La résistance des mauvaises herbes aux herbicides
Renseignez-vous sur la résistance aux herbicides, son évolution, les façons de la prévenir et les mauvaises herbes qui sont actuellement résistantes.
ISSN 1198-7138, Publié avril 2001
Qu'est-ce que la résistance aux herbicides?
La résistance à un herbicide traduit la capacité qu'a un peuplement de mauvaises herbes de survivre à un traitement herbicide qui, sous des conditions d’utilisation normales, réussirait à le maîtriser efficacement. La résistance aux herbicides est un exemple d’évolution à un rythme accéléré et illustre le principe de la « loi du plus fort ». Un herbicide peut détruire toutes les mauvaises d’un peuplement d’une espèce en particulier, à l’exception de quelques spécimens ayant le potentiel génétique de survivre à l’herbicide. Les mauvaises herbes résistantes aux herbicides sont normalement très rares dans un peuplement. Le fait d’appliquer le même herbicide, dans le même champ, année après année, conduit à une sélection qui ne laisse que des plants résistants. Les mauvaises herbes résistantes montent à graines et dominent tôt ou tard le peuplement. Celui-ci n'est par la suite plus maîtrisé efficacement par l’herbicide responsable de la sélection.
Les mauvaises herbes résistantes peuvent l’être à seulement un groupe d’herbicides, mais aussi à deux groupes et même davantage. Elles peuvent aussi être résistantes à une catégorie d’herbicides au sein d’un groupe ou à toutes les catégories d’herbicides au sein du même groupe. L’exemple qui suit illustre cette situation.
Un peuplement d’une certaine espèce de mauvaises herbes résistant aux herbicides du groupe 2 (inhibiteurs de l’acétolactate synthase [ALS]) peut être résistant à un, à plusieurs ou à la totalité des herbicides qui inhibent ALS (voir le tableau 3); on parle dans ce cas de résistance croisée. On parle de multirésistance lorsque le peuplement de mauvaises herbes est résistant non seulement aux herbicides du groupe 2, mais aussi aux herbicides du groupe 5 (triazines). Pour maîtriser ce peuplement, il faudrait choisir des herbicides qui n'appartiennent ni au groupe 2, ni au groupe 5 (voir le tableau 3).
Exemple
Un peuplement d’amarantes résistant à l’atrazine peut également être résistant à la métribuzine (Sencor ou Lexone) ainsi qu'à la simazine (Princep ou Simadex) (résistance croisée). Si le même peuplement d’amarantes est résistant à l’imazéthapyr (Pursuit du groupe 2), il affiche une multirésistance. (Ce peuplement de mauvaises herbes peut aussi être résistant au thifensulfuron-méthyl [Pinnacle], au nicosulfuron ou au rimsulfuron [Accent, Ultim, Elim] ou à d’autres herbicides du groupe 2 [résistance croisée]). Toutefois, les herbicides d’autres groupes que les groupes 5 et 2, tel le dicamba (Banvel, du groupe 4) ou le bromoxynil (Pardner du groupe 6) permettront de maîtriser ce peuplement de mauvaise herbe tout aussi efficacement que s'il s'agissait d’un peuplement sensible de la même espèce de mauvaise herbe. Certains produits herbicides combinent plus d’un ingrédient actif (de différents groupes) et offrent la possibilité de retarder l’apparition d’une souche résistante et d’assurer la maîtrise des mauvaises herbes résistantes (Broadstrike, Dual Magnum, Fieldstar, Peakplus et Summit en sont des exemples).
En Ontario, on a identifié des amarantes qui sont résistantes à la fois aux triazines (herbicides du groupe 5, comme l’atrazine et la métribuzine) et aux inhibiteurs de ALS (herbicides du groupe 2, comme Pursuit, Classic et Pinnacle). En Australie, on compte jusqu'à 10 le nombre de groupes chimiques auxquels certains peuplements de ray-grass sont résistants. La multirésistance réduit considérablement les choix qui s'offrent aux agriculteurs pour combattre ces mauvaises herbes.
Une multirésistance peut apparaître après une sélection séquentielle. La sétaire verte au Manitoba est un bon exemple de sélection séquentielle. Au départ, cette mauvaise herbe a développé une résistance au Treflan. Cette résistance a incité les agriculteurs à utiliser des anti-graminées de postlevée (groupe 1) comme solution de rechange. Après 4-5 années de traitements avec des anti-graminées de postlevée, certains peuplements de sétaire sont devenus résistants à ces types d’herbicides. Ainsi, la sétaire verte est devenue résistante à la fois aux herbicides du groupe 3 et à ceux du groupe 1.
Comment la résistance se développe-t-elle?
On a recensé dans 47 pays du monde plus de 249 biotypes de mauvaises herbes résistantes à des herbicides. Ce chiffre gonfle d’année en année, à mesure que de nouveaux cas de résistance sont signalés. Certaines pratiques de gestion augmentent la probabilité que des mauvaises herbes développent une résistance.
- La résistance risque davantage d’apparaître lorsque le même herbicide ou des herbicides appartenant aux mêmes groupes sont utilisés à répétition.
- La monoculture encourage souvent l’utilisation du même herbicide.
- La résistance risque davantage de se manifester parmi les espèces de mauvaises herbes annuelles, du fait qu'elles produisent un grand nombre de graines (les amarantes, le chénopode blanc et les sétaires en sont de bons exemples).
- La résistance se manifeste souvent à l’égard des herbicides qui sont les plus efficaces à combattre certaines espèces de mauvaises herbes. Ce phénomène s'explique par la sélection intense que ces herbicides imposent sur les espèces qu'ils sont très efficaces à combattre. Ainsi, seuls les spécimens résistants voient leurs gènes transférés d’une génération à l’autre.
Comment prévenir la résistance?
La gestion de la résistance repose sur la planification du programme de lutte contre les mauvaises herbes. Voici des stratégies qui portent fruit :
- ne recourir aux herbicides qu'au besoin;
- employer la dose recommandée;
- utiliser des mélanges à base d’herbicides appartenant à au moins 2 groupes différents;
- pratiquer une rotation entre les groupes d’herbicides.
L’efficacité des stratégies qui consistent à utiliser des mélanges et à pratiquer la rotation des herbicides tient au fait que si une mauvaise herbe possède des gènes de résistance à un groupe d’herbicides, l’herbicide de l’autre groupe compris dans le mélange parviendra à l’enrayer. La grande différence entre ces deux stratégies est que, dans le cas des mélanges d’herbicides, ceux--ci tuent la mauvaise herbe résistante par le concours de nombreux ingrédients actifs employés durant la même saison, tandis que, dans le cas de la rotation des herbicides, les mauvaises herbes résistantes sont tenues en échec les années où les groupes d’herbicides efficaces sont employés.
Non seulement les mélanges doivent--ils renfermer des herbicides de groupes différents, mais encore faut--il, si l’on veut compter sur plus d’un mode d’action, que chaque herbicide compris dans le mélange soit efficace à combattre la même espèce de mauvaises herbes. Cela signifie qu'un mélange d’anti-graminées et d’anti-dicotylédones peut donner globalement une bonne maîtrise des mauvaises herbes, sans toutefois constituer un mode de lutte efficace contre la résistance. Il est possible d’acheter des prémélanges renfermant des herbicides de plusieurs groupes. L’agriculteur ou ses conseillers peuvent aussi appliquer une stratégie de gestion de la résistance en choisissant les produits qu'ils jugent les plus efficaces et en les mélangeant dans la cuve du pulvérisateur.
Pour que ces mesures soient efficaces, il est important de choisir des herbicides qui ont des modes d’action différents. Le tableau 3 dresse la liste des herbicides couramment utilisés en Ontario. Cette liste groupe les herbicides selon leur mode d’action et en indique le numéro de groupe. La numérotation des groupes est la même à la grandeur de l’Amérique du Nord. Cette liste est utile quand vient le temps de choisir des herbicides appartenant à des groupes différents, afin de les inclure dans des rotations d’herbicides ou dans des mélanges.
Autovérification
- Pour l’un ou l’autre de vos champs, noter dans le tableau 1, en regard de chaque année, les cultures inscrites dans la rotation et les herbicides utilisées.
- Déterminer à l’aide du tableau 3 à quel groupe appartenaient les herbicides employés chaque année.
- Comparer les numéros des groupes employés d’une année à l’autre. L’utilisation plus fréquente du même groupe d’herbicides peut se traduire par un risque accru d’apparition d’une résistance dans un champ. Certains herbicides maîtrisent les mauvaises herbes en s'attaquant à un seul site d’action (c'est le cas des herbicides du groupe 2) et risquent de donner lieu à l’apparition d’une résistance après avoir été utilisés 4-7 fois. D’autres herbicides, comme ceux du groupe 5, ne semblent donner lieu à l’apparition d’une résistance qu'après 10-15 années d’utilisation répétée.
- Inclure les 2 prochaines années de votre programme de rotation des cultures, afin d’être en mesure d’évaluer les programmes d’herbicides eu égard à la gestion de la résistance et eu égard également aux restrictions liées aux résidus dans le sol et aux cultures.
Année | Culture | Herbicide | Groupe # |
---|---|---|---|
example 1 | soya | Pursuit plus Basagran | 2 et 6 |
example 2 | maïs | Marksman | 4 et 5 |
1994 | - | - | - |
1995 | - | - | - |
1996 | - | - | - |
1997 | - | - | - |
1998 | - | - | - |
1999 | - | - | - |
2000 | - | - | - |
2001 | - | - | - |
2002 | - | - | - |
2003 | - | - | - |
Mauvaises herbes affichant déjà une résistance
Voici des exemples de mauvaises herbes dont on sait qu'il existe des souches résistantes en Ontario. Dans chacun des cas, les producteurs ont appris à adapter les programmes de lutte contre les mauvaises herbes, afin qu'ils s'attaquent aussi aux biotypes résistants.
Herbicide | Espèce de mauvaise herbe | Commentaires |
---|---|---|
2,4-D (Groupe 4) | carotte sauvage | Une variabilité au niveau de l’espèce créant tantôt une tolérance, tantôt une résistance a été découverte et signalée en 1956, puis à nouveau confirmée en 1998. |
atrazine (Groupe 5) | chénopode blanc | D’abord confirmée en 1974, la résistance est maintenant observée dans la plupart des comtés du sud de l’Ontario. Les antécédents culturaux des champs où des mauvaises herbes résistantes aux triazines ont été découvertes révèlent généralement que des herbicides à base de triazines ont été utilisés pendant 6-10 années consécutives. |
atrazine (Groupe 5) | amarante de Powell, amarante réfléchie et herbes à poux | Ces mauvaises herbes résistantes ont été confirmées vers la fin des années 1970 et sont maintenant disséminées en maints endroits de la province. Les souches d’amarantes résistantes ne sont pas aussi fréquentes que celles du chénopode blanc, mais, là où on en trouve, les peuplements sont comparables. Les herbes à poux résistantes sont plus localisées, mais on en trouve dans plusieurs régions de la province. |
atrazine (Groupe 5) | pied-de-coq, sétaire glauque, panic capillaire | Toutes confirmées en 1981, les souches résistantes de ces mauvaises herbes se trouvent dans des régions circonscrites du sud de l’Ontario. L’aire de répartition n'est pas très étendue en dépit du fait que la résistance a été découverte il y a près de 20 ans. |
atrazine (Groupe 5) | ansérine à floraison tardive, moutarde des champs, séneçon | Des souches résistantes de chacune de ces espèces ont été trouvées en 1980 dans des zones circonscrites du sud de l’Ontario. |
paraquat (Groupe 22) | vergerette du Canada | D’abord trouvées en 1995 dans deux vergers du sud-ouest de l’Ontario, les souches résistantes sont très localisées. |
ALS (Groupe 2) | amarante réfléchie, amarante de Powell | D’abord confirmées en 1997, des souches résistantes d’amarantes se trouvent maintenant dans au moins 8 comtés.
Des souches résistantes de la morelle noire de l’Est ont été confirmées en 2000 et trouvées résistantes à l’imazéthapyr et peut-être même à d’autres herbicides du groupe 2. |
linuron (Groupe 7) | amarante de Powell | D’abord confirmées en 1999 après une utilisation prolongée du linuron dans les cultures de carottes, les souches résistantes seraient localisées. |
Groupe | Site d’action | Produits à mode d’action unique (par ordre alphabétique) | Produits à plusieurs modes d’action (par ordre alphabétique) |
---|---|---|---|
1 | Inhibiteurs de la carboxylase acétyl-CoA; ACCase* | Acclaim Super, Achieve, Assure II, Excel Super, Fusilade II, Hoe-grass, Poast Ultra, Select, Venture | S.O. |
2 | Inhibiteurs de l’acétolactate synthase (ALS) aussi appelée acétohydroxyacide synthase (AHAS) | Accent, Arsenal, Classic, Elim EP, First Rate, Muster, Pinnacle, Prism, Pursuit, Refine Extra, Reliance STS, Telar, Ultim, Upbeet | Broadstrike Dual Magnum(2,15), Broadstrike Treflan(2,3), Clean Sweep(2,6), Conquest(2,5), Fieldstar(2,4), Meridian Plus(2,6), Patriot(2,5), PeakPlus(2,4), Striker(2,4,4), Summit(2,4), Ultimax(2,4), Valor(2,3), Viper(2,14) |
3 | Inhibiteurs de l’assemblage des microtubules | Edge, Bonanza, Dimension, Prowl, Rival, Treflan | Broadstrike Treflan(2,3), Valor(2,3) |
4 | Auxines synthétiques | Banvel II, Caliber, Cobutox, Compitox, Covitox Plus, Dichlorprop-D, Diphenoprop, Dycleer, Dyvel, Embutox, Estaprop, Estasol, Estamine 2,4-D, Garlon 4, Kil-Mor, Killex, Lontrel, MCPA, Mecoprop, Savage 'Mecoprop Plus 2,4-D, Mecoturf Plus 2,4-D, Meco-D, Par III, Premium 3-Way, Release, Target, Tordon 101 mix, Tricep, Turf Herbicide, Turf-Rite 2+2, Turboprop, Weedone CB | Buctril M(4,6), Calmix Pellets(4,5), Distinct(4,19), Fieldstar(2,4), Marksman(4,5), PeakPlus(2,4), Shotgun(4,5), Stampede CM(4,7), Striker(2,4,4), Summit(2,4), Ultimax(2,4) |
5 | Inhibiteurs de la photosynthèse au niveau du photosystème II, Site A | Aatrex, Atrazine, Betamix, Betanex, Bladex, Gesagard, Hyvar X, Lexone, Princep Nine-T, Pronone, Pyramin, Sencor, Simadex, Simazine, Sinbar, Spin-Aid , Velpar | Axiom(5,15), Boundary(5,15), Calmix Pellets(4,5), Conquest(2,5), Converge(5,28), Krovar(5,7), Laddok(5,6), Marksman(4,5), Patriot(2,5), Primextra II Magnum (5,15), Shotgun(4,5) |
6 | Inhibiteurs de la photosynthèse au niveau du photosystème II, Site A | Basagran, Basagran Forté, Lentagran, Pardner | Clean Sweep(2,6), Buctril M(4,6), Laddok(5,6), Meridian Plus(2,6) |
7 | Inhibiteurs de la photosynthèse au niveau du photosystème II, Site B | Afesin, Afolan, Herbec 20P, Karmex, Linuron, Lorox, Patoran | Krovar(5,7), Stampede CM(4,7) |
8 | Conjugaison de la coenzyme acétyle A | Avadex, Avenge, Betasan, Eradicane, Eptam, Ro-Neet | S.O. |
9 | Inhibiteurs de 5-enolpyruvylshikimimate-3-phosphate synthase (EPSP ) | Clear-It, Credit, Expedite Grass & Weed, E-Z-Ject, Glyfos, Laredo, Maverick, Renegade, Roundup, Touchdown, Vantage, Vision, Wrangler | Roundup Fast Forward (9,10) |
10 | Inhibiteurs de la glutamine synthétase | Ignite, Liberty | Roundup Fast Forward (9,10) |
11 | Inhibiteurs de la biosynthèse des caroténoïdes | Amitrol | S.O. |
14 | Inhibiteurs de la protoporphyrinogène oxydase (PPO) | Blazer, Goal, Reflex, Ronstar | S.O. |
15 | Conjugaison de la coenzyme acétyle A | Devrinol, Dual Magnum, Dual II Magnum, Frontier | Axiom(5,15), Boundary(5,15), Broadstrike Dual Magnum(2,15), Primextra II Magnum(5,15) |
19 | Inhibiteurs du mode de transport de l’auxine | Alanap | Distinct(4,19) |
20 | Inhibiteurs de la synthèse des parois cellulaires, site A | Casoron | S.O. |
22 | Photosystème I - diffraction des électrons | Gramoxone, Reglone, Reward, Weed & Grass Killer | Terraklene(5,22) |
23 | Inhibiteurs de la mitose | CIPC | S.O. |
27 | Autres | Basamid, Krenite, Vapam | S.O. |
28 | Inhibiteurs de la dioxygénase du pyruvate de p-hydroxyphényle (HPPD) | S.O. | Converge(5,28) |
Le classement des herbicides utilisés en Ontario reprend le classement accepté à l’échelle nationale de la Weed Science Society of America. Les groupes 12, 13, 16, 17, 18, 21, 24, 25 et 26 n'étant pas offerts en Ontario, on les a enlevés du tableau.
Données tirées du tableau 3 de la publication 75F du MAAO, Guide de lutte contre les mauvaises herbes.
Que faire devant unpeuplement de mauvais herbese résistantes?
Avant de conclure à l’apparition d’une souche résistante, s'assurer d’exclure toutes les autres explications possibles des échappées de mauvaises herbes et des zones non maîtrisées. Les mauvaises herbes qui lèvent après un traitement herbicide sans effet rémanent peuvent brouiller le diagnostic. Il y a aussi des espèces qui sont naturellement plus tolérantes à certains herbicides. Un mauvais réglage du matériel, une forme de dispersion du jet qui laisse à désirer, la bouillie qui pénètre peu dans le feuillage, un traitement effectué au mauvais stade de croissance ou sous des conditions météorologiques non souhaitables sont autant de facteurs qui peuvent laisser croire à tort à une résistance.
Par contre, si on diagnostique réellement une résistance, il convient d’opter dès lors pour un herbicide de rechange auquel la mauvaise herbe combattue n'est pas résistante. Il peut s'agir d’ajouter dans le mélange en cuve un herbicide différent, de pulvériser un autre produit par un second passage de la machinerie ou de modifier complètement le programme des traitements herbicides. La principale crainte soulevée par toutes ces ripostes est de voir apparaître une multirésistance, comme cela s'est produit en Ontario avec l’amarante et au Manitoba avec la sétaire verte.
La résistance vient de ce que l’on se fie trop aux herbicides pour maîtriser les mauvaises herbes. Le simple fait de changer d’herbicides risque de ne pas constituer une solution viable à long terme, si l’on ne change pas en même temps la façon d’envisager globalement la lutte contre les mauvaises herbes. La gestion de la résistance dépend de bien des facteurs, comme le choix d’herbicides, les types de cultures et le genre d’infestation.
Devant un cas de résistance, que faire? En l’absence d’une résistance, comment en prévenir l’apparition? Les réponses à ces questions sont essentiellement les mêmes. Voici des conseils sur la façon de gérer la résistance.
- Éviter d’utiliser le même herbicide ou des herbicides appartenant au même groupe dans le même champ, deux années d’affilée.
- Ne pas utiliser d’herbicides ayant le même mode d’action plus d’une fois par saison. (Les traitements de sauvetage doivent être faits avec un herbicide d’un groupe différent.)
- Utiliser des mélanges en cuve lorsque deux produits ou plus donnent de bons résultats contre la mauvaise herbe combattue et que les produits ont des modes d’action différents.
- Recourir à la rotation des cultures, car le simple changement d’herbicides ne suffit pas. L’utilisation de différentes cultures élargit le choix des herbicides à employer et des méthodes de travail du sol permettant de lutter contre les mauvaises herbes. Certaines cultures livrent aussi une concurrence plus féroce aux mauvaises herbes.
- Gérer efficacement les échappées de mauvaises herbes. Noter les tendances, les réussites et les échecs.
- Utiliser de la semence propre. Nettoyer le matériel avant de passer d’un champ à un autre.
- Dans la mesure du possible, recourir au sarclage, aux cultures de couverture ou à d’autres pratiques visant à contrer la levée des mauvaises herbes.
La lutte intégrée pour la gestion de la résistance
Les méthodes permettant de retarder l’apparition des résistances, comme les mélanges d’herbicides et les rotations ont un effet maximal si elles sont comprises dans un programme de lutte intégrée. Un tel programme repose sur l’utilisation combinée, de manière optimale, de tous les outils de lutte contre les mauvaises herbes, afin de maîtriser les peuplements de mauvaises herbes tout en maintenant le caractère économique de la production. Dans la lutte intégrée, les mesures de lutte culturale et mécanique sont complétées par des mesures de lutte chimique.
Les méthodes de lutte mécanique comprennent le sarclage des entre-rangs ou d’autres forme de travail du sol. Les méthodes culturales peuvent contribuer dans une large mesure à réduire l’emploi des herbicides. Elles comprennent le choix de cultivars ou d’hybrides qui livrent une concurrence plus vive aux mauvaises herbes, des semis sur des rangs serrés ou le recours à une culture de couverture. La rotation des cultures peut aussi aider considérablement à prévenir l’apparition d’une résistance. Le fait d’ajouter du blé à une rotation maïs-soya peut, par exemple, ouvrir la voie à de nouveaux modes de lutte contre les mauvaises herbes. Le fait de semer une culture qui lève à un moment différent et qui se prête à une gestion tout à fait différente de celles du maïs et du soya peut contribuer à déstabiliser les peuplements de mauvaises herbes. Ces dernières ont plus de difficulté à s'adapter lorsque les pratiques de gestion changent.
En résumé
Les herbicides sont des outils très importants de lutte contre les mauvaises herbes. Ils assurent une lutte efficiente et économique et doivent être perçus comme des ressources à protéger. Si on en abuse, le phénomène de la résistance les rendra inefficaces. Cela est d’autant plus vrai dans le cas des herbicides du groupe 2, en raison de leurs nombreuses caractéristiques intéressantes, comme les faibles doses d’emploi, la faible toxicité et la grande efficacité. Si l’on adopte un programme de lutte intégrée, on peut tenir les mauvaises herbes en échec en recourant aux herbicides, mais aussi aux autres méthodes de lutte. On fait alors en sorte de réduire la pression que les herbicides exercent sur les mauvaises herbes combattues.
Nous remercions le Secrétariat d’État pour sa contribution financière à la réalisation de la présente fiche technique