Mise à jour sur les porte-greffes pour les pommes Honeycrisp

Lors de la création de nouveaux vergers ou la replantation de vieux vergers, les pomiculteurs doivent réfléchir à la combinaison de cultivars et de porte-greffes un ou deux ans avant la plantation, selon la méthode de propagation et la disponibilité des porte-greffes. Le choix du porte-greffe est important car il peut avoir d'énormes conséquences en matière d'économie et de gestion du verger. Il existe actuellement un grand nombre de porte-greffes dont on fait la promotion, mais certains pourraient ne pas convenir à votre verger en raison du sol, du climat, de la combinaison de cultivars ou du système de verger à établir.

Le programme de recherche en pomologie de l'Université de Guelph à la station de recherche de Simcoe participe directement aux recherches à long terme sur les porte-greffes afin de préciser la taille, la vulnérabilité aux maladies et l'adaptabilité de divers porte-greffes originaires de diverses régions du monde. L'information recueillie de ces expériences, certaines affiliées aux travaux du comité technique NC-140, sont extrêmement utiles pour préciser les interactions génético-environnementales des porte-greffes sur le rendement, la précocité, la productivité de l'arbre, sa longévité, sa résistance aux maladies et aux lésions hivernales et la tendance à la production de rejets. Le lecteur trouvera au présent article une mise à jour sur certains de nos résultats les plus récentes tirés des études menées sur la variété Honeycrisp et nous récapitulerons brièvement l'information sur certains porte-greffes disponibles dans le commerce pour la pomiculture.

Bref retour

Le porte-greffe Malling 9 (M.9) fait partie de la série originale Malling de porte-greffes nanifiants mis au point à la station de recherche East Malling en Grande-Bretagne, au début des années 1900. Le M.9 est reconnu internationalement comme étant un porte-greffe nanifiant supérieur pour les pommiers. Même s'il est vulnérable à la brûlure bactérienne et au puceron lanigère du pommier, il est extrêmement résistant à la pourriture du collet, ne produit que peu de rejets, maintient une bonne taille pour les fruits et est extrêmement productif et précoce. Par traitement thermique, les chercheurs ont mis au point un clone sans virus du M.9, appelé par l'industrie M.9 EMLA ou M.9 E. Le clone sans virus M.9 E est environ 30 % plus petit que le M.26 E (c.-à-d. dimensions de l'arbre pour M.26 E=100, M.9 E=70) et 25 % plus gros que le M.9 d'origine. Il existe maintenant nombre de sous-clones ou souches de M.9 qui sont soit le résultat de traitements thermiques plus poussés pour détruire les virus, soit de sélections effectuées par les pépiniéristes pour faciliter la propagation en couche. Il y a une légère variation des clones de M.9 en ce qui a trait au degré de nanification transmis aux rameaux, mais tous demeurent plus vigoureux que M.27 E et moins vigoureux que M.26 E. De façon générale, les clones moins vigoureux que M.9 E sont M.9 Flueren 56 et M.9 NAKB T337, tandis que ceux qui sont plus vigoureux que M.9 E sont M.9 Pajam 1, M.9 RN29 et M.9 Pajam2 (tableau 1). À remarquer que leurs noms, dans certains cas, peuvent varier selon la province ou le pays. Globalement, les études de NC-140 menées partout en Amérique du Nord indiquent que les clones M.9 varient en taille d'environ ± 20 % par comparaison avec M.9 E.

La hauteur du point de greffe à la plantation peut avoir plus d'influence sur l'arbre que les différences entre clones M.9. En ajustant la hauteur du point de greffe à partir de la ligne de sol, les producteurs peuvent aussi manipuler les caractéristiques nanifiantes du porte-greffe. En règle générale, on observe une diminution de 10 % de la taille de l'arbre pour chaque tranche de 10 cm de hauteur à partir de l'endroit où se situe le point de greffe au-dessus du sol.

Objectifs de la recherche

• Augmentation de l'efficacité de la production par la mise au point de nouveaux systèmes de vergers précoces à haute densité interceptant plus de lumière et produisant un pourcentage accru de fruits escomptés dans le but de réduire les coûts de production pour le producteur (par exemple, technologie économisant la main-d'œuvre).
• Évaluation scientifique des porte-greffes de pommier pour des régions productrices spécifiques de l'Ontario.

Méthodes

Au printemps 2014, nous avons planté, à la station de recherche Simcoe de l'Université de Guelph, 10 arbres Honeycrisp de chacun des 15 différents porte-greffes suivants : B.10, G.11, G.202, G.214, G.30, G.41, G.935, G.969, M.26 EMLA, M.7, MM.106, M.9 T337, V.5, V.6 et V.7. Nous avons planté 10 arbres de chaque porte-greffe à l'aide du système « en fuseau élevé » à un espacement de 1,2 x 3,6 m (2 342 arbres/ha) selon un motif totalement aléatoire, certains arbres individuels servant d'unités expérimentales. Les arbres pollinisateurs ont été placés uniformément dans la plantation. Les arbres sont irrigués au goutte-à-goutte avec des émetteurs compensateurs de pression de 2 L/h calibrés pour déverser approximativement 25 mm d'eau par semaine. À la plantation, le diamètre initial du tronc a été mesuré à 30 cm au-dessus du point de greffe et on a établi le nombre de branches latérales >10 cm. Voici les paramètres consignés annuellement : circonférence du tronc à l'automne chaque année pour mesurer la vigueur de l'arbre; état de l'arbre à la fin de chaque saison de croissance; nombre de rejets par arbre et nombre total et poids des fruits récoltés.

Les arbres se sont bien établis, mais la taille initiale variait selon le porte-greffe car certains arbres étaient mieux branchus ou mieux dotés de branches latérales et possédaient des systèmes racinaires plus étendus que les autres. Par exemple, lors de la plantation, il y avait considérablement plus de branches sur V.5, V.6 et V.7, ainsi que G.214 comparativement aux autres porte-greffes. Il est possible que cela soit dû davantage à la technique de propagation en pépinière (culture tissulaire comparativement à porte-greffe en couche) que du porte-greffe directement.

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Figure 1. Plantation de porte-greffes sur Honeycrisp au stade de la troisième feuille (août 2016). L'irrigation des arbres se fait au goutte-à-goutte et les arbres sont soutenus par des treillis métalliques et espacés de 1,2 m x 3,6 m (4 pi x 12 pi). Université de Guelph, Simcoe [photo, J. Cline]

Résultats

Vigueur de l'arbre : le classement des porte-greffes pour la vigueur de l'arbre en 2017 était très analogue aux années précédentes. Les arbres sur V.5, V.7 et V.6 demeuraient les plus vigoureux (coupe transversale du tronc de 12,6, 12,4 et 12 cm², respectivement) tandis que les moins vigoureux étaient encore G.202 and G.935 (coupe transversale du tronc de 4,3 et 5,4 cm², respectivement) (figure 2). La croissance des arbres sur MM.106 et M.7 a été très analogue à la norme M.26. La croissance et le rendement de M.26 ont été anormalement faibles et doivent être pris en considération lors de l'établissement des comparaisons avec M.26 dans cette expérience.

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Figure 2. Vigueur des pommiers Honeycrisp sur divers porte-greffes après quatre saisons de croissance à l'Université de Guelph, Simcoe.

Rendement : Nous avons observé des effets statistiquement significatifs du porte-greffe sur le rendement entre arbres plantés sur différents porte-greffes. Les rendements cumulatifs des trois porte-greffes de la série Vineland, ainsi que de B.10 ont été les plus importants tandis que G.202 a connu le rendement le plus faible (figure 3). De plus, MM.106 et M.7 étaient aussi les deux porte-greffes au rendement le plus faible, produisant 6,8 et 6,4 kg de fruits par arbre respectivement au cours des deux dernières années comparativement à V.5, qui a donné 11,8 kg par arbre au cours de la même période.

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Figure 3. Rendement cumulatif des pommiers Honeycrisp sur divers porte-greffes à leur quatrième feuille (2017), Université de Guelph, Simcoe

Le rendement cumulatif, qui offre une normalisation du rendement d'après la taille des arbres (coupe transversale du tronc) était important dans l'ensemble des porte-greffes. G.935, M.9 T337 et G.202 sont ceux offrant le meilleur rendement, tandis que MM.106, M.26 et G.30 affichaient le rendement le plus faible des 15 porte-greffes. Aucun effet du porte-greffe sur le poids moyen des fruits n'a été observé en 2017 (données non illustrées).

Rejets : La production de rejets de tous les porte-greffes était mineure.

Mortalité des arbres : À la fin de la saison de croissance 2014, soit l'année de plantation, la mortalité des arbres était de 20 % pour G.41, 10 % pour G.935 et de 12 % pour V.7. Depuis, il n'y a pas eu d'autre mortalité sur ces trois porte-greffes et aucune mortalité sur aucun des autres porte-greffes.

Autres notes : En août 2017, plusieurs pommiers Honeycrisp sur G.202 et un moins grand nombre sur G.935 montraient des signes de stress, c'est-à-dire feuilles jaune pâle et aspect fané. Nous ne savons pas quelle est l'importance de cela, mais d'autres rapports sur la sensibilité aux virus de certains porte-greffes Cornell-Geneva nous font soupçonner que cette sensibilité pourrait jouer un rôle. Nous observerons de près ces arbres dans les années qui viennent afin d'en préciser les répercussions. Il est peu probable que cet effet soit lié à un stress de sécheresse, car tous les arbres ont été irrigués au goutte-à-goutte.

Aperçu de plusieurs porte-greffes de pommier disponibles dans le commerce

B.10® cv. Mich 96 [dans l'essai : Bud.62396]

• Compris dans l'essai NC-140 de 2003.
• Mis au point en Russie et sélectionné pour sa meilleure résistance au froid.
• Dans un essai de 10 ans avec la Golden Delicious, on a constaté que les arbres sur ce porte-greffe avaient la même taille que ceux sur G.935 et M.9 T337 (15 % plus petits). Le porte-greffe a été plus vigoureux que M.26 à Simcoe.
• D'après le rapport, il donne des angles de branches charpentières larges.
• Très productif, égal ou supérieur à M.9 T337.
• Bonne survie de l'arbre.
• Remplaçant potentiel de M.9.

B.118

• Porte-greffe résistant au froid provenant du programme d'hybridation de Minsk, en Russie.
• La vigueur de l'arbre est approximativement 85 % de la taille du semis.
• Confère une forte résistance au froid.
• Propagation facile par marcottage et ne produit aucun rejet.
• Modérément résistant à la brûlure bactérienne, mais vulnérable au Phytophthora.
• En raison de sa vigueur élevée, il n'est recommandé que pour les souches de pommiers produisant des dards ou pour des sols faibles, des climats peu propices à la croissance ou en situations de replantage.

Geneva® 11 'G.11'

• Le porte-greffe Cornell le plus courant qui sera au départ disponible.
• Vit bien sur un sol vierge, mais ne tolère pas la maladie de la replantation.
• Vigueur, taille M.9.
• Production légère de rejets du porte-greffe, résistant à la brûlure bactérienne, ne résiste pas au puceron lanigère du pommier.

Geneva® 41 'G.41'

• Légèrement plus vigoureux que M.9 (dimensions analogues au Honeycrisp à Simcoe pour les rameaux).
• Résistant à la replantation, à la brûlure bactérienne et à la pourriture du collet, peu de rejets du porte-greffe.
• Le point de greffe est susceptible à la rupture; il faut donc du tuteurage.

Geneva® 935 'G.935'

• D'après les rapports, dans la catégorie de vigueur M.26 (mais analogue à M.9 à Simcoe avec greffon Honeycrisp).
• Bon pour les cultivars de type à dards.
• Résistant à la replantation, à la brûlure bactérienne et à la pourriture du collet.
• Résistant au froid.
• D'après les rapports ses branches sont à angle plat.
• Ne résiste pas au puceron lanigère du pommier.
• Montre des signes de jaunissement des feuilles à Simcoe.
• Sensible au virus latent causant un dépérissement de l'arbre. Il faut s'assurer que le bois du greffon est sans virus.

Geneva® 202 'G.202'

• D'après les rapports c'est un porte-greffe semi-nanifiant (taille M.26). Dans l'expérience de Simcoe, moins vigoureux que M.9 T337 (arbres les plus faibles dans l'étude).
• Se comporte bien sur divers sols.
• Résiste à la brûlure bactérienne, au puceron lanigère du pommier et à la maladie de la replantation.
• Les rendements précoces avec Honeycrisp ont été faibles à Simcoe.

Geneva® 16 'G.16'

• Porte-greffe nanifiant (taille M.9).
• Résistant à la brûlure bactérienne et une certaine résistance à la maladie de la replantation.
• Ne résiste pas au puceron lanigère du pommier.
• Très sensible à au moins un virus latent, par conséquent, n'utiliser avec ce porte greffe que des greffons sans virus.
• Bonne résistance au milieu d'hiver, mais piètre résistance au début de l'hiver.

Geneva® 210 'G.210'

• Porte-greffe semi-nanifiant (taille M.7).
• A besoin d'un support.
• Manifeste une résistance à la brûlure bactérienne, à la pourriture du collet et à la maladie de la replantation.
• Résistant au puceron lanigère du pommier.
• Sujet à des rejets dans les essais NC-140.

Résumé

Les pomiculteurs ont le choix entre une vaste gamme de porte-greffes. La décision de choisir un porte-greffe doit reposer sur un certain nombre de facteurs, notamment la disponibilité d'arbres sans virus (porte-greffes et greffons), la région de croissance (zone de résistance), la fertilité du sol, le système de verger, le cultivar, l'espacement des arbres, la maladie de la replantation et la prévalence des maladies. La maladie de la replantation du pommier est une maladie « silencieuse » qui semble affecter le rendement de l'arbre et sa production plus qu'on ne le pensait. La plantation de porte-greffes plus vigoureux à rendement avéré dans des sites atteints de la maladie de la replantation est une bonne stratégie puisque peu de fumigants du sol sont maintenant offerts. La plage de vigueur des arbres que permettent divers porte-greffes dans la présentation offre aux producteurs plusieurs options de plantation reposant sur le type ou la vigueur du sol, la vigueur du porte-greffe ou le système de verger. Les porte-greffes plus vigoureux suscitent l'intérêt dans les régions où la croissance des arbres est limitée en raison du climat, du sol ou de la maladie de la replantation. La série Vineland et le B.10 sont particulièrement prometteurs à cet égard. Si l'on souhaite un porte-greffe plus nanifiant, G.969 semble à la fois productif, tout en réduisant la croissance et est très comparable à M.9 T337 par sa vigueur.

Il ressort de nos résultats préliminaires que G.935 était un porte-greffe très précoce dans la catégorie de tailles M.9. Les porte greffes V.5, V.6 et V.7 semblent plus vigoureux et légèrement moins efficaces sur le plan du rendement, mais offrent la résistance au froid et la résistance à la brûlure bactérienne (résistance du porte-greffe et non du greffon). M.9 et M.26 demeurent des porte-greffes productifs et régulant la taille, et possèdent plusieurs attributs favorables, mais leur principale faiblesse est une forte susceptibilité à la brûlure bactérienne et un manque de résistance au froid. De plus, M.26 est sujet aux champignons du genre Phytophthora qui s'attaquent aux racines et peuvent les faire mourir.

Vous trouverez plus de renseignements en ligne sur les porte-greffes à Fiche Technique du MAAARO, Les porte-greffes de pommiers.

Remerciements

Nous remercions vivement Cathy Bakker de son aide technique.

Le présent projet est généreusement subventionné par l'intermédiaire de la Grappe agroscientifique canadienne spécialisée en horticulture, en partenariat avec le Programme d'innovation en agriculture d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, une initiative de Cultivons l'avenir 2, le Conseil canadien de l'agriculture et des participants de l'industrie, notamment Ontario Apple Growers.