Si vous avez exclu toutes les causes de non-alimentation et de faible production de lait dans votre troupeau, il est probable les mycotoxines soient un facteur.

L’automne humide qui a touché, cette année, beaucoup de régions de l’Ontario a créé un environnement favorable pour les mycotoxines présentes dans le grain et l’ensilage de maïs. Donc, le mot d’ordre en ce qui a trait à la gestion alimentaire de votre troupeau cette année est « prudence ».

La contamination en mycotoxines peut devenir inquiétante pour beaucoup de récoltes lorsque les conditions sont favorables à la croissance de moisissures. Produites par un champignon, les mycotoxines peuvent affaiblir le rendement des animaux et changer leur métabolisme normal même s'ils en ont consommées que très peu. Bien que les chercheurs soient au fait de la présence des mycotoxines depuis des décennies, elles continuent à poser un défi pour l’industrie du bétail. Nos connaissances sur les mycotoxines augmentent, mais cela ne fait qu'accroître le nombre de questions à leur égard.

Le grain et l’ensilage de maïs que l’on croit contaminés et qui sont destinés à l’alimentation d’animaux laitiers sont habituellement testés contre la zéaralénone et le déoxynivalénol (DON), connus généralement sous le nom de vomitoxine parce qu'il peut induire le vomissement chez le porc. Cependant, les chercheurs croient maintenant que beaucoup de mycotoxines n'ont pas encore été détectées, encore moins étudiées.

Les expériences avec les mycotoxines épurées ne permettent probablement pas d’obtenir les mêmes effets négatifs que l’on observe quand les grains sont naturellement contaminés par des mycotoxines. On pense que les mycotoxines non détectées dans l’alimentation naturellement contaminée produisent ces effets. On peut prédire avec assurance que si les analyses en laboratoire contre la zéaralénone ou le DON sont positives, d’autres mycotoxines sont également présentes.

Une recherche récente menée par l’équipe du docteur Trevor Smith du « Department of animal and poultry science » de l’Université de Guelph a porté sur les effets d’une ration totale mélangée (RTM) contaminée en mycotoxines chez le bétail laitier en lactation. L’expérience a permis d’étudier trois groupes de six vaches alimentées de trois régimes différents, soit de blé, de maïs et de foins sur une période de 56 jours :

  • Un groupe témoin a été nourri de grains sans mycotoxines;
  • Un groupe semblable a été nourri de grains contaminés;
  • Un groupe de grains contaminés a reçu du glucomannan polymérique, un produit disponible commercialement composé de levures qui, selon les chercheurs, devait résister aux effets des mycotoxines.

La mycotoxine principale dans le régime était la vomitoxine produite par des moisissures de fusarium présentent à des niveaux atteignant jusqu'à 3,6 parties par million (ppm) telle que mesurée dans la RTM de matières sèches. Les chercheurs ont mesuré la consommation en foin et la production en lait, et ont pris des échantillons de sang pour surveiller le système immunitaire des vaches.

L’expérience n'a pas permis de déceler d’effet du régime sur la consommation alimentaire, la production de lait ou le compte de cellules somatiques. Après seulement 36 jours d’alimentation, par contre, les vaches du régime contaminé présentaient des concentrations de sérum sanguin réduites en IgA - l’indication d’un système immunitaire opprimé - par rapport aux vaches du groupe témoin et à celles du groupe enrichi en glucomannane polimérique. Les chercheurs ont noté que l’oppression du système immunitaire a aussi été observée chez des non-ruminants comme le porc et la volaille alimentés de grain contaminé.

Les résultats indiquent que les mycotoxines dans l’alimentation peuvent affecter négativement le système immunitaire même avant que des problèmes évidents comme la réduction de la consommation alimentaire ou de la production laitière ne se pésentent. Donc, ces animaux ont un plus grand potentiel d’encourir des problèmes de santé - surtout les vaches de transition, à production très élevée, déjà confrontées à un stress énorme.

Certaines indications font croire que les niveaux de vomitoxine dans le maïs moissonné dans certaines régions de l’Ontario seront plus élevés cette année en comparaison avec les deux dernières années. Une faible proportion d’échantillons de maïs sec testés à la vomitoxine est sous la barre d’une à deux ppm en comparaison avec 2004 et 2005. Mais une proportion plus grande d’échantillons a testé au-dessus de deux ppm. Il est important de noter que des mycotoxines différentes du vomitoxine sont probablement présentes dans ces échantillons.

Si vous avez exclu toutes les autres causes de non-alimentation ou de faible production de lait dans votre troupeau, il est probable que les mycotoxines soient un facteur. Les tests en laboratoire de tous les ingrédients individuels pour connaître la présence en mycotoxines représentent un outil pratique pour déterminer les niveaux de mycotoxines alimentaires et évaluer les problèmes potentiels. En présence de mycotoxines, une solution efficace consiste à mélanger des grains et des ensilages contaminés à des ingrédients non contaminés.

Les résultats de l’étude de Smith font état d’une autre solution potentielle pour soulager les effets de la contamination en mycotoxines de la nourriture. La recherche a, au fil des années, permis de découvrir de nombreux produits, comme le glucomannane polymèrique, l’argile bentonite ou même le charbon de bois activé, pouvant réduire les problèmes associés aux mycotoxines. Chacun a ses avantages et ses inconvénients.

Tant qu'à faire analyser les ingrédients dans la nourriture de vos animaux, consultez votre vétérinaire et un nutritionniste. Ils pourront vous aider à déterminer une stratégie de gestion efficace pour surmonter les obstacles causés par les mycotoxines cette année.

Référence

Forgeron, T.K., G. Diaz-Llano, S.N. Korosteleva and M. Yegani. 2006. The effect of feed-borne Fusarium mycotoxins on the reproductive efficiency in dairy cows, sows and broiler breeders. In Nutritional Biotechnology in the Feed and Food Industries. Nottingham University Press, United Kingdom.

Cet article a paru la première fois dans le « Milk Producer Magazine », de décembre 2006.