Des épandages périodiques de fumier combinés à l'inclusion de cultures fourragères dans la rotation des cultures font l'envie des producteurs quand ils songent aux concentrations de matière organique dans le sol (MOS) et à la capacité de récupération des sols. Mais quelle quantité de matière organique les épandages de fumier apportent-ils véritablement au sol et à quelles variations peut-on s'attendre en fonction des différents types de fumier et d'amendement organique?

Le fumier d'animaux d'élevage est une excellente source d'éléments nutritifs et de matière organique pour le sol. Toutefois, la composition du fumier, les caractéristiques du sol et les méthodes d'application ont une incidence sur la teneur du sol en éléments nutritifs et en matière organique.

Facteurs influençant les avantages en termes d'éléments nutritifs et de matière organique

La composition du fumier varie selon le type d'animal, son âge, la ration qu'on lui sert et l'environnement.

  • Les ruminants reçoivent habituellement une alimentation à base de fourrages, tandis que les monogastriques (c.-à-d., les porcs) reçoivent une alimentation à base de céréales. Le fumier de bovins de boucherie et de bovins laitiers contient des fourrages non digérés et, souvent, des matériaux de litière. Ces matières sont riches en cellulose et en lignine et mettent plus de temps à se décomposer dans le sol si on les compare aux sucres moins complexes qu'on retrouve dans le maïs non digéré.
  • Le stade et l'âge d'un animal influencent la quantité d'aliments qu'il consomme, mais dictent également les teneurs en protéines et en minéraux de ces aliments.
  • La formulation des rations varie elle aussi. Dans des phases de production intense, les animaux ont besoin d'une alimentation plus concentrée, qui comprend du phosphore, du potassium et des oligoéléments comme le calcium. Des épandages périodiques et importants de fumier font augmenter les teneurs du sol en phosphore et en potassium de même que le pH (dans les sols acides). Les carences en oligoéléments, notamment en zinc et en soufre, sont rares dans les sols recevant des épandages périodiques de fumier.
  • L'environnement (logement) des animaux détermine la quantité et le type de litière. La méthode de stockage et les matières ou les eaux de lavage qu'on ajoute au fumier en déterminent la teneur en matières sèches. Le rapport carbone-azote (C/N) des copeaux de bois (200 et +) est de beaucoup supérieur à ce qu'il est pour la paille (50-80).
  • Le rapport C/N représente la proportion de carbone organique sur l'azote total contenu dans le fumier ou la matière organique. L'azote constitue une source nutritive pour les microorganismes pendant qu'ils décomposent les matières renfermant du carbone. Quand ce processus est terminé, les microbes contenus dans le sol meurent et se décomposent à leur tour. L'azote microbien est alors retourné au sol et devient assimilable par les végétaux. C'est ce qui constitue la composante " azote organique ". Le temps que dure ce processus dépend du rapport C/N de la matière.
  • Pour les cultures agricoles, on considère que l'idéal est d'avoir du fumier ou de la matière organique affichant un rapport C/N inférieur à 20. Quand la matière organique ne contient pas suffisamment d'azote pour assurer la décomposition du carbone, les microorganismes prélèvent l'azote dans la sol. Quand les rapports C/N sont supérieurs à une fourchette de 25 à 30, on peut craindre une carence en azote chez des cultures, comme celle du maïs, qui dépendent de l'azote contenu dans le sol.

Le fumier enrichit le sol de matière organique, mais aussi d'éléments nutritifs. Un apport excessif d'éléments nutritifs peut occasionner des dommages à la culture ou des pertes d'éléments nutritifs dans l'environnement. De plus, les éventuels avantages que représente la matière organique contenue dans le sol peuvent facilement se trouver anéantis si les épandages sur des sols fragiles ont pour effet de compacter le sol.

Enrichir le sol de matière organique avec du fumier

Les épandages de fumier procurent d'autres avantages, dont ceux d'ajouter à la diversité et à l'activité des microorganismes et d'améliorer la structure du sol. Le tableau 1, Effets de 11 ans d'apports de fumier sur les teneurs du sol en matière organique, montre l'augmentation de la teneur du sol en matière organique avec le temps. Ce tableau suggère qu'avec un taux d'application de 20 tonnes/acre/an, la teneur du sol en matière organique est maintenue, tandis qu'à des taux inférieurs et sans autre apport sous forme de résidus de culture ou de cultures de couverture, les concentrations de matière organique dans le sol s'abaissent graduellement.

Tableau 1. Effets de 11 ans d'apports de fumier sur les teneurs du sol en matière organique

  Taux d'application (tonnes/acre/an)
Nul 10 tonnes 20 tonnes 30 tonnes
Matière organique (%)
4,3
4,8
5,2
5,5
pH
6,0
6,2
6,3,
6,4
P (d'augmentation)*
----
3,2
57
65
K (ppm)
121
159
191
232
Espace poral total (%)
44
45
47
50

Source : Building Soils for Better Crops, (Magdoff) SARE Outreach, www.sare.org

Nota : La concentration initiale de matière organique était de 5,2 %. L'étude a été menée sur une sole recevant une monoculture de maïs à ensilage, le sol étant constitué d'argile et recevant des épandages de fumier d'animaux laitiers. Les épandages de fumier ont aussi amélioré l'agrégation du sol et en ont augmenté l'espace poral.

* Le P en ppm (Bray) a été converti en % de changement.

Exemple de maintien de la teneur du sol en matière organique

Voici une question qui revient souvent : « Quelle est la quantité de matière organique qui se trouve ajoutée au sol? » La réponse est complexe. Elle dépend de la texture du sol, de la concentration de matière organique déjà présente dans le sol, des pratiques culturales, comme la rotation des cultures et l'utilisation de cultures de couverture, du travail du sol, de la gestion des résidus de culture, etc. La figure 1 illustre comment évaluer les taux d'application requis pour maintenir les taux de matière organique présents dans le sol. Les hypothèses sont les suivantes :

  • le poids de 6 po (15 cm) de sol sur 1 acre est de 2 millions de livres;
  • en moyenne, 3 % de la matière organique se décompose chaque année; et
  • seulement 20 % de la fraction solide du fumier (essentiellement le carbone organique) enrichit le sol de carbone, tandis que les 80 % restants fournissent de la nourriture aux microorganismes du sol.

Le tableau montre le taux d'application requis pour compenser les 2,7 % de pertes annuelles de matière organique par décomposition dans le sol selon les données d'analyse du fumier type. Le taux d'application requis pour compenser les pertes annuelles de matière organique par décomposition dans le sol doit tenir compte des éléments nutritifs ajoutés. Le fumier solide et liquide de bovins appliqué selon un taux correspondant au taux de décomposition de la matière organique dans le sol convient en termes d'éléments nutritifs ajoutés. Par contre, si l'on calculait le taux d'application de fumier de porc et de poulet en fonction du taux de décomposition de la matière organique dans le sol, on appliquerait au sol six fois plus d'éléments nutritifs que la quantité prélevée par une culture de maïs-grain.

Figure 1. Exemple de taux d'application requis pour maintenir les teneurs du sol en matière organique

Exemple de maintien de la teneur du sol en matière organique

Teneur du sol en matière organique (2,7 %)

2 000 000 lb dans les 6 po de surface x 0,027 = 54 000 lb de matière organique/acre X 0,03 (3 % de matière organique se décompose chaque année)

Pertes par décomposition = 1 620 lb de MO

Exemple d'épandage de fumier visant à maintenir la concentration de MO dans le sol

  • 1 tonne de fumier solide d'animaux laitiers (26 % de matières sèches) = 520 lb de solides X 0,20 de carbone stable
    (˜80 % se décompose la 1re année)

Gain provenant du fumier = 104 lb

  • 1 tonne de fumier solide d'animaux laitiers (26 % de MS; 15 lb de N total et rapport C/N de 31) 15 lb de N 31 = 448lb de carbone organique X 0,20 de carbone stable (˜80 % se décompose la 1re année)

Gain provenant du fumier = 90 lb de carbone organique

1 620 ÷ 104 = 15,5 tonne de fumier solide d'animaux laitiers (procure 81 lb de N assimilable, 114 lb de P2O5; 204 lb de K2O)

D'après : Magdoff - Building Better Soils for Better Crops

Taux d'application approximatifs de différents amendements organiques requis pour maintenir la concentration de matière organique dans le sol

Matière telle qu'appliquée Fumier solide d'animaux laitiers

Fumier liquide

d'animaux laitiers

Fumier liquide de porc Fumier solide de poulets à griller Fumier solide de poulets à griller
MS (%)
26
8,5
3,5
66
50
N total (%)
0,72
0,40
0,40
3,12
0,9
NH4-N (ppm)
1500
1600
2645
6550
15
Rapport C/N
31
14
3,7
8
17
P (%)
0,20
0,09
0,12
1,4
0,24
K (%)
0,61
0,25
0,19
1,8
0,46
Solides stables ajoutés
104 lb/tonne
172 lb/1000 gal
70 lb/1000 gal
264 lb/tonne
200 lb/tonne
Carbone stable ajouté
90 lb/tonne
112 lb/1000 gal
30 lb/1000 gal
100 lb/tonne
61 lb/tonne
Taux compensant la décomposition de MOS
15,5 tonnes/ac
9 400 gal/ac
23 000 gal/ac
6,1 tonnes/ac
8,1 tonnes/ac
Apport de N-P-K assimilables/ac (maintien de la MOS)
80-115-205
120-155-255
470-505-470
230-315-235
15-70-80

Nota : 1 gallon de fumier liquide pèse environ 10 lb Hypothèse : 1000 gallons équivalent à 5 tonnes impériales.