Introduction

La nervation noire est causée par la bactérie Xanthomonas campestris pv. campestris qui peut infecter la plupart des cultures de crucifères à tout stade phénologique. Cette maladie est difficile à combattre pour les producteurs et est considérée dans le monde entier comme étant la maladie la plus grave qui affecte les crucifères (figure 1). La nervation noire peut causer des pertes de rendement importantes lorsque, au départ de la culture, du temps chaud et humide fait suite à des périodes de pluie. Les infections tardives laissent des blessures qui offrent une porte d’entrée aux organismes responsables de pourritures, ce qui occasionne de lourds dommages en cours d’entreposage.

Chou infecté par la nervation noire.

Figure 1. Chou infecté par la nervation noire.

Symptômes

Les symptômes de la nervation noire varient considérablement selon l’hôte, le cultivar, l’âge du plant et les conditions du milieu. La bactérie peut envahir le plant à la faveur des orifices naturels et des blessures mécaniques sur les racines et les feuilles. Lorsque la bactérie est transmise par la semence, elle infecte les plantules au moment de la levée en pénétrant par les pores sur le pourtour des cotylédons, puis se propage de façon systémique à tout le jeune plant. À cause des températures fraîches qui règnent dans les serres (inférieures à 15–18 °C), il n'est pas rare que les plantules infectées soient asymptomatiques. Après la mise en place au champ, lorsque les températures atteignent 25–35 °C pendant des périodes de forte humidité relative (80-100 %), les plants deviennent rabougris, puis de petites nécroses se forment sur les cotylédons (figure 2). Les plants finissent par se flétrir et mourir. Dans les régions de climat tempéré (là où les températures restent fraîches), les symptômes de la maladie sur les plantules infectées ne sont pas toujours apparents ou peuvent ne pas sembler graves. Les plantules infectées qui poussent sous des conditions fraîches peuvent laisser échapper la bactérie des pores et des lésions et servir ainsi de sources de pathogènes qui infecteront les plants avoisinants.

Jeune feuille de chou présentant une lésion en V caractéristique des symptômes de la nervation noire.

Figure 2. Jeune feuille de chou présentant une lésion en V caractéristique des symptômes de la nervation noire.

Sur les plants plus vieux, les symptômes de la maladie prennent souvent la forme de tissus jaunes ou nécrosés sur le pourtour des feuilles. Ces lésions font penser à celles de la brûlure de la pointe, si ce n'est qu'elles progressent en général de manière à former un V dont la base pointe en direction d’une nervure (figure 3). Un examen attentif des feuilles et des tiges infectées peut révéler le noircissement des nervures le long des tissus infectés, d’où le nom de « nervation noire » (figure 4). Les lésions foliaires peuvent progresser vers la base de la feuille et provoquer le flétrissement du plant et sa mort.

Les bactéries produisent un polysaccharide collant, appelé xanthane qui finit par obstruer les tissus vasculaires à l’intérieur des nervures, ce qui provoque leur effondrement et leur noircissement. Au delà des tissus obstrués, tôt ou tard, le xylème effondré jaunit, se flétrit et meurt. Pendant les périodes chaudes et humides, les bactéries peuvent se déplacer de la feuille à la tige en empruntant le xylème. Une fois à l’intérieur de la tige, les bactéries peuvent se propager rapidement vers le haut ou le bas à d’autres parties du plant, y compris les racines. Les plants qui sont atteints par une infection systémique peuvent produire des chloroses en un point ou un autre de la feuille. Les crucifères feuillues gravement atteintes comme le chou vert et le chou-fleur ont tendance à perdre leurs feuilles de bas en haut, ce qui ne laisse qu'une touffe de feuilles difformes séparées du système racinaire par une tige marquée de cicatrices.

Symptômes de la nervation noire reconnaissables aux tissus nécrosés à l'extrémité des feuilles a) de chou vert, b) de chou-fleur et c) de chou pommé. Noter la forme en v des lésions qui progressent de la pointe vers une nervure de feuille de chou infectée par la nervation noire.

Figure 3a. Symptômes de la nervation noire reconnaissables aux tissus nécrosés à l’extrémité des feuilles de chou vert.

Nervures noircies traversant une lésion causée par la nervation noire à l’;extrémité d’;une feuille de chou-fleur.

Figure 3b. Symptômes de la nervation noire reconnaissables aux tissus nécrosés à l’extrémité des feuilles de chou-fleur.

Coupe transversale pratiquée à la base a) d’;une tige et b) d’;une feuille de chou infectées par la nervation noire et révélant le xylème noir effondré.

Figure 3c. Symptômes de la nervation noire reconnaissables aux tissus nécrosés à l’extrémité des feuilles de chou pommé. Noter la forme en v des lésions qui progressent de la pointe vers une nervure de feuille de chou infectée par la nervation noire.

Les symptômes foliaires de la jaunisse fusarienne s'apparentent parfois à ceux de la nervation noire, si ce n’est que les tissus vasculaires brunissent plutôt que de noircir.

Figure 4. Nervures noircies traversant une lésion causée par la nervation noire à l’extrémité d’une feuille de chou-fleur.

Les symptômes sur le chou-fleur prennent souvent la forme de mouchetures noires ou de pourtours de feuilles roussis. Les pommes de chou-fleur infectées finissent souvent par noircir.

Les symptômes foliaires ne sont parfois pas visibles sur les légumes-racines infectés comme le rutabaga et le navet, mais les tissus vasculaires peuvent noircir à l’intérieur des tissus comestibles des racines, ce qui rend le produit invendable. Même si certains plants infectés peuvent paraître sains, une coupe en travers des tiges infectées révèle des tissus vasculaires noircis caractéristiques. C'est une méthode simple qui permet de déterminer la présence de la maladie (figure 5).

Les hydathodes sont des organes spéciaux à l’;extrémité des tissus vasculaires des feuilles, à travers lesquels l’eau s’échappe; il s’;agit d’;orifices naturels que les bactéries de la nervation noire infectent.

Figure 5a. Coupe transversale pratiquée à la base d’une tige par la nervation noire et révélant le xylème noir effondré.

Cross section of the base of a black rot infected cabbage (b) leaf revealing the black, collapsed xylem.

Figure 5b. Coupe transversale pratiquée à la base d’une feuille de chou infectées par la nervation noire et révélant le xylème noir effondré.

Certains symptômes de la nervation noire s'apparentent de près aux symptômes de la jaunisse fusarienne, qui provoque le brunissement des tissus vasculaires. La plupart des cultivars commerciaux de crucifères sont résistants à la jaunisse fusarienne (figure 6).

Leaf symptoms of Fusarium yellows sometimes appear similar to black rot except the vascular tissue turns brown instead of black.

Figure 6. Les symptômes foliaires de la jaunisse fusarienne s'apparentent parfois à ceux de la nervation noire, si ce n'est que les tissus vasculaires brunissent plutôt que de noircir.

Propagation de la maladie

La semence contaminée par les bactéries de la nervation noire est considérée comme la source de pathogènes la plus importante et contribue grandement à la propagation de la maladie dans le monde. Aussi peu que 3 graines infectées sur 10 000 (0,03 % de graines infectées) peuvent provoquer une épidémie de nervation noire. Les graines doivent être testées et certifiées exemptes de la maladie. Elles doivent comporter moins de 1 graine infectée sur 30 000.

L’agent pathogène survit dans les résidus de culture infectés laissés au sol. Sa survie se prolonge jusqu'à ce que les tissus pourrissent. Les bactéries survivent librement dans le sol, même sans la protection de résidus, mais pas très longtemps. Comme les bactéries de la nervation noire peuvent aussi infecter de nombreuses mauvaises herbes de la famille des crucifères, elles survivent également sur les mauvaises herbes, ce qui contribue à la persistance et à la propagation de la maladie. Les bactéries peuvent croître et se multiplier sur les tissus des plantes hôtes sans que ces dernières ne présentent de symptômes.

La dispersion de la maladie dans le champ est essentiellement attribuable aux éclaboussures d’eau chargées de bactéries provenant des débris de végétaux contaminés à la surface du sol ou des plants voisins infectés. Les bactéries pénètrent dans les plants et s'en échappent par les hydathodes situés sur le pourtour et à l’extrémité des feuilles (figure 7). Il arrive souvent qu'une goutte d’eau s'échappe par les hydathodes durant les périodes de forte humidité en début de matinée. Le pathogène se propage très rapidement lorsque des gouttes de pluie contaminées par la bactérie sont éclaboussées sur des feuilles saines et pénètrent dans leurs hydathodes. Les bactéries envahissent les nervures en infectant les hydathodes, puis commencent à se multiplier, à faire pourrir les nervures et à les obstruer. Les gouttes d’eau contaminées qui exsudent des hydathodes des feuilles infectées peuvent être éclaboussées par la pluie sur d’autres plants.

Hydathodes are special glands or pores at the end of vascular tissue on leaves through which water exudes and are a natural opening for black rot bacteria to infect.

Figure 7. Les hydathodes sont des organes spéciaux à l’extrémité des tissus vasculaires des feuilles, à travers lesquels l’eau s'échappe; il s'agit d’orifices naturels que les bactéries de la nervation noire infectent.

La nervation noire est plus grave et plus généralisée dans les champs où il pleut souvent le matin, surtout en mai et en juin. La machinerie, les humains, les animaux et l’irrigation par aspersion sont autant d’agents de dispersion de la maladie. Les insectes peuvent aussi contribuer à propager les bactéries. Toutefois, leur contribution à la propagation de la nervation noire est limitée.

Lutte contre la maladie

La lutte contre la nervation noire commence par l’identification des sources possibles d’inoculum et par l’utilisation de stratégies de lutte intégrée qui misent notamment sur la résistance des plantes hôtes, l’utilisation de semence exempte de la maladie, les précautions visant à éviter la propagation de la maladie et les pratiques sanitaires. Ces dernières sont le meilleur moyen de réduire, d’exclure et d’éliminer les premières sources d’inoculum. Les pratiques sanitaires comprennent généralement la rotation des cultures, la désinfection des semences, l’élimination des plants infectés et des tas de résidus et l’éradication des hôtes intermédiaires.

Traitement des semences

L’inoculum transmis par la semence est un agent de contamination important. Les producteurs ne doivent semer que de la semence certifiée pour laquelle des tests ont confirmé une incidence de la nervation noire inférieure à 1 graine sur 30 000, soit moins de 0,003 % de contamination. Lorsque le taux de contamination de la semence n'est pas connu ou qu'il est impossible de se procurer de la semence exempte de la maladie, il faut absolument traiter la semence de manière à éliminer le pathogène. Les producteurs qui achètent des plants doivent exiger une preuve que les plants ont été obtenus à partir de semence exempte de la maladie ou de semence traitée. Au moment de la mise en place au champ, il faut éviter de mettre en terre des plantules malades.

Les traitements des semences n'éliminent pas toujours 100 % des bactéries présentes dans la semence ou à sa surface. Ils peuvent par ailleurs nuire au pouvoir germinatif et à la vigueur de la semence. Le trempage des graines dans de l’eau chaude à 50 °C pendant 25-30 minutes est le traitement le plus efficace pour la maîtrise de la nervation noire transmise par la semence. Les traitements à l’eau chaude peuvent toutefois endommager la semence si elle est faible, si elle a été entreposée pendant plusieurs années et s'il s'agit de la semence de certaines crucifères, dont le chou-fleur, le chou-rave, le chou vert, le rutabaga et le navet blanc à collet violet. Il faut dans leur cas limiter à 15 minutes la durée de trempage dans l’eau chaude à 50 °C.

On ne connaît pas les effets des traitements à l’eau chaude sur chaque cultivar de crucifère. Il est donc recommandé aux producteurs de traiter une fraction seulement de leur semence et de faire les semis dans des pots de façon à déterminer les effets du traitement sur le pouvoir germinatif et la vigueur, avant de traiter des lots entiers.

Stratégies pour éviter la propagation de la maladie

Utiliser chaque année de nouveaux plateaux de semence afin d’éviter de contaminer la culture de l’année en cours avec des bactéries résiduelles de la nervation noire de l’année précédente. S'il n'est pas rentable d’acheter chaque année de nouveaux plateaux, il est possible de stériliser des plateaux d’occasion à la vapeur, à l’eau bouillante ou à l’aide de désinfectants chimiques de manière à éviter toute contamination éventuelle. Détruire immédiatement les plateaux de semence infectés afin de prévenir la propagation de la maladie à d’autres plateaux de plantules.

Éviter de faire tremper des caisses ou des bottes de plantules dans des bassins d’eau avant la mise en place au champ. Les bactéries de la nervation noire peuvent se propager des plantules infectées aux plantules saines en infectant les cicatrices sur les feuilles et les blessures sur les racines au moment du trempage dans l’eau.

Les bactéries de la nervation noire peuvent contaminer les sources d’eau et la surface des vêtements, de la machinerie et des outils. Voici des moyens de freiner la propagation de la maladie à l’intérieur d’un champ : réduire les taux de semis et les densités de peuplement de manière à promouvoir une bonne circulation d’air et à faciliter le séchage rapide des plants; et attendre que le champ soit sec avant d’y travailler. Pour réduire la dispersion de la maladie des champs infectés aux champs sains, faire les interventions en dernier dans les champs infectés et prendre soin de laver et de désinfecter la machinerie avant de passer d’un champ à un autre.

Choix du champ

Le choix du champ est très important en raison de la distance sur laquelle le pathogène peut se propager. Il faut, autant que faire se peut, choisir des champs aussi éloignés que possible des champs ayant servi à la culture de crucifères l’année précédente. Choisir des champs qui sont bien drainés et qui ne reçoivent pas les eaux de ruissellement de zones ou de champs ayant déjà servi à la culture de crucifères. Les sols légers et bien drainées sont ceux qui conviennent le mieux à la culture des crucifères, car ils peuvent être travaillés tôt dans la saison et ils permettent une mise en place plus précoce des plants. Le fait de partir les plants tôt peut aider à éviter la maladie, car en général, les conditions environnementales ne sont alors pas propices au déclenchement et à la propagation des bactéries de la nervation noire.

Rotation des cultures

Le fait d’utiliser de la semence ou des plants exempts de la maladie et préalablement traités ne garantit pas que l’on obtiendra une récolte exempte de la maladie. Il faut aussi pratiquer la rotation des cultures. Les bactéries de la nervation noire qui se trouvent dans les tissus des végétaux infectés présents dans le sol survivent jusqu'à ce que les tissus soient entièrement décomposés et pourris. Le temps qu'il faut aux résidus de crucifères pour pourrir varie d’une région à l’autre en fonction de la température, du taux d’humidité du sol et du type de sol. Par exemple, dans les États de Georgie et de Washington, qui connaissent des étés longs et chauds, on estime que les bactéries peuvent survivre librement dans le sol environ 60 jours et qu'elles survivent jusqu'à 615 jours dans les débris de plantes hôtes infectées. Les bactéries peuvent survivre plus longtemps dans le sol durant les saisons fraîches et humides que durant les saisons chaudes et sèches. En Ontario, une rotation sur trois ans est recommandée.

Lutte contre les mauvaises herbes

Voici des mauvaises herbes de la famille des crucifères qui sont susceptibles d’abriter la bactérie de la nervation noire : la moutarde des oiseaux (Brassica campestris), la moutarde joncée (B. juncea), la moutarde noire (B. nigra), la bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris), le cranson velu (Cardaria pubescens), la lépidie densiflore (Lepidium densiflore) et le radis sauvage aussi appelé ravenelle (Raphanus raphanistrum). Lorsque la maladie se manifeste sur des mauvaises herbes, les symptômes s'expriment par de petites lésions jaunes en forme de V sur le pourtour des feuilles. Le pathogène peut se propager sur une distance allant jusqu'à 30 m depuis des plants infectés (dont des mauvaises herbes servant d’hôtes) à des plants sains. Non seulement le pathogène infecte les mauvaises herbes et se propage des mauvaises herbes aux cultures de crucifères, mais il peut aussi survivre sur les graines de mauvaises herbes. Il peut aussi se multiplier sur les feuilles des mauvaises herbes sans provoquer d’infection. Une bonne lutte contre les mauvaises herbes à l’intérieur du champ facilite la maîtrise de la maladie, mais encore faut-il se soucier de combattre aussi les mauvaises herbes dans les fossés et le long des clôtures.

Lutte contre les insectes

L’altise des crucifères (Phyllotreta cruciferae) peut transmettre la bactérie de la nervation noire depuis des plants infectés à des plants sains. Toutefois, son importance dans la transmission de la maladie est limitée. Les blessures causées par les insectes offrent un point d’entrée à la maladie, qui infecte alors les plants durant les périodes de pluies ou de fortes rosées. La lutte contre les insectes contribue à réduire la propagation et la gravité de la maladie.

Gestion des résidus de culture

Les résidus de culture et les légumes de rebut laissés en tas dans le champ constituent un milieu propice à la propagation des bactéries de la nervation noire. Les résidus de culture frais laissés près des champs peuvent provoquer des épidémies graves durant la saison de culture. Il faut conditionner les récoltes de crucifères en vue de leur commercialisation loin des champs et prendre soin de déchiqueter et d’enfouir immédiatement les tissus malades enlevés des plants.

Cultivars résistants

Dans le monde entier, nombre de programmes de sélection des cultures de crucifères s'emploient à élaborer des cultivars affichant une résistance ou une tolérance à la nervation noire. Une résistance à la nervation noire a d’abord été identifiée sur le cultivar de chou japonais Early Fuji. Aujourd'hui, de nombreux hybrides de crucifères affichant une tolérance à la nervation noire sont offerts sur le marché pour la production commerciale à la fois de produits vendus à l’état frais et de produits destinés à la transformation.

Lutte chimique

La fumigation du sol peut réduire considérablement l’inoculum de la nervation noire. La fumigation du sol coûte cher et oblige à recourir à d’autres méthodes pour détruire les bactéries pathogènes. Pour plus d’information sur les possibilités de lutte chimique, voir la publication 363F du MAAARO, Recommandations sur les cultures légumières.

Fertilisation

L’effet de la gestion des éléments nutritifs sur la vulnérabilité des cultures abritant la bactérie de la nervation noire n'est pas entièrement compris. Il se peut qu'un programme nutritif équilibré réduise la vulnérabilité des plants aux infections. Un excès d’azote stimule la croissance végétative et peut accroître la vulnérabilité des plants. Les oligo-éléments peuvent aussi influencer les mécanismes de défense des crucifères.

Remerciements

Nous remercions le Secrétariat d’État pour sa contribution financière à la réalisation de la présente fiche technique.