Les vergers et vignobles sont des exploitations de longue durée. Les conditions climatiques et pédologiques sont des facteurs qu'il faut considérer soigneusement dans le choix de l'emplacement. Plusieurs propriétés du sol sont immuables; c'est le cas de la texture (sable, limon, argile), de la pente, de l'apparence et de la profondeur. Il faut donc choisir un sol répondant le mieux possible aux conditions optimales. En plus des facteurs pédologiques, le microclimat du sol est d'une grande importance dans la réussite de toute culture fruitière. Éviter les terrains bas et ceux renfermant des zones sujettes au gel. Des températures hivernales basses et les gelées printanières peuvent réduire les rendements. Il faut choisir un emplacement légèrement en pente de préférence à un terrain plat pour favoriser l'égouttement du sol et la circulation d'air. On peut améliorer ces caractéristiques par le nivellement du terrain. Cette opération entraîne des frais additionnels et peut s'avérer fâcheuse sur le potentiel de rendement si elle n'est pas soigneusement exécutée. Il est préférable de choisir un emplacement adéquat dès le départ plutôt que d'essayer d'en changer les propriétés par la suite.

Propriétés physiques du sol

Le sol est constitué d'éléments solides et poreux (figure 1). Le maintien d'un équilibre entre l'air et l'eau constitue l'un des grands défis de la gestion des sols. La circulation de l'eau dans le profil pédologique dépend du type de sol et de sa teneur en matière organique. En stabilisant les agrégats du sol, la matière organique accroît la taille des pores et améliore l'infiltration et la circulation de l'eau. Il est particulièrement important de veiller à ce que les loams et les loams argileux aient une structure adéquate. L'augmentation ou le maintien de la teneur en matière organique du sol fait partie des pratiques de gestion visant à améliorer les propriétés physiques de ce dernier (figure 2).

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Figure 1. Composition volumétrique d'un loam typique.
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Figure 2. En améliorant la stabilité des agrégats et la structure du sol, la matière organique permet une meilleure circulation de l'air et de l'eau, comme le montre l'échantillon de gauche.
 

Drainage

Les sols les plus propices à la culture fruitière ont une profondeur utilisable d'au moins un mètre, cette épaisseur étant nécessaire à la croissance des racines. En Ontario, de nombreux sols ne se prêtent pas à la plantation d'un verger ou d'un vignoble si on n'y installe pas d'abord des drains souterrains pour améliorer l'aération et l'enracinement de la culture. Dans tous les cas où l'égouttement naturel et le développement racinaire font défaut, le drainage souterrain s'avère bénéfique aux cultures fruitières. Les pêchers et les cerisiers sont particulièrement sensibles à l'asphyxie du pied. Les drains doivent être installés assez près les uns des autres pour assurer un bon égouttement de l'excédent d'eau (gravitationnelle). Dans les loams argileux, sols au drainage pauvre, il est parfois nécessaire de poser une ligne de drains directement sous les rangées d'arbres. Dans les autres types de sol, une ligne à toutes les deux rangées semble acceptable. On peut s'informer à une entreprise de drainage pour connaître les recommandations et les coûts liés à l'installation de drains souterrains.

L'examen du profil pédologique (coupe verticale) permet de déterminer l'égouttement naturel du sol (figure 3). La présence de marbrures de couleur rouille dans l'horizon B (sous-sol) est un indice de drainage insuffisant. Un horizon mal défini peut signifier un mauvais égouttement.

Pratiques de gestion des sols de vergers et de vignobles

A. Sarclage et plantes de couverture

Le sarclage élimine la concurrence qu'exercent les mauvaises herbes dans les vignobles et les vergers de pêchers pour l'obtention de l'eau et des éléments nutritifs. La plupart des producteurs de pêches et de raisins de l'Ontario ont recours au sarclage pendant une partie de l'année. Cette pratique débute le plus tôt possible au printemps, dès que le sol est suffisamment sec; elle se poursuit jusqu'au 1er juillet pour les vergers et jusqu'au 1er août pour les vignobles. Une fois le sarclage terminé, il est conseillé de semer des plantes de couverture (couvre-sol). Il faut limiter le nombre de sarclages au minimum, en raison des problèmes de compaction, d'oxydation et de perte en matière organique attribués à cette pratique. S'il est effectué trop en profondeur ou trop près des arbres, le sarclage risque d'endommager les racines.

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Figure 3. Le profil pédologique est un bon indicateur du drainage souterrain.
 

Voici quelques raisons qui justifient l'emploi des plantes de couverture :

  1. Les résidus des plantes de couverture, autant ceux provenant des parties aériennes que souterraines, aident au renouvellement de la matière organique. Il est conseillé de fertiliser et de tondre le couvre-sol afin de stimuler la croissance végétative et la production de matière organique.
  2. En captant les éléments nutritifs et l'humidité tard en saison, le couvre-sol favorise la préparation des plants fruitiers à la saison hivernale. Il prévient également les pertes d'éléments nutritifs par lessivage en les liant à la composante organique du sol durant l'hiver.
  3. Les plantes de couverture réduisent aussi l'érosion. En raison des pentes nécessaires à la circulation d'air, les sols des vergers et des vignobles sont fréquemment soumis à l'érosion hydrique. Quant à l'érosion éolienne, elle est plutôt un problème dans les sols dénudés ou à texture grossière. Le couvre-sol répartit plus uniformément le poids des machines agricoles et, par conséquent, réduit la compaction du sol et améliore l'efficacité du système de drainage.
  4. Il est plus rapide de faucher un couvre-sol que de sarcler la surface de culture. Les travaux horticoles réguliers sont également facilités par la présence des plantes de couverture.

Ivraie multiflore – On utilise beaucoup l'ivraie multiflore comme couvre-sol dans les vergers et les vignobles. Cette graminée germe rapidement; toutefois, lorsque l'humidité est insuffisante, elle demeure à l'état de dormance. Son système racinaire est dense, sa croissance vigoureuse et elle prospère dans presque tous les types de sol. De plus, l'ivraie multiflore emprisonne les rafales de neige. Il faut l'enfouir au début du printemps pour éviter les problèmes d'envahissement. Les sols sarclés se réchauffent plus rapidement au printemps et dégagent plus facilement de la chaleur durant les nuits glaciales.

Radis oléagineux – Depuis peu de temps, on emploie le radis oléagineux comme plante de couverture dans les vergers et les vignobles. Son système racinaire pénètre plus profondément dans le sol que celui de l'ivraie multiflore, mais il n'apporte pas autant de matière organique et ne répartit pas aussi bien le poids de la machinerie. On peut le semer en mélange avec de l'ivraie multiflore.

D'autres plantes telles que le seigle, l'avoine et le sarrasin ont déjà servi de couvre-sol, mais elles ne conviennent pas autant que l'ivraie multiflore. Il est déconseillé de laisser les mauvaises herbes envahir la surface de culture à cause des problèmes à long terme qu'elles occasionnent. Par surcroît, elles sont moins efficaces comme couvre-sol que l'ivraie multiflore, d'autant plus que les mauvaises herbes à enracinement profond (comme le pissenlit) concurrencent directement avec les racines des arbres et des vignes.

Amendements organiques – Il faut renouveler par la fertilisation toute la matière organique perdue lors du sarclage. En général, la matière organique générée par les plantes de couverture n'est pas suffisante pour compenser les pertes d'humus. Le tableau 1 donne des exemples d'amendements organiques ainsi que les doses préconisées.

Tableau 1. Doses préconisées de résidus organiques suivies de leurs équivalences en matière sèche et en macro-éléments fertilisants.
  Dose préconisée Matière sèche N P2O5 K2O
(t/ha) (kg/ha)
Fumier de bovins – mélange de fumiers animaux 25 5800 120 60 120
Fumier de pores 20 5400 120 100 60
Fumier de volaille 7 2100 130 130 75
Foin de fléole des prés 9 8200 120 42 80
Foin de luzerne 5 4600 120 25 100
Paille de blé 7 6300 40 14 70
Marc de raisin 9 3300 120 45 150
Boues d'usine de papier 30 9000 110 30 16

Les doses sont basées sur la teneur en azote des matériaux. À l'exception de la paille de blé, tous les matériaux fournissent la même quantité d'azote. Certains amendements comme le fumier de volaille, le foin de luzerne et le marc de raisin ont une teneur élevée en azote et ne devraient être utilisés qu'à faibles doses. En conséquence, leur contribution en matière sèche n'est pas suffisante pour le renouvellement de la matière organique. Par contre, la paille de blé nécessite un complément d'azote pour se décomposer.

B. Couvre-sol permanent

Les avantages du couvre-sol permanent sont les mêmes que ceux des plantes de couverture semées périodiquement, sauf qu'ils durent toute l'année. En outre, puisque le sol n'est jamais travaillé, les risques de dommages aux racines sont écartés et la matière organique se conserve tout comme la structure du sol. Les couvre-sol permanents offrent une protection continue contre l'érosion. L'achat annuel de semences et l'implantation de la culture de couverture ne sont plus nécessaires. On élimine également les besoins en amendements organiques. Les couvre-sol permanents conviennent à la culture de la pomme, de la poire et de la prune. Bien qu'on puisse aussi y cultiver le raisin et la pêche, il faut doubler de vigilance pour réduire au minimum la concurrence exercée par les graminées pour l'humidité et les éléments nutritifs.

Époque des semis et implantation du couvre-sol

L'installation du couvre-sol peut se faire avant la plantation du verger ou lorsque les arbres produisent des fruits, soit trois à quatre ans plus tard. Si l'on désire installer le couvre-sol l'année avant la plantation du verger, il est conseillé de faire le désherbage chimique sur des bandes de 1,5 m de largeur, à l'automne, là où l'on prévoit planter les rangées d'arbres. Les producteurs qui désirent semer le couvre-sol une fois le verger établi doivent fertiliser le terrain le printemps précédent, de façon à satisfaire les besoins en azote des deux cultures. Il est conseillé de faire analyser un échantillon de sol et d'épandre l'engrais requis à la volée. Si les résultats d'analyse préconisent des apports de chaux, il faut l'enfouir dans un sol non cultivé, c'est-à-dire avant les semis. Le moment le plus propice au semis est le début de septembre ou, à tout le moins, le printemps. On sème les plantes de couverture le plus près de la surface possible et à l'extérieur des rangées d'arbres. Il faut tondre le couvre-sol pour réduire au minimum la concurrence qu'il exerce sur les cultures fruitières pour l'humidité et les éléments nutritifs. Dans les vignobles, où la concurrence entre les deux cultures risque d'être trop forte, il pourrait s'avérer préférable de limiter le couvre-sol permanent à une rangée sur deux.

Espèces de gazon préférables

Voici les propriétés du couvre-sol idéal :

  1. être adapté à l'ombrage partiel,
  2. résister à la machinerie lourde requise dans les vergers,
  3. avoir un système racinaire peu profond,
  4. écarter les nématodes et les insectes,
  5. survivre aux rigueurs de l'hiver et à la sécheresse.

Les espèces qui conviennent le mieux aux vergers sont les graminées ou les mélanges graminées-légumineuses.

Fétuque rouge rampante

Une fois implantée, cette graminée à feuillage très fin forme un couvert végétal dense. Sa croissance est lente durant les périodes chaudes et sèches et, lorsque son peuplement est adéquat, la fétuque rouge rampante combat assez bien les mauvaises herbes. C'est une plante dont l'implantation est quelque peu difficile et qui exige un semis peu profond. Munie d'un système racinaire dense, elle écarte les populations de nématodes.

Fétuque élevée

Comparée à la graminée précédente, la fétuque élevée est plus grossière, plus vigoureuse et elle nécessite des coupes plus fréquentes. Elle forme un excellent couvre-sol mais exerce plus de concurrence pour l'humidité et les éléments nutritifs. La fétuque élevée prospère dans la plupart des sols, peu importe que le drainage soit bon ou pauvre, et elle s'implante plus facilement que la fétuque rouge rampante. De plus, elle tient les nématodes à l'écart. Il existe de nouvelles variétés de fétuque élevée, de type nain, dont l'utilisation conviendrait davantage aux vergers.

Ivraie vivace

L'ivraie vivace de type « gazon » s'implante rapidement et, en raison de son adaptation au temps frais, elle élimine les mauvaises herbes au printemps (figure 4). Il existe également des variétés naines dont le rythme de croissance ralenti en fait un couvre-sol de choix dans les vergers. L'ivraie vivace n'est pas aussi persistante que les fétuques.

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Figure 4. L'ivraie vivace est considérée comme un bon couvre-sol permanent car elle élimine les mauvaises herbes. Les variétés naines nécessitent moins de coupes.
 

Couvre-sol en mélange

On peut semer plusieurs espèces en association dans le but de tirer profit de chacune d'elles. Citons à titre d'exemple, le mélange commercial pour culture-abri composé à 80 % d'ivraie vivace Elka et à 20 % de fétuque rouge rampante Ensylva. On signale que ce mélange ne nécessite pas une tonte fréquente, étant donné sa croissance lente et sa floraison tardive. Néanmoins, le prix des semences est élevé. Bien que la longévité du trèfle blanc soit courte, on peut inclure une légumineuse de ce type dans le mélange de graminées pour fixer l'azote de l'air.

Lutte contre les graminées indésirables

Afin d'éliminer la concurrence pour l'humidité et les éléments nutritifs dans le sol couvert par le houppier, il faut y détruire toute végétation. La méthode de lutte la plus facile est l'utilisation d'herbicides rémanents. En général, un seul traitement, fait au printemps, suffit pour détruire la végétation durant toute la saison. Pour plus de renseignements sur les recommandations actuelles, on est prié de consulter la publication 75F, Guide de lutte contre les mauvaises herbes. Il faut souligner que la repousse automnale est souhaitable car elle tient la neige en place et protège les racines contre les rigueurs de l'hiver.

Le paillage, qui a l'avantage de n'utiliser aucun produit chimique, est tout aussi efficace pour combattre la végétation sous les branches (figure 5). En plus de réduire la concurrence des plantes pour l'eau et les éléments nutritifs, le paillis augmente la teneur en matière organique du sol et réduit les pertes d'humidité par évaporation. À mesure qu'il se décompose, il apporte au sol des éléments nutritifs tels que l'azote et le potassium. Comparativement aux normales, les températures sous le paillis sont plus élevées en hiver et plus basses en été. Parmi les autres bienfaits du paillage, citons la multiplication des racines en surface et, parfois, l'intensification de l'activité microbienne dans le sol. On épand le paillis lorsque le sol est bien humide, de préférence à l'automne.

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Figure 5. Le paillis comporte plusieurs avantages : il sert d'isolant tant en hiver qu'en été, il préserve l'humidité du sol et il combat les graminées et les mauvaises herbes dans la zone d'enracinement des arbres.

En présence d'un paillis, il faut prévoir des appâts et des protecteurs de troncs pour empêcher les dommages éventuels par les rongeurs. Ne pas épandre de paillis sur un rayon d'au moins 25 à 30 cm de chaque tronc.

Le foin, la paille et les copeaux de bois font des paillis de choix. Il est déconseillé d'utiliser le foin de légumineuses en raison de sa forte teneur en azote. La couche de paillis doit être suffisamment épaisse (au moins 15 cm) pour empêcher toute végétation sous les branches.

La fertilisation des arbres se fait en une bande tracée à l'extérieur de la zone recouverte de paillis.

C. Désherbage chimique total

Au cours des dernières années, nombreux sont les arboriculteurs d'Angleterre et d'Europe qui ont eu recours aux herbicides pour éliminer la végétation entre les rangées d'arbres. Les résultats ont été concluants : hausse de la croissance et des rendements, chute des besoins en fertilisants. Selon des essais menés à la station de recherche de Vineland, on a également constaté de bons rendements chez les pêchers grâce au désherbage chimique total. Toutefois, les pertes de matière organique ont donné lieu à une autre préoccupation, soit les effets à long terme liés à cette pratique. Dans la gestion des sols de vergers et de vignobles, on hésite beaucoup à opter pour la lutte chimique, compte tenu des tendances actuelles qui visent à préserver l'environnement, c'est-à-dire à maîtriser l'érosion et à réduire le plus possible l'emploi de produits chimiques.

Résumé

Un grand nombre de possibilités s'offrent aux exploitants de vergers et de vignobles en ce qui concerne la gestion des sols. La conservation du sol et la viabilité à long terme de la production de fruits de qualité sont les deux facteurs dont on doit tenir compte dans le choix des pratiques à adopter. De bonnes pratiques de gestion s'imposent en raison des difficultés à résoudre les problèmes d'érosion, de compaction et de perte de la matière organique.

Nous remercions le Secrétariat d'État pour sa contribution financière à la réalisation de la présente fiche technique.