Préparé par Todd J. Morris.

Le programme de rétablissement de la lampsile fasciolée (Lampsilis fasciola) au Canada a été préparé par Todd J. Morris, au nom de l’équipe de rétablissement de la moule d’eau douce de l’Ontario, afin que Pêches et Océans Canada respecte les exigences de l’Accord pour la protection des espèces en péril au Canada. Le présent programme de rétablissement est adopté aux termes de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD 2007) de l’Ontario qui exige que le ministre des Richesses naturelles fasse en sorte que des programmes de rétablissement soient préparés pour toutes les espèces désignées comme étant en voie de disparition ou menacées. Grâce à l’ajout de nouveaux renseignements, le programme de rétablissement de la lampsile fasciolée (Lampsilis fasciola) au Canada respecte toutes les exigences en matière de contenu prévues à la LEVD 2007.

Résumé

La lampsile fasciolée (Lampsilis fasciola, Rafinesque, 1820) est une petite moule sexuellement dimorphe que l’on reconnaît à sa coquille arrondie jaune ou jaune verdâtre. La coquille se caractérise par de nombreux sillons verts et sinueux, étroits et isolés ou regroupés en des sillons plus larges chez certains spécimens. Quelle qu'en soit la taille, ces sillons sont toujours sinueux, avec de nombreuses interruptions, ce qui a donné son nom à cette moule. Typiquement, on trouve l’espèce dans des rivières petites ou moyennes, hydrologiquement stables et à eau claire, où elle vit sur des substrats de sable ou de gravier propres, dans des rapides peu profonds ou autour d’eux. La lampsile fasciolée est désignée mondialement stable (G4). Elle est stable à l’échelle nationale aux États-Unis (N4) bien qu'elle soit en déclin dans son aire de répartition, particulièrement dans le nord où elle est désignée comme en voie de disparition dans l’Illinois, menacée dans les États du Michigan et de New York, et préoccupante en Indiana. Cette espèce est désignée en péril (N1) au Canada où elle figure à la liste des espèces en voie de disparition du COSEPAC. Sa distribution au Canada se réduit à l’Ontario, où elle a probablement toujours été rare. L’aire de répartition au Canada comprenait l’ouest du lac Érié, le lac Sainte-Claire et les rivières Maitland, Ausable, Sainte-Claire, Sydenham, Thames, Détroit et Grand; cependant, sa répartition actuelle se limite à de petites parties du delta du lac Sainte-Claire et des rivières Ausable, Grand, Thames et Maitland, dont seules les populations des rivières Grand, Thames, et Maitland sont considérées comme saines.

Les menaces qui pèsent sur la lampsile fasciolée sont nombreuses et variées. La raison principale du déclin des populations lacustres – et la menace la plus importante en ce qui concerne la population du lac Sainte-Claire – est la moule zébrée (Dreissena polymorpha), une espèce exotique. La moule zébrée se fixe sur la coquille des moules indigènes et les empêche de se nourrir, de respirer, d’excréter et de se déplacer. Les populations riveraines de la lampsile fasciolée sont sujettes à des menaces différentes de celles des populations lacustres, dont la plus importante est la dégradation de la qualité de l’eau et la disparition de l’habitat. La majorité des bassins hydrographiques où vit encore la lampsile fasciolée sont surtout en région agricole, avec des apports importants de nutriants et de sédiments dans les cours d’eau adjacents à ces terres agricoles. La nature parasitique obligée du cycle reproducteur de la lampsile fasciolée exige qu'on examine les menaces qui pèsent sur les espèces de poissons-hôtes ainsi que celles qui touchent directement cette moule.

Le but à long terme du présent programme de rétablissement est d’empêcher la disparition de la lampsile fasciolée au Canada et de promouvoir le rétablissement de cette espèce grâce aux démarches suivantes :

  1. Protéger les populations existantes pour enrayer leur déclin.
  2. Rétablir les populations dégradées à des niveaux sains et autonomes en augmentant l’étendue et la qualité de l’habitat.
  3. Lorsque cela est possible, réintroduire la lampsile fasciolée dans des emplacements où elle vivait autrefois.

Les objectifs précis et à court terme suivants ont été établis en vue de contribuer à la réalisation du but à long terme :

  1. Déterminer l’importance et le nombre et l’aspect démographique des populations actuelles.
  2. Déterminer ou confirmer quels sont les poissons-hôtes, leur répartition et leur nombre.
  3. Définir les exigences clés des habitats pour déterminer l’habitat vital.
  4. Mettre sur pied un programme de surveillance à long terme de la lampsile fasciolée, de son habitat et de celui de ses hôtes.
  5. Répertorier les menaces, évaluer leurs impacts relatifs et mettre en œuvre des mesures correctives afin de réduire leurs répercussions.
  6. Examiner la possibilité de pratiquer la transplantation et la réintroduction et la propagation artificielle.
  7. Rehausser la sensibilisation quant à l’importance de la lampsile fasciolée et sa situation en tant qu'espèce en péril au Canada.

L’équipe de rétablissement a ciblé diverses démarches nécessaires à la réalisation des objectifs. Ces démarches ont été classées en quatre catégories : recherche et surveillance, gestion, intendance et sensibilisation.

Le présent programme de rétablissement ne représente qu'une partie d’une approche à multiples facettes visant à assurer la préservation de cette moule en voie de disparition. On a précisément tenu compte des besoins de la lampsile fasciolée lors de l’élaboration de programmes de rétablissement pour les écosystèmes aquatiques des rivières Sydenham, Ausable et Thames, et les objectifs et mesures présentés dans ces stratégies écosystémiques seront donc avantageux pour la lampsile fasciolée. Bien qu'elles n'aient pas fait l’objet d’examen lors de l’élaboration du programme de rétablissement des poissons de la rivière Grand ou de celui de l’écosystème de l’île Walpole, l’équipe de rétablissement croit que les mesures proposées par ces équipes axées sur les écosystèmes seront probablement avantageuses pour la lampsile fasciolée grâce à l’amélioration générale de l’habitat aquatique. En plus de ces efforts de planification à des fins de rétablissement, un certain nombre de programmes de recherche en place appuieront la réalisation des objectifs présentés dans ce programme. Une équipe de l’université de Guelph a créé une installation de recherche afin d’étudier des espèces hôtes potentielles pour la lampsile fasciolée et autres espèces de moules en péril, alors qu'un laboratoire de l’université de Toronto, en collaboration avec le Musée royal de l’Ontario, a récemment entrepris d’examiner la génétique de la conservation des espèces de moules en péril, particulièrement celle de la lampsile fasciolée. Des chercheurs de Pêches et Océans Canada et de l’Institut national de recherche sur les eaux d’Environnement Canada recueillent continuellement des données sur les espèces de moules en péril dans le sud-ouest de l’Ontario et étudient la possibilité de créer des refuges gérés dans la région du delta Sainte-Claire.

La précision de l’habitat vital est une composante vitale du rétablissement des espèces en voie de disparition aux termes de la Loi sur les espèces en péril, et nécessite une connaissance approfondie des besoins des espèces pendant toutes les étapes de leur cycle de vie ainsi qu'une compréhension de la répartition, de la quantité et de la qualité des habitats partout dans l’aire de répartition des espèces. À ce jour, on ne dispose pas de ces renseignements en ce qui concerne la lampsile fasciolée, aussi, l’équipe de rétablissement de la moule d’eau douce de l’Ontario a établi une série de tâches qui faciliteront la collecte de ces renseignements nécessaires à la caractérisation de l’habitat vital de l’espèce. D’ici à ce que l’équipe de rétablissement puisse définir la nature de l’habitat vital, elle a recensé des habitats devant être protégés, notamment les suivants :

  • 60 km d’une partie en amont de la rivière Grand, soit entre Inverhaugh et Cambridge.
  • Un tronçon de 30 km de la rivière Thames Nord, en amont de London et comprenant les ruisseaux Medway et Fish. Un tronçon de 25 km de la rivière Middle Thames, depuis London jusqu'à Dorchester ainsi qu'en aval.
  • Un tronçon de 45 km de la rivière Maitland depuis sa confluence avec la rivière Maitland Sud.
  • La rivière Maitland, en amont de Wingham, et l’aval des rivières Maitland Sud, Middle Maitland et de la petite rivière Maitland.
  • Le tronçon inférieur de la petite rivière Ausable, un tronçon de rivière de 12 km du chenal principal de la rivière Ausable en mont de Nairn.
  • Une région de 12 km2 du delta Sainte-Clair.

L’équipe de rétablissement de la moule d’eau douce de l’Ontario croit que le meilleur moyen de mettre en œuvre les démarches en vue de rétablir la lampsile fasciolée est par l’entremise d’une coopération avec d’autres équipes de rétablissement d’écosystème. Dans les bassins hydrographiques, la mise en œuvre des mesures de rétablissement par ces équipes devrait être coordonnée afin de s'assurer qu'elles sont avantageuses pour toutes les espèces en péril, et afin d’éliminer les possibles chevauchements des efforts. Dans les écosystèmes qui ne sont pas pourvus d’équipe, les groupes de mise en œuvre du rétablissement pourraient être organisés pour faciliter la réalisation des mesures de rétablissement. L’évaluation du succès des démarches de rétablissement se fera principalement par l’entremise des programmes de surveillance habituels établis pour faire le suivi des changements sur le plan de la démographie des populations et de l’habitat. Cependant, les groupes de mise en œuvre du rétablissement intégreront aussi des étapes clés aux plans d’action de rétablissement. Le programme de rétablissement tout entier sera réexaminé après cinq ans pour évaluer les progrès réalisés envers l’atteinte des buts et objectifs et pour y ajouter de nouveaux renseignements.