Plan de gestion du grèbe esclavon (Podiceps auritus) en Ontario

Auteur : David Anthony Kirk

Résumé

Le grèbe esclavon est un petit oiseau aquatique parfois semi-colonial qui s'apparente au canard. Dans son plumage nuptial, il est facilement reconnaissable avec ses « cornes » dorées en forme d’éventails derrière les yeux, qui contrastent avec les plumes noires de son visage, son cou et ses flancs marron, son ventre blanc sale et son dos de couleur foncée. Migrateur de moyenne distance, il retourne en Ontario peu de temps après la rupture des glaces à la fin mars ou au début d’avril (atteignant un sommet à la mi-avril).

Le grèbe esclavon niche sur de petits étangs, des baies protégées ou de plus grands lacs à l’intérieur de terres humides d’une étendue minimale de 0,05 ha, mais généralement de

1 à 10 ha. Comparativement au grèbe à bec bigarré (Podilymbus podiceps), le grèbe esclavon niche dans des étangs plus profonds (généralement sans poisons) où pousse une végétation moins dense. Il est influencé par les niveaux d’eau et fait preuve d’opportunisme quant au choix de son site de nidification. Il semble être sensible aux perturbations humaines et ira jusqu'à abandonner son nid s'il y a de l’activité humaine à proximité.

La migration automnale a lieu du début septembre à la fin décembre, culminant de la fin d’octobre à la mi-novembre. En automne, le grèbe esclavon migre de nuit vers le sud en petit nombre au-dessus du continent et passe l’hiver au large des côtes et sur des eaux intérieures.

Le grèbe esclavon figure sur la liste des espèces gravement en péril en Ontario de NatureServe. Il est vulnérable au Manitoba, et la population orientale distincte de grèbe esclavon, qui s'accouple sur les îles de la Madeleine au Québec, est gravement en péril et est désignée en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Cette espèce n'a pas fait l’objet d’une évaluation dans les États voisins américains. On croyait par le passé que le grèbe esclavon se reproduisait dans la plus grande partie de la province de l’Ontario.

Toutefois, un grand nombre des observations reposaient sur des enregistrements de nidification. On a découvert par la suite qu'il s'agissant en fait dans bien des cas des grèbes à bec bigarré, dont les œufs se distinguent difficilement sur place de ceux du grèbe esclavon. L’aire de répartition du grèbe esclavon est vaste dans l’ensemble de l’Ouest canadien, mais se situe dans la limite orientale de l’aire de répartition en Ontario.

Des études menées dans le cadre du premier Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario (1981–1985) ont confirmé des cas de reproduction dans la région de Fort Severn et éventuellement dans les marais de Sainte-Claire et le parc provincial Rondeau. Auparavant, aucune reproduction n'avait été confirmée depuis 1938. Durant la période du deuxième atlas (2001-2005), trois sites de nidification ont été découverts, aucun n'étant occupé durant le premier atlas. Il a été suggéré que la population provinciale compte moins de 10 couples reproducteurs annuellement, bien que d’autres couples se reproduisent probablement sans être découverts dans des régions éloignées. Malgré ses limites au plan de la surveillance des oiseaux aquatiques, le Relevé des oiseaux nicheurs de l’Amérique du Nord est la meilleure source de données de tendance normalisées sur l’espèce. Des analyses révèlent des tendances négatives dans la plupart des États, des provinces et des régions de conservation des oiseaux, ainsi que dans l’ensemble du Canada (Remarque : Des analyses de tendance propres à l’Ontario ne sont pas possibles en raison du très petit nombre d’observations). Bien que les tendances à long terme (1970–2011) indiquent un important déclin au Canada, les tendances à court terme (2001–2011) donnent à penser que ce déclin se serait stabilisé. Les données du Recensement des oiseaux de Noël semblent indiquer un déclin à long terme de la population continentale. Toutefois, cette étude passe probablement à côté des nombreux individus hivernant dans l’Atlantique. On compte des grèbes esclavons dans les observatoires d’oiseaux durant la migration, mais aucune analyse des tendances n'a été menée; à Long Point, un important déclin à long terme a été observé, mais la baisse la plus forte était dans les années 1980.

On en sait peu sur les menaces auxquelles font face le grèbe esclavon, et celles mentionnées sont en grande partie spéculatives. Les facteurs qui influent sur la qualité des terres humides sont réputés les plus importants, notamment le lessivage des terres cultivées (engrais) pouvant causer l’eutrophisation, et les pesticides qui peuvent avoir un effet toxique. L’un ou l’autre pourrait avoir un effet sur les invertébrés aquatiques ainsi que sur les populations de poissons dans les étangs d’élevage ou les terres humides durant la migration. La perte directe d’habitats de terres humides (remplissage ou drainage) est également un facteur, de même que l’utilisation faite des terres avoisinantes qui influent sur les niveaux d’eau (p. ex. drainage par tuyaux enterrés). Le changement climatique pourrait aussi influencer les niveaux d’eau. Une concurrence interspécifique se produirait également, selon des hypothèses, avec d’autres espèces de grèbe, en particulier le grèbe jougris (Podiceps grisegena) et le grèbe à bec bigarré. Les effets cumulatifs sur le grèbe esclavon sont incertains mais pourraient comprendre la perte d’habitats, les espèces envahissantes et le changement climatique. Dans les aires d’hivernage, les déversements pétroliers dans les zones marines pourraient poser une grave menace compte tenu que les espèces semblent particulièrement vulnérables au mazoutage. Le grèbe semble également vulnérable au botulisme et peut-être aussi à d’autres maladies. Les options de gestion pour assurer la conservation du grèbe esclavon sont difficiles à déterminer en l’absence de plus amples renseignements sur la répartition et l’abondance des espèces, et compte tenu de la petite population reproductrice de l’Ontario.

Le présent plan de gestion vise à élaborer des stratégies pour une collaboration accrue et plus efficace avec les provinces du Centre et de l’Ouest du Canada qui portent une plus grande responsabilité relativement aux espèces, et à déterminer comment éventuellement atteindre les objectifs de gestion des espèces.

Pour atteindre cet objectif, un certain nombre d’objectifs a été élaboré. L’atteinte de ces objectifs dépendra de l’appui et de la collaboration des parties intéressées, en particulier les autres gouvernements provinciaux, les municipalités, les propriétaires fonciers, les Premières Nations, les organisations non gouvernementales et le gouvernement de l’Ontario. Les objectifs sont les suivants :

  1. Déterminer la distribution et l’abondance des grèbes esclavons reproducteurs en Ontario; repérer les aires de repos et d’hivernage durant la migration.
  2. Déterminer les besoins locaux et paysagers en habitat des grèbes esclavons en Ontario.
  3. Déterminer les principales menaces au grèbe esclavon (utiliser initialement le calculateur des menaces de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature).
  4. Grâce à une démarche plurispécifique visant notamment le grèbe esclavon et d’autres espèces de milieux humides, conserver et agrandir les habitats actuels de terres humides, et rétablir les terres humaines ou en créer de nouvelles.
  5. Élaborer des ententes avec les propriétaires fonciers et des activités de gestion afin d’assurer, de protéger, d’améliorer et de rétablir les habitats éventuels de terres humides des grèbes esclavons et d’autres espèces de milieux humides.
  6. Encourager les communautés autochtones à élaborer des projets et des activités d’intendance visant les espèces de milieux humides en péril, en particulier le grèbe esclavon.