Photo de la structure florale d’un carex faux-lupulina.

Photo : Michael J. Oldham

La protection et le rétablissement des espèces en péril en Ontario

Le rétablissement des espèces en péril est un volet clé de la protection de la biodiversité en Ontario. La Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD) représente l’engagement juridique du gouvernement de l’Ontario envers la protection et le rétablissement des espèces en péril et de leurs habitats.

Aux termes de la LEVD, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (le ministère) doit veiller à ce qu’un programme de rétablissement soit élaboré pour chaque espèce inscrite à la liste des espèces en voie de disparition ou menacées. Un programme de rétablissement offre des conseils scientifiques au gouvernement à l’égard de ce qui est nécessaire pour réaliser le rétablissement d’une espèce.

Dans les neuf mois qui suivent l’élaboration d’un programme de rétablissement, la LEVD exige que le ministère publie une déclaration qui résume les mesures que le gouvernement de l’Ontario prévoit prendre en réponse au programme de rétablissement et ses priorités à cet égard. Cette déclaration est la réponse du gouvernement de l’Ontario aux conseils scientifiques fournis dans le programme de rétablissement. En plus de la stratégie, la déclaration du gouvernement a pris en compte (s’il y a lieu) les commentaires formulés par les collectivités et organismes autochtones, les parties intéressées, les autres autorités et les membres du public. Elle reflète les meilleures connaissances scientifiques et locales accessibles actuellement, dont les connaissances traditionnelles écologiques, lorsque celles-ci ont été partagées par les collectivités, le cas échéant. Elle pourrait être modifiée en cas de nouveaux renseignements. En mettant en œuvre les mesures prévues à la présente déclaration, la LEVD permet au ministère de déterminer ce qu’il est possible de réaliser, compte tenu des facteurs sociaux et économiques.

Le programme de rétablissement du carex faux-lupulina (Carex lupuliformis) en Ontario a été achevé le 15 juin 2017.

Protection et rétablissement du carex faux-lupulina

Le carex faux-lupulina est considéré comme une espèce à risque en vertu de la Loi sur les espèces en voie de disparition (LEVD), qui protège à la fois la plante et son habitat. La LEVD interdit de nuire aux espèces protégées et de les harceler, ainsi que d’endommager ou de détruire leur habitat sans en avoir reçu l’autorisation. Une telle autorisation exigerait que les conditions établies par le ministère soient respectées.

Le carex faux-lupulina est originaire de l’est de l’Amérique du Nord et pousse dans une aire de répartition comprenant le Texas et la Floride qui s’étend au nord jusqu’au Wisconsin, à l’Iowa, à New York et au sud du Québec et de l’Ontario. Bien que l’espèce ne soit pas considérée comme menacée à l’échelle mondiale, elle constitue un sujet de préoccupation dans la plupart des États des Grands Lacs et de la Nouvelle-Angleterre et elle est historiquement rare au Canada. Les populations du sud-ouest du Québec semblent être les plus septentrionales, ce qui étend l’aire de répartition de l’espèce au nord des frontières du Vermont et de l’État de New York. La superficie totale occupée par le carex faux-lupulina au Canada est inférieure à 0,01 km2 et est répartie entre 14 populations existantes. En 2010, les populations au Canada accueillaient un total de 361 plants matures. À ce moment-là, le nombre de plantes existantes résultant de la transplantation à des fins de conservation était de 219, ce qui représentait environ 60 % de la population canadienne totale. Des activités de rétablissement antérieures ont été déployées pour augmenter les populations existantes dans cinq sites en Ontario et deux au Québec, et des réintroductions ont eu lieu dans trois populations du Québec auparavant disparues.

Il existe 7 populations de carex faux-lupulina en Ontario, qui sont toutes situées dans les comtés de Middlesex et d’Elgin, dans la région du sud-ouest de la province. La plupart des populations se trouvent sur des terrains privés et municipaux dans la ville de London et la municipalité de West Elgin. Des populations historiques ont été observées à Galt et à Amherstburg, mais aucun plant n’a été observé à ces deux sites depuis 1902 et 1985 respectivement. L’abondance du carex faux-lupulina fluctue d’une année à l’autre, principalement en raison de changements écologiques qui peuvent déclencher l’émergence du réservoir de semences ou l’établissement de nouveaux plants. À titre d’exemple, une population a fluctué de 25 à 30 plants en 1992 à 1 075 en 2005, probablement en raison de l’ouverture du couvert forestier, avant de revenir à un niveau d’abondance de 29 plants en 2009. Malgré la surveillance continue, il demeure difficile de faire des projections sur l’abondance dans les années à venir. Un déclin général a été observé dans toutes les populations de l’Ontario depuis 1993.

En Ontario, on trouve le carex faux-lupulina le long des marais isolés et des mares printanières dans les marécages boisés. La recherche porte à croire que la niche écologique occupée par le carex faux-lupulina en Ontario pourrait être très étroite, car l’espèce semble décliner si l’humidité du sol est trop basse ou trop élevée. Les marais et les marécages où l’espèce est présente subissent des inondations périodiques nécessaires pour maintenir l’humidité du sol, mais les inondations prolongées provoquent la pourriture des plantes. Une forte exposition à la lumière est également importante pour le carex faux-lupulina; la vigueur de l’espèce décline à mesure que la végétation ligneuse se densifie et la fermeture du couvert forestier semble être la cause de la disparition de la population d’Amherstburg, ainsi que de populations du Québec.

Il existe d’importantes lacunes dans les connaissances sur la démographie et la biologie du carex faux-lupulina, en particulier la dynamique de la population environnante. La façon dont les graines sont dispersées n’est pas entièrement comprise et les activités de surveillance en cours n’ont pas permis de discerner de tendance dans la fluctuation de l’abondance d’année en année. Les estimations précédentes étaient basées sur les plants fructifères, car les plants végétatifs sont presque impossibles à identifier. Un suivi annuel des individus marqués de façon permanente a été effectué au Québec afin d’établir une tendance plus fiable de la population de carex faux-lupulina. Cette méthode indique une tendance à la baisse au Québec, ce qui est cohérent avec le déclin des populations observé en Ontario, dont la plupart ont diminué de 50 % ou plus depuis 1993, avec des déclins plus prononcés dans certaines populations.

Les changements de l’habitat et de la dynamique écologique constituent la plus grande menace pour le carex faux-lupulina en raison de ses exigences écologiques très particulières. Cela peut inclure l’altération du régime des eaux, la fermeture du couvert forestier ou l’apparition d’espèces végétales envahissantes, événements qui surviennent souvent ensemble. La plupart des populations existantes sont à proximité des drains des territoires agricoles et des milieux urbains en développement, ce qui peut avoir une incidence sur l’hydrologie du site. De plus, le manque d’exposition à la lumière du soleil peut être aggravé par la présence d’espèces envahissantes comme l’alpiste roseau (Phalaris arundinacea) et le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica). On ne sait pas dans quelle mesure le carex faux-lupulina est touché par ces espèces envahissantes, mais on les trouve souvent à proximité du carex et elles compétitionnent directement pour la lumière du soleil.

Le développement résidentiel a toujours été une menace pour l’espèce, mais il ne constitue pas une préoccupation de niveau élevé pour les populations existantes qui persistent en Ontario. Le piétinement, le pâturage du bétail, le dépôt des ordures et les parasites (p. ex., la mouche parasite, le puceron de la viorne [Ceruaphis eriophori], les tenthrèdes) sont également considérés comme des menaces mineures pour l’espèce.

Un nombre limité de populations existantes comportant une faible abondance d’individus, réparties dans une zone géographique restreinte, représente un défi important pour la persistance à long terme de l’espèce. En outre, les petites populations sont plus vulnérables aux catastrophes, telles que les sécheresses ou les inondations. Bien que le carex faux-lupulina ait tendance à se rétablir après de tels événements, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des inondations résultant du changement climatique représente un risque accru pour l’espèce. Les inventaires effectués en 2005 ont indiqué que le carex faux-lupulina était capable de soutenir sa population. Cependant, un déclin a été observé dans toutes les populations de l’Ontario depuis – en 2010, plus de la moitié des plants au Canada étaient le fruit d’activités de transplantation à des fins de conservation. La persistance des populations le long de la rivière Richelieu au Québec pouvant être largement attribuée aux activités de réintroduction et de transplantation, il serait avantageux de mener des études préliminaires de faisabilité pour déterminer si les populations existantes en Ontario bénéficieraient de nouvelles activités de transplantation.

Mesures

La protection et le rétablissement des espèces en péril sont une responsabilité partagée. Aucune agence ni aucun organisme n’a toutes les connaissances, l’autorité, ni les ressources financières pour protéger et rétablir toutes les espèces en péril de l’Ontario. Le succès sur le plan du rétablissement exige une coopération intergouvernementale et la participation de nombreuses personnes, organismes et collectivités. En élaborant la présente déclaration, le ministère a tenu compte des démarches qu’il pourrait entreprendre directement et de celles qu’il pourrait confier à ses partenaires en conservation, tout en leur offrant son appui.

Mesures appuyées par le gouvernement

Le gouvernement appuie les mesures suivantes qu’il juge comme étant nécessaires à la protection et au rétablissement du carex faux-lupulina. On accordera la priorité aux mesures portant la mention « hautement prioritaire » en ce qui concerne le financement aux termes de la LEVD. Lorsque cela est raisonnable, le gouvernement tiendra également compte de la priorité accordée à ces mesures lors de l’examen et de la délivrance d’autorisation en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition. On encourage les autres organismes à tenir compte de ces priorités lorsqu’ils élaborent des projets ou des plans d’atténuation relatifs à des espèces en péril. Le gouvernement ciblera son appui sur ces mesures hautement prioritaires au cours des cinq prochaines années.

On sait relativement peu de choses sur les besoins biologiques du carex faux-lupulina, particulièrement en ce qui concerne ses exigences en matière d’habitat. De plus, d’autres renseignements relatifs à la dynamique des populations de l’espèce sont nécessaires pour comprendre comment les populations réagissent aux changements dans leur environnement. Des activités de transplantation à de fins de conservation ont déjà été menées avec plus ou moins de succès. D’autres études sont nécessaires pour connaître la faisabilité d’activités d’augmentation potentielles de portée appropriée.

Mesures :

  1. (Hautement prioritaire) Réaliser des recherches afin de déterminer les conditions de site optimales pour la vigueur et la durabilité du carex faux-lupulina, y compris l’ouverture du couvert forestier et l’humidité du sol.
  2. (Hautement prioritaire) Étudier la dynamique et la structure de la population de l’espèce, y compris :
    • la viabilité des graines dans le sol et les facteurs qui influencent leur germination;
    • les taux de maturation et de production de graines;
    • la méthode de dispersion des graines et son influence sur la structure des populations de carex faux-lupuline (p. ex. interactions entre les populations, données démographiques);
    • les aspects génétiques qui peuvent limiter l’espèce (p. ex., la faible variabilité génétique);
    • effectuer une analyse de viabilité de la population pour déterminer la population minimale viable de carex faux-lupulina.
  3. Étudier la capacité de l’espèce à s’adapter aux conditions écologiques (p. ex., la lumière disponible, la fréquence et la durée des inondations).
  4. Étudier la possibilité d’augmenter les populations existantes qui risquent de disparaître, quand un habitat convenable suffisant est disponible pour l’espèce.

Un des défis que posent les relevés du carex faux-lupulina est que le nombre d’individus matures peut fluctuer de façon caractéristique à chaque site entre les années de relevé. La mise en œuvre de méthodes normalisées et répétables et l’examen de différentes méthodes de surveillance de la taille des populations (p. ex., le marquage permanent des plantes) aideront à accroître la quantité de données disponibles et à améliorer l’efficacité de la surveillance. Il existe une incertitude quant à savoir si le carex faux-lupulina est complètement disparu de la population d’Amherstburg. La confirmation de la présence ou de l’absence de l’espèce à cet site aidera à déterminer où concentrer les activités de rétablissement. La mise en œuvre d’un programme de surveillance à long terme permettra de déterminer si les niveaux de population actuels de l’espèce dans la province sont suffisamment maintenus. De plus, les données de surveillance permettront d’analyser la dynamique des populations et de détecter les changements dans la taille de la population et la qualité de l’habitat.

Mesures :

  1. (Hautement prioritaire) Élaborer et mettre en œuvre un protocole de surveillance normalisé pour la collecte de données en Ontario, notamment :
    • surveiller la taille et l’étendue de la population, y compris le nombre d’individus présents à l’état naturel et issus de la transplantation, et surveiller le réservoir de semences;
    • surveiller la productivité et la vigueur des plantes;
    • surveiller l’ouverture du couvert forestier, l’humidité du sol et toute autre menace supplémentaire pour l’espèce (p. ex., la présence de parasites).
  2. Élaborer et mettre en œuvre un protocole normalisé de relevés de présence/absence pour étudier :
    • les zones supplémentaires identifiées comme ayant un habitat convenable et le potentiel de populations supplémentaires;
    • les sites où l’espèce se trouvait historiquement et où les plantes pourraient être présentes (p. ex., Amherstburg).

Le carex faux-lupulina continue d’être menacé par les changements hydrologiques et les plantes envahissantes qui empiètent sur l’habitat restant. Diverses approches de gestion de l’habitat peuvent réduire ou inverser l’impact de ces menaces. La mise en œuvre et l’adaptation de ces méthodes pour accroître leur efficacité soutiendront la persistance de l’habitat convenable. L’amélioration de l’habitat peut également permettre une augmentation de la taille de la population reproductrice en facilitant l’émergence de plants de carex faux-lupulina du réservoir de graines, comme cela a été observé dans une population en 2005.

Certaines populations se trouvent dans des zones où la mortalité par piétinement des plantes constitue une menace en raison de l’accès des membres du public ou des activités des propriétaires (p. ex. activités récréatives, pâturage des animaux, défrichement et abattage des arbres). Une sensibilisation accrue est la première étape pour aider les propriétaires fonciers et les gestionnaires des terres à réduire les menaces qui pèsent sur le carex faux-lupulina. En sensibilisant davantage la population locale au sujet de l’espèce, les individus deviendront mieux informés sur les types d’activités qui peuvent avoir un impact par inadvertance sur l’espèce et sur la façon dont la modification de ces activités peut contribuer à protéger le carex faux-lupulina.

Mesures :

  1. Élaborer, mettre en œuvre et évaluer l’efficacité des techniques de gestion de l’habitat servant à maintenir ou améliorer la qualité de l’habitat disponible pour le carex faux-lupulina. Les plans peuvent comprendre des pratiques telles que :
    • l’élimination des plantes envahissantes (p. ex. l’alpiste roseau et le nerprun cathartique), de la végétation ligneuse et d’autres plantes qui font directement concurrence au carex faux-lupulina dans les sites existants;
    • l’éclaircie du couvert forestier, selon le cas, et si elle est jugée bénéfique pour l’espèce.
  2. Mettre en œuvre des approches pour éviter ou réduire les répercussions des activités récréatives sur le carex faux-lupulina et son habitat, notamment :
    • rediriger les activités récréatives loin de l’espèce;
    • ériger des barrières physiques, tout en s’assurant que les barrières ne mèneront pas à l’établissement de végétation ligneuse;
    • installer une signalisation pour avertir les gens de la présence de l’espèce.
  3. Promouvoir la sensibilisation des propriétaires fonciers, des gestionnaires des terres et des utilisateurs des terres au sujet du carex faux-lupulina en leur donnant des renseignements sur :
    • l’identification de l’espèce;
    • les exigences en matière d’habitat de l’espèce;
    • les protections accordées à l’espèce et à son habitat en vertu de la LEVD;
    • les mesures qui peuvent être prises pour réduire les menaces pesant sur l’espèce et son habitat.

Mise en œuvre des mesures

Le programme d’intendance des espèces en péril offre une aide financière pour la mise en œuvre de mesures. On encourage les partenaires en conservation à discuter de leurs propositions de projets liés à la présente déclaration avec le ministère des Richesses naturelles et des Forêts. Le ministère peut aussi conseiller ses partenaires à l’égard des autorisations exigées aux termes de la LEVD afin d’entreprendre le projet.

La mise en œuvre des mesures pourra être modifiée si les priorités touchant l’ensemble des espèces en péril changent selon les ressources disponibles et la capacité des partenaires à entreprendre des activités de rétablissement. La mise en œuvre des mesures visant plusieurs espèces sera coordonnée partout là où les déclarations du gouvernement en réponse au programme de rétablissement l’exigent.

Évaluation des progrès

Aux termes de la LEVD, le gouvernement doit évaluer l’efficacité des mesures de protection et de rétablissement visant une espèce au plus tard cinq ans après la publication de la présente déclaration en réponse au programme de rétablissement. Cette évaluation permettra de déterminer si des rectifications sont nécessaires pour en arriver à protéger et à rétablir l’espèce.

Remerciements

Nous tenons à remercier tous ceux et celles qui ont pris part à l’élaboration du Programme de rétablissement pour le carex faux-lupulina (Carex lupuliformis) en pour leur dévouement en ce qui a trait à la protection et au rétablissement des espèces en péril.

Renseignements supplémentaires

Consultez le site Web des espèces en périlà ontario.ca/especesenperil
Communiquez avec votre bureau de district du MRNF
Communiquez avec le Centre d'information sur les ressources naturelles et des Forêts
Téléphone : 1 800 667-1940
ATS : 1 866 686-6072
NRISC@ontario.ca
ontario.ca/mrnf