Introduction

La mise en réserve consiste à laisser une partie du foin ou des cultures de pâture sur pied pour les faire brouter en automne et en hiver une fois que la croissance des fourrages s'est arrêtée à cause du froid. Les pâturages de réserve sont aussi appelés pâturages différés, fall-saved pasture en anglais. La mise en réserve des fourrages vise avant tout à réduire les coûts des aliments du bétail. Cette économie provient essentiellement de la baisse des coûts rendue possible lorsque le fourrage est brouté plutôt que récolté comme foin ou ensilage, l’épandage de fumier est réduit et certains frais généraux liés aux bâtiments et aux enclos sont aussi moindres. Dans le présent rapport, nous examinons la performance des fourrages mis en réserve broutés par les agneaux sevrés.

Deux systèmes de gestion de la mise en réserve des fourrages, nommés « précoce » et « tardif », ont été évalués. Les trois années (1995 à 1997), les pâturages expérimentaux (dont 6 précoces et 6 tardifs, chacun de 0,75 acres) ont été fauchés pour ensilage au milieu de juin. Par la suite, les pâturages précoces ont été mis en pâturage de nettoyage pour des moutons au milieu de juillet pendant une période d’environ 7 jours. Les zones tardives ont été mises en pâturage de masse en août pour la même durée. Dans les deux systèmes de gestion, la hauteur des herbages résiduels était d’environ 5 cm après le pâturage de nettoyage. Après le pâturage de masse en été, 3 des zones précoces et 3 des pâturages tardifs ont reçu un apport de 50 kg/ha d’azote actif (34-0-0) et les autres n'ont reçu aucun azote. Les pâturages ont été laissés en réserve (pour la repousse) jusqu'à la fin de septembre.

Des agneaux sevrés d’un poids d’environ (70 à 80 lb) ont été envoyés aux pâturages de réserve chaque année de 1995 à 1997. Chaque pâturage était divisé en 8 enclos, chacun offrant de 5 à 7 jours de broutage. Les agneaux étaient pesés tous les 21 jours.

Résultats

Gain de poids des agneaux

Dans l’ensemble, les gains de poids des agneaux de la fin septembre à la fin novembre allaient de 44 grammes/tête/jour à 156 g/t/jour. Les gains étaient plus élevés en 1995 et plus bas en 1996. Les agneaux ont gagné du poids considérablement plus vite avec le système de gestion tardif qu'avec le régime précoce (figure 1).

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Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur le gain de poids quotidien moyen de l'agneau.
Figure 1. Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur le gain de poids quotidien moyen de l'agneau.

Les échantillons prélevés dans les pâturages avant le broutage ont révélé une qualité des fourrages considérablement plus élevée dans le système de gestion tardif (voir le rapport séparé pour plus de précisions). L’épandage d’engrais azoté au pâturage au début de la période de mise en réserve (au milieu de juillet ou au milieu d’août) n'a pas eu d’incidence notable sur le gain de poids moyen quotidien des agneaux (données non illustrées).

Capacité porteuse du pâturage de réserve

La capacité porteuse du pâturage de réserve se mesure en « agneaux jours par hectare » (par exemple : 1 000 agneaux jours par hectare signifie qu'un hectare de pâturage de réserve peut maintenir 1 000 agneaux pendant un jour). Les pâturages précoces ont une capacité porteuse considérablement plus élevée que les pâturages tardifs (figure 2).

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Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur la capacité porteuse du pâturage.
Figure 2. Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur la capacité porteuse du pâturage.

En moyenne sur trois ans, le système précoce avait une capacité porteuse 57 % plus élevée que le régime tardif. La capacité porteuse maximale se chiffrait en moyenne à presque 2 000 agneaux jours par hectare. Pour deux des trois années, l’épandage d’engrais azoté a considérablement augmenté la capacité porteuse (données non illustrées). En moyenne sur trois ans le traitement 50 N a offert une capacité porteuse de 18 % supérieure au traitement sans azote.

Incidence de la période de l’automne en fonction du gain des agneaux

Les gains de poids des agneaux ont été à leur maximum au début de la période de pâturage d’automne (les trois premières semaines d’octobre) et ont ralenti à mesure que l’automne avançait (figure 3).

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Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur le gain de poids de l'agneau à trois périodes pendant 1997.
Figure 3. Incidence du système de gestion de la mise en réserve sur le gain de poids de l'agneau à trois périodes pendant 1997.

Pour toutes les périodes de gain de poids, les agneaux des pâturages de réserve tardifs ont gagné plus de poids que ceux des zones de pâture précoces. Pendant la période finale de gain de poids, (du 13 novembre au 3 décembre), les agneaux broutant dans les pâturages tardifs gagnaient encore 37 g/tête/jour, ceux des pâturages précoces perdaient 17 g/tête/jour. C'est donc qu'il existe une différence de qualité dans les fourrages des deux régimes, aussi avec le temps et que l’automne avance.

Résumé et interprétation

Les résultats présentés ici indiquent que la gestion de la mise en réserve peut engendrer deux situations : i) un pâturage de réserve au potentiel de croissance élevé mais dont la capacité porteuse est limitée ; ii) ou un pâturage de réserve avec une haute capacité porteuse mais un potentiel de croissance plus faible. En modifiant la date du début de la croissance des fourrages de réserve vers la fin de juillet ou le début d’août (entre les deux dates qui ont servi aux essais), on peut atteindre un niveau intermédiaire de capacité porteuse tout en obtenant un potentiel de croissance.

Le choix du système de gestion dépend du type d’animaux d’élevage auxquels ce pâturage est destiné, aussi du stade du cycle de production où en sont les animaux au moment de leur mise au pâturage. Par exemple, si des brebis ou des vaches non en lactation doivent brouter des fourrages de réserve en novembre, il faut viser une capacité porteuse maximale et une qualité moyenne. Toutefois, si le fourrage de réserve est destiné à des agneaux (ou à des veaux) sevrés, ou à des brebis d’élevage ou qui ont besoin d’alimentation intensive, il est primordial que la décision de gestion favorise un potentiel de croissance élevé. Une gestion adéquate prend toute son importance quand il faut un potentiel de croissance élevé du pâturage à la fin de l’automne et au début de l’hiver.

Selon la performance des animaux atteinte lors de l’essai décrit plus haut, il n'y a aucune raison de ne pas laisser au pâturage la plupart des classes de bétail jusqu'au début de novembre, et que ce bétail maintienne sa performance. Pour les animaux dont les performances sont modérées ou faibles, la mise au pâturage jusqu'au début de décembre semble réaliste.