Introduction

Alphitobius diaperinus, ou petit ténébrion mat, est l'un des organismes nuisibles les plus communs dans les poulaillers. Le petit ténébrion mat est parfois appelé ténébrion des poulaillers. Il se nourrit habituellement de grain, mais les poulaillers sont pour lui un environnement idéal où il peut prospérer en consommant les aliments déversés et le fumier sous les conduites d'alimentation. Lorsqu'il est présent dans les poulaillers, le petit ténébrion mat pose plusieurs difficultés économiques et liées à la biosécurité chez les producteurs de tout l'Ontario et de la plus grande partie de l'Amérique du Nord. Dans la présente fiche technique, on décrit le cycle biologique du ténébrion et on parle des différents modes de lutte contre cette espèce.

Caractéristiques biologiques

Le cycle reproducteur de cet insecte peut durer de deux mois à 400 jours, et sa réussite dépend de la température, de l'humidité relative, du degré d'humidité de la litière et de la présence de nourriture. Dans cet intervalle, au maximum de leur période de reproduction, les femelles pondent en moyenne cinq œufs par jour. Comme de nombreux poulaillers abritent des dizaines de millions de ténébrions simultanément, dans des conditions optimales, leur potentiel reproducteur peut être énorme. Dans un poulailler, les chances d'éclosion des œufs de ténébrions sont à leur maximum à une température de 30°C et à une humidité relative de 90 %. Après l'éclosion, si les conditions ne sont pas idéales, les insectes peuvent rester au stade larvaire jusqu'à 133 jours. Dans des conditions optimales, le ténébrion peut atteindre le stade d'adulte après un délai de seulement 29 jours après la ponte des œufs et il peut se reproduire presque aussitôt. Le ténébrion adulte émerge de la pupe avec une carapace rouge vif qui vire ensuite au noir ou au brun vif. Les pupes ont une longueur d'environ 6 mm. Les larves (appelées vers de farine ou asticots) peuvent atteindre une longueur d'un centimètre avant d'arriver au stade de pupe. La Figure 1 représente le cycle biologique du petit ténébrion mat.

Cycle biologique du petit ténébrion mat.
Figure 1. Cycle biologique du petit ténébrion mat. Schéma, Jim Skinner. Description accessible du graphique

À un certain stade du cycle de troupeau de volailles, les larves de ténébrion commencent à rechercher des sites de pupaison (dans les petites fissures des murs et les sols de terre battue ou même sous les sols de ciment), puis ils réémergent plus tard, le cas échéant en présence d'un troupeau ultérieur. Après l'enlèvement des oiseaux, lorsque le poulailler est vide, les ténébrions adultes s'abritent dans les murs et sous les planchers pour réémerger plus tard.

Par temps froid, ce coléoptère d'origine tropicale peut entrer en état de « surfusion », c'est-à-dire que ses liquides corporels résistent à la congélation. Ce sont des sucres dissous dans son hémolymphe (sang) qui lui permettent ainsi de survivre à nos longs mois d'hiver alors que son métabolisme est très ralenti. Les infestations de petits ténébrions mats les plus graves surviennent habituellement en automne alors que les températures externes chutent et que ces insectes sont à la recherche d'un abri et de chaleur. S'ils ne trouvent pas un endroit adéquat, ils peuvent survivre en état d'hibernation.

Effets économiques

Les petits ténébrions mats causent des dommages structurels à l'isolation en creusant des galeries pour former les pupes dans les murs des poulaillers, d'où une dégradation de leurs qualités isolantes. Par exemple ils peuvent réduire le pouvoir isolant des matériaux tels que la mousse de polystyrène de 30 %. Une étude américaine montre que la forte détérioration des matériaux isolants causée par les ténébrions peut entraîner une augmentation de 67 % des coûts en énergie.

Effets sur la biosécurité

Les ténébrions sont des vecteurs connus de 60 maladies ou plus susceptibles de toucher les volailles, comme la maladie de Newcastle, la grippe aviaire, la maladie de Marek, la bursite infectieuse, Salmonella spp., 26 types pathogènes d'E. coli, d'Eimeria spp. et d'Aspergillus, les parasites responsables de la coccidiose ainsi que les nématodes. Les ténébrions, tant les larves que les adultes, peuvent héberger des germes de maladies et ils sont porteurs de pathogènes dans leur tube digestif et sur leur corps. Ils constituent également des hôtes intermédiaires pour le ténia des volailles. Les petits ténébrions mats peuvent héberger E. coli pendant une période de 12 jours et Salmonella pendant 28 jours, des périodes assez longues pour permettre l'infection du troupeau suivant. Les larves infectées le demeurent en devenant adultes.

La transmission de Salmonella des petits ténébrions mats aux jeunes poussins a été bien établie, et ces derniers peuvent propager la bactérie à leurs semblables. Les oiseaux peuvent être infectés par Salmonella après avoir consommé un seul ténébrion contaminé.

Effets sur la performance du troupeau

En plus des maladies, les petits ténébrions mats peuvent faire diminuer le rendement du troupeau de plusieurs autres façons. Ils vivent à l'intérieur et autour des conduites d'alimentation et des mangeoires où les poussins et les dindonneaux peuvent les manger. Souvent les jeunes oiseaux choisissent de consommer les petits ténébrions mats avant leurs aliments. Leur tube digestif se trouve donc rempli de carapaces d'insectes indigestes qui peuvent causer une détresse lors de la défécation (Figure 2).

Image rapprochée d'un jabot de poulet à griller plein de petits ténébrions mats.
Figure 2. Image rapprochée d'un jabot de poulet à griller plein de petits ténébrions mats. Photo : Jim Skinner.

Lors d'infestations graves, si le taux d'humidité dans le poulailler est trop faible, les ténébrions mordent les oiseaux autour du cloaque et des follicules des plumes, où ils peuvent endommager les tissus et provoquer des infections. Les lésions causées par les attaques de ténébrions peuvent ressembler à celles de la leucose cutanée.

Effets sur les humains

Les personnes qui sont continuellement exposées à de grands nombres de petits ténébrions mats peuvent y devenir allergiques. Les relations de voisinage peuvent également être compromises dans les secteurs infectés par les ténébrions parce que ceux-ci demeurent dans le fumier qui est épandu sur les terres en culture.

Ces insectes, qui sont nocturnes et attirés par la lumière et la chaleur, peuvent passer des champs aux zones résidentielles adjacentes en volant ou en se déplaçant sur le sol.

Méthodes de lutte

Il existe plusieurs méthodes chimiques, culturales et biologiques de lutte contre les populations de petits ténébrions mats. Cela nécessite une certaine patience puisqu'il faut parfois plus d'un an pour maîtriser une telle population. Une fois que cet insecte est établi, il est peu probable qu'on puisse l'éliminer complètement.

Les insecticides sont des outils précieux de lutte contre le ténébrion s'ils sont utilisés de façon adéquate. Pour ce faire, il faut une bonne connaissance des caractéristiques biologiques de l'insecte (comportement, cycle saisonnier, cycle biologique, etc.). Le producteur doit aussi suivre un bon programme d'alternance des insecticides pour éviter ou retarder l'apparition d'une résistance. Et surtout il doit suivre les instructions d'épandage et de dosage qui figurent sur l'étiquette du produit. On pourra trouver d'autres informations sur un insecticide en particulier en ligne sur le site du service de recherche dans les étiquettes de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.

Les stratégies culturales s'appuient sur une gestion consciencieuse visant à réduire autant que possible la population de ténébrions et à en limiter les effets potentiels. Par exemple, une stratégie culturale peut comprendre des mesures de réduction du degré d'humidité de la litière : l'élimination des fuites des conduites d'eau et une meilleure ventilation auront pour effet de faire diminuer le succès de reproduction des ténébrions dans le poulailler. On peut aussi enlever la litière entre les troupeaux pour réduire la multiplication de ces insectes. Éviter l'échange de matériel entre voisins ou entre les poulaillers pour éviter la propagation mécanique des ténébrions.

Les méthodes de lutte biologique donnent généralement des résultats limités, bien qu'il y ait des exceptions. Les insectes prédateurs, les parasitoïdes et les nématodes ne représentent pas des options commercialement viables pour la plupart des exploitations. La terre de diatomées (sable de silice) est constituée de minuscules diatomées tranchantes qui endommagent la cuticule cireuse de l'insecte lorsqu'il la traverse; celui-ci est ainsi rendu vulnérable à la dessication et à l'infection. La terre de diatomées n'est efficace que si les ténébrions la traversent, et on doit donc l'étendre là où ces insectes passent en grand nombre, sur le plancher le long des murs et des poteaux et des fissures du ciment. Pour que le produit fasse son effet, ces endroits doivent également rester secs.

L'agent biologique qui semble le plus prometteur dans la lutte contre le petit ténébrion mat est Beauveria bassiana, un champignon pathogène qui infecte les stades juvéniles et adultes. Les spores du champignon adhèrent à la surface de leur corps et germent, et les hyphes se développent dans la cavité corporelle de l'insecte qui finit par mourir.

Conclusion

Le petit ténébrion mat est un des principaux organismes nuisibles de l'industrie de la volaille en Ontario, où il peut avoir de nombreux effets négatifs. Les éleveurs doivent faire preuve de souplesse et d'adaptabilité et adopter une approche combinant les méthodes de lutte chimique et autres. Cette approche, étayée par une compréhension approfondie du comportement et de la biologie de l'insecte, est celle qui permet de maîtriser le plus efficacement les populations de petits ténébrions mats.

Références

Boozer, W. (2008). Insecticide susceptibility of the adult darkling beetle, Alphitobius diaperinus (Coleoptera: Tenebrionidae): topical treatment with bifenthrin, imidacloprid, and spinosad. University of Georgia.

Remerciements

Nous remercions les personnes suivantes de leur contribution :

  • Jim Skinner de Terregena
  • Simon Lachance, PhD, de l'Université de Guelph, Alfred Campus
  • Marc Lalonde et George Jeffery de Vetoquinol

Cette fiche technique a été rédigée par Al Dam, spécialiste provincial de l'aviculture et Kathleen Taylor, technicienne, recherche en aviculture, MAAARO, Guelph.


Description accessible:

Cycle biologique*

Œufs

  • non mobiles
  • les femelles pondent dans la litière, les œufs éclosent au bout de 45 à 100 jours ou plus

Larves

  • mobiles
  • creusent des galeries dans les sols de terre battue ou l’isolation pour former des pupes, de 35 à 100 jours ou plus

Pupes

  • non mobiles
  • émergence des adultes après 90 à 140 jours

Adultes

  • mobiles
  • vivent de 60 à 400 jours
  • produisent de 200 à 2 000 œufs

*Les durées dépendent de la température et de l’humidité

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