Les producteurs de bétail ne perdent jamais de vue la nécessité de produire suffisamment de fourrages. Ils doivent avant tout éviter d'arriver au début de l'hiver sans disposer de stocks suffisants. Cela peut être très difficile pendant les années extrêmement sèches. Le temps sec crée des problèmes encore plus immédiats pendant les périodes creuses de l'été. Au cours des années sèches, la rotation des pâturages, l'ensilage de maïs et la production d'autres fourrages annuels permettent de compléter les stocks d'aliments pour le bétail.

Qualité et rendement du fourrage

Certains producteurs laitiers se plaisent à citer un vieux dicton selon lequel si une année sèche fait peur, une année pluvieuse, c'est la famine. Les années extrêmement pluvieuses, le fourrage est souvent de piètre qualité, ce qui entraîne une perte de rendement laitier chez les vaches. Lors des années sèches, les rendements des deuxième et troisième coupes sont moins élevés, mais la qualité est généralement bonne (absence de dégâts dus à la pluie, bon rapport feuilles/tiges, faible taux de fibres). Les rendements de première coupe sont étroitement liés à la température, alors que ceux des deuxième et troisième coupes dépendent davantage de l'humidité. La première coupe fournit habituellement la moitié ou les deux tiers du rendement total.

La capacité à produire du fourrage pendant les années sèches dépend dans une large mesure de la mise en œuvre de bonnes pratiques agronomiques. On néglige souvent la gestion du phosphore (P) et du potassium (K), bien qu'elle soit essentielle à l'optimisation des rendements et à la production de fourrages en quantités suffisantes pour permettre de nourrir le bétail. Si la fertilité est réduite, les réseaux de racines se développent mal, ce qui se solde ensuite par une faible résistance à la sécheresse.

La récolte, la fermentation, l'entreposage et la consommation des fourrages donnent lieu à des pertes très importantes, qu'on doit s'efforcer de limiter les années où la production est moindre. Pour ce faire, on peut prendre soin de bien compacter l'ensilage, employer des inoculants, bien gérer la partie à découvert, séparer le foin du sol et le couvrir, et opter pour des modes de nourrissage qui réduisent le gaspillage. Voir l'article Cultures fourragères : Récolte et entreposage (publication 811F du MAAARO, Guide agronomique des grandes cultures).

Les cultures annuelles d'urgence : semis d'été de céréales, ensilage de maïs, sorgho, millet à chandelle

Au cours de la saison de croissance, lorsque le producteur constate la gravité de la sécheresse et de ses effets sur le rendement en fourrage, il est généralement trop tard pour semer d'autres espèces fourragères. Dans les cas d'urgence, la production annuelle la plus employée est l'ensilage de maïs, qui a une bonne teneur en énergie digestible. Généralement moins cher, il est facilement disponible et facile à récolter, à stocker et à distribuer aux animaux. Pour l'entreposage, les piles d'ensilage et les sacs d'ensilage offrent une certaine souplesse. Le maïs endommagé par une sécheresse extrême et ayant un faible potentiel de production de grain peut être récupéré sous forme d'ensilage. On trouvera plus d'information à l'adresse Ontario.ca/y250, notamment l'article Établir le prix du maïs à l'ensilage.

Il est parfois possible de compléter l'approvisionnement en fourrage à faible coût en semant de l'avoine ou d'autres céréales à la fin de juillet ou au début d'août après le blé en vue d'une récolte au début d'octobre. L'avoine constitue un bon aliment lorsqu'elle est récoltée au bon stade de maturité et transformée en " avoine fourragère " ou placée en balles. Pour en améliorer la qualité nutritive, on y ajoute souvent des pois, mais en automne, il peut être difficile de les préfaner pour atteindre un taux d'humidité adéquat.

On sème parfois des graminées annuelles de saison chaude comme le sorgho, l'hybride sorgho soudan et le millet à chandelle en été pour compléter les stocks de fourrage. Cependant elles sont beaucoup moins tolérantes aux gelées automnales que les céréales. Ne pas oublier que les sorghos et l'herbe du Soudan présentent des risques liés à l'acide prussique. En Ontario, le seigle annuel et l'hybride sorgho soudan ne donnent pas de bons résultats s'ils sont semés après la récolte de blé.

Récolter ou ne pas récolter?

En présence d'un stress modéré dû à la sécheresse, la croissance des plants de luzerne peut se prolonger, avec des tiges moins nombreuses et plus longues. Le plant produit alors des glucides qui sont emmagasinés dans le système racinaire et qui constituent une réserve d'énergie pour la repousse après la coupe et lorsque l'humidité revient. On peut effectuer la coupe si la croissance de la luzerne est suffisante pour la justifier économiquement et si on peut maintenir un intervalle de 30 à 35 jours entre les récoltes.

En présence d'un stress prononcé dû à l'excès d'humidité, la croissance du plant peut s'interrompre temporairement. La coupe de la luzerne après le retour de la pluie, surtout au stade de la floraison, stimule la repousse parce qu'elle facilite la croissance de nouveaux bourgeons à partir du collet.

Par ailleurs, la coupe du trèfle rouge pendant une sécheresse extrême peut avoir pour effet de réduire les peuplements. Le lotier corniculé constitue aussi des réserves de glucides moindres dans son système racinaire, de sorte que son potentiel de repousse est meilleur si la coupe est effectuée à un stade de maturité plus avancé, avec des chaumes plus longs.

Lutte contre la cicadelle de la pomme de terre dans la luzerne

On sous estime largement l'ampleur des dégâts produits par la cicadelle de la pomme de terre dans la luzerne, et on l'impute souvent au temps chaud et sec qui l'accompagne souvent. En se nourrissant, la cicadelle de la pomme de terre perturbe le transport des liquides et des éléments nutritifs dans le plant et aggrave de beaucoup les effets du temps sec. Les nouveaux semis y sont particulièrement sensibles, et ils peuvent subir des dommages permanents qui persisteront pendant toute la vie du peuplement. Dès qu'on constate les symptômes de la brûlure de la cicadelle, les dommages sont déjà faits. Les méthodes de lutte contre ce ravageur sont le dépistage, la pulvérisation selon les seuils d'intervention établis et le recours aux variétés résistantes.

L'ensemencement d'été, plus risqué

Les semis de plantes fourragères effectués au début du printemps sont généralement ceux qui donnent les meilleurs résultats. Le temps sec peut nuire gravement aux semis de fin de printemps. Les semis d'espèces fourragères vivaces effectués en été échouent souvent lorsque les plants, après avoir germé, périssent par manque d'eau lors des sécheresses prolongées. Le retard de la germination peut se solder par une croissance inadéquate avant les gels meurtriers d'automne, de sorte que le plant ne peut survivre à l'hiver. Le manque d'humidité constitue donc un risque; ainsi, si le sol est extrêmement sec et qu'aucune pluie n'est prévue, on devra peut être renoncer à faire des semis d'été.

Voir l'article Ensemencement d’été d’espèces fourragères pour la luzerne.

Si possible, évitez la période critique de récolte d'automne

La coupe de la luzerne n'est généralement pas recommandée pendant les six semaines critiques de la récolte d'automne (voir la publication 811F du MAAARO, Guide agronomique des grandes cultures), mais on l'effectue parfois en raison des faibles stocks de fourrage. Dans ce cas, les plants puisent dans les réserves des racines pour la repousse, ce qui accroît les risques de destruction par l'hiver. Dans la mesure du possible, il faut éviter la période la plus risquée, qui se situe trois semaines après le début de la période critique de récolte d'automne. Le rendement de la récolte effectuée pendant cette période est généralement perdu lors de la première coupe de l'année suivante. La décision d'effectuer la coupe doit être évaluée en fonction des besoins immédiats en fourrage. En laissant des chaumes plus longs, on permet la rétention de plus grandes quantités de neige; de plus, une bonne teneur du sol en potassium facilite la survie à l'hiver.

Ensilage de maïs endommagé par la sécheresse

Il existe de grandes variations entre les champs de maïs stressé par la sécheresse. Certains d'entre eux peuvent présenter des plants de faible hauteur avec davantage d'épis normaux. Malgré les rendements réduits, la qualité du fourrage peut être presque normale. Ailleurs, les plants auront une hauteur plus voisine de la normale, mais avec de petits épis ou pas d'épis du tout. Les producteurs qui tentent de récupérer le maïs endommagé par la sécheresse sous forme de fourrage doivent être conscients de certaines implications liées à la récolte et à la qualité nutritive. À l'ensilage, il est essentiel que l'ensemble du plant ait un taux d'humidité adéquat, ce qui est souvent difficile à déterminer. Avant la récolte, les vendeurs couverts par l'assurance récolte devraient communiquer avec Agricorp (1 888 247-4999) pour demander en quoi la vente du maïs sous forme d'ensilage se répercutera sur leur réclamation.

Ne pas oublier les risques d'intoxication aux nitrates. Ces derniers s'accumulent dans les plants de maïs et les herbacées lorsqu'ils sont en grande quantité dans le sol et que le manque d'humidité nuit à la croissance. Ce phénomène a souvent plus de chances de se produire après une pluie qui suit une période sèche. L'accroissement du risque d'accumulation de nitrates s'accompagne également d'une augmentation du risque de formation de gaz d'ensilage.