverbe anglais. Dans nos régions, les périodes propices à la confection d’un bon foin, non interrompues par une pluie, sont fréquemment de très courte durée. On est souvent placé devant ce choix difficile : laisser sécher le foin suffisamment pour le botteler avant la prochaine pluie, ou le botteler alors qu'il n'est pas encore assez sec et se retrouver avec du foin moisi et poussiéreux. Il faut faire un compromis entre conditionnement et râtelage du foin d’une part et perte excessive de feuilles d’autre part. L’art de faire du bon foin est un art qui s'apprend. On est impuissant face aux conditions météorologiques, mais on peut adopter des pratiques de gestion qui limitent le risque de détérioration du foin par la pluie.

Réglage de la faucheuse conditionneuse

L’entretien et le réglage de la conditionneuse ont pour objet d’obtenir le degré voulu de conditionnement du fourrage et d’optimiser le fanage, tout en limitant la fragmentation et l’effeuillage. Le conditionnement permet de réduire la durée du fanage et de synchroniser le séchage des tiges et des feuilles. Un conditionnement insuffisant accroît le risque de dommages par la pluie; à l’inverse, un conditionnement excessif accroît les pertes au champ lors des opérations de fauchage, de râtelage et de bottelage.

Malheureusement, bien souvent, une fois achetées et rapportées à la ferme, les conditionneuses ne sont plus jamais vérifiées ni réglées. Il est recommandé pourtant de régler la faucheuse conditionneuse en se conformant aux instructions du manuel d’exploitation de la machine. Sur les conditionneuses à rouleaux, il faut régler l’écartement et la pression des rouleaux. Sur les conditionneuses à rotor, qui conviennent aux graminées et non à la luzerne, il faut régler la vitesse du rotor et le dégagement entre le rotor et le carter

L’écartement entre les rouleaux devrait être légèrement inférieur au diamètre des tiges de la luzerne, ce qui signifie d’ordinaire un réglage à 1,6 -2,4 mm (1/16-3/32 po). Un écartement trop grand des rouleaux donne un fourrage insuffisamment conditionné. Des rouleaux qui se touchent s'usent prématurément et détruisent trop de feuilles. Lorsque la culture à faucher est dense, par exemple lors de la première coupe, il faut augmenter la pression des rouleaux (tension de ressort). Cependant, une pression trop élevée peut causer un effeuillage excessif. Les tiges de luzerne doivent être écrasées ou pliées tous les 7,6 ou 10,2 cm (3 ou 4 po) pour que leur humidité puisse baisser rapidement. Il faut qu'au moins 90 % des tiges soient écrasées ou cassées et que moins de 5 % de feuilles soient froissées ou noircies.

Confectionner des andains larges

Régler la largeur de l’andain est une intervention facile qui a une incidence majeure sur la durée du séchage. Étaler le fourrage sur la plus grande largeur possible. Ne pas l’entasser en un boudin étroit. Plus l’andain est large et plus le foin fanera rapidement, parce qu'il est mieux exposé au soleil et au vent. Les rayons du soleil ne peuvent pas pénétrer très profondément à l’intérieur des andains. Des études menées au Wisconsin sur un fourrage coupé avec une faucheuse de douze pieds de large ont montré que des andains de 2,7 m (9 pi) de large mettaient 35 % moins longtemps à faner que des andains de 1,8 m (6 pi). La vitesse du vent et l’humidité sont les facteurs météorologiques qui influent le plus sur la durée du fanage.

Le fait de relever la barre de coupe à 7,6 ou 10,2 cm (3 ou 4 po) a l’inconvénient de réduire un peu la quantité de foin récoltée, mais en contrepartie, il accélère le fanage, car l’air peut circuler dans l’espace créé entre le sol et l’andain par les chaumes plus hautes. Si le sol est humide et qu'il est en contact avec l’andain, le foin absorbera l’humidité du sol

Faucher le matin ou faucher le soir?

Les plantes qui sont fauchées le matin, après l’évaporation de la rosée, ont toute la journée pour faner, cessent plus vite de respirer et subissent donc moins de pertes. Les recherches qui conseillent de faucher en fin de journée pour maximiser la teneur en sucres du foin sont pertinentes pour les régions sèches de l’Ouest américain et ne s'appliquent généralement pas aux conditions humides de la région des Grands Lacs.

Raisonner le râtelage

Le râtelage sert à rétrécir l’andain en vue du pressage, mais aussi à ramener en surface le matériau plus humide situé sous l’andain. À chaque râtelage, un pourcentage de feuilles se détache, d’où l’importance d’un râtelage « stratégique ». Plus le foin est sec quand on le râtelle, plus il perd de feuilles. Si possible, dans le cas de la luzerne, râteler quand la teneur en humidité est comprise entre 30 et 40 %; c'est souvent un bon compromis entre la perte de feuilles, qui est alors légère, et un bon séchage. Un foin râtelé à 20 % d’humidité peut subir une perte de feuilles extrêmement élevée. Dans le cas d’un foin presque sec, on diminue la gravité de l’effeuillage en râtelant tôt le matin quand il est encore imprégné de rosée.

Certains types de râteaux faneurs sont plus agressifs et plus efficaces pour aérer et « souffler » le foin, mais ils provoquent aussi un effeuillage plus sévère, en particulier quand le foin est relativement sec. Un râtelage qui dépose le fourrage uniformément, sans paquets, est nécessaire pour éviter de presser des balles humides.

S'il pleut abondamment sur un foin partiellement séché, on peut utiliser un râteau faneur à toupies (ou pirouette) pour aérer les andains qui sont compactés et qui adhèrent aux chaumes. Le retournement d’un andain sur une surface plus sèche ou son éparpillement sur les chaumes peut accélérer le séchage. Les râteaux faneurs à toupies conviennent davantage au traitement des graminées qu'à celui de la luzerne. Éviter d’utiliser ce genre d’appareil sur un foin de luzerne dont la teneur en eau est inférieure à 50 %. Éviter de rouler avec le tracteur sur les andains pour ne pas aggraver l’effeuillage

Acide propionique

Il y a inévitablement des situations où le ciel s'emplit de nuages d’orage alors que le foin n'est pas tout à fait prêt à être bottelé. La pluie qui s'abat sur un foin râtelé presque sec fait beaucoup plus de dégâts que sur un foin qui vient d’être coupé. Quand il est difficile d’arriver jusqu'au bout du séchage, l’emploi d’un produit à base d’acide propionique tamponné peut être une solution. De nombreuses recherches ont été faites sur l’adjonction d’acide propionique sur des foins à divers taux d’humidité et cette pratique s'est avérée efficace pour éviter le développement de la moisissure. Elle présente un intérêt tout particulier pour les balles de forte densité, comme les grosses balles carrées qui doivent être plus sèches au moment du pressage pour ne pas moisir.

Il est impossible de se prémunir contre tous les risques en matière de fenaison, mais l’entretien et le réglage de la conditionneuse ainsi qu'une bonne gestion des andains et des râtelages peuvent réduire ces risques et augmenter les chances de récolter un foin peu endommagé par la pluie ou la moisissure.