Introduction

Le choix d’un système de distribution des aliments dans un élevage ovin se fait en fonction de plusieurs critères : l’efficacité de la main-d’œuvre, les rations données aux animaux, certains facteurs ayant trait à l’espace dont les animaux disposent aux mangeoires, le nombre de bêtes à nourrir, ainsi que le matériel dont on dispose déjà et celui qu’on devra acquérir (figure 1). La présente fiche technique contient de l’information visant à aider les éleveurs à choisir le système de distribution des aliments approprié à leur exploitation.

Les renseignements fournis dans cette fiche sont basés sur les conditions qui prévalent dans un élevage de brebis prolifiques au sein d’un système de reproduction et d’agnelage accéléré. Dans ce système, le troupeau peut être confiné en bergerie ou élevé à l’extérieur.

Grain répandu sur le sol par un tracteur et une trémie à déchargement par gravité.
Figure 1. Aliments concentrés déversés sur le sol à l’aide d’une trémie à déchargement par gravité.

Règles de base sur la distribution des aliments

  • L’efficacité de la distribution des fourrages doit être un objectif primordial. Les fourrages sont le plus important constituant des rations ovines en volume et poids et aussi en raison du temps nécessaire à leur manutention. Ils représentent pour ces raisons un risque de réduire l’efficacité de la distribution.
  • Utiliser un système qui permet à une seule personne de distribuer les fourrages sans aide additionnelle.
  • Mettre en place des couloirs d’affouragement où l’on peut circuler, car ce sont ceux qui permettent de distribuer le plus efficacement et le plus rapidement les aliments.
  • Viser une durée de distribution n’excédant pas 8 secondes par brebis (fourrages seulement), calculée depuis le lieu de stockage jusqu’à la fin de la distribution. Ainsi, il faut 800 secondes ou 13 minutes et 20 secondes pour nourrir 100 brebis.
  • Distribuer les concentrés encore plus rapidement que les fourrages. Compter idéalement 1 seconde ou moins par brebis pour la distribution proprement dite, et quelques secondes de plus pour les préparatifs par animal (comme le remplissage des chariots ou des seaux utilisés).
  • Se rappeler que les brebis taries (pour l’entretien) ont proportionnellement besoin de très peu de temps (alimentation et autres soins).
  • Recourir à des méthodes de distribution sécuritaires. Éviter les systèmes de distribution où il faut circuler avec du matériel au milieu des animaux pendant la distribution des fourrages ou des concentrés. Ce genre de situations augmente le risque de blessures pour le berger comme pour les ovins, et diminue l’efficacité des opérations.
  • Aménager des aires d’alimentation suffisantes pour les brebis (tableau 1) afin qu’elles puissent s’alimenter adéquatement et en toute sécurité.
Tableau 1. Dimensions minimales des aires de séjour et d’alimentation en élevages ovins
Installation Caractéristique (s) Brebis et béliers Agneaux d’engraissement
parc d’engraissement sol à revêtement dur 1,4 m2 (15 pi2)/tête 0,6 m2 (6,5 pi2)/tête
parc d’engraissement sol nufootnote 1 6,5 m2 (70 pi2)/tête 2,8 m2 (30 pi2)/tête
bergerie à façade ouverte superficie de plancher 1,4 m2 (15 pi2)/brebis gestante
0,93 m2 (10 pi2)/brebis tarie
0,6 m2 (6,5 pi2)/tête
bergerie à façade ouverte hauteur du plafond 2,7 m (9 pi) minimum 2,7 m (9 pi) minimum
planchers à caillebotisfootnote 2 superficie par animal 0,65 m2 (7 pi2) 0,4 m2 (4,3 pi2)
planchers à caillebotisfootnote 2 superficie de plancher 100 % 100 %
planchers à caillebotisfootnote 2 largeur des fentes 19 mm (0,75 po) 16 mm (0,6 po)
planchers à caillebotisfootnote 2 largeur des lattes 50–75 mm (2–3 po) 50–75 mm (2–3 po)
cases d’agnelage (sol plein) superficie de plancher 1,2 x 1,2 m (4 x 4 pi) minimum (case de récupération seulement)
1,2 x 1,5 m (4 x 5 pi) minimum (case d’agnelage et de récupération)
 S.O.
râtelier longueur par tête 400 mm (16 po) (alimentation en groupe)
150 mm (6 po) (libre-service)
300 mm (12 po) (alimentation en groupe)
100 mm (4 po) (libre-service)
râtelier hauteur à la gorge 305 mm (12 po) (petites races)
381 mm (15 po) (races de gros format)
254 mm (10 po) (races de petit format)
305 mm (12 po) (races de gros format)
stockage des aliments foin 1,36 kg (3 lb)/tête/jour (races de petit format)
2,27 kg (5 lb)/tête/jour (races de gros format)
0,91 kg (2 lb)/tête/jour (races de petit format)
0,91 kg (2 lb)/tête/jour (races de gros format)
stockage des aliments grain 0,15 kg (0,33 lb)/tête/jour 0,23 kg (0,5 lb)/tête/jour (entretien)
0,45–1,13 kg (1–2, 5 lb)/tête/jour (engraissement)
stockage des aliments litière 0,34 kg (0,75 lb)/tête/jour 0,11 kg (0,25 lb)/tête/jour
eau superficie 0,09 m2 (1 pi2)/40 têtes 0,09 m2 (1 pi2)/40 têtes

Source : Données adaptées du plan M-4000, Bergerie, Services de plan Canada.

Planification d’un système de distribution des aliments

Pour planifier un système de distribution des aliments, simuler les quantités d’aliments requises annuellement. Tenir compte de tous les types de rations susceptibles d’être servies. Voir l’exemple de plan au tableau 2. On doit d’abord décider du format sous lequel les fourrages seront distribués. Balles ou vrac? Ensilage ou foin sec? Si on utilise des balles, seront-elles grosses ou petites, rondes ou carrées? Le choix et la conception du matériel ainsi que la méthode de distribution à employer dépendent du format des fourrages utilisés. Les fourrages sont considérés comme le principal aliment des ovins, sauf pour les rations destinées aux agneaux.

Éléments à prendre en compte en ce qui a trait aux rations :

  • La mélasse est recommandée dans les rations pour agneaux pour stimuler la consommation. La mélasse humide est préférable, mais la mélasse sèche peut aussi être utilisée.
  • Des suppléments minéraux sont requis pour chaque type de ration, soit en libre-service, sous forme de granulés ou encore de prémélanges ajoutés à la ration. Utilisés en prémélanges, les minéraux vont se séparer des portions fines et ne conviendront pas à d’autres systèmes de distribution que les mangeoires à moins d’utiliser un liant (comme la mélasse).
  • L’échelle des teneurs en protéines brutes (PB) et en unités nutritives totales (UNT) données en supplément est fonction de la qualité de la pâture. Il faut donc connaître la qualité des cultures fourragères de chaque pâturage où sont élevés les ovins.
  • Les quantités des ingrédients de la ration ne peuvent être calculées que si l’on connaît la composition nutritionnelle de la fraction fourrage de la ration.
  • Maïs ou petites céréales. Dans de nombreux cas, le choix du grain se fait d’après le coût. En règle générale, le maïs est moins riche en protéine et plus riche en énergie (9 % de PB et 90 % d'UNT) que l’orge (12 % de PB et 82 % d'UNT) et l’avoine (11 % de PB et 73 % d'UNT). À eux deux, le coût du grain et la qualité du pâturage dictent le choix du grain à utiliser dans la ration complémentaire et la suppression éventuelle d’un ingrédient du mélange.

On trouvera au tableau 2 une liste des ingrédients qui peuvent être utilisés pour obtenir les teneurs en protéines brutes et en énergie qui sont recommandées dans les suppléments destinés à diverses catégories d’agneaux et de moutons. Formuler une ration qui permet de répondre aux besoins propres au groupe d’animaux visés.

La méthode de distribution des rations influe sur le choix des ingrédients à utiliser

Les ingrédients utilisés couramment dans les rations pour ovins sont mentionnés ci-dessous. Il existe plusieurs possibilités d’ingrédients pour chaque système de distribution, ce qui permet de déterminer les besoins d’ingrédients et de matériel de distribution en bergerie ou en pâturage, de manière à ce que chaque animal puisse ingérer efficacement sa ration.

Système de distribution de concentrés en vrac

  • tourteau de soya et drêches de distillerie
  • minéraux en prémélange
  • grains transformés et sous-produits
  • maïs entier
  • petites céréales entières
  • suppléments granulés

Système de distribution en pâturage et au sol

Tableau 2. Rations pour ovins couramment servies au cours d’une année de production et ingrédients qui les composent
Animal catégorie Animal sous-catégorie Composition des rations types : Critères généraux Composition des rations types : teneur en Fourrages % Composition des rations types : teneur en Grains % Présentation des concentrés : RTM Présentation des concentrés :Repasfootnote 4  Présentation des concentrés : Servi au solfootnote 5
agneau jusqu’a 29,5 kg (65 lb) présevrage/1er âge
17–18 % PB
80–85 % UNT
0–40 100–60 oui non non
agneau 29,5 kg (65 lb) + croissance/finition
15–16 % PB
78–82 % UNT
0–30 100–70 oui oui 15–16 % PB
82+ % UNT
ovin de remplacement agneau femelle 14–17 % PB
65–-68 % UNT
65 35 oui oui 9–14 % PB
80+ % UNT
ovin de remplacement agneau mâle 14–17 % PB
65–68 % UNT
70 30 oui oui 9–14 % PB
80+ % UNT
brebis  entretien S.O. 100 0 S.O. S.O. S.O.
brebis alimentation intensive 10–15 % PB
68–70 % UNT
85 15 oui oui 9–13 % PB
80+ % UNT
brebis fin de gestationfootnote 6 15–18 % PB
68–75 % UNT
85–60 15–40 oui Risque d’acidose 9–14 % PBfootnote 6
80+ % UNT
brebis lactationfootnote 6 14–17 % PB
70–80 % UNT
70–50 30–50 oui Risque d’acidose 9–14 % PBfootnote 6
80+ % UNT
bélier  entretien S.O. 100 0 S.O. S.O. S.O.
bélier engraissement 10–15 % PB
68–70 % UNT
85 15 oui oui 9–13 % PB
80+ % UNT
bélier reproduction 10–15 % PB
68–70 % UNT
85 15 oui oui 9–13 % PB
80+ % UNT

Choix du matériel pour le mélange et la distribution des aliments

Lorsque l’exploitation atteint une certaine taille, de nombreux éleveurs choisissent de faire leurs propres mélanges d’aliments. Tenir compte des points suivants pour évaluer si les mélanges à la ferme représentent une option rentable.

  • Calculer le coût d’une ration préparée à la ferme avec les combinaisons d’ingrédients envisagés. Déterminer le coût d’une ration commerciale comparable. Retrancher le coût de la ration préparée à la ferme du coût de la ration commerciale pour connaître la différence entre les deux.
  • Si la différence entre les deux indique que le mélange à la ferme peut être valable économiquement, établir le volume en tonnes qu’il faudra préparer pendant un an. Plus le tonnage est élevé, plus c’est rentable et dans ce cas, l’utilisation d’un mélangeur à la ferme pour plusieurs groupes d’animaux différents est avantageux.
  •  Calculer le coût de tout l’équipement nécessaire (mélange et distribution) qui s’ajoute à l’équipement requis pour la manutention des aliments complets commerciaux : cellules de stockage des ingrédients, vis de transport, cellules pour le stockage des rations complètes, chariots distributeurs, mélangeur-broyeur. Voici quelques possibilités d’installations :
    • Ration totale mélangée (RTM) — Les ensilages, le foin et les grains sont distribués en même temps. Des mélangeurs stationnaires ou mobiles peuvent être utilisés. Les mélangeurs pour RTM mélangent les aliments par lots. Ces mélangeurs nécessitent de l’équipement de distribution spécialisé (systèmes de distribution par couloir d’alimentation pour les unités mobiles, convoyeurs à courroies ou chariots pour les unités stationnaires). Le temps de travail quotidien comprend la durée du remplissage, du mélange et de la distribution.
    • Mélangeurs-broyeurs tractés — Grands mélangeurs par lots qui peuvent déchiqueter du foin sec dans les rations concentrées. Ils sont actionnés par la prise de force du tracteur et possèdent leur propre vis de distribution. Ils peuvent servir à remplir des cellules à un ou à plusieurs endroits. Le temps de travail quotidien comprend la durée du remplissage, du mélange et de la distribution.
    • Mélangeurs-broyeurs volumétriques stationnaires — Doseurs volumétriques : les ingrédients sont stockés dans des trémies installées au-dessus du mélangeur et tombent par gravité dans des bacs séparés situés sur le dessus de l’appareil stationnaire. Les mélangeurs-broyeurs stationnaires volumétriques régularisent le débit d’entrée des ingrédients et produisent la ration souhaitée selon un débit constant. Cependant, ils doivent être étalonnés lorsqu’un nouvel ingrédient est introduit. De plus, ils ne peuvent servir qu’à la préparation de rations concentrées. Le temps de travail quotidien comprend les vérifications des niveaux de trémies, le réglage de la minuterie et la distribution.
    • Cuves de mélange — Ces cuves fonctionnent sur le même principe que les mélangeurs-broyeurs volumétriques stationnaires, mais elles ne comportent pas de pièces motorisées. Leur fonctionnement repose sur des débits régularisés à l’aide de plans inclinés. Elles sont probablement moins précises, ne peuvent pas non plus aplatir ni broyer les ingrédients et n’ont pas de vis de déchargement. Le temps de travail quotidien requis comprend les vérifications des niveaux de trémies, la supervision de la préparation et la distribution.
  • Déterminer une période d’amortissement appropriée pour le matériel additionnel. Cette période doit correspondre à la durée de vie de l’équipement (5 à 10 ans).
  • Multiplier la différence de coût par le tonnage fabriqué durant toute la période d’amortissement afin de déterminer si les coûts associés au mélange à la ferme sont recouvrés dans leur totalité. Se rappeler de tenir compte des besoins en main-d’œuvre supplémentaire.

Alimentation complémentaire pour les brebis en pâturage

De nombreux éleveurs installent des mangeoires légères dans les pâturages pour y déverser les aliments à l’aide de seaux ou de sacs. La méthode peut être efficace pour de petits groupes d’animaux, mais le travail et le risque physique qu’elle implique pour le berger en limitent habituellement les chances de succès et d’utilisation prolongée.

On oublie souvent que la structure particulière de leur gueule permet aux moutons de ramasser les particules d’aliments tombées au milieu des herbes de la pâture. À condition que le mélange d’aliments soit déposé sur une surface propre (herbe, gazon ou neige), les brebis apprennent rapidement et efficacement à en récupérer toutes les miettes (figure 2).

Plus les particules de l’aliment sont grosses, plus elles sont faciles à ramasser par les moutons même au milieu des plantes de la pâture. Comme les ovins ruminent (régurgitent et mâchent) les grains de céréales et de maïs entiers, ces derniers sont de bons ingrédients de la ration complémentaire et, de surcroît, ils présentent l’avantage de ralentir la libération de l’énergie.

Grain déversé le long d’une ligne continue sur de la neige.
Figure 2. Les aliments pour brebis peuvent être directement épandus sur sol propre si la ration est composée d’ingrédients assez grossiers.

Quoiqu’on puisse utiliser des rations offertes en granulés, ceux-ci renferment des matières transformées qui se détériorent rapidement en présence d’humidité. En revanche, l’utilisation d’aliments en granulés est le seul moyen de mettre à portée des animaux les minéraux, les produits pharmaceutiques et tout autre matériau granulaire. Les aliments qui se prêtent à la distribution au sol sont le maïs-grain entier, les grains entiers d’autres céréales, les graines entières de soya (brutes ou torréfiées), les aliments en granulés (aussi gros que possible) et tout autre aliment nutritif doté de caractéristiques qui lui permettent de passer sans dommage dans le distributeur et de résister au contact avec le sol extérieur.

Exemples de méthodes de distribution des aliments au pâturage :

  • Au seau — L’aliment complémentaire est versé manuellement sur le sol à partir de seaux. Bien qu’il s’agisse de la méthode de distribution la plus simple, il est difficile d’en régler le débit, et donc d’assurer un « espace aux mangeoires » approprié pour que chaque brebis trouve devant elle la quantité dont elle a besoin. Cette méthode comporte par ailleurs certaines risques en matière de sécurité pour la personne qui transporte les aliments dans un troupeau de moutons qui ont faim, et des cas de blessures ont déjà été signalés.
  • Trémies mobiles à déchargement par gravité avec rampes — Les trémies à ouverture réglable laissent passer les aliments selon un débit prédéterminé. Il en existe différents modèles, mais elles sont habituellement construites par les éleveurs eux-mêmes et sont tractées par des véhicules tout-terrain (VTT), des tracteurs ou d’autres véhicules ou montées directement sur ces machines. Les aliments sont déposés en une bande continue débutant à l’endroit où commence la distribution, d’où le risque que les aliments soient piétinés et souillés par les brebis lorsqu’elles s’approchent pour se nourrir.
  • Distributeurs mobiles (chariots-distributeurs) — Des distributeurs mobiles de conception évoluée, achetés ou fabriqués par les éleveurs, répandent les aliments en tas distincts autour desquels les brebis se regroupent, ce qui limite le risque que les aliments soient piétinés (figure 3). La plupart fonctionnent sur le principe de la roue et une quantité prédéterminée d’aliments est déposée après chaque tour complet de la roue. Idéalement, la circonférence du pneu doit permettre une distance entre les tas qui équivaut au double de la longueur du corps d’une brebis.
Moutons en train de manger du grain versé en tas sur le sol.
Figure 3. Des tas distincts d’aliments complémentaires répandus avec un chariot-distributeur peuvent contribuer à empêcher que les brebis souillent les aliments.

Conclusion

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans le choix d’un système de distribution des aliments pour animaux, dont les premiers sont l’efficacité de la main-d’œuvre, la sécurité et le coût. Quand la méthode d’alimentation ou de supplémentation est rapide, efficace et sécuritaire, on a l’assurance que les animaux auront accès au bon moment à l’aliment requis, ce qui contribuera à améliorer leurs performances et la réussite de l’élevage.

Cette fiche technique a été mise à jour par Christoph Wand, spécialiste de la durabilité de l’élevage du bétail, et Erin Massender, spécialiste des petits ruminants, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario.