Introduction

Le chanvre industriel (Cannabis sativa) est une des plus anciennes plantes cultivées du monde. On le cultive pour de nombreux usages, y compris comme aliment, boisson, pour l’alimentation animale, les suppléments nutritifs, les produits cosmétiques et de soins personnels, les textiles, les matériaux de construction et d’isolation, les litières pour animaux et l’extraction de cannabinoïdes (comme le cannabidiol [CBD]) à des fins thérapeutiques et médicinales. Le chanvre industriel suscite de plus en plus l’intérêt des producteurs et de l’industrie en raison des avantages économiques additionnels potentiels que peut procurer la culture du chanvre à titre de source de cannabinoïdes, comme le CBD. La présente fiche technique fournit de l’information sur la culture du chanvre industriel à des fins de production de grain ou de fibre pour usage traditionnel ou encore de fleurs pour l’extraction de cannabinoïdes.

Cannabis et chanvre industriel

Le cannabis (Cannabis sativa et Cannabis indica) ainsi que le chanvre industriel (Cannabis sativa) sont des espèces apparentées. Santé Canada règlemente la production de cannabis et de chanvre industriel et les distingue selon leur teneur respective en Δ9‑tétrahydrocannabinol (THC). Plus de 100 composés de cannabinoïdes ont été répertoriés dans le cannabis. Les cannabinoïdes qui retiennent surtout l’intérêt sont ceux qui contiennent du THC, lequel présente des effets psychoactifs, et du CBD, sans effets psychoactifs. Pour qu’un cultivar soit classifié comme chanvre industriel, ses feuilles et ses têtes florales doivent avoir une teneur totale en THC inférieure à 0,3 % du poids du tissu floral. Inversement, selon Santé Canada la définition de cannabis s’applique lorsque la teneur totale en THC est supérieure à 0,3 %.

Règlementation et octroi de licences

En 1998, le Canada a adopté le Règlement sur le chanvre industriel en application de la Loi règlementant certaines drogues et autres substances. Cette règlementation autorise sous certaines conditions la production, la vente, le transport, la transformation, l’importation et l’exportation du chanvre industriel et des produits du chanvre.

Une nouvelle règlementation sur le chanvre industriel est entrée en vigueur le 17 octobre 2018. Les règlements relatifs au chanvre industriel et au cannabis relèvent désormais de la Loi C-45, la Loi sur le cannabis, laquelle fournit un cadre juridique pour la possession, la production, la distribution et la vente du chanvre industriel et du cannabis au Canada.

En vertu de cette règlementation, les producteurs de chanvre industriel titulaires d’une licence sont autorisés à exercer les activités suivantes :

  • vendre du chanvre industriel
  • importer ou exporter des graines (semences) ou des grains
  • cultiver le chanvre industriel à des fins commerciales ou de recherche
  • dans le cas de sélectionneurs de plantes, multiplier du chanvre industriel
  • avoir en sa possession des graines ou des grains en vue de leur nettoyage
  • avoir en sa possession des grains en vue de leur transformation
  • obtenir des graines (semences) par le conditionnement de celles-ci
  • cultiver, sécher, vendre des inflorescences (boutons floraux) de chanvre industriel à des installations d’extraction de cannabis titulaires d’une licence

Pour plus de renseignements sur les activités autorisées, consulter le Règlement sur le chanvre industriel.

Seuls les cultivars de chanvre industriel approuvés par Santé Canada peuvent être cultivés au Canada. Un titulaire d’une licence de culture (autre qu’un sélectionneur de plantes) ne peut semer que des semences certifiées de qualité Généalogique d’un cultivar approuvé. Les graines de chanvre provenant de l’exploitation agricole obtenues à partir de récoltes antérieures ne peuvent pas être utilisées comme semences. Les agents de conformité gouvernementaux peuvent exiger que les producteurs fournissent les certificats de cultures de semences généalogiques des graines utilisées pour les semis de la culture de chanvre en cours. On peut consulter la liste des cultivars approuvés sur le site Web de Santé Canada. Les sélectionneurs de chanvre industriel ne peuvent que cultiver ou multiplier le cultivar de chanvre industriel ou le germoplasme (matériel génétique) dont le nom ou le numéro est donné sur leur licence.

La vente de plants de chanvre (fleurs, feuilles et branches) à des transformateurs de cannabis titulaires de licence est maintenant autorisée, en vue de procurer une source de produits de cannabis à faible teneur en THC, et à haute teneur en CBD. L’extraction de cannabinoïdes à partir des têtes florales, des feuilles et des branches de chanvre industriel est assujettie au Règlement sur le cannabis. Une telle activité ne peut être exercée que par un titulaire d’une licence de transformation distincte, laquelle est différente d’une licence de production de chanvre industriel. Les producteurs de chanvre ne sont pas autorisés à extraire le CBD eux-mêmes, à moins d’être titulaires d’une licence de transformation du cannabis ou d’une licence de recherche.

Le Guide des demandes de licences liées au chanvre industriel fournit des renseignements sur les exigences requises pour obtenir des licences liées à la production et à la transformation de chanvre industriel. Les demandes de licences sont effectuées par l’intermédiaire du Système de suivi du cannabis et de demande de licence (SSCDL) en ligne de Santé Canada. Le Guide des demandes de licences liées au chanvre industriel décrit les étapes nécessaires pour obtenir un compte d’utilisateur du SSCDL, fournit la marche à suivre détaillée pour remplir le formulaire de demande en ligne et précise d’autres renseignements importants ainsi que les exigences à respecter. Pour en savoir davantage sur d’autres questions, notamment en ce qui a trait à la Loi sur le cannabis et à la règlementation qui lui est associée ou au SSCDL, communiquer par courriel à cannabis@canada.ca ou par téléphone à 1 866 337-7705.

Assurance-production

Agricorp offre une assurance-production pour la production de graines et de fibres de chanvre industriel (et non pour la production de CBD) aux producteurs agricoles de l’Ontario. Communiquer avec Agricorp par courriel à : contact@agricorp.com ou par téléphone à : 1 888 247-4999.

Utilisations du chanvre industriel

Le chanvre industriel est réputé pour la qualité de sa fibre libérienne, laquelle présente d’excellentes propriétés en matière de longueur, de solidité et de durabilité. Les fibres libériennes sont utilisées dans la fabrication de textiles, de biocomposites pour des pièces de véhicules automobiles, dans le secteur de l’emballage et pour des matériaux de structure utilisés par le secteur de la construction et du bâtiment. Le cœur (moelle/anas) de la tige de chanvre possède un excellent pouvoir d’absorption et peut être utilisé pour la litière du bétail, le nettoyage de déversements d’huile ou de gaz ou peut être brûlé pour la production d’énergie verte.

Le tourteau de chanvre et les graines décortiquées sont utilisés dans la fabrication de produits alimentaires comme les barres de céréales, les collations et les biscuits. À moins d’être transformés au Canada, les grains de chanvre entiers doivent être rendus stériles et inutilisables pour toute autre utilisation, y compris l’exportation.

L’huile de chanvre contient un mélange unique d’acides gras oméga 6 et oméga 3, ainsi que de l’acide gamma-linolénique (GLA), un acide intervenant dans la synthèse des prostaglandines dans l’organisme. L’huile de graines de chanvre est aussi utilisée dans la fabrication de produits de santé et de beauté ou pour consommation humaine ou comme supplément alimentaire. La règlementation relative au chanvre industriel stipule que la teneur en THC dans l’huile de graines de chanvre doit être inférieure à 10 microgrammes/g. Précisons que l’huile de graines de chanvre n’est pas le même produit que l’huile de CBD extraite des têtes florales (boutons ou inflorescences) des plants de chanvre industriel.

On s’intéresse de plus en plus à l’utilisation du CBD non psychoactif dérivé du chanvre à des fins thérapeutiques, médicinales, biopharmaceutiques, ou dans les produits de santé naturelle et par le secteur récréatif et celui des suppléments alimentaires. Des études précliniques laissent croire que le CBD pourrait avoir des effets anti-inflammatoires, anticonvulsivants, antinauséeux, analgésiques et antipsychotiques et pourrait être utilisé médicalement contre les troubles de l’anxiété. Des médicaments d’ordonnance contenant du THC ou du CBD ou les deux sont approuvés par Santé Canada, qui offre aussi des renseignements additionnels sur le CBD.

Résumé sur la production de chanvre

Cultivars:

Sol:

  • bien drainé, loameux de préférence
  • éviter les sols argileux humides et compactés
  • pH : 6,0 à 7,5

Lit de semence

  • fn, ferme, nivelé
  • profondeur des semis : 2 à 3 cm

Dates des semis

  • de fin avril à fin juin

Taux de semis

  • pour la fibre : 45 kg/ha
  • pour le grain : 23 à 28 kg/ha
  • CBD : aucun taux de semis établi

Densité de peuplement

  • pour la fibre : 200 à 250 plants/m2
  • pour le grain : 100 à 150 plants/m2
  • pour les fleurs : 6 000 à 7 350 plants/ha

Fertilisation

  • Azote (N) : 70 à 110 kg/ha
  • Phosphate (P2O5) : jusqu’à 80 kg/ha
  • Potasse (K2O) : 40 à 90 kg/ha

En fonction d’une analyse de sol récente pour culture de blé d’automne.

Lutte contre les mauvaises herbes

Maladies*

  • Sclerotina sclerotiorum (pourriture sclérotique)
  • Botrytis cinereal (moisissure grise) oïdium
  • pourritures des racines et du col (Pythium et Fusarium)
  • maladies foliaires (tache septorienne et tache brune)
  • virus de la mosaïque de la luzerne
  • virus de la mosaïque du concombre

Insectes*

  • sauterelles
  • légionnaire bertha
  • pyrale du maïs
  • ver de l’épi du maïs
  • vers-gris
  • punaises ternes
  • cantaride
  • scarabée japonais

Animaux

  • oiseaux
  • cerfs

Date de récolte

  • Pour la fibre : durant la pollinisation (environ 70 à 90 jours après les semis).
  • Pour le grain : quand environ 70 % des graines sont mûres, 22 à 30 % d’humidité (environ 100 à 120 jours après les semis).
  • Pour les fleurs et feuilles : quand les inflorescences sont à pleine maturité et commencent à mûrir et à sécher.

La surveillance des teneurs en CBD par des analyses de laboratoire peut aider à déterminer le meilleur moment pour récolter en vue d’une concentration maximale de CBD.

Rouissage pour les fibres

  • 14 à 21 jours pendant lesquels les tiges sont retournées au moins une fois

Entreposage

  • humidité de la tige : < 15 %
  • humidité du grain : < 12 % (8 à 10 % pour l’entreposage du grain à long terme)
  • fleurs, feuilles, débris: le matériel récolté doit être suffisamment sec pour ne pas favoriser le développement de moisissures (10 à 12 %)

*Les produits antiparasitaires homologués peuvent être trouvés sur l’Agence de règlementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada.

Description de la culture

Le chanvre industriel provient de cultivars de Cannabis sativa qui contiennent moins de 0,3 % de THC, comme on l’a mentionné ci-dessus. Il s’agit d’une dicotylédone (latifoliée) annuelle à racine pivotante qui peut croître très rapidement sous des conditions optimales. Dans les sols bien drainés présentant une bonne structure, la racine pivotante peut pénétrer jusqu’à 15 à 30 cm de profondeur. Dans les sols compactés, elle demeure courte et forme davantage de racines latérales fibreuses.

La formation des fleurs femelles et des graines est indéterminée. Étant donné que les graines continuent de se développer et de mûrir sur une période prolongée, il s’ensuit qu’au moment de la récolte, on trouve sur le même plant des graines mûres et des graines immatures.

Les plants de chanvre cultivés pour la fibre (figure 1) peuvent atteindre de deux à quatre mètres sans se ramifier. Dans les peuplements denses, les feuilles du bas s’étiolent par manque d’ensoleillement. Les pieds mâles dépérissent une fois qu’ils ont émis leur pollen.

L’écorce externe de la tige contient de longues fibres libériennes dures, reconnues pour leur qualité et leur solidité. Le cœur ligneux, appelé moelle, est fait de courtes fibres semblables aux fibres des bois durs et qui sont utiles pour d’autres emplois comme la fabrication de panneaux de particules ou de litière pour le bétail.

Plants de chanvre
Figure 1. Plants de chanvre cultivés pour la fibre.
Inflorescence d’un plant de chanvre
Figure 2. Inflorescence d’un plant de chanvre.

Les cultivars de chanvre utilisés pour la production de grain présentent souvent une ramification plus dense que les cultivars utilisés pour la production de fibre et sont habituellement plus courts, n’atteignant qu’une hauteur de deux à trois mètres. Les plants de grande taille ne produisent pas nécessairement plus de grains que les plants plus courts et ces derniers facilitent le moissonnage.

Dans le cas du chanvre industriel cultivé pour l’extraction de CBD, le champ devra idéalement contenir uniquement des plants femelles produits à partir de graines féminisées, ou issues de propagation clonale par bouturage. De manière générale, les plants de chanvre sont naturellement dioïques, c’est-à-dire que chaque plant est soit uniquement porteur de fleurs mâles productrices de pollen ou uniquement porteur de fleurs femelles productrices d’ovaires.

La fécondation des fleurs femelles (figure 2) entraîne la production de graines (semences), ce qui n’est pas souhaitable dans une culture de chanvre destinée à l’extraction de CBD, puisque la production de graines réduit la teneur globale en CBD. Les composés pharmacologiquement actifs (comme les cannabinoïdes) sont produits dans les glandes sécrétrices qui sont des structures filamenteuses retrouvées plus densément dans la région des feuilles modifiées (les bractées) qui entourent la fleur (figure 2). Si les fleurs sont pollinisées, ces bractées qui les entourent s’ouvrent, réduisant la densité des glandes sécrétrices et, par conséquent, le rendement en cannabinoïdes par gramme de tissu végétal. C’est pour cette raison que dans l’industrie du cannabis il est courant de ne cultiver que des plants produisant des fleurs femelles, ce qui est effectué en clonant des plants-mères femelles par culture de tissu ou régénération de plants à partir de boutures, ou encore en cultivant des plants issus de graines féminisées.

Les plants femelles peuvent faire l’objet de traitements chimiques ou environnementaux pour générer du pollen, entraînant une autofécondation et la production de graines féminisées ne produisant que des plants femelles. On doit acheter de nouvelles semences certifiées chaque année.

Cultivars

Les cultivars de chanvre industriel ont été mis au point dans le cadre de recherches en petites parcelles et d’essais de rendement adaptés à la région de production visée. Les entreprises de sélection variétale (par exemple, Uniseeds, Phytogene Resources et CBD Baker Inc.) ont mis au point des cultivars de chanvre pour le grain et pour la fibre adaptés aux conditions de l’Ontario et sont actuellement à mettre au point de nouveaux cultivars présentant des teneurs plus élevées en CBD. Tel que mentionné précédemment, les cultivars de chanvre industriel sont soit monoïques (comme, Anka, Alyssa) soit dioïques (comme, Finola, Petera).

Dans le cas des cultivars dioïques, le plant mâle pollinise le plant femelle puis meurt, ne laissant que les plants femelles qui vont mûrir jusqu’à la récolte (figure 3). Il existe un troisième type de cultivar majoritairement femelle qui est de type dioïque et contient de 85 à 90 % de plants femelles. Selon certaines recherches, ce type peut donner un rendement plus élevé en grains.

Champ de plants de chanvre mâles
Figure 3. Plants mâles (bruns) et plants femelles (verts).

Cultivars à double usage

Les cultivars à double usage sont sélectionnés pour produire du grain et de la biomasse (tableau 1).

Tableau 1. Types de cultivars de chanvre
Type Cultivar Hauteur moyenne
Grain Anka 1,6–1,8 m
Fibre Altair 1,4–1,6 m
Double usage Altair, carmagnola 1,4–3,0 m

Les tendances observées dans l’industrie indiquent qu’on se dirige vers des cultivars destinés spécifiquement à la production de grains, de fibre ou de plants majoritairement femelles avec des teneurs élevées en CBD. On peut trouver une liste des cultivars homologués sur le site Web de Santé Canada (Liste des cultivars approuvés). On tente actuellement de sélectionner des plants ayant une concentration en CBD supérieure à 8 %, mais il demeure très difficile de maintenir parallèlement les niveaux de THC sous le seuil règlementaire de 0,3 %.

Conditions du sol

La croissance du chanvre est optimale en sol loameux bien drainé ayant un pH neutre à légèrement alcalin de 7,0 à 7,5. Plus le sol est argileux, plus les rendements en fibre ou en grains sont faibles. Les sols argileux deviennent facilement compactés et le chanvre supporte mal le compactage. Les jeunes plants sont également très vulnérables à l’humidité du sol ou aux accumulations d’eau au cours des trois premières semaines de croissance ou jusqu’à la formation du quatrième entrenoeud (hauteur approximative de 30 cm). Les plants ayant été détrempés vont rester rabougris, ce qui donnera une culture peu productive, irrégulière et beaucoup de mauvaises herbes.

Les sols sablonneux de structure médiocre, sujets à la sécheresse, constituent un milieu naturellement peu fertile et peu propice à une bonne croissance des plants. Les plants de chanvre n’y atteignent donc leur plein rendement que si on leur apporte un surcroît d’éléments nutritifs et d’eau. Au cours des saisons sèches, le coût de l’irrigation sur les sols sablonneux peut compromettre la rentabilité de la culture du chanvre.

Préparation du lit de semences et semis

Pour obtenir une germination optimale, il faut faire en sorte que les semences du chanvre entrent intimement en contact avec le sol. Le lit de semences doit être ferme, nivelé et relativement fin (figure 4), comme celui que l’on prépare pour les cultures fourragères en semis direct.

Tracteur tirant une herse pour labourer un champ qui n’est pas encore semé
Figure 4. Lit de semence parfaitement préparé.
Source: Shutterstock

On peut préparer le lit de semence et semer le chanvre dès que le sol est suffisamment ressuyé pour ne pas se tasser. Un lit de semences peu profond et ferme permet aux semences d’être placées à une profondeur constante, ce qui favorise une levée plus uniforme. Le chanvre industriel est normalement semé avec un semoir à grain classique. Les semences doivent être placées à 2 ou 3 cm de profondeur. Pour favoriser une levée rapide, la température optimale du sol à cette profondeur doit se situer entre 8 et 10 °C, bien que les semences de chanvre puissent germer à partir de 4 à 6 °C.

Le chanvre industriel cultivé pour la fibre est en général semé en rangs espacés de 15 à 18 cm, avec un semoir en ligne dont on utilise tous les organes de distribution. Le peuplement optimal final est d’environ 200 à 250 plants/m2. Un taux de semis élevé est nécessaire si l’on veut obtenir des peuplements de plants hauts et étroits. Ces derniers produisent en effet plus de fibre par plant que les plus gros plants ayant de grosses tiges. Il est recommandé de semer tôt en saison (dès que l’état du sol le permet). Le taux de semis recommandé pour la production de fibre est de 45 kg/ha, mais il peut varier selon le taux de germination et la grosseur des semences (figure 5).

Contenant avec grains de chanvre avec une pièce de cinq sous permettant d’évaluer la taille des grains
Figure 5. Grains de chanvre.

Le chanvre industriel est une plante sensible à la photopériode, c’est-à-dire à la longueur du jour. Il profite donc d’un plus grand développement végétatif quand il est semé tôt, comme le montre la figure 6. La croissance végétative ralentit ensuite au profit du développement des fleurs lorsque les jours raccourcissent, soit quatre à cinq semaines après le solstice d’été (21 juin). En semant le plus tôt possible au printemps, on profite donc des journées longues et on obtient des plants plus hauts ayant un meilleur rendement en fibre. La précocité du semis n’a que peu de répercussions sur la date de récolte.

Lorsqu’on sème du chanvre pour en récolter le grain, on cherche à obtenir une densité finale de peuplement d’environ 100 à 150 plants/m2 et le taux de semis recommandé est de 23 à 28 kg/ha. Comme dans le cas du chanvre cultivé pour la fibre, les rangs sont espacés de 15 à 18 cm. La température du sol détermine la date optimale du semis, laquelle peut varier de la fin avril dans le sud-ouest de l’Ontario à la fin mai dans le nord. Il n’est pas conseillé de semer après la première semaine de juin, puisque la phase de croissance végétative sera plus courte, risquant ainsi d’affecter négativement les rendements. Selon certaines observations réalisées dans le nord de l’Ontario, la précocité des semis peut ne pas améliorer les rendements en grain autant que le rendement en fibre, mais elle permet toutefois de devancer la date de récolte.

Les producteurs qui cultivent du chanvre pour la production de CBD doivent s’entretenir avec le fournisseur de semences afin de choisir des cultivars approuvés contenant une teneur élevée en CBD et, si possible, offerts avec des graines féminisées. La présence de plants mâles entraînera la pollinisation des plants femelles, ce qui réduit le rendement global de la culture en CBD. Tout plant mâle trouvé dans le champ doit être retiré avant l’émission de pollen.

Des recommandations sur les taux de semis sont en voie d’être établies à mesure que le milieu acquiert de l’expérience avec l’augmentation des cultures de chanvre industriel à des fins de production de CBD. Un taux de semis légèrement plus faible que celui qu’on utilise pour le chanvre destiné à la production de grain, soit 28 à 33 kg/ha, permettra d’avoir des rangs plus espacés, soit plus de 15 à 18 cm, afin de faciliter la ramification et, par conséquent, un plus grand nombre de têtes florales.

Graphique montrant l’effet de la date de semis sur le développement des plants de chanvre. Heures de clarté par jour à droite et hauteurs des plants à gauche
Figure 6. Effet de la date de semis sur le développement des plants. Source : Collège de Ridgetown, Université de Guelph, 1997.

Conditions climatiques

Le chanvre a besoin de beaucoup d’humidité pour donner des rendements optimaux. Selon des recherches effectuées au Collège Ridgetown de l’Université de Guelph, la culture a idéalement besoin de 300 à 400 mm en équivalent pluie. Étant donné que cette somme de précipitations tombe rarement au cours de la saison de végétation, il est important de profiter de l’humidité du sol en début de saison et d’obtenir rapidement une végétation suffisamment fournie pour limiter l’évaporation du sol en surface ainsi que le développement des mauvaises herbes. Environ la moitié de cette humidité doit être à la disposition du chanvre durant la floraison et la montée en graine pour qu’il donne un rendement maximum en grain. La sécheresse durant ce stade de développement aura pour effet de réduire la production de graines et le développement des inflorescences. Une sécheresse continue se soldera par une baisse de rendement et la légèreté des graines. Durant la période de croissance végétative, le chanvre se développe bien à des températures diurnes élevées de l’ordre de 25 à 28 °C. Après le déploiement de la troisième feuille, le chanvre peut survivre à des températures diurnes aussi basses que −0,5 °C pendant quatre à 5 jours.

Fertilisation

Il n’y a pas de pas de recommandations ontariennes de fertilisation pour le chanvre industriel. Il est important de reconnaître que les recherches et les recommandations applicables à d’autres régions que l’Ontario ne conviennent pas nécessairement aux conditions de croissance de la province. Les recommandations de fertilisation pour le chanvre industriel cultivé pour la production de graines sont habituellement les mêmes que celles qui s’appliquent à une culture de blé de printemps à haut rendement. Une analyse régulière des tissus de la culture offrira un portrait précis des teneurs en éléments nutritifs qui peuvent être utilisées pour compléter le plan de fertilisation de la culture. On peut épandre jusqu’à 110 kg/ha de N, selon le niveau de fertilité du sol et les antécédents culturaux. Les teneurs en phosphore et en potassium doivent correspondre à celles qui sont recommandées dans l’analyse de sol (12 à 18 ppm de P et 100 à 130 ppm de K).

Si les teneurs du sol en phosphore et en potassium sont inférieures aux valeurs cibles, il faut incorporer ces éléments nutritifs dans le sol avant les semis en utilisant des doses qui correspondent aux quantités prélevées par la culture auxquelles on ajoute la quantité qui permettra d’atteindre avec le temps les valeurs souhaitables fondées sur l’analyse de sol. Lire les Directives relatives aux engrais au chapitre 9, Fertilité et éléments nutritifs, de la publication 811 du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (MAAARO) intitulée guide agronomique des grandes cultures. Ces doses doivent être ajustées pour tenir compte des teneurs en éléments nutritifs du sol établies par les analyses et de toute autre source d’éléments nutritifs comme le fumier ou les cultures de couverture incorporées (engrais vert).

Pour interpréter l’information fournie par l’analyse de sol, suivre les recommandations relatives à le N, au P2O5 et à la K2O applicables au blé d’automne dans la publication 811 du MAAARO, Guide agronomique des grandes cultures. Les producteurs agricoles du nord-ouest de l’Ontario pourraient trouver utile d’ajouter du soufre à raison de 20 à 30 kg/ha. Il est important d’équilibrer les apports d’éléments nutritifs entre eux ainsi qu’en fonction des besoins de la culture. Un excès de N, combiné avec un apport inadéquat de K2O, par exemple, peut provoquer une rupture des tiges et entraîner la perte de la culture.

Environ 42 % de la biomasse des plants de chanvre est restituée au sol sous la forme de feuilles, de racines et d’inflorescences. Ces organes contiennent plus de la moitié des éléments nutritifs qui ont été apportés à la culture. Une bonne part de ces éléments nutritifs sera assimilée par la culture suivante.

Lutte contre les mauvaises herbes

Quand il est semé dans une terre fertile bien drainée, dans des conditions presque optimales de température et d’humidité, le chanvre germe rapidement et atteint 30 cm au bout de trois à quatre semaines. À ce stade, il ombrage le sol à 90 %. La croissance des mauvaises herbes se trouve donc limitée faute d’ensoleillement. On a constaté qu’un chanvre qui se développe rapidement et qui donne un peuplement final de 200 à 250 plants/m2 (fibre) étouffe le développement de pratiquement toutes les mauvaises herbes, y compris le chiendent. Pour des directives sur la préparation du site, consulter le Portail ontarien pour la protection des cultures. On peut trouver une liste des produits de lutte contre les mauvaises herbes sur le site de la base de données des produits homologués par l’ARLA de Santé Canada.

Le nettoyage de champ n’est pas permanent. En effet, les mauvaises herbes pourront réapparaître dès l’année suivante si l’on sème une autre culture de la rotation. On peut affaiblir les populations de graminées vivaces ou les détruire si l’on cultive du chanvre deux années consécutives au même endroit. En revanche, une telle pratique augmente le risque d’apparition des maladies du chanvre. La destruction des mauvaises herbes risque d’être moins efficace quand on cultive du chanvre pour le grain ou pour la production de CBD (peuplement inférieur à 150 plants/m2). En effet, un peuplement moins dense ou une levée irrégulière laissent passer plus de lumière et favorisent la germination des graines de mauvaises herbes. En faisant un semis croisé, on peut obtenir une meilleure répartition des plants et donc améliorer la lutte contre les mauvaises herbes lorsqu’on cultive des cultivars très précoces et à tiges peu élevées. On recommande de semer tôt en saison, dès que le sol est assez chaud, comme stratégie de lutte contre les mauvaises herbes. En production de chanvre biologique, un bon travail du sol ou le recours à des cultures intercalaires peuvent s’avérer des choix valables pour lutter contre les mauvaises herbes.

Maladies et ravageurs

Le chanvre peut être attaqué par plus d’une cinquantaine d’ennemis différents : virus, bactéries, champignons et insectes. Néanmoins, du fait de la rapidité de sa croissance et de sa vigueur, le chanvre peut surmonter l’attaque de la plupart des maladies et ravageurs. Lorsque la superficie cultivée en chanvre industriel et en plantes qui sont les hôtes des mêmes ennemis est à la hausse dans une région donnée, les risques de maladies et la population d’agents pathogènes et de ravageurs auront aussi tendance à augmenter.

Il existe peu de fongicides et d’insecticides homologués pour utilisation sur le chanvre. On peut trouver une liste des produits de lutte contre les mauvaises herbes sur le site de la base de données des produits homologués par l’ARLA de Santé Canada. La rotation est une pratique culturale efficace et nécessaire qui permet d’éviter la propagation des maladies jusqu’à ce qu’on en connaisse davantage sur la sensibilité du chanvre aux agents pathogènes.

Les maladies et insectes ravageurs suivants ont été observés dans des champs de chanvre de l’Ontario :

  • Botrytis cinereal (moisissure grise) (figure 7) et Sclerotinia sclerotiorum (pourriture à sclérotes) (figure 8) sont des maladies qui affectent couramment le chanvre industriel. Sclerotinia s’attaque aussi aux haricots secs comestibles, au canola et au tournesol, et on l’a observée dans plus de 10 % des plants cultivés après une culture de canola. Les spores de Sclerotinia (les sclérotes) peuvent être propagées par les moissonneuses-batteuses et d’autres machines de récolte ainsi que par la paille. Une rotation sur quatre ans est recommandée. Ne pas cultiver du chanvre dans les mêmes champs après une culture de canola, de haricots secs comestibles, de soya ou de tournesol.
  • Fusarium, le champignon responsable de la moisissure rose que l’on retrouve sur le maïs et le blé, a été observé saur des racines de plants de chanvre. On ne connaîtra probablement pas l’effet qu’une autre culture hôte peut avoir sur la viabilité des cultures tant que l’on n’aura pas cultivé le chanvre industriel plus intensément dans les régions productrices de haricots et de canola.
  • La pyrale du maïs et le ver de l’épi du maïs ont infesté certains peuplements de chanvre dans le sud de l’Ontario et les sauterelles ont causé des dommages à des cultures de chanvre dans le nord de l’Ontario.
  • La légionnaire bertha (Mamestra configurata) a sévi au Manitoba et pourrait gagner les cultures de chanvre dans le nord-ouest de l’Ontario. On a aussi observé d’autres maladies et ravageurs, causant des dégâts plus ou moins importants, dans d’autres provinces.
Plant de chanvre infecté par la moisissure grise
Figure 7. Botrytis cinerea.
Plant de chanvre infecté par la pourriture à sclérotes
Figure 8. Sclerotinia sclerotiorum.

Le vent et la grêle peuvent fortement endommager les cultures de chanvre industriel et les plants de haute taille dont le sommet est très feuillu peuvent plier très facilement au cours des tempêtes qui sévissent durant la seconde moitié de l’été. Les plants cassés vont se rétablir partiellement si la cassure ne se situe pas trop bas. Il en résultera cependant une grande variabilité dans la hauteur des plants et leur maturité au moment où l’on récoltera les graines. Des plants de petite taille endommagés par la grêle peuvent se rétablir rapidement s’ils ne sont pas cassés en dessous du premier nœud. Les plants qui croissent dans des conditions météorologiques difficiles peuvent présenter une plus forte teneur en THC.

De lourds dommages attribuables aux oiseaux ont été observés dans certaines régions de l’Ontario, et dans certains cas extrêmes, toute la récolte de grain a été perdue. On aussi constaté la présence de cerfs qui broutaient de jeunes plants au cours de la phase de croissance végétative.

Récolte et séchage du chanvre cultivé pour la production de CBD

À partir du pic de floraison, les producteurs peuvent surveiller les teneurs en cannabinoïdes (THC, CBD) en expédiant des échantillons de fleurs pour analyse à des laboratoires accrédités. Cela permettra d’effectuer la récolte au moment où la teneur en CBD est maximale. Le processus peut cependant prendre une semaine ou plus, ce qui peut avoir un effet sur la date de récolte.

Différentes méthodes peuvent être utilisées pour récolter le chanvre destiné à la production de CBD :

  • Une faucheuse dotée d’une lame conçue pour récolter ou couper les têtes florales avec le minimum de dommages doit être utilisée. Les têtes florales sont recueillies dans une trémie et transportées pour le séchage et l’entreposage avant d’être transformées. Après la récolte des fleurs, les tiges restantes peuvent être coupées avec une faucheuse à disque ou une andaineuse.
  • Si le chanvre est cultivé à la fois pour le grain et pour la production de CBD, les débris (feuilles, têtes florales) sont ramassés dans un wagon-trémie tiré par la moissonneuse-batteuse au moment de la récolte du grain. Ces débris devront être séchés et entreposés jusqu’à la transformation. La concentration en CBD dans les débris sera inférieure à ce qu’on trouve dans les tissus végétaux provenant des plants de chanvre cultivés spécialement pour la production de CBD. Après la récolte du grain, les tiges des plants de chanvre sont coupées et mises en balles.

D’autres recherches sont nécessaires en vue d’étudier tous les aspects de la culture du chanvre à des fins de production commerciale de CBD. Il faudra notamment poursuivre les recherches sur les dates optimales de récolte, la mise au point de matériel de récolte qui permettra d’obtenir la valeur maximale des plants de chanvre d’un point de vue économique et d’efficacité ainsi que le développement de méthodes d’entreposage post-récolte.

Les têtes florales du chanvre devraient être séchées afin de prévenir la formation de moisissures, lesquelles peuvent diminuer le rendement en CBD et celui des autres composés chimiques d’extraction, de même que leur qualité. Les méthodes utilisées vont dépendre de la quantité et du type de matériel récolté. On peut sécher les fleurs dans de vastes bâtiments aérés à l’aide de ventilateurs industriels qui font circuler l’air. Les fleurs peuvent aussi être séchées à basse température dans des chambres de séchage comme des séchoirs à tabac. En vertu de la règlementation sur le chanvre industriel et le cannabis, le matériel végétal séché ne peut être transformé que par un transformateur de cannabis titulaire d’une licence.

Moisson du chanvre cultivé pour le grain

Le moissonnage-battage du chanvre est une tâche très difficile qui met à l’épreuve et la machinerie et le conducteur. Dans un champ de chanvre à hautes tiges, une grande masse de matière végétale doit passer dans la moissonneuse-batteuse (figure 9). La paille de chanvre contient des fibres très résistantes qui ont tendance à s’entortiller autour des pièces de machinerie en mouvement. Les fibres fines se glissent à l’intérieur des roulements, causant une friction qui peut les endommager et mettre le feu à la machine. Il s’ensuit une forte usure de la machine et des frais d’entretien élevés, ainsi qu’une grande perte de temps et beaucoup d’exaspération pour le conducteur.

Moissonneuse-batteuse en train de battre du chanvre
Figure 9. Moisson du chanvre cultivé pour le grain.
Source: Shutterstock

On récolte les graines du chanvre industriel quand il commence à s’égrener sur pied. À ce moment optimal pour la récolte, environ 70 % des graines sont mûres et contiennent approximativement de 22 à 30 % d’humidité, ce qui se produit à peu près autour de à 100 à 120 jours après les semis. Si on retarde la moisson, les pertes de grain s’aggraveront à cause de l’égrenage, des déprédations des oiseaux et de la diminution de la qualité. En outre, les fibres mûres s’agripperont avec encore plus de ténacité aux pièces en mouvement de la moissonneuse-batteuse. En réglant la barre de coupe à environ un mètre ou à la hauteur maximale à laquelle on peut faucher avec efficacité, on réduit la quantité de matière qui passe dans la machine. Dans le cas des cultivars à tiges plus courtes, il est préférable de régler la barre de coupe à une position « plus normale ». La lame doit toujours être bien aiguisée afin de réduire au minimum l’entortillement des fibres dans la barre de coupe.

Avec un bon réglage, on peut réduire l’usure de la moissonneuse-batteuse et améliorer le rendement et la qualité du grain. Toutefois, les réglages (comme la vitesse d’avancement, l’écartement du contre-batteur, les vitesses du cylindre et de la ventilation) vont dépendre du type de moissonneuse-batteuse utilisée pour la récolte.

Les rendements en grain déclarés Ontario se situent entre 300 et 1 300 kg/ha à 12 % d’humidité, après récolte et nettoyage. Des rendements plus élevés sont possibles avec l’amélioration des cultivars et des techniques de production.

Après la récolte, la priorité est de faire sécher le grain pour l’amener à 8 à 10 % d’humidité. Une humidité excessive durant l’entreposage peut favoriser la croissance de bactéries et de moisissures. Pour l’entreposage à long terme dans des silos, le grain doit être séché lentement à des températures peu élevées afin de prévenir les dommages au grain et les pertes.

Après le séchage et le nettoyage, la méthode de transformation du grain choisie dépendra de son utilisation finale. Étapes possibles du processus de transformation :

  • décorticage en vue de produire des cœurs de chanvre pour usage culinaire
  • pression à froid mécanique des graines en vue de produire une huile brute non raffinée à des fins culinaires (des procédés d’extraction par solvant peuvent être utilisés à la place afin d’obtenir une huile plus raffinée pour certains produits alimentaires ou industriels)
  • surtransformation des graines de chanvre ou du tourteau en farine de chanvre et en produits protéinés (des initiatives sont en cours pour faire homologuer le tourteau de graines de chanvre à titre d’ingrédient dans l’alimentation des animaux d’élevage)

Certaines repousses « spontanées » de chanvre vont probablement apparaître à l’automne ou au printemps suivant une récolte de chanvre. Ces plants sont illégaux et doivent être retirés en vertu de la Loi sur le cannabis. Un sarclage minutieux et une préparation du lit de semences les détruisent efficacement. On peut aussi les maîtriser avec des herbicides contenant du glyphosate.

Récolte du chanvre cultivé pour la fibre

En Ontario, les rendements en tiges séchées se situent entre 2,6 et 14,0 tonnes de tiges rouies séchées à l’hectare titrant à 12 % d’humidité. Des recherches ont montré qu’on pouvait obtenir des rendements plus élevés en semant plus hâtivement, en gérant la production de manière optimale et en utilisant des cultivars mieux adaptés. La décortication de trois à quatre tonnes de paille sèche rouie de bonne qualité peut donner environ une tonne de fibres libériennes et deux à trois tonnes de fibres provenant de la moelle. Le rendement en fibre dépend d’une part du rendement en tiges à l’hectare et d’autre part de la teneur en fibre des tiges. Les cultivars diffèrent par la quantité de fibre qu’ils contiennent et par le ratio entre les fibres libériennes et les fibres de la moelle. Il faut parfois faire subir à la fibre des procédés de transformation supplémentaires afin d’atteindre la qualité requise pour certaines utilisations finales. Le chanvre destiné à la fabrication de textiles doit être récolté au début de la floraison avant la formation des graines, soit environ 70 à 90 jours après les semis.

La fibre provenant de chanvre fauché après la récolte des graines sera devenue très ligneuse et ne peut servir qu’à la fabrication de matériaux industriels non tissés. Dans le cas des cultivars dioïques, les plants mâles meurent après l’émission du pollen, ce qui diminue les rendements en fibre lorsque les tiges sont fauchées après la maturation des grains.

Pour récolter de petites surfaces, les producteurs utilisent des faucheuses à barre de coupe de bonne qualité et des andaineuses à foin. Cependant, ces machines sont sujettes à un bourrage fréquent. La plupart des modèles plus anciens de moissonneuse-batteuse devront être modifiés afin de prévenir les fibres des plants de s’entortiller autour des pièces en mouvement. Il important de tenir constamment les lames bien aiguisées et en bon état. Si la surface à faucher augmente, il pourra être nécessaire d’importer du matériel plus perfectionné ou d’en fabriquer.

Quand on cultive le chanvre industriel à la fois pour le grain et la fibre, il est nécessaire de couper les grandes tiges à nouveau après avoir battu le grain. On peut modifier la moissonneuse-batteuse pour qu’elle exécute les deux opérations en un seul passage. Pour cela, on installe en dessous de l’organe de coupe une barre de coupe qui fauche les tiges au ras du sol. Il est probable qu’à mesure que les marchés du grain et de la fibre vont se différencier, la récolte jumelée cessera d’être pratique courante. Les producteurs qui exploitent de petites surfaces continueront certainement à battre le grain et à faucher les tiges en deux fois. Si la paille doit être récoltée après le battage du grain, il est important que les conditions météorologiques soient également favorables pour le fanage des tiges avant la mise en balles. La fibre des tiges mûres après la récolte du grain sera de moins bonne qualité et plus ligneuse que celle qui provient du chanvre cultivé spécialement pour la fibre. Ce genre de fibre de moins bonne qualité ne conviendrait guère qu’à la fabrication de matériaux composites, de tapis non tissés, de panneaux de particules et, éventuellement, de pâte à papier.

Chanvre fauché dans un champ
Figure 10. Chanvre en attente du rouissage au champ.

Rouissage et retournement de la fibre

Le rouissage est le procédé par lequel les plants commencent à se décomposer, facilitant ainsi la séparation des fibres libériennes des fibres de la moelle et des autres tissus végétaux. Cette opération s’effectue soit au champ (figure 10) sous l’effet des éléments naturels que sont la rosée, la pluie et le soleil, soit sous des conditions contrôlées en utilisant de l’eau et des enzymes ou des produits chimiques. La méthode choisie dépend de l’utilisation finale prévue de la fibre. Des recherches sont en cours en vue de mettre au point des procédés industriels appropriés pour réaliser le rouissage à l’aide d’eau et de produits chimiques. Il est important que le procédé de rouissage soit terminé avant la mise en balles afin que la fibre prenne la couleur souhaitée et ne se décolore pas durant l’entreposage.

Mise en balles et entreposage

On peut presser le chanvre en balles au moyen de n’importe quelle presse à foin. Les presses qui confectionnent les grosses balles rondes (figure 11) à cœur souple sont celles qui conviennent le mieux parce que le matériau peut sécher plus rapidement durant l’entreposage. Pour certaines applications industrielles, l’acheteur peut exiger qu’on lui livre de grosses balles carrées, uniformes, adaptées à ses installations de fabrication. Ce format peut poser un problème pour ce qui est d’empêcher la détérioration du chanvre si les balles doivent être entreposées en attendant la livraison, parce que les balles carrées sont pressées à forte densité et ne laissent pas passer autant d’air que les balles rondes. On doit utiliser si possible de la ficelle de sisal ou de chanvre pour lier les balles parce que la ficelle de polyester ou de plastique devient un contaminant dans les opérations de transformation des fibres du chanvre. Les balles doivent être placées à l’intérieur à l’abri de l’humidité pour que le processus du rouissage cesse et que les fibres ne commencent pas à pourrir. La paille de chanvre absorbe assez rapidement l’humidité, même si elle est placée à l’intérieur sur des sols gravillonnés. Les tiges doivent contenir moins de 15 % d’humidité au moment de la mise en balles et continuer ensuite de sécher pour atteindre environ 10 % d’humidité, de préférence dans une aire d’entreposage abritée.

Grosse balle ronde de tiges de chanvre rouies
Figure 11. Grosse balle ronde de tiges de chanvre rouies.
Fibre de chanvre
Figure 12. Fibre de chanvre.
Source: Shutterstock

Transformation mécanique et décorticage de la fibre de chanvre

Un appareil pour décorticage peut être utilisé sur les tiges de chanvre pour séparer les fibres libériennes extérieures fibreuses (figure 12) des fibres de la moelle. Les fibres libériennes sont ensuite raffinées, transformées et nettoyées davantage en fonction de leur utilisation finale, dont l’isolation, les pièces de véhicules automobiles, les textiles ou autres utilisations. La moelle, qui est ligneuse, est nettoyée, dépoussiérée et habituellement utilisée pour la litière du bétail ou compressée en granules comme combustible dans la production d’énergie verte. Les nouvelles utilisations comprennent notamment l’incorporation de ces fibres dans les biocomposites comme les matériaux de construction ou les pièces pour véhicules automobiles.

Commercialisation

Les producteurs devraient préparer un plan de commercialisation avant de semer du chanvre. On peut trouver des renseignements additionnels sur le sujet en consultant le site Web du MAAARO sur la commercialisation des cultures spéciales.

Les marchés pour la fibre de chanvre et les sous-produits des graines continuent de se développer. Toutefois, l’accès aux infrastructures commerciales de décorticage et de transformation du grain et de la fibre joue un rôle important dans la croissance de l’industrie. Le transport de la matière première qu’est le chanvre cru représente un poste budgétaire majeur dans la fabrication des divers produits et c’est pourquoi il est crucial que les établissements de transformation soient situés à proximité des régions de production en vue de réduire au minimum les coûts de transport. Chaque cultivar de chanvre industriel possède ses propres caractéristiques, comme le:

  • nombre de jours avant la récolte
  • teneur en fibres libériennes
  • rendement en graines
  • grosseur des graines
  • teneur en huile
  • composition chimique de l’huile

Les producteurs devraient signer des contrats avant de semer du chanvre industriel à titre de culture commerciale en Ontario et demeurer conscients qu’avec l’essor de ces marchés, les contrats de culture de chanvre industriel pourraient exiger la culture de cultivars précis en vue de répondre aux besoins du marché, que ce soit pour le grain, la fibre ou la production de CBD.

Cette fiche technique a été rédigée par le personnel de la Direction du développement de l’agriculture — Cultures du MAAARO.

Référence

Alliance commerciale canadienne du chanvre (ACCC) Hemp Production eGuide.