Introduction

L'azote occupe une place essentielle dans plusieurs aspects différents de l'exploitation durable d'une ferme laitière. Ainsi l'azote (N) contenu dans les protéines alimentaires fournit les acides aminés indispensables à l'animal pour assurer sa croissance et son entretien et pour produire le lait. À l'autre bout du spectre de l'exploitation d'une ferme, l'azote est indispensable au sol pour le maintien de la fertilité et la production rentable et durable des cultures.

Quand les épandages de fumier apportent des quantités d'azote (N) qui dépassent les quantités utilisées par les cultures, il y a un risque de pollution des ressources en eau de surface et en eau souterraine. L'azote crée un risque pour la santé humaine quand il se retrouve dans l'eau potable sous forme de nitrates. En outre, la dissipation dans l'atmosphère de l'azote du fumier sous sa forme volatile (ammoniac) est un sujet qui préoccupe de plus en plus. L'ammoniac diminue la qualité de l'air à cause de son odeur et l'oxyde nitreux est un puissant gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement de l'atmosphère de la planète.

Les producteurs laitiers ont commencé à appliquer certaines méthodes pour limiter l'excès d'azote. Il y a cependant, dans ce domaine, une méthode qui ne reçoit pas toute l'attention qu'elle mérite, celle qui consiste à gérer l'azote dans l'alimentation des animaux. Cette méthode proactive vise à réduire le risque que l'azote soit rejeté en excès dans les déjections animales, avant qu'il ne puisse dégrader l'environnement.

Il existe un lien direct entre la teneur en azote des aliments et la teneur en azote des matières fécales et de l'urine. Une méthode efficace pour réduire l'excrétion d'azote dans les fermes laitières est donc de formuler avec plus de précision les rations. Il est 4 fois plus efficace d'agir au niveau de l'alimentation pour réduire l'excédent d'azote que de modifier les installations de stockage de fumier ou de corriger les taux d'épandage du fumier.

Les recherches effectuées en Amérique du Nord montrent que dans la ferme laitière type, les quantités d'azote importé (achats d'aliments et d'engrais et fixation d'azote par les légumineuses) sont de 62 à 79 % supérieures aux quantités d'azote exporté (sous forme de lait ou de viande). L'importation d'azote sous forme d'aliments achetés représente de 62 à 87 % de l'azote excédentaire produit par la ferme laitière. Par conséquent, la possibilité de réduire l'azote excédentaire en améliorant la nutrition est un domaine où des progrès importants peuvent être réalisés. On peut voir à la figure 1 une illustration du cycle caractéristique de l'azote sur une ferme laitière.

Possibilités de réduction liées à la nutrition

La teneur en protéine brute (PB) alimentaire est l'indicateur global de la teneur en azote des aliments. En nutrition des bovins laitiers, les protéines brutes se classent par catégories qui dépendent de leur mode de digestion : on distingue ainsi les protéines dégradables dans le rumen et les protéines non dégradables dans le rumen (dégradables dans l'intestin). De même, les protéines dégradables se subdivisent en protéines solubles dans le rumen et en protéines insolubles dans le rumen. Les nutritionnistes utilisent la composition chimique des ingrédients pour formuler des rations qui couvrent les besoins de la sécrétion lactée de la façon la plus efficace par rapport aux coûts.

L'expression « nourrir la flore du rumen » est souvent utilisée. Elle désigne le fait que, chez les ruminants, la production laitière est efficace quand le rumen produit en abondance des protéines microbiennes et des acides gras volatils (AGV), éléments que l'animal utilise pour produire le lait. Un niveau efficace de fermentation dans le rumen ne peut être maintenu que si l'on fournit suffisamment de protéines digestibles dans le rumen et en même temps les glucides fermentescibles nécessaires pour maximiser la production des protéines microbiennes. Quand les protéines microbiennes sont abondantes, on peut diminuer la part occupée dans la ration par les protéines achetées, ce qui réduit la quantité d'azote ingérée par les animaux et, par voie de conséquence, la quantité d'azote qu'ils excréteront.

Tout déséquilibre des fractions protéique ou énergétique entraîne une diminution de l'efficacité digestive du rumen. Par exemple, lorsque l'ammoniac est assimilé en excès dans le rumen, le foie sécrète de l'urée que l'organisme rejettera dans l'urine. Une ration trop riche en protéine alimentaire augmente l'excrétion d'urée dans l'urine, l'urée étant, chez les bovins laitiers, la plus importante source de l'ammoniac qui se volatilise dans l'environnement.

Équilibrer une ration, comme le mot l'indique, c'est éviter les déséquilibres nutritionnels et l'utilisation inefficace des éléments nutritifs. Les déséquilibres qui entraînent une utilisation inefficace de la protéine peuvent être la conséquence d'une fourniture soit insuffisante soit excessive des besoins en protéines alimentaires ou en glucides fermentescibles. En Ontario, il n'est pas rare que l'inefficacité de l'assimilation des protéines soit attribuable à un excès de la protéine dégradable dans le rumen qui est fournie par l'ensilage de luzerne.

Étant donné que la protéine est indispensable pour soutenir une production laitière élevée, l'idée d'en abaisser la proportion dans le régime peut sembler irrationnelle. Toutefois, le but est d'éviter que la vache utilise inefficacement la protéine et non pas de lui fournir moins de protéine alimentaire qu'elle en a besoin.

On discerne plus facilement les possibilités qui s'offrent, pour mieux gérer l'azote dans la nutrition, quand on commence par examiner le programme d'alimentation sous un angle global. Voici une liste des situations qui sont à la source d'une fourniture excessive de protéine alimentaire :

  • La ration servie est peu souvent équilibrée
    • il faut veiller à ce que les teneurs en éléments nutritifs des aliments répondent exactement aux besoins de la vache et ce, de façon constante, à défaut de quoi, leur utilisation risque d'être inefficace.
  • La même ration est distribuée à toutes les vaches
    • avec la méthode du « groupe unique », on distribue trop de protéine aux vaches dont la production laitière est inférieure à celle que l'on vise pour le groupe dans son ensemble.
  • La fourniture de protéine dégradable dans le rumen (PDR) est trop élevée
    • En Ontario, les rations distribuées aux vaches laitières sont fréquemment trop riches en PDR fournie par l'ensilage de luzerne.
  • Les refus sont distribués aux génisses
    • cette méthode entraîne habituellement une ingestion et une excrétion excessives d'azote chez les sujets de relève
  • Le fourrage n'est pas analysé régulièrement
    • la composition chimique du fourrage connaît de fortes variations. On ne peut doser comme il faut la fraction protéique d'une ration que si l'on connaît exactement les ingrédients de la ration.

Conséquences possibles

Les manières possibles de réduire les rejets d'azote dans l'environnement dépendent des mesures qui peuvent être mises en oeuvre dans la ferme en question. Par exemple, dans une ferme où l'on pratique la méthode de la ration totale mélangée (RTM) pour groupe unique, on se trouve à donner trop de protéine à toutes les vaches qui produisent moins de lait que la quantité en fonction de laquelle on a équilibré la ration. Dans cet exemple, le fait de distribuer une RTM différente aux vaches moins bonnes productrices réduira annuellement la fourniture de protéine de 15 à 20 % et, dans la même proportion, le rejet annuel d'azote dans l'environnement par l'épandage du fumier. Par contre, la question de savoir si cette réduction du rejet d'azote vaut la peine de passer plus de temps à préparer les rations et à les distribuer demande à être examinée, pour chaque ferme, en fonction de la taille du troupeau, de la main-d'oeuvre et du matériel disponibles.

Utilisation des données sur l'azote uréique dans le lait (AUL)

Dans un troupeau laitier, une façon pratique de surveiller l'efficacité d'utilisation de la protéine alimentaire consiste à contrôler les teneurs du lait en azote uréique (AUL). Une étude concernant les fermes laitières de l'Ontario a montré que la teneur moyenne en AUL était de 13,9 mg/dL. Dans environ 15 % des troupeaux, les teneurs en AUL dépassent 15 mg/dL, ce qui est considéré comme relativement élevé.

À cause de la variation considérable des teneurs en AUL d'une vache à l'autre, il est préférable de n'utiliser ces données que pour évaluer l'efficacité d'utilisation au niveau d'un groupe de vaches. Les concentrations d'azote varient également avec l'époque de l'année, et leurs valeurs les plus élevées s'observent en été. La surveillance régulière des teneurs en AUL sur un certain temps permet d'obtenir une image plus précise de l'efficacité d'utilisation de la protéine alimentaire sur une ferme en particulier.

Comme on peut s'y attendre, des concentrations d'AUL élevées sont liées à des teneurs élevées de la ration en protéine brute, en protéine brute dégradable dans le rumen et en protéine dégradable dans l'intestin. Par contre, des concentrations faibles sont associées à des teneurs plus élevées de la ration en énergie et en glucides non structuraux et à un rapport protéine/énergie plus faible. On voit donc qu'il est important d'évaluer aussi bien l'énergie que la protéine des rations quand on cherche à corriger un problème de résultats d'analyse inhabituels en ce qui concerne l'AUL.

Dans une étude sur l'utilisation des dosages de l'AUL pour améliorer la nutrition des vaches laitières, l'université du Maryland a montré l'intérêt d'une réduction de l'excrétion d'azote. À l'aide des résultats des dosages mensuels de l'AUL et des conseils de gestion qui leur ont été donnés, 44 % des agriculteurs qui participaient au projet ont été amenés à reformuler leurs rations. Les participants au projet ont obtenu des valeurs d'AUL moins élevées (0,52 mg/dL de moins) que dans les autres fermes de la région. Les chercheurs ont calculé que les 472 fermes visées par l'étude feraient baisser annuellement de 126 tonnes la quantité d'azote excédentaire qui peut se retrouver dans les ressources en eau.

Sept méthodes pour distribuer moins d'azote aux animaux

  1. Adoptez la philosophie du « faire plus avec moins ». L'approche « plus on en donne, mieux c'est » ne se vérifie pas quand il est question d'utiliser efficacement l'azote alimentaire. Un bon indicateur de l'efficacité de la production laitière est la marge bénéficiaire dégagée après déduction des coûts de l'alimentation.
  2. Faites analyser régulièrement des échantillons de vos fourrages pour en connaître la valeur nutritive. Vous aurez beau utiliser le logiciel dernier cri pour équilibrer vos rations laitières, vous n'obtiendrez pas des résultats justes si vous utilisez des valeurs standard ou des résultats d'analyses antérieures de vos fourrages.
  3. Surveillez et évaluez les concentrations d'azote uréique dans le lait (AUL). Reformulez les rations si nécessaire.
  4. Distribuez des fourrages de grande qualité. Ceux-ci sont plus digestibles que les fourrages moins bons. Une plus grande digestibilité du fourrage peut améliorer la conversion alimentaire chez les vaches. La stratégie de production des fourrages devrait être fondée sur la qualité de la protéine et des glucides, pas uniquement sur le rendement quantitatif.
  5. Équilibrez les rations à intervalles réguliers et à chaque fois que vous changez d'ingrédient ou de fourrage.
  6. Appliquez aux céréales ou à l'ensilage de maïs des traitements qui améliorent la digestibilité des éléments nutritifs.
  7. Donnez des rations équilibrées à vos génisses. Bien que celles-ci contribuent à la production d'azote du fumier, on a tendance à les négliger dans les programmes d'alimentation.

    Gérer l'alimentation pour réduire les rejets d'azote présente plusieurs avantages

    • Manière efficace de gérer l'azote du fumier
    • Amélioration de la qualité de l'air
    • Diminution de l'odeur causée par l'ammoniac
    • Maintien ou amélioration de la productivité tout en maîtrisant ou en diminuant les coûts des aliments
    • La réduction de la production d'azote permet de réduire le risque de pollution des ressources en eau.
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