Introduction

À cause de la hausse du prix et des ruptures de stock de certains matériaux de litière traditionnels, de nombreux éleveurs de bétail cherchent des solutions de remplacement. Les matériaux candidats peuvent être des sous-produits d’entreprises de fabrication et de transformation qui ont trouvé des façons novatrices de gérer leurs déchets en en faisant des ressources (voir tableau 1). La présente fiche technique traite des facteurs à examiner lors de l’évaluation d’un nouveau matériau de litière destiné à un bâtiment d’élevage.

Tableau 1. Exemples de matériaux de litière de remplacement pour le bétail

Produits du papier
Produit Source
Papier déchiqueté ou carton Usines, bureaux ou maisons
Papier à cloison sèche déchiqueté Usines ou construction
Boues de papier Usines (eaux usées d’usines de papier)
Fibres de papier Sous-produit de la mise en pâte
Produits du bois
Produit Source
Produits du bois recyclés Usines ou construction
Bran de scie Usines de meubles ou construction
Solides de fumier séparés
Produit Source
Solides de fumier séparés Digesteurs anaérobie
Solides de fumier séparés Séparateurs solide-liquide
Fumier composté Composteurs rotatifs
Autres produits organiques
Produit Source
Compost de champignonnière Champignonnière
Mousse de tourbe Mines de tourbe

Le choix d’un matériau de litière de remplacement dépend de la ferme, du type d’étable, du mode de gestion de la litière et du système de manutention du fumier. L’adoption d’un matériau de litière non traditionnel peut procurer un avantage économique à l’exploitation, tout en lui offrant une occasion d’améliorer la santé et le bien-être des animaux grâce à une amélioration de la façon de faire leur litière.

Évaluation des matériaux de litière

Étant donné le peu de recherches qui ont été réalisées sur les nouveaux matériaux de litière, il est difficile d’évaluer à quel point ils conviennent ou ne conviennent pas en remplacement des matériaux de litière traditionnels dans les bâtiments d’élevage. Tenez compte d’un certain nombre de facteurs, y compris ses effets sur la santé des bêtes et l’environnement de l’étable, pour déterminer si un matériau de litière répond aux besoins et objectifs financiers et opérationnels de votre ferme.

Effets sur l’exploitation

Disponibilité

Assurez-vous que le nouveau matériau répondra aux besoins quantitatifs à long terme de l’étable. Trouvez un fournisseur fiable qui pourra vous en procurer toute l’année. Les matériaux de litière non traditionnels peuvent être plus faciles à trouver que les matériaux traditionnels, surtout dans les régions où les terres cultivables occupent une petite surface et où la densité d’élevage est élevée. Dans ces régions, il peut s’avérer judicieux d’opter pour des matériaux de remplacement, afin de bénéficier d’un approvisionnement constant.

Manutention et stockage

Le rendement de la main-d’œuvre est un facteur crucial pour la survie d’une exploitation agricole. L’adoption d’un nouveau système ne devrait pas se traduire par un surcroît de travail afin d’obtenir, manipuler, nettoyer et enlever le matériau de litière.

Déterminez si le nouveau matériau de litière exige des modifications du système d’entreposage. En effet, la configuration de l’installation peut dépendre du matériau. Le passage aux balles de paille, par exemple, requiert une plus grande surface d’entreposage et une circulation d’air importante autour des balles, sans quoi ces dernières risquent de s’abîmer. Les matériaux de litière organiques, tels les copeaux de bois, le bran de scie et le papier déchiqueté, doivent être entreposés dans un endroit sec et propre. Ceux qui sont issus d’une production commerciale sont habituellement livrés en sacs toute l’année; cela réduit la surface d’entreposage nécessaire à la ferme.

Système de gestion du fumier

Évaluez l’effet du changement de matériau de litière sur le système de manutention et de traitement du fumier (par exemple, sur les pompes, les nettoyeurs d’étable et les systèmes de compostage ou de digestion anaérobie). L’adoption d’un matériau de litière de remplacement qui requiert des modifications majeures du système de manutention du fumier pourrait se traduire par un investissement financier additionnel. Le changement de matériau de litière peut aussi avoir des répercussions sur le système de gestion des déchets. Le passage d’une litière de paille à une litière à base de bois peut avoir des effets sur le procédé de compostage, effets qu’il faut prévoir, car le rapport C/N (teneur en carbone par rapport à la teneur en azote) du matériau à composter va augmenter. De plus, certains matériaux de litière à base de papier peuvent s’agglutiner, rendant l’épandage sur le sol ou le compostage plus difficile à exécuter.

Économie

Le recours à un matériau de remplacement pourrait augmenter le risque d’incertitude lié à l’approvisionnement et au coût du matériau. Une étude de cas menée par des chercheurs de l’Université du New Hampshire révèle que 26 % des agriculteurs déclarent avoir changé de matériau de litière principal entre 2003 et 2013, et que 82 % d’entre eux sont passés du bran de scie ou des copeaux de bois à une litière non ligneuse, notamment à cause de la fermeture de scieries et de l’augmentation du coût des matériauxfootnote i. Choisissez des matériaux de litière de remplacement dont le prix est concurrentiel. Vous pourrez faire des économies si vous réduisez grandement vos surfaces d’entreposage en vous faisant livrer les produits toute l’année à la demande.

L’avantage financier du passage à un matériau de litière non traditionnel est propre à chaque exploitation et doit être établi au cas par cas. Assurez-vous de connaître la quantité de matériau requise et ce que cela implique pour vos coûts d’exploitation. Parfois, les matériaux peu chers, dont il faut deux fois plus que votre litière actuelle pour la même fonction, peuvent constituer un mauvais achat, car le volume requis entraîne un surcoût.

Santé et confort des animaux

Santé

La santé animale est un facteur crucial si vous envisagez le passage à un matériau de litière de remplacement. La présence de contaminants bactériologiques, physiques ou chimiques dans les matériaux de litière peut créer un risque sanitaire pour le bétail, les exploitants et les consommateurs.

Confort

Les vaches laitières préfèrent les matériaux de litière doux, secs et propres, qui leur procurent des surfaces de repos confortables. Réciproquement, les surfaces de repos dont la litière est confortable incitent les bêtes à se reposer de 12 à 14 h par jour, voire davantage. Le matériau doit offrir un capitonnage non abrasif pour tous les points de contact (jarrets, genoux, hanches et pis).

Lors d’une étude menée dans des fermes laitières de la Nouvelle-Écosse utilisant de la litière de compost, il a été observé que les vaches passaient au moins 1 h 30 de plus sur les copeaux de bois séchés au séchoir que sur un matériau de litière constitué de bois et de panneaux muraux, ce qui indique que la durée de repos varie en fonction du degré de confort du matériau de litièrefootnote ii (figure 1).

La figure 1 montre une vache Holstein noire et blanche couchée dans une étable à stabulation libre au milieu d’autres vaches laitières. Cette vache est inclinée sur un mélange à litière constitué de papier à panneau mural et de bran de scie.
Figure 1. Vaches laitières se reposant sur une litière constituée d’un mélange de papier à panneau mural et de bran de scie.

Impact environnemental

Production végétale

Assurez-vous que le matériau de litière de remplacement est biodégradable et qu’il convient aux cultures. La vitesse de décomposition et les produits de décomposition sont des aspects importants. Au fur et à mesure qu’ils se décomposent, certains matériaux peuvent, selon leur composition, se lier pendant un certain temps à des éléments nutritifs essentiels comme l’azote et en priver les cultures. La libération des éléments nutritifs au terme de la décomposition peut ne pas coïncider avec le moment où les cultures en ont besoin.

Épandage sur les terres

Presque tous les matériaux de litière sont épandus sur les terres pour servir de source d’éléments nutritifs aux plantes. Il est important de choisir les matériaux qui auront le moins d’effets néfastes possible sur l’environnement. Les grands morceaux de plastique qui sont encore présents après la manutention, l’entreposage et l’épandage du fumier sont inesthétiques et ne devraient pas se retrouver dans l’environnement. Les éclats de verre et de métal épandus sur les terres sont également préoccupants. Les effets de contaminants chimiques, tels les diphényles polychlorés (BPC) et les métaux lourds, présents dans les matériaux de litière sont plus difficiles à évaluer et plus préoccupants encore.

Caractéristiques des matériaux de litière non traditionnels

Il est important de vérifier qu’un nouveau matériau de litière a les propriétés ci-dessous avant de l’accepter à la ferme.

Pouvoir absorbant

Le facteur d’absorption d’un matériau de litière est sa capacité à retenir l’humidité du fumier et de l’urine. Il indique le poids d’eau qu’une unité de poids du matériau peut retenir. Le tableau 2  indique le pouvoir absorbant moyen de plusieurs matériaux de litière traditionnels et de remplacement. Les facteurs d’absorption sont fournis à titre de références très approximatives, car le pouvoir absorbant d’un matériau dépend de différentes variables (par exemple, l’origine du matériau, son taux d’humidité avant utilisation et son degré de broyage).

Tableau 2. Pouvoir absorbant de matériaux de litière traditionnels et non traditionnels (pourcentage d’humidité initial < 10 %)

Matériau Type ou forme Facteur d’absorption
Paille de blé balles 2,1
Paille de blé hachée 2,1
Paille d’orge balles 2,0
Paille d’orge hachée 2,0
Paille d’avoine balles 2,5
Paille d’avoine hachée 2,4
Foin balles 3,0
Foin hachée 3,0
Sciure bois franc 1,5
Sciure bois mou (pin) 2,5
Copeaux bois franc 1,5
Copeaux bois mou (pin) 2,0
Cannes de maïs déchiquetées 2,5
Maïs rafles broyées 1,5
Sable S.O. 0,3
Mousse de tourbe minerai 10,0
Papier déchiqueté produit d’usine de recyclage 2,8
Bois déchiqueté déchet de démolition 1,15

Adapté de Dairy Housing and Equipment Handbook, MWPS; « Absorbency of Alternative Livestock Bedding Source », Université de l’Iowa, 2007.

S’il n’existe aucune information sur le pouvoir absorbant d’un matériau de litière de remplacement, vous pouvez l’estimer vous-même en procédant comme suit :

  1. Placez 1 kg (2 à 3 lb) du matériau de litière dans un sac fait d’une matière poreuse, mais non absorbante (par exemple, un sac d’oignons ou un bas de nylon) et pesez le tout.
  2. Remplissez d’eau un seau de 20 L (5 gal). Plongez-y le sac et laissez-le dans l’eau pendant 24 h, en veillant à ce qu’il soit bien immergé. Utilisez suffisamment d’eau pour qu’il en reste encore dans le seau au bout de 24 h.
  3. Retirez le sac du seau et suspendez-le assez longtemps pour qu’il arrête de s’égoutter, mais pas au point de commencer à sécher.
  4. Pesez à nouveau le sac et calculez le facteur d’absorption comme suit :
    Facteur d’absorption = (poids après trempage - poids initial) ÷ poids initial

Si le sac rempli de matériau de litière pesait 1 kg avant le trempage, puis 3,5 kg après celui-ci, le facteur d’absorption est le suivant : (3,5 - 1) ÷ 1 = 2,5. Cela signifie que le matériau a la capacité de retenir deux fois et demie son poids d’eau.

De nombreux matériaux de litière à base de papier et de bois disponibles dans le commerce sont très absorbants s’ils sont séchés dans un séchoir avant leur livraison. Le pouvoir absorbant des matériaux non traditionnels et la quantité requise pour garder les bêtes au sec et assurer leur confort devraient faire l’objet d’une évaluation attentive. D’autres propriétés, telles la compressibilité, l’abrasivité, la rugosité et l’humidité de surface, ont également un effet sur le confort animal et, en fin de compte, sur la santé et le rendement du bétail.

Teneur en matière sèche

Les différents types de matériaux de litière ont différentes teneurs en matière sèche (MS). Les vaches ont tendance à éviter les litières humides, ce qui peut réduire le temps qu’elles passent couchées. Lors d’une étude menée par Lindsey J. Reich et ses collègues, les vaches ont passé 1,1 heure de moins par jour sur une litière humide (34,7 % de MS) comparativement à une litière sèche (89,8 % de MS)footnote iii. D’autres études montrent que les litières humides hébergent une activité microbienne intense, laquelle conduit à des concentrations nocives d’agents pathogènes environnementaux. David Wolfgang, vétérinaire à la PennState Extension, et Dan McFarland, ingénieur à la même université, recommandent des matériaux de litière dont la teneur en MS est supérieure ou égale à 60 % pour les vaches laitières. La plupart des matériaux de litière constitués de sous-produits d’usines de transformation, telles les usines de pâtes et papier et de recyclage de papier, sont très humides à l’état brut. Ils sont souvent séchés dans un séchoir pour que leur taux d’humidité devienne inférieur à 10 %.

Taille des particules

La taille des particules du matériau influe sur la flore bactérienne présente dans la litière du bétail. À volume égal, les matériaux à granulométrie fine offrent plus de surface sur laquelle les bactéries peuvent proliférer que les matériaux grossiers (voir figure 2). Selon le professeur J. S. Hogan, du Centre de recherche et de développement en agriculture de l’Université de l’Ohiofootnote iv, la numération bactérienne des matériaux de litière communs les classe comme suit les uns par rapport aux autres :

  • Paille hachée > paille longue
  • Bran de scie > copeaux de bois
  • Papier journal haché > papier déchiqueté

Évitez les matériaux trop fins, qui ont tendance à coller à la peau et aux trayons, exposant ces organes à des concentrations accrues de bactéries.

La figure 2 montre des bovins de boucherie dans une étable. Ils sont debout sur un mélange à litière constitué de cannes de maïs et de palettes de bois recyclées.
Figure 2. Bovins d’embouche sur une litière constituée de cannes de maïs et de palettes de bois recyclées.

Propreté

Le matériau de litière doit être propre et exempt de corps étrangers. Les fragments tranchants (morceaux de verre, clous, éclats de métal, etc.) peuvent causer des blessures physiques externes et internes. Le plastique, s’il est ingéré, peut provoquer une obstruction digestive, voire la mort de l’animal. Les morceaux de plastique constituent également un problème si les mélanges de fumier et de litière sont ensuite épandus sur les terres.

Contaminants bactériens

Les litières qui présentent de faibles concentrations de bactéries peuvent améliorer la qualité du lait et réduire l’incidence des mammites dans le troupeau de vaches. Nombreux sont les matériaux de litière organiques qui contiennent relativement peu d’agents pathogènes causant la mammite avant leur utilisation, mais dans lesquels la concentration de bactéries augmente en 24 h. Les résultats de numération supérieurs à 1 million d’unités formatrices de colonies (UFC)/mL sont associés à une incidence de mammite accrue. L’objectif est de maintenir le nombre de bactéries en dessous de ce seuil dans la litière des vaches laitières. Une litière fraîche et propre abritera normalement un nombre de bactéries inférieur à 5 000 UFC/mL de litièrefootnote v. Les bonnes pratiques de gestion de la litière (c.-à-d. le remplacement quotidien du matériau de litière souillé et régulier de l’ensemble de la litière) jouent également un rôle essentiel dans le contrôle de la croissance bactérienne au sol.

Contaminants chimiques

Le matériau de litière doit être exempt de contaminants chimiques. Les études scientifiques sur le sujet étant peu nombreuses, les risques associés aux contaminants chimiques dans les matériaux de litière non traditionnels sont mal connus.

Certaines substances peuvent infliger des blessures externes ou internes, voire les deux, au bétail. Les produits chimiques présents dans la litière risquent en outre de contaminer la viande, les œufs et le lait produits. Ils peuvent aussi s’avérer nocifs pour les productions végétales et l’environnement après l’épandage du matériau de litière sur les terres agricoles. Par exemple, l’épandage de matériaux basiques (à pH élevé) ou acides (à pH bas) en grandes quantités peut déséquilibrer le pH du sol et, éventuellement, nuire au rendement. Le plomb, l’amiante, les composés organiques volatils (COV) et les agents de conservation du bois sont des contaminants à éviter.

Les analyses visant à détecter la présence d’arsenic, de bore, de cadmium, de chrome, de cobalt, de cuivre, de plomb, de mercure, de molybdène, de nickel, de sélénium et de zinc sont recommandées pour les matériaux qui seront épandus sur les terres agricoles. Les analyses doivent aussi porter sur les composés organiques qui peuvent nuire à la santé animale ou à la production végétale, notamment les COV, les pesticides ou les agents de conservation du bois.

Avant de décider si un nouveau matériau convient ou non, si vous êtes une productrice laitière ou un producteur laitier, vous devriez étudier tous les risques associés à l’adoption de ce matériau de la manière suivante :

  • Vérifiez l’innocuité du matériau pour l’environnement et l’absence de contaminants inacceptables pour la santé des animaux et des terres cultivées (s’il y a épandage).
  • Demandez l’avis d’un vétérinaire quant à vos inquiétudes concernant la santé du bétail.
  • Renseignez-vous sur la façon dont le matériau de litière a été produit, manipulé, entreposé et transporté.
  • Consultez des experts qui connaissent le procédé de fabrication du matériau et peuvent vous aider à évaluer le risque pour le bétail, les systèmes de traitement du fumier (par exemple, systèmes de compostage et digesteurs) et les cultures (s’il y a épandage sur des terres cultivées).
  • Demandez l’avis de consultants en gestion des éléments nutritifs aptes à interpréter les résultats d’analyse du matériau et à prévoir ses effets sur l’environnement.
  • Comparez la concentration des oligoéléments présents dans le matériau aux concentrations permises pour les matières de source non agricole (MSNA) qui peuvent être épandues sur les terres agricoles en Ontario, ces concentrations maximales étant précisées à l’annexe 5 du Règlement de l’Ontario 267/03.

Résumé

Trouver le matériau de litière qui convient le mieux à l’exploitation est la responsabilité de chaque productrice ou producteur. Avant d’accepter un matériau, demandez au fournisseur de vous présenter une preuve de qualité du matériau ainsi que des résultats d’analyse, afin de connaître les caractéristiques sanitaires et environnementales de celui-ci. La personne qui accepte une livraison d’un matériau peut être tenue responsable de toute contamination causée par ce matériau. Les matériaux de litière non traditionnels offrent une alternative économique et écologique aux matériaux traditionnels, ainsi qu’une occasion d’améliorer la santé et le bien-être des animaux en améliorant la façon de faire leur litière.

La version anglaise de la présente fiche technique a été révisée par Benoît Lebeau, ingénieur, spécialiste des matières de source non agricole, MAAARO, Rajan Niraula, ingénieur, spécialiste de l’équipement et des structures pour bovins, MAAARO et Harold House, MAAARO (retraité).