Élaboré par Jennifer van Overbeeke, Jarmo Jalava et Ronda Doney

La phégoptère à hexagones (Phegopteris hexagonoptera) est une fougère vivace dont les larges frondes triangulaires peuvent atteindre de 25 à 75 cm de hauteur. L’espèce ne pousse qu'en Amérique du Nord, et le sud du Québec et le Maine constituent la limite nord de son aire de répartition; à l’ouest, on la trouve aussi loin que dans le sud du Minnesota, et au sud, jusqu'au Texas et en Floride. Parce que sa population est en déclin en raison de la perte ou de la détérioration de son habitat, la phégoptère à hexagones a été désignée comme espèce préoccupante à l’échelle nationale par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) en 1983, et à l’échelle provinciale – en Ontario – en 1990. Au Canada, des populations éparses ont été documentées dans le sud-ouest de l’Ontario, l’est de l’Ontario et le sud de Québec. Des 71 observations connues en Ontario, seulement 21 datent des 20 dernières années. Le manque d’observations récentes pourrait être l’indication d’un déclin.

La phégoptère à hexagones préfère les forêts caducifoliées riches et non perturbées, particulièrement les forêts matures de hêtres à grandes feuilles (Fagus grandifolia, Acer spp). Bien qu'on la trouve dans des forêts caducifoliées fraîches ou sèches-fraîches, la phégoptère à hexagones pousse typiquement en milieux plus humides comme les pentes des vallées basses, les terres basses et même les marécages. On peut la trouver en des endroits plus ensoleillés de forêts matures, c'est-à-dire où elles se sont probablement adaptées à pousser sous des ouvertures du couvert forestier de forêts plus anciennes. Il s’agit cependant d’une espèce principalement tolérante de l’ombre qui ne pourrait probablement pas survivre sous une ouverture d’importance du couvert forestier.

Caractéristiques contribuant à la vulnérabilité de la phégoptère à hexagones :

  • incapacité de l’espèce à supporter des changements dans son habitat;
  • l’isolation de beaucoup de ses populations subsistantes et le manque d’habitats adéquats qui permettraient les échanges génétiques entre les populations, la dispersion et l’augmentation des populations;
  • tout habitat en milieu humide, nécessaire pour la reproduction par spores, qui pourrait disparaître à la suite de l’augmentation de sécheresses dues aux changements climatiques.

La perte et la dégradation de l’habitat sont considérées comme les menaces les plus importantes pesant sur la phégoptère à hexagones en Ontario. Le sud de l’Ontario, et particulièrement la zone carolinienne (écorégion 7E) du sud-ouest de la province – où pousse la majorité des populations de phégoptères à hexagones – est l’un des paysages les plus perturbés au Canada. Cette région a été durement touchée par de fortes réductions de son couvert forestier, de hauts niveaux de fragmentation de ses habitats et une utilisation humaine accrue de ce qui reste de l’habitat forestier. Ces répercussions sont particulièrement graves pour la phégoptère à hexagones qui est très sensible aux perturbations et aux impacts physiques directs nuisant au couvert forestier et qui s'habitue mal à des milieux forestiers secondaires plus jeunes.

Bien qu'on trouve la phégoptère à hexagones dans des zones protégées de l’Ontario, la plupart des populations poussent sur des terres privées et sont menacées par l’aménagement forestier et d’autres activités humaines ou dangers, notamment :

  • le piétinement des plantes et le compactage du sol causés par l’utilisation des sentiers – personnes pratiquant la marche, le cyclisme, l’équitation; celles qui utilisent des VTT ou qui promènent leurs chiens – qui passent près des populations de phégoptères à hexagones ou qui les traversent;
  • les activités de jardinage ou de paysagisme près des habitats forestiers;
  • la concurrence des espèces envahissantes;
  • changements dans la chimie du sol causés par des vers de terre exotiques;
  • changements dans l’hydrologie associés au drainage souterrain et aux projets de lotissement;
  • les répercussions sur l’habitat d’une population surabondante de cerfs de Virginie;
  • les changements au sein de la composition, de la structure et des processus forestiers, causés par des maladies virulentes des arbres et des insectes ravageurs;
  • la cueillette possible de la phégoptère à hexagones pour des jardins de plantes indigènes et autres projets décoratifs.

Ce plan de gestion offre des stratégies visant à maintenir ou à ramener la population de la phégoptère à hexagones à des taux viables en Ontario. Les objectifs de ce plan de gestion sont les suivants :

  1. Identifier, protéger et gérer les populations subsistantes de la phégoptère à hexagones et son habitat en Ontario;
  2. Aborder les lacunes sur le plan des connaissances quant à la taille d’une population viable minimale, aux exigences en matière de cycle biologique et d’habitat et des priorités associées aux menaces.
  3. Appuyer et mettre en œuvre des initiatives de planification et de rétablissement axées sur le paysage et l’écosystème afin d’élargir l’habitat disponible de la phégoptère à hexagones, et rehausser la connectivité des habitats pour favoriser la dispersion et l’expansion de ses populations;
  4. Promouvoir la sensibilisation et l’intendance liées à la phégoptère à hexagones auprès des Premières Nations et des parties intéressées comme les gestionnaires des terres, les propriétaires fonciers, les municipalités, etc.
  5. Réévaluer la situation quant à la conservation de la phégoptère à hexagones en Ontario.