Partie I : Sommaire

Le 19 janvier 2018 et le 26 mars 2018, le secrétaire du Conseil des ministres a annoncé publiquement que, dans le cadre de l’engagement pris par le gouvernement de l’Ontario visant à repérer, prévenir et éliminer le racisme systémique pour tous les employés, la Direction générale de l’action contre le racisme s’est adjoint les services d’une tierce partie pour procéder à l’examen du Programme de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail (Programme de PDHT) en y intégrant une perspective antiraciste.

On a retenu les services d’une examinatrice externe indépendante afin qu’elle élabore des critères pour sélectionner des dossiers admissibles tirés du Programme de PDHT, en privilégiant les employés racialisés de la FPO, et en particulier les personnes de race noire et autochtones qui avaient déposé des plaintes aux termes du Programme de PDHT. Le cadre de référence permettait à l’examinatrice externe d’inviter les plaignants et les intimés de dossiers sélectionnés (ou d’autres parties nécessaires concernées par le processus de la PDHT) afin qu’ils participent à un entretien confidentiel en personne avec moi pour discuter de leur expérience avec le processus de la PDHT. Le cadre de référence prévoyait également la présentation par l’examinatrice externe d’un rapport écrit au groupe consultatif des sous-ministres pour décrire les tendances et constantes communes à ces dossiers qu’il convient de prendre en considération dans le cadre de l’examen général du Programme de PDHT en attente de réalisation, et pour formuler des avis et des recommandations à l’égard des améliorations éventuelles à apporter aux modalités de traitement des dossiers visant des questions liées à la race dans le cadre du Programme de PDHT.

Durant les entretiens avec les participants plaignants, ceux-ci étaient pratiquement unanimes à dire que les politiques et processus en apparence neutre concernant les affectations temporaires ou nominations intérimaires, avec ou sans concours, ainsi que les promotions constituaient le fondement sous-jacent de leurs plaintes aux termes du Programme de PDHT. En outre, bon nombre des personnes plaignantes affirmaient que le processus de sélection pour des possibilités de formation et de mentorat professionnel, de jumelage et d’encadrement créaient un obstacle à l’avancement.

En 2014, 26 % des employés de race noire au sein de la FPO occupaient des postes administratifs, comparativement à 17 % de tous les employés de la FPO, et 46 % des employés administratifs de race noire étaient apparemment insatisfaits de leur parcours professionnel, comparativement à 27 % des employés de la FPO dans son ensemble. Les résultats du Sondage des employés de la FPO 2017, publiés en mai 2017, indiquent que bien que le taux de discrimination ait diminué de façon générale, le taux d’employés de race noire ayant déclaré avoir été victime de discrimination était pratiquement le double de celui des employés de la FPO en général. En outre, parmi les employés de la FPO ayant déclaré avoir été victimes de discrimination, 25,17 % d’entre eux ont indiqué que la discrimination vécue était fondée sur la race.

Ces enjeux systémiques jouent un rôle matériel dans les plaintes déposées aux termes du Programme de PDHT par les employés de race noire de la FPO, et jouent un rôle matériel dans le cynisme exprimé envers le processus de la PDHT, jugé inadéquat pour résoudre leurs plaintes ou même les traiter.

Qui plus est, les participants ont signalé l’échec du Programme de PDHT dans plusieurs domaines, y compris l’absence de renseignements clairs concernant des aspects du processus, le non-respect des échéanciers à différentes étapes du processus et autres carences politiques et opérationnelles. De plus, les participants ont mentionné un degré élevé de traumatisme émotionnel en lien avec le processus de la PDHT en soi, ainsi que les enjeux liés aux plaintes. La plupart des participants avaient le sentiment que le processus de la PDHT n’était pas imputable.

Les participants plaignants ont également mentionné, à titre de domaines de préoccupation, l’absence d’intervention précoce de la part des membres de la haute direction ou des cadres supérieurs afin de réagir à des situations entre des employés et la direction, de les examiner ou de les désamorcer, ainsi que l’absence d’intervention de la direction pour définir des enjeux systémiques et prendre des mesures afin d’en discuter et de les régler, si possible.

Ce rapport, basé sur un microcosme de dossiers sélectionnés, se penche sur les expériences des participants et formule des recommandations opérationnelles et systémiques sur la façon d’améliorer le Programme de PDHT en y intégrant une perspective antiraciste.

Partie II : Mandat

  1. Introduction

    Dans des notes de service émises le 19 janvier 2018 et le 26 mars 2018, jointes à l’Annexe A du présent rapport, M. Steve Orsini (« M. Orsini »), secrétaire du Conseil des ministres, a annoncé publiquement que, dans le cadre de l’engagement du gouvernement de l’Ontario visant à recenser, prévenir et éliminer le racisme systémique pour tous les employés, la Direction générale de l’action contre le racisme retenait les services d’une tierce partie pour examiner le Programme de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail (« PDHT  ») en y intégrant une perspective antiraciste (l’« examen du Programme de PDHT  »).

    Le secrétaire du Conseil des ministres a de plus annoncé qu’à titre de microcosme de l’examen du Programme de PDHT, il nommerait un examinateur tiers indépendant externe pour passer en revue un certain nombre de dossiers complexes relatifs au Programme de PDHT en y intégrant une perspective antiraciste et pour définir les étapes, mécanismes ou procédures supplémentaires pouvant aider à résoudre les dossiers sélectionnés, sans nuire, causer de préjudice ou occasionner de retard au processus de la PDHT ou au bien-fondé des dossiers individuels sélectionnés.

    On a retenu mes services à titre d’examinatrice tierce indépendante externe (l’« examinatrice externe ») le 22 mars 2018.

    Je suis associée au cabinet d’avocats Koskie Minsky LLP à Toronto (Ontario) (le « cabinet »), et j’exerce au sein de ce cabinet depuis plus de 27 ans. Mes principaux champs d’expertise incluent le droit du travail, les droits de la personne, les questions touchant à la lutte contre le racisme et la discrimination et le harcèlement au travail, ainsi que les enquêtes sur le milieu de travail s’y rattachant.

    Ma vaste expérience des questions liées à l’action contre le racisme, à la discrimination et au harcèlement au travail découle de ma pratique du droit et également de ma vaste participation bénévole auprès de l’Association des avocats noirs du Canada (« AANC ») à titre de membre du conseil de direction depuis plusieurs années, y compris à titre de vice-présidente, présidente et présidente sortante. En outre, j’ai réalisé du travail bénévole et d’autres tâches pour le compte d’organismes communautaires privilégiant l’offre de services aux personnes de race noire et autres communautés racialisées.

  2. Cadre de référence

    Le cadre de référence pour mon mandat, joint à l’Annexe B du présent rapport, a été préparé par moi en consultation avec le secrétaire du Conseil des ministres; Sam Erry (« M. Erry »), sous-ministre, Services correctionnels; Akwatu Khenti (« M. Khenti »), sous-ministre adjoint, Direction générale de l’action contre le racisme; Steven Davidson, sous-ministre responsable de la Direction générale de l’action contre le racisme.

    Mon mandat me permettait, à titre d’examinatrice externe, d’élaborer des critères pour la sélection de dossiers admissibles tirés du Programme de PDHT (les « dossiers sélectionnés »). Je l’ai fait en privilégiant les employés racialisés de la fonction publique de l’Ontario (« FPO »), et en particulier les personnes de race noire et autochtones, qui constituent la vaste majorité des employés ayant fait parvenir des communications au secrétaire du Conseil des ministres pour signaler des enjeux directs, indirects ou systémique de discrimination et de harcèlement fondés sur la race au sein de la FPO.

    Les critères que j’ai élaborés incluaient des dossiers concernant des employés racialisés de la FPO, et en particulier des personnes de race noire et autochtones comptant essentiellement de longues carrières au sein de la FPO; des dossiers contenant toute forme de plainte fondée sur la race (ou autres motifs semblables liés aux droits de la personne comme le lieu d’origine, la couleur, l’ascendance, l’origine ethnique ou les croyances); des dossiers complexes ou longs; des dossiers où les employés sont absents de leur lieu de travail et bénéficient ou non d’une rémunération; des dossiers où les personnes semblent se trouver en situation de vulnérabilité en raison d’un handicap ou autre (les « critères »).

    Le cadre de référence me permettait d’inviter les plaignants et les intimés des dossiers sélectionnés (ou d’autres parties nécessaires concernées par le processus de la PDHT) à participer à un entretien confidentiel en personne avec moi pour discuter de leurs expériences en lien avec le processus de la PDHT.

    Le cadre de référence me donnait également le mandat de présenter un rapport écrit (le « rapport ») au groupe consultatif des sous-ministres pour décrire les tendances et constantes communes à ces dossiers qu’il convient de prendre en considération dans le cadre d’un examen élargi de la PDHT, et pour formuler des avis et des recommandations à l’égard des améliorations éventuelles à apporter aux modalités de traitement des dossiers visant des questions liées à la race dans le cadre du Programme de PDHT.

    Une copie du rapport a été fournie au groupe consultatif des sous-ministres aux fins d’inclusion dans l’examen élargi de la PDHT et sera accessible dans le cadre du processus.

    Mon mandat, ainsi que le cadre de référence, n’incluaient pas de faire une évaluation ou de tirer des conclusions en ce qui concerne le bien-fondé des dossiers individuels sélectionnés. Toutefois, si j’étais d’avis que des mesures, mécanismes ou procédures supplémentaires pourraient contribuer à résoudre tout dossier donné, j’ai formulé des recommandations au sous-ministre du ministère dont relève le dossier, ainsi qu’aux parties à ce dernier. Un exemplaire des recommandations a également été transmis au groupe consultatif des sous-ministres.

  3. Contexte de l’examen

    Comme mentionné précédemment, le contexte de cet examen a découlé, en partie, de communications d’employés, principalement des employés de race noire et autochtones, au secrétaire du Conseil des ministres ou aux sous-ministres adjoints et sous-ministres et transmises au secrétaire du Conseil des ministres, ainsi que d’autres sources comme le Réseau des employés noirs de la fonction publique de l’Ontario, qui décrivent en détail les expériences de ces employés lorsqu’ils font affaire avec le Programme de PDHT ou qu’ils sont confrontés à des enjeux liés à la race.

    La nature des communications a soulevé la crainte que le Programme de PDHT ne réponde peut-être pas aux besoins des participants lorsque les plaintes portaient sur des enjeux liés à la race, que ce soit de façon opérationnelle ou substantielle. Le secrétaire du Conseil des ministres fut alors d’avis que toute amélioration nécessaire au Programme de PDHT devait être abordée en y intégrant une perspective antiraciste.

    Qui plus est, le Bureau du secrétaire du Conseil des ministres avait la nette impression que le processus existant de la PDHT pouvait exacerber ou perpétuer les problèmes des participants, lorsque confrontés à des enjeux difficiles liés au racisme, aux préjugés inconscients et à la sensibilité culturelle.

    Le fait de se servir d’un microcosme de dossiers sélectionnés fut jugé une étape nécessaire pour mobiliser les participants concernés par le processus de la PDHT afin qu’ils puissent partager leur point de vue sur la façon dont les dossiers fondés sur la race sont traités et la façon dont le processus de la PDHT pourrait mieux s’occuper de questions aussi complexes.

    Au même moment, les renseignements se rapportant aux expériences communes des participants constitueraient un outil utile permettant à l’examinatrice externe de formuler des recommandations, tant sur le plan des dossiers individuels que d’un point de vue élargi, sur la façon dont on pourrait mieux traiter les dossiers fondés sur la race ou possiblement les résoudre plus tôt dans le processus.

  4. Méthodologie

    Afin de déterminer quels dossiers seraient sélectionnés pour l’examen, j’ai d’abord examiné 53 dossiers allant comme suit :

    1. 36 dossiers en cours ou récemment réglés aux termes du Programme de PDHT (ainsi que 19 griefs se rapportant aux 36 dossiers en cours ou récemment réglés aux termes du Programme de PDHT;
    2. 5 griefs non reliés aux dossiers du Programme de PDHT pouvant possiblement présenter des enjeux fondés sur la race;
    3. 5 dossiers de la Police provinciale de l’Ontario (O.P.P.) pouvant possiblement présenter des enjeux fondés sur la race;
    4. 4 dossiers du MSGSC pouvant possiblement présenter des enjeux fondés sur la race;
    5. 3 dossiers en attente du Programme de PDHT pouvant possiblement présenter des enjeux fondés sur la race
    (ci-après appelés collectivement « plaintes aux termes du Programme de PDHT »).

L’examen initial a été conçu pour recenser les dossiers contenant des allégations fondées sur la race et appliquer les critères énumérés dans le cadre de référence. L’examen initial n’englobait aucune plainte fondée sur la race aux termes du Programme de PDHT déposée par une personne autochtone.

À la suite de l’examen initial, j’ai déterminé 13 dossiers sélectionnés qui respectaient les critères du cadre de référence, et des lettres ont été envoyées aux plaignants de ces dossiers pour les inviter à participer à un entretien confidentiel avec moi. Des lettres d’invitation ont également été envoyées aux intimés respectifs des personnes ayant accepté de participer. Tous les entretiens ont été réalisés en personne dans mes bureaux. Au total, 13 entretiens ont eu lieu avec les personnes qui avaient accepté l’invitation de participer à l’examen (les « participants ») du 25 avril 2018 au 11 mai 2018. Tous les participants plaignants étaient des femmes, à l’exception de trois personnes. Tous les intimés faisaient partie de la direction.

En outre, je me suis entretenue avec des membres du personnel du Bureau de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail, en ce qui a trait au Programme de PDHT et au processus et aux pratiques en matière de PDHT, et j’ai examiné les politiques qu’on m’avait fournies à cet égard.

Partie III : Observations et discussion

  1. Discrimination systémique

    En recensant et en examinant les dossiers sélectionnés, il est devenu évident qu’ils n’incluaient pas seulement des allégations fondées sur la race, mais qu’ils incluaient tous des allégations de nature systémique.

    La Commission ontarienne des droits de la personne stipule que la discrimination systémique ou institutionnelle « …découle de politiques, pratiques et comportements qui font partie des structures sociales et administratives de l’organisation et dont l’ensemble crée ou perpétue une situation désavantageuse pour les personnes racialisées. »footnote 1

    Action Travail des Femmes c. Canadien Nationalfootnote 2, une décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne ayant fait l’objet d’un appel jusqu’en Cour suprême du Canada, définit la discrimination systémique comme étant « des pratiques ou des attitudes ayant, de façon délibérée ou fortuite, pour effet de limiter le droit d’une personne ou d’un groupe à des possibilités généralement accessibles en raison de caractéristiques attribuées plutôt que réelles. ».footnote 3Les constantes dans le comportement, les politiques et les pratiques semblent neutres de prime abord, mais ont un effet d’exclusion sur les personnes racialisées. De plus, la discrimination systémique peut chevaucher d’autres formes plus directes de discrimination.

    Durant les entretiens avec les participants plaignants, ceux-ci étaient pratiquement unanimes à dire que les politiques et processus en apparence neutre concernant les affectations temporaires ou nominations intérimaires, avec ou sans concours, ainsi que les promotions constituaient le fondement sous-jacent de leurs plaintes aux termes du Programme de PDHT. En outre, bon nombre des personnes plaignantes affirmaient que le processus de sélection pour des possibilités de formation et de mentorat professionnel, de jumelage et d’encadrement créaient un obstacle à l’avancement. Ces personnes percevaient cette situation comme étant causée par un préjudice inhérent et inconscient et un sentiment anti-Noirs (ou antiracialisé) se traduisant par une absence d’occasion d’établir des liens avec des personnes d’influence au sein de la FPO qui pouvaient non seulement leur offrir une formation professionnelle, mais également des conseils et des connaissances stratégiques sur la création de possibilités pour eux, et l’échec de la direction à leur offrir des possibilités d’occuper des postes exigeant de plus en plus de responsabilités et de mieux en mieux rémunérés, et en particulier des postes de leadership et de direction. Un participant plaignant comptant près de 20 ans de service a déclaré avoir participé sans succès à 58 concours depuis 2008.

    Ces types d’allégations systémiques s’accompagnaient d’allégations de discrimination directe ou indirecte ou de harcèlement fondé sur la race de la part de la direction, sur la base d’un incident particulier. Il fut impossible pour les participants plaignants de séparer l’incident particulier ayant mené au dépôt de la plainte aux termes du Programme de PDHT des enjeux systémiques sous-jacents.

    À cet égard, et pour les raisons formulées ci-dessous dans mes discussions concernant la politique et le Programme de PDHT, tous les participants, tant les plaignants que les intimés, ont jugé que le processus de la PDHT était extrêmement inadéquat pour recenser et résoudre les plaintes de façon complète et exhaustive, puisqu’aucun des enjeux systémiques n’a été abordé d’une quelconque manière. Qui plus est, bien que dans plusieurs des dossiers sélectionnés réglés la plainte a ultérieurement été jugée non corroborée ou non fondée, les conclusions se rapportaient à l’incident précis plutôt qu’aux enjeux systémiques sous-jacents, qui n’avaient pas été abordés.

  2. Racisme anti-Noirs

    La FPO est reconnue pour travailler à des stratégies d’action contre le racisme, y compris le racisme anti-Noirs, et pour promouvoir l’inclusion au sein de son organisme.

    Le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 : L’inclusion maintenant!, (« Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 ») du Bureau de la diversité de la FPOfootnote 4 établissait précisément un mandat pour « créer un environnement de travail encore plus sain et respectueux en réglant les problèmes systémiques, y compris le racisme, la discrimination et le harcèlement, et en agissant promptement pour supprimer ou alléger les obstacles. »footnote 5 Il est reconnu que les employés qui s’identifiaient comme étant Autochtones, Noirs, personnes handicapées et membres de la communauté LGBTQ formaient les quatre groupes démographiques signalant le taux le plus élevé de discrimination et de harcèlement perçus.

    Le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 indiquait que de 22 % à 32 % des employés qui mentionnaient faire partie de l’une de ces quatre catégories signalaient avoir vécu de la discrimination en milieu de travail et ailleurs, qu’il existait une sous-représentation de certains groupes démographiques à différents niveaux au sein de l’organisation, y compris la présence de membre de minorités visibles dans la haute direction.

    Enfin, le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 mentionnait le regroupement de certains groupes démographiques dans certains emplois, alors que les employés de race noire étaient le plus fortement représentés dans les emplois de soutien administratif et de service à la clientèle, menant à une expression plus élevée d’insatisfaction concernant leur carrière et les pratiques d’embauche de la FPO.footnote 6

    L’information ci-dessus représente la constante uniforme décrite par les participants plaignants, qui ont indiqué qu’à leur avis, le regroupement dans des postes d’échelons inférieurs et la sous-représentation substantielle des employés de race noire dans des postes de gestion et de direction se produisaient en dépit du fait que les employés de race noire possédaient des niveaux d’études supérieurs. Les résultats des données du Sondage des employés de la FPO de 2011, 2014 et 2017 semblent confirmer leurs impressions. Plus précisément, le Sondage des employés de la FPO 2011 a démontré que 26 % des employés de race noire occupaient des postes administratifs ou de bureau, comparativement à 17 % des employés de la FPO en général; 22 % des employés administratifs de race noire, comparativement à 15 % de tous les employés de la FPO et 16 % de tous les employés administratifs, ont fait part d’insatisfaction par rapport à leur emploi; 46 % des employés administratifs de race noire, comparativement à 27 % de tous les employés de la FPO et 33 % de tous les employés administratifs, étaient insatisfaits de la progression de leur carrière, et 35 % des employés administratifs de race noire, comparativement à 24 % de tous les employés administratifs et 16 % des employés de la FPO, étaient insatisfaits de leur compatibilité avec leur emploi.footnote 7 De plus, sur la base du Sondage des employés de la FPO 2011, 58 % des employés de race noire de la FPO détenaient un diplôme universitaire ou d’études supérieures, comparativement à 52 % de la population générale de la FPO.footnote 8

    Les résultats du Sondage des employés de la FPO 2014 ont démontré que le taux de discrimination avait diminué de façon générale de 3,39 % depuis 2011, passant de 17,64 % à 14,25 %, et que 34,76 % des personnes ayant été victimes de discrimination avaient signalé le problème à la direction ou à un conseiller en PDHT. La discrimination fondée sur la race a été signalée par 22,61 % des personnes victimes de discrimination; il s’agit d’une augmentation de 3,6 % par rapport à 2011 et uniquement surpassée par la discrimination fondée sur l’âge, signalée par 27,39 % des répondants.footnote 9

    Le successeur du Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 est le Plan directeur sur l’inclusion et la diversité, lancé en novembre 2017.footnote 10 Le Plan directeur sur l’inclusion et la diversité a confirmé les résultats qui indiquaient une fois de plus que les employés racialisés faisaient partie de l’un des quatre groupes d’employés qui vivaient les plus grandes lacunes en matière de représentation dans des postes de haute direction. Les résultats du Sondage des employés de la FPO 2017, publiés en mai 2017, indiquaient que même si le taux de discrimination avait généralement diminué pour se situer à 12,56 %, les employés de race noire mentionnaient être victimes de discrimination à un taux près du double de celui des employés de la FPO en général. De plus, parmi les employés de la FPO ayant déclaré avoir été victimes de discrimination, 25,17 % ont indiqué que la discrimination vécue était fondée sur la race.footnote 11

    Je conclus que ces enjeux systémiques jouent un rôle matériel dans les plaintes déposées aux termes du Programme de PDHT par les employés de race noire de la FPO et jouent un rôle matériel dans le cynisme exprimé par les participants plaignants à l’endroit du processus de la PDHT, qui le décrivent comme étant une façon inadéquate de régler ou même d’aborder leurs plaintes.

  3. Intersectionnalité de la race et du sexe

    Dans le cas de Baylis-Flannery v. DeWildefootnote 12, une décision rendue par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (« TDPO »), le Tribunal observait que :

    (…) Le terme « intersectionnel » a été défini comme désignant une « oppression intersectionnelle issue de la combinaison de diverses oppressions qui, ensemble, produisent quelque chose d’unique et de différent de toute forme de discrimination individuelle… L’approche intersectionnelle tient compte du contexte historique, social et politique, et reconnaît le caractère unique de l’expérience vécue en conséquence de l’intersection de tous les motifs pertinents. Elle permet de reconnaître l’expérience particulière de discrimination due à la confluence des motifs en cause et d’y remédier.footnote 13

    Cette décision met en lumière une reconnaissance de l’intersectionnalité de la race et du sexe à titre de concept juridique, concept défendu par des auteurs et activistes comme Kimberle Crenshawfootnote 14 et Carol A. Aylwardfootnote 15, notamment.

    La Commission des droits de la personne de l’Ontario a défini ainsi l’intersectionnalité :

    (…) Le terme « intersectionnel » a été défini comme désignant une « oppression intersectionnelle issue de la combinaison de diverses oppressions qui, ensemble, produisent quelque chose d’unique et de différent de toute forme de discrimination individuelle… L’approche intersectionnelle tient compte du contexte historique, social et politique, et reconnaît le caractère unique de l’expérience vécue en conséquence de l’intersection de tous les motifs pertinents. Elle permet de reconnaître l’expérience particulière de discrimination due à la confluence des motifs en cause et d’y remédier. »footnote 16

    Le cadre de l’intersectionnalité découle de ce qui aujourd’hui est une reconnaissance largement acceptée voulant que des motifs multiples de discrimination produisent quelque chose d’unique, tel que constaté dans les décisions liées aux droits de la personne comme l’affaire Baylis-Flannery.footnote 17

    En m’entretenant avec les participants plaignants, qui étaient principalement des femmes de race noire comptant un nombre substantiel d’années de service au sein de la FPO, il était évident que leur vie en tant que femmes de race noire encadrait, influençait et affectait leurs expériences professionnelles et la nature des enjeux sous-jacents à leurs plaintes aux termes du Programme de PDHT ainsi que leurs réactions aux plaintes formulées à leur endroit. Encore une fois, les enjeux sous-jacents à ces plaintes se rapportaient à des allégations de discrimination systémique et anti-Noirs et se traduisaient par une absence de possibilités, qu’il s’agisse d’embauche, de formation, de mentorat, d’encadrement, de recrutement pour des postes temporaires ou intérimaires à un échelon supérieur ou de promotions à des postes plus élevés et mieux rémunérés.

    Leurs expériences de discrimination et de racisme systémiques, telles qu’on me les a racontées, étaient d’une certaine manière semblables à celles exprimées par les hommes plaignants participants de race noire interrogés en ce qui a trait à l’absence de possibilités d’avancement en raison d’une discrimination fondée sur la race, directement et systématiquement, et une absence de possibilités leur permettant de démontrer leurs compétences et leurs capacités dans des postes demandant plus de responsabilités.

    Toutefois, les participantes plaignantes de race noire ont également décrit des expériences propres au fait d’être des femmes de race noire. De telles expériences incluaient :

    1. des perceptions d’elles, en tant que femmes de race noire, comme étant « en colère » et « activistes »;
    2. des perceptions d’elles comme étant « critiques », « difficiles » et « non coopératives » lorsqu’elles exprimaient ou faisaient part de leurs objectifs professionnels et de leurs aspirations et du manque de possibilités d’avancement;
    3. la perception d’elles comme « jouant la carte de la race » lorsqu’elles affirment avoir le sentiment d’être traitées de façon différente ou inéquitable;
    4. des perceptions voulant qu’elles ne puissent pas être des cadres supérieures ou des dirigeantes efficaces;
    5. leur opinion voulant que leur rendement professionnel était jugé sur la façon dont elles « cadraient » par opposition à leur compétence professionnelle, capacité ou connaissance évaluées sur la base de mesures concrètes et impartiales.

    À la suite de rétroaction de la part des employés et d’un examen des données sur l’emploi indiquant la nécessité d’accroître la représentation des employées de race noire dans des postes précis, non traditionnellement racialisés ou occupés par des femmes en communications, finances, politique et approvisionnement,footnote 18 le gouvernement de l’Ontario a lancé un programme pilote de carrières en 2014 appelé Programme pilote de stages pour le personnel administratif (« PPSPA »). À l’époque, 26 % des employés de race noire au sein de la FPO occupaient des postes administratifs, comparativement à 17 % de tous les employés de la FPO, et 46 % des employés administratifs de race noire étaient apparemment malheureux de leur parcours professionnel comparativement à 27 % des employés de la FPO dans leur ensemble.footnote 19 Le PPSPA constituait une possibilité de stage au sein de la FPO conçue pour offrir un apprentissage expérientiel aux employées administratives de race noire désireuses de changer de volet professionnel. Le programme pilote s’est déroulé en 2014-2015 et comprenait neuf (9) stages d’une période d’un (1) an dans quatre (4) ministères – ministère des Services sociaux et communautaires ( MSSC), ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) et l’ancien ministère des Services gouvernementaux (MSG), actuellement appelé ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs (MSGSC) et le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Le programme pilote s’est terminé en mai 2015.footnote 20

  4. Politique et Programme de PDHT
    1. Objet et portée

      Le Programme de PDHT est administré en vertu de la Politique de promotion du respect en milieu de travail de la FPO (politique visant à soutenir le respect en milieu de travail et prévenir le harcèlement et la discrimination au travail), qui a d’abord été publiée le 1er juin 1998 et a fait l’objet d’une révision le 1er septembre 2016, en vigueur le 1er octobre 2017 (la « politique de PDHT »).footnote 21 On décrit l’objet de la politique de PDHT comme étant :

      1. la promotion de comportements respectueux et inclusifs favorisant la santé, la sécurité, les droits de la personne et la dignité des personnes dans les milieux de travail de la FPO;
      2. l’établissement de principes visant à maintenir des milieux de travail positifs et productifs et les conditions obligatoires pour la prévention du harcèlement et de la discrimination au travail.footnote 22

      La politique de PDHT définit la discrimination en milieu de travail comme suit aux sections 6.12 et 6.13 :

      Discrimination

      6.12

      Aux fins de la présente politique, discrimination s’entend de toute pratique ou comportement, intentionnel ou non, ayant un impact négatif sur une personne ou un groupe sur la base d’un ou de plusieurs motifs illicites de discrimination dans l’emploi en vertu du Code, sauf si le comportement est permis en vertu du Code. La discrimination peut découler d’un traitement qui, même si appliqué de façon égalitaire, se traduit par une conséquence inégale sur une personne ou un groupe protégés contre la discrimination en vertu du Code.

      6.13

      Les motifs illicites de discrimination dans l’emploi sont l’âge, l’affiliation, la citoyenneté, la couleur, les croyances, le handicap, l’origine ethnique, la situation familiale, l’expression sexuelle, l’identité de genre, la situation matrimoniale, le lieu d’origine, la race, la condamnation pour un acte criminel, le sexe (y compris la grossesse et l’allaitement) et l’orientation sexuelle.

      La politique de PDHT stipule que les infractions à la politique incluent :

      Infractions à la politique

      8.1

      Le fait de se livrer à du harcèlement ou à de la discrimination au travail constitue une infraction à cette politique. Les comportements et pratiques qui constituent du harcèlement ou de la discrimination au travail contraires à la présente politique incluent, sans s’y limiter, les exemples suivants :

      a) harcèlement ou discrimination en milieu de travail dans tout aspect de l’emploi, pouvant inclure, sans s’y limiter : recrutement, sélection, promotion, apprentissage et perfectionnement, gestion du rendement, réaffectation, licenciement, salaire et avantages sociaux, cessation, attribution des tâches et octroi de congé autorisé…

      Indépendamment de la section 8.1(a) de la politique de PDHT plus haut, qui traite particulièrement des infractions se rapportant au « recrutement, à la sélection, à la promotion, à l’apprentissage et au perfectionnement et à l’attribution des tâches », le Programme de PDHT n’aborde pas les infractions en lien avec ces aspects de l’emploi sur une base systémique.

      Les infractions en vertu de la section 8.1 de la politique de PDHT incluent également :

      g) échec de la direction à répondre de façon appropriée et opportune au harcèlement ou à la discrimination au travailfootnote 23

      i) représailles, y compris menacer ou exercer des représailles sur un employé pour avoir exercé un droit en vertu de la politique de PDHT »,footnote 24

      deux éléments cités par plusieurs participants plaignants comme s’étant produits dans leur cas.

      Nous observons à ce point que certains participants intimés ont exprimé avoir été extrêmement contrariés par ce qu’ils percevaient être des allégations frivoles et de mauvaise foi faites à leur endroit. Ils ont mentionné qu’indépendamment de la section 8.1(j) de la politique de PDHT, qui confirme que le dépôt d’une plainte tout en sachant qu’aucune infraction n’a été commise en vertu de la politique de PDHT constitue une infraction en soi à la politique de PDHT,footnote 25 aucune mesure disciplinaire n’est prise en vertu de cette disposition contre les plaignants. Les mêmes participants intimés ont exprimé de la colère en raison de l’incapacité perçue des chefs à déposer des plaintes de harcèlement au travail à l’endroit des plaignants dans leurs dossiers en vertu de la politique de PDHT, un sentiment réaffirmé selon leurs dires par les conseillers en PDHT qu’ils ont rencontrés.

      La politique de PDHT « appuie » la directive pour la gestion des ressources humaines, d’abord publiée en 1999 et dont la dernière révision remonte à juin 2011, entrée en vigueur le 1er avril 2012footnote 26, et « complète » d’autres politiques de ressources humaines qui promeuvent et maintiennent des milieux de travail positifs, inclusifs et soutenants, y compris notamment la Politique de prévention des obstacles à l’emploi, lancée à l’origine le 25 mars 1998 et dont la dernière révision remonte au 2 janvier 2007, en vigueur le 10 janvier 2013.footnote 27

      La Politique de prévention des obstacles à l’emploi établit les exigences et les orientations concernant le recensement, l’élimination, l’atténuation et la prévention d’obstacles systémiques à l’emploi pouvant découler de directives et politiques de gestion des ressources humaines.footnote 28

      La Politique de prévention des obstacles à l’emploi stipule également ce qui suit :

      1. Énoncé de politique

      1.1

      La fonction publique de l’Ontario (FPO) a à cœur d’encourager et de maintenir un milieu de travail inclusif, accessible et sans obstacle. La politique de la FPO consiste à prendre les mesures raisonnables pour élaborer et mettre en œuvre des directives et politiques de gestion des ressources humaines exemptes d’obstacles systémiques à l’emploi et qui encouragent les employés à participer pleinement au milieu de travail.

      3. Application et portée

      3.2

      Cette politique s’applique aux directives et politiques de gestion des ressources humaines, ainsi qu’aux pratiques se rapportant à la mise en œuvre de telles directives et politiques, par exemple : recrutement et sélection, nomination, affectation et transfert, adaptation des emplois, gestion du rendement, apprentissage et perfectionnement et réaffectation.

      4. Définition d’obstacle systémique à l’emploi

      4.1

      Aux fins de la présente politique, obstacle systémique à l’emploi s’entend d’une règle, norme, exigence ou pratique de gestion des ressources humaines, en tout ou en partie, qui, lorsqu’appliquée de la même manière à tous, a pour conséquence d’exclure ou de restreindre la participation de certaines personnes dans le milieu de travail, sur la base de motifs illicites de discrimination dans l’emploi en vertu du Code des droits de la personne, nommément :

      • race, affiliation, lieu d’origine, couleur, origine ethnique, citoyenneté, croyances, sexe (y compris grossesse), orientation sexuelle, identité de genre, expression sexuelle, âge, condamnation pour un acte criminel, situation matrimoniale, situation familiale et handicap

      5. Principes

      5.1

      Les directives et politiques de gestion des ressources humaines ainsi que les pratiques se rapportant à la mise en œuvre de telles directives et politiques sont transparentes et appliquées d’une façon qui atténue les obstacles systémiques à l’emploi.

      5.2

      L’élimination ou l’atténuation des obstacles systémiques à l’emploi feront l’objet d’une évaluation par rapport au préjudice indu, le cas échéant, qui découlerait de l’élimination ou de l’atténuation.

      5.3

      Un milieu de travail inclusif, accessible et sans obstacle aide les employés à participer pleinement au milieu de travail.

      5.4

      Chaque employé a un rôle à jouer pour créer et maintenir un milieu de travail inclusif et accessible.

      Toutefois, au même moment, la section 6.7 de la politique de PDHT stipule que la politique de PDHT « ne s’applique pas aux…allégations d’obstacles systémiques à l’emploi (voir la Politique de prévention des obstacles à l’emploi)footnote 29. »

      Bien qu’il s’agisse selon toute vraisemblance d’une politique ambitieuse et directive, toute infraction perçue de la Politique de prévention des obstacles à l’emploi n’est apparemment pas exécutoire au moyen d’une plainte en vertu de la politique de PDHT.

      Seuls certains des participants plaignants et intimés m’ont confirmé qu’ils avaient été informés d’une telle exclusion de la part des conseillers en PDHT. Les personnes au courant de cette exclusion ont affirmé que, puisqu’elles ne connaissent aucune autre politique en vertu de laquelle les enjeux systémiques peuvent être abordés, elles continuent de soulever les enjeux systémiques dans leurs plaintes aux termes du Programme de PDHT , tout en m’affirmant du même coup qu’aucune mesure n’est prise concernant ces enjeux.

      La directive pour la gestion des ressources humaines établit le modèle de gouvernance de la FPO et le cadre de politique pour la gestion des RHfootnote 30, et s’applique à « toutes les phases et à tous les aspects de la gestion des ressources humaines pour les fonctionnaires nommés à des fonctions dans des ministères ou organismes publics rattachés à la Commission en vertu de l’article 32 de la FPO.footnote 31 Bien que cette politique établisse les responsabilités générales des employés et des membres de la direction et la conduite en ce qui a trait à la politique des RH et planification de la main-d’œuvre, les relations avec les employés, les services de RH, la formation et la participation des employés, elle manque également de dispositions exécutoires si la direction ne s’acquitte pas de ses responsabilités.

      Enfin, bon nombre des participants ont déclaré qu’il existe beaucoup de politiques de la FPO, mais elles ne sont pas toujours claires. De plus, les participants ne les connaissent pas toujours ou ne savent pas comment les utiliser pour régler leurs enjeux.

    2. Conseillers en PDHT

      Les participants ont exprimé un large éventail d’expériences vécues avec leurs conseillers en PDHT. Ils en décrivent certains comme étant « excellents » et d’autres « terribles ». Le traitement vécu par certains participants, tant plaignants qu’intimés, variait également; certains participants ont déclaré qu’on leur avait crié après, qu’on les avait interrogés et traités comme des criminels.

      De plus, certains participants ont déclaré que leurs conseillers en PDHT ne semblaient pas toujours bien connaître certains aspects de la politique et du Programme de PDHT, et qu’ils vivaient des retards lorsqu’ils devaient consulter la direction du Programme de PDHT. Ceci pourrait laisser croire que les conseillers ne reçoivent pas une formation uniforme et que l’on n’insiste pas sur le fait que les conseillers doivent être respectueux et empathiques envers toutes les parties, peu importe leur perception du bien-fondé de leurs plaintes.

      Une autre occurrence dérangeante mentionnée par plusieurs participants plaignants était la pression exercée sur eux afin qu’ils abandonnent la référence à d’importants aspects de leur plainte. Cette situation s’est produite particulièrement lorsque la personne plaignante voulait inclure dans sa plainte une référence à une constante en matière de comportement de la part de la direction qui pourrait avoir précédé la période de six mois à partir du plus récent incident allégué pour le dépôt d’une plainte aux termes du Programme de PDHT prévue à la section 6.5 de la politique de PDHT.footnote 32

      Dans un cas, on a conseillé à un participant d’inclure une référence à « quelques » incidents précédant les six mois seulement s’ils se rapportaient au même chef. Dans ce cas, la plainte du participant se rapportait à une constante faisant en sorte qu’on ne tenait pas compte de lui en raison de sa race pour une promotion au sein d’une direction générale, où il occupait des fonctions relevant de différents chefs. Il souhaitait mettre en évidence une constante de discrimination systémique s’étant produite jusqu’au plus récent incident inclusivement.

      Les participants plaignants ont massivement indiqué qu’ils préféreraient rédiger leurs propres plaintes en leurs propres mots, afin de pouvoir décrire leurs expériences de façon exhaustive, précise et d’une manière qui saisit les nuances du racisme anti-Noirs qu’ils ont le sentiment d’avoir vécu.

      Certains ont également indiqué qu’ils auraient préféré avoir rencontré le conseiller en PDHT en personne pour discuter des éléments de leur plainte. Au moins un participant a indiqué que même s’il en avait fait la demande, celle-ci lui avait été refusée.

      Enfin, un certain nombre de participants, et en particulier les participants intimés, se sont plaints de ne jamais avoir reçu de copie de la plainte ou de la réponse de la partie adverse. Un participant a déclaré l’avoir reçue seulement après avoir indiqué à son conseiller en PDHT qu’il ne participerait pas à l’entretien de l’enquête sans d’abord l’avoir en sa possession.

    3. Dépôt d’une plainte et respect des délais

      Sur la base des entretiens réalisés avec les participants, certains semblent ne pas être certains de la façon dont une plainte est déposée aux termes du Programme de PDHT. Bien qu’une personne plaignante soit libre de déposer directement sa propre plainte auprès du Programme de PDHT, certains participants plaignants ont déclaré qu’ils croyaient d’abord que leur plainte avait été déposée par la direction. Plus précisément, ils croyaient qu’au moment de signaler les enjeux à leurs chefs, verbalement ou par écrit, ce signalement obligeait alors le chef à signaler l’enjeu au Programme de PDHT. Cette interprétation est appuyée par la section 9.15 de la politique de PDHT, qui stipule que les chefs et les conseillers en ressources humaines doivent aviser la Section de la PDHT, le Centre de la santé, de la sécurité et du mieux-être du personnel (CSSMP), le ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs (MSGSC), ou la personne-ressource applicable de l’O.P.P. ou le bureau de DPM dès la réception d’une plainte alléguée de harcèlement ou de discrimination au travail ou dès qu’ils sont informés d’une infraction possible à cette politique.footnote 33 Le conseiller en PDHT a alors l’obligation de réaliser une évaluation préliminaire dans les 15 jours ouvrables suivant la réception de la plainte.footnote 34

      Sur la base des entretiens, cette obligation qu’ont les chefs de faire rapport n’est pas respectée dans tous les cas, ce qui cause de la confusion chez certains des participants plaignants à savoir si, et à quel moment, leur plainte a été déposée aux termes du Programme de PDHT. Plus précisément, croyant que leurs chefs avaient déposé une plainte dès le signalement de l’incident ou de l’enjeu, les plaignants n’ont d’abord pas déposé de plainte. Ainsi, non seulement les plaintes sont indûment retardées, ce qui mène à un processus de la PDHT plus long et à un règlement différé, mais la frustration des participants est amplifiée.

      De plus, certains participants plaignants ont déclaré que le premier entretien avec le conseiller en PDHT s’est traduit par l’inclusion de renseignements inexacts ou seulement partiels dans leurs plaintes, ce qui a également contribué à retarder le processus.

      Également, le processus de préparation de la plainte en première instance par le conseiller en PDHT (ce qui s’est fait dans la plupart des cas) qui, selon ce qu’ont déclaré la plupart des participants, ne semblait pas avoir reçu de formation en racisme anti-Noirs ou préjugés inconscients, s’est traduit par la perte de nuances et d’interprétations des faits liés aux préjugés raciaux, ce qui a nécessité un autre examen et d’autres délais.

      Enfin, même si la section 9.17 de la politique de PDHT précise que la résolution de plaintes doit être entamée dans les 15 jours ouvrables suivant l’évaluation préliminaire et qu’elle établit des dates de fin pour des mesures directes prises par la direction (30 jours ouvrables), un autre modèle de résolution du litige (50 jours ouvrables) et l’enquête (90 jours ouvrables pour une enquête interne et 120 jours ouvrables pour une enquête externe), pratiquement tous les participants ont déclaré que les échéanciers n’étaient habituellement pas respectés.

      Tous les participants ont déclaré que le Programme de PDHT ne respectait pas les échéanciers à certaines étapes du processus, parfois de façon déraisonnable. La crédibilité dans le processus dépend de la responsabilisation. La plupart des participants avaient le sentiment que le processus de la PDHT n’était pas redevable. L’une des principales raisons de ce sentiment était le non-respect de ses propres échéanciers ou le fait de ne pas avoir informé les participants que les échéanciers devaient être ajustés ainsi que les raisons de cet ajustement.

    4. Conclusions « inadmissibles »

      Un certain nombre de participants plaignants ont discuté des concepts « d’admissibilité » et « d’inadmissibilité » et déclaré qu’ils étaient incertains de la signification de ces concepts en lien avec leur plainte et que leurs conseillers ne leur avaient pas expliqué correctement ces concepts.

      D’autres ont fait part de préoccupations voulant que les conclusions « inadmissibles » se basaient sur le bien-fondé sans l’avantage d’une enquête.

      Il était également clair, sur la base de mes discussions avec les participants, que ceux-ci voyaient des éléments de leur plainte retirés parce qu’ils étaient « inadmissibles » en raison de la nature systémique de la portion retirée, indépendamment du fait que cette portion faisait partie intégrante de l’incident ayant donné lieu à la plainte. De plus, on encourageait les participants à aller de l’avant contre certains intimés et non contre d’autres, parce que le conseiller avait le sentiment que les intimés éliminés étaient « inadmissibles », dans des cas où les participants voulaient qu’on inclue ces intimés en raison de leur incapacité à régler leurs enjeux tôt dans le processus ou de leur incapacité à régler la constante d’exclusion en raison d’un préjugé anti-Noirs, ce qui a eu pour effet d’exacerber le préjudice perçu du participant.

      Ceci indépendamment des principes décrits à la section 7.3 de la politique de PDHT, qui exige que les chefs, avec l’aide des ressources humaines, agissent rapidement pour résoudre des situations contraires à un milieu de travail respectueux, même lorsque de tels comportements ne constituent pas de la discrimination en milieu de travail.footnote 35 On observe également que la section 8.1 de la politique de PDHT fait en sorte que l’incapacité de la direction à réagir de façon appropriée et rapidement à de la discrimination en milieu de travail constitue une infraction à la politique, pour laquelle la direction doit être imputable.footnote 36

      Sur la base de ce qui précède, on peut prétendre que les conseillers en PDHT peuvent conclure de façon inappropriée qu’une situation est « inadmissible ».

    5. Processus d’enquête

      Bon nombre de participants plaignants ont fait part de préoccupations concernant le processus d’enquête établi dans la politique de PDHT une fois que l’évaluation préliminaire a été réalisée et que la plainte a été jugée « admissible ».

      Plus précisément, les participants plaignants ont fait part de leur préoccupation et de leur confusion quant à la base sur laquelle on avait choisi les autres méthodes de résolution décrites à la section 9.17 de la politique de PDHT, et en particulier ce qui fait que l’on procède à une enquête interne par rapport à une enquête externe. Les demandes de renseignements qu’ils ont faites auprès des conseillers en PDHT sur cette question sont demeurées sans réponse ou ont reçu une réponse vague et inutile. Certains participants plaignants ont suggéré qu’une enquête interne avait été choisie lorsque la direction souhaitait camoufler les allégations faites dans la plainte ou lorsqu’elle avait déjà établi que la plainte serait jugée non fondée.

      Il semble n’y avoir aucun critère écrit concernant le moment où une plainte sera aiguillée vers une enquête interne par un chef. Sur la base de discussions avec le Bureau de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail, la décision est prise en consultation avec la direction et les ressources humaines au sein de la direction générale.

      Bien qu’il existe un guide de l’enquêteur internefootnote 37 qui offre une orientation sur la façon de recueillir et d’examiner les données probantes et la façon de se préparer à l’enquête et de la mener, le guide ne mentionne pas que le chef doit obligatoirement posséder une expérience antérieure d’enquête en milieu de travail ou qu’il ou elle doit avoir suivi une formation en lutte contre le racisme, racisme anti-Noirs, préjugés inconscients, préjugés anti-Noirs, intersectionnalité et sensibilité culturelle.

      De plus, conformément au guide pour la PDHT, le résumé écrit de l’enquête n’est pas préparé avec la participation des parties, ce qui encore une fois donne à plusieurs participants l’impression d’un « camouflage » ou le sentiment qu’on leur communique des renseignements inadéquats pour les convaincre que les enjeux ont fait l’objet d’une enquête appropriée. Un participant ayant participé au processus d’enquête interne a indiqué qu’à la fin du processus de la PDHT, il ignorait toujours ce qu’avait fait le processus d’enquête ou quelles avaient été ses conclusions, puisque le participant s’est uniquement fait dire que la question avait été « résolue ».

      Dans l’ensemble, les participants ont trouvé les enquêteurs externes empathiques; toutefois, certains participants ont indiqué que, sur la base des questions posées, des avenues qu’ils étaient prêts à explorer et des données probantes qu’ils étaient prêts à accepter comme étant pertinentes, certains enquêteurs semblaient de toute évidence non qualifiés, juridiquement et substantiellement, pour traiter d’allégations fondées sur la race de nature systémique. Un participant plaignant dont l’enquêteur externe a refusé de tenir compte d’une preuve factuelle semblable a déclaré que l’enquêteur externe voulait seulement recueillir un nombre de preuves suffisant pour en arriver à une conclusion et non pour découvrir la vérité. Une autre a déclaré que l’enquêteur externe n’avait fait aucun effort pour obtenir des documents personnels facilement accessibles, auxquels la participante n’avait plus accès, qui pouvaient corroborer ses allégations (contestées par l’intimé), affirmant que si la participante n’avait pas de tels documents en sa possession, il ne pouvait pas en tenir compte.

      Une participante plaignante a également éprouvé des difficultés avec son enquêteur externe, qui n’était pas préparé pour son entretien et qui ne disposait pas de documents de base, par exemple la plainte elle-même aux termes du Programme de PDHT.

      Sur la base de renseignements et de documents reçus du Bureau de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail, on fait appel à des enquêteurs externes sélectionnés à partir d’une liste préapprouvée et qui doivent fournir une preuve d’expérience pertinente et de qualifications en présentant des exemples d’affectations antérieures.

      De plus, on leur demande de préparer un document écrit sur la base d’études de cas et d’assister à un entretien en personne. Dans le cadre de mon examen des exemples d’études de cas fournis aux enquêteurs externes pour leur réponse écrite, ces exemples semblent être plutôt simplistes et linéaires et ne saisissent pas la complexité juridique et factuelle d’une plainte pour racisme anti-Noirs et les enjeux systémiques sous-jacents, ce qui semble être la nature de la plupart des plaintes fondées sur la race déposées aux termes du Programme de PDHT. Même si les questions de l’entretien oral semblent être beaucoup plus orientées vers la connaissance que possède l’enquêteur externe de concepts plus complexes de discrimination raciale, les points alloués pour cette portion du processus de sélection comptent pour beaucoup moins que la moitié du nombre total de points alloués.

      On fournit également aux enquêteurs externes un guide écrit (le « guide de l’enquêteur externe »)footnote 38 qui traite de leurs tâches et responsabilités en ce qui a trait au processus d’enquête. Il semble toutefois que le guide n’est pas respecté dans tous les cas. Par exemple, à la section 10 de ce guide, on indique aux enquêteurs externes de faire preuve d’impartialité procédurale envers toutes les parties prenantes à l’enquête, y compris « donner la chance au plaignant et à l’intimé de désigner des témoins et des renseignements supplémentaires pertinents à leur plainte et à leur défense. » footnote 39; De plus, la section 9 indique une exigence voulant que l’enquêteur externe doit « interroger les parties et tous les témoins pertinents…et doit également faire un suivi approprié au besoin. »footnote 40 Cependant, comme discuté plus haut, certains participants plaignants ont déclaré que leur enquêteur externe les avait empêchés de le faire, suggérant ainsi un possible manque de rigueur.

      De plus, le guide d’utilisation de l’enquêteur stipule qu’il ou elle doit réaliser l’entretien d’une façon qui :

      1. « Permet à toutes les parties de raconter leur histoire, c.-à-d., poser des questions, explorer des situations en entier et aborder les difficultés, par exemple le racisme, le sexisme et l’homophobie »;footnote 41
      2. « Comprend les obstacles individuels, sociétaux, systémiques ainsi que la dynamique du pouvoir, et tient compte des données probantes se rapportant à chaque dossier. »footnote 42

      Comme discuté plus haut, bon nombre de participants plaignants ont affirmé que leurs enquêteurs externes ne leur permettaient pas de présenter leur histoire en entier et ne démontraient pas une compréhension des obstacles systémiques ou des enjeux.

    6. Communications concernant la situation du processus de la PDHT

      Tous les participants ont fait part d’un important degré de frustration entourant le manque de communication régulière de la part de leurs conseillers en PDHT à propos de la situation du processus de la PDHT . Un grand nombre d’entre eux ont fait part de nombreuses instances où ils avaient dû initier le contact avec leurs conseillers en PDHT pour avoir une mise à jour de la situation, souvent pour se rendre compte que le conseiller en PDHT avait été remplacé sans qu’on ne les en informe.

      Il s’agit d’une infraction à la section 9.20 de la politique de PDHT, qui stipule que les plaignants et les intimés doivent être informés de la situation du processus de résolution de la plainte aux termes du Programme de PDHT. Toutefois, la question consiste à savoir qui a la responsabilité de fournir de telles mises à jour. La section 9.20 ne stipule pas qu’une telle responsabilité incombe aux chefs, et pourtant elle est mentionnée sous le titre « Management Responses to Alleged Workplace Harassment or Discrimination » (Réponses de la direction à un cas allégué de harcèlement ou de discrimination en milieu de travail), ce qui porte certainement à confusion.

    7. Intervention précoce

      La politique de PDHT porte aussi sur la prévention des plaintes en ce sens qu’elle stipule ceci :

      Principes

      7.1

      Il incombe aux employés de respecter la dignité et les droits des autres employés, des autres travailleurs et du public qu’ils servent. Les chefs, les employés et les autres travailleurs doivent faire preuve d’un comportement respectueux et professionnel conforme aux principes énoncés dans cette politique, au Code d’éthique de la FPO et aux valeurs organisationnelles.

      7.2

      Favoriser un milieu de travail respectueux, notamment prévenir le harcèlement et la discrimination au travail, fait partie intégrante de toutes les activités au travail. Il s’agit d’une responsabilité partagée qui nécessite une coopération entre l’employeur et les employés et, le cas échéant, les agents de négociation.

      7.3

      Les chefs, avec le soutien des conseillers en ressources humaines, prennent des mesures opportunes pour résoudre tout problème contraire à la présence de lieux de travail respectueux comme les comportements qui influent négativement sur le lieu de travail (p. ex. les conflits, les communications inappropriées, etc.), même lorsque ces comportements ne constituent pas du harcèlement ou de la discrimination au travail.

      7.4

      Toutes les allégations de harcèlement ou de discrimination au travail sont traitées sérieusement et de façon opportune et confidentielle, conformément à cette politique et au programme et à la loi applicables, afin de préserver la dignité, l’amour-propre et les droits de toutes les parties.

      7.5

      La FPO offre des mesures d’adaptation des emplois sans préjudice indu conformément à ses obligations juridiques, y compris en vertu du Code.

      Toutefois, sur la base des entretiens avec les participants plaignants, un petit nombre d’entre eux ont indiqué qu’une intervention précoce avait été réalisée par la direction comparativement à une intervention de leur propre initiative. De plus, tous les participants ont indiqué que toute tentative faite par eux pour entamer des discussions concernant les aspects systémiques de leurs enjeux n'avait pas reçu de réponse substantielle ou aucune réponse.

    8. Services de médiation, de restauration et de résolution

      Les participants ont fait part d’une expérience inégale avec les services de médiation, de restauration et de résolution. Un grand nombre des participants interrogés participaient encore au processus de la PDHT et par conséquent n’avaient pas encore participé au processus de restauration.

      Toutefois, fait surprenant, la plupart des participants n’avaient pas participé à un processus de médiation ou de résolution, que ce soit avant ou durant le processus de la PDHT. Un grand nombre des participants ont indiqué qu’à leur avis, si un quelconque type de processus de médiation ou de résolution leur avait été offert au moment où sont survenus les enjeux constituant le motif de leur plainte, ou tôt dans le processus de la PDHT, ce processus leur aurait peut-être permis de ne pas aller de l’avant avec la plainte aux termes du Programme de PDHT ou leur aurait fait abandonner la plainte rapidement.

      Bon nombre de participants m’ont mentionné qu’ils étaient encore prêts à envisager une médiation ou une résolution précoces. Toutefois, certains ont indiqué que le temps qui passe et le fardeau émotionnel du processus faisaient en sorte que ces processus n’étaient plus viables pour eux.

    9. Soutien pour les participants

      Certains participants ont mentionné que le processus de la PDHT ne leur offrait aucun soutien pour le traumatisme émotionnel qu’ils vivaient en raison de la nature des enjeux soulevés dans la plainte et des délais et du stress causés par le processus.

      Bien que la section 9 du guide de la PDHT fait état d’une personne de soutien ou d’un agent de négociation pour les plaignants, les intimés et les témoins, aucune autre mesure de soutien n’est précisément mentionnée. Même si la politique de PDHT fait référence à des mesures d’adaptation, de nombreux participants avaient le sentiment que cette mesure n’était pas appliquée en pratique. De plus, les participants plaignants n’étaient pas certains de la façon dont on arrivait à la conclusion qu’ils demeureraient dans le milieu de travail avec l’intimé, indépendamment de leur bouleversement émotionnel ou qu’ils profiteraient d’un congé autorisé avec salaire durant l’enquête.

Partie IV : Recommandations

Conformément à mon mandat stipulé dans le cadre de référence, en fonction de mes entretiens avec les participants et de mes propres observations comme discuté précédemment, je décris ci-dessous mes recommandations concernant le processus de la PDHT, qui peuvent améliorer la façon dont on traite les plaintes fondées sur la race.

Le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016 stipule que l’un de ses indicateurs clés de la réussite est « …la réduction du nombre d’employés qui disent avoir fait l’objet de discrimination et de harcèlement. »footnote 43 Ainsi, j’ai également inclus dans la Partie IV de ce rapport des recommandations axées sur l’étape précédant le dépôt de la plainte, qui peuvent servir de mesures préventives permettant de diminuer le nombre de plaintes déposées aux termes du Programme de PDHT.

  1. opérationnelles
    1. Formation des conseillers en PDHT

      Les conseillers en PDHT doivent suivre une formation rigoureuse concernant tous les aspects de la politique et du Programme de PDHT et autres, et ils doivent être conscients que les plaintes aux termes du Programme de PDHT fondées sur la race comprendront souvent une allégation d’un incident racial direct ainsi qu’un contexte d’enjeux raciaux systémiques se rapportant à l’incident direct ou donnant lieu à l’incident direct. L’ensemble de la plainte doit être examiné afin de déterminer les nuances contenues dans de telles plaintes pour faire en sorte que l’analyse de « l’admissibilité » et de « l’inadmissibilité » soit réalisée de façon appropriée et ne serve pas d’instrument pour réduire efficacement au « silence » des enjeux fondés sur la race soulevés par un plaignant.

      Les conseillers en PDHT doivent avoir l’obligation de suivre une formation sur l’action contre le racisme, le racisme anti-Noirs, les préjugés inconscients, les préjugés anti-Noirs, l’intersectionnalité et la sensibilité culturelle, et une telle formation doit faire l’objet d’une mise à jour au moins tous les trois ans.

    2. Évaluations préliminaires des plaintes « admissibles » et « inadmissibles »

      Les conseillers en PDHT doivent clairement expliquer les concepts « d’admissibilité » et « d’inadmissibilité » à tous les participants.

      Les conseillers en PDHT doivent également confirmer par écrit la conclusion « d’inadmissibilité » d’une plainte ou de toute partie de celle-ci, et les raisons de cette conclusion.

      Les conseillers en PDHT doivent veiller à ce que le fondement de l’évaluation « d’inadmissibilité » ne se base pas sur le bien-fondé des allégations, mais plutôt sur le fait que la substance de la partie « inadmissible » ne pouvait permettre de déposer une plainte aux termes du Programme de PDHT, même si démontré après l’enquête.

    3. Avis par écrit d’un changement de conseiller

      Toutes les parties doivent recevoir un avis écrit en temps opportun advenant un changement de conseiller en PDHT, qui contient le nom et les coordonnées complètes du nouveau conseiller.

    4. La plainte ou la réponse à la plainte doit être rédigée par les participants

      La plainte et la réponse à la plainte ainsi que toute contre-plainte doivent être rédigées par les participants, sauf si les participants demandent de l’aide pour le faire ou sauf si la taille du document est clairement déraisonnable.

    5. Les parties doivent s’échanger la plainte et la réponse

      Afin que les parties puissent pleinement comprendre les enjeux, les documents de la plainte et de la réponse doivent être échangés tôt dans le processus et bien avant la tenue des entretiens d’enquête.

    6. Les premiers entretiens doivent se faire en personne au besoin

      Les premiers entretiens avec les plaignants ou les intimés doivent se faire par téléphone, sauf si un entretien en personne est précisément demandé.

    7. Les échéanciers du processus de la PDHT doivent être mentionnés par écrit et respectés

      Les conseillers en PDHT doivent avoir l’obligation de communiquer par écrit à toutes les parties les retards dans le processus, qui doivent être raisonnables et justifiés, ainsi que les raisons du retard et le nouvel échéancier pour les étapes qui restent.

    8. Mises à jour régulières sur la situation du processus de la PDHT

      Toutes les parties doivent régulièrement recevoir un avis écrit concernant la situation de la plainte aux termes du Programme de PDHT. De plus, si possible, un avis écrit préalable des étapes et événements importants à venir (par exemple la planification d’entretiens d’enquête) doit être donné de manière à laisser aux parties suffisamment de temps pour se préparer.

    9. Avis de lancement du processus de la PDHT

      Il est recommandé que tous les participants reçoivent un avis écrit des enjeux pouvant donner lieu à une plainte aux termes du Programme de PDHT afin de leur confirmer que le processus a été déclenché, peu importe la manière dont le processus est lancé. On doit de plus leur fournir une copie de la politique de PDHT et du guide pour le programme de traitement et de résolution des plaintes liées à la politique de prévention de la discrimination et du harcèlement au travail de la fonction publique de l’Ontario (« guide de la PDHT »)footnote 44, ainsi qu’un résumé concis des étapes et échéanciers du processus de la PDHT

    10. Formation d’enquêteurs externes

      Il est recommandé que la liste préapprouvée d’enquêteurs externes contienne uniquement le nom d’enquêteurs ayant suivi une formation précise sur l’action contre le racisme, le racisme anti-Noirs, les préjugés inconscients, les préjugés anti-Noirs, l’intersectionnalité et la sensibilité culturelle, et qu’une telle formation fasse l’objet d’une mise à jour au moins tous les trois ans.

      Il faut donner beaucoup plus de poids à l’entretien oral qui constitue une partie du processus de sélection des enquêteurs externes que celui qu’on lui attribue actuellement.

      Il faut sonder les participants pour vérifier si les enquêteurs externes se conforment aux exigences du guide de l’enquêteur externe.

    11. Enquêtes internes

      Étant donné qu’il ne semble exister aucun critère écrit ou autre pour déterminer à quel moment et pour quelle raison une enquête interne est appropriée ni de preuve que les enquêteurs internes ont suivi une formation sur l’action contre le racisme, le racisme anti-Noirs, les préjugés inconscients, les préjugés anti-Noirs, l’intersectionnalité et la sensibilité culturelle, on recommande que le processus de la PDHT laisse tomber les enquêtes internes.

    12. Soutien aux participants

      Il faut recommander aux plaignants et aux intimés de faire appel aux services du PAE le plus tôt possible dans le processus de la PDHT, et il faut envisager de trouver d’autres postes comparables que pourront occuper les participants plaignants qui vivent un important traumatisme émotionnel durant le processus de la PDHT.

  2. préventives/systémiques

    Un grand nombre des recommandations préventives et systémiques décrites ci-dessous ont été, de façon similaire ou identique, définies dans le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO 2013-2016,footnote 45 dans le Plan directeur pour l’inclusion et la diversité au sein de la FPO 2017,footnote 46 ou dans d’autres documents stratégiques de la FPO. Toutefois, sur la base de discussions avec les plaignants participants et intimés, un grand nombre des recommandations faites dans le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO : 2013-2016 et le Plan directeur pour l’inclusion et la diversité au sein de la FPO n’avaient semble-t-il pas été mises en œuvre dans toutes les directions ou division. En particulier, la plupart des participants ont mentionné qu’il existait toujours un manque significatif de formation sur la diversité, sur la lutte à la discrimination, sur les préjugés inconscients ou sur la diversité culturelle au sein de la FPO. En outre, il existe une croyance répandue chez les plaignants, quoique sur une base anecdotique, que le nombre de plaintes fondées sur la race déposées par des employés de race noire aux termes du Programme de PDHT est en augmentation et non en diminution. Toutefois, la cueillette de données ventilées permettra de déterminer si ces impressions constituent des faits corroborés.

    En fournissant mes recommandations ci-dessous, je suis consciente que mon mandat se limite à un examen de l’action contre le racisme du processus de la PDHT. Toutefois, étant donné mes observations, comme discuté précédemment, j’ai senti qu’il était nécessaire d’inclure des recommandations qui, à mon avis, rendent la relation entre les employés et la direction plus respectueuse, collaborative et cordiale, ce qui par conséquent diminuera, je l’espère, le nombre de plaintes fondées sur la race, à la fois directes et systémiques, déposées aux termes du Programme de PDHT.

    1. Revoir la politique de PDHT

      Il faut revoir la politique de PDHT pour inclure la capacité à déposer une plainte relativement à des enjeux systémiques en vertu de la politique de PDHT, peu importe que toute autre forme directe ou indirecte de discrimination soit également soulevée. Cette façon de faire fournirait l’outil exécutoire manquant pour aborder la discrimination systémique fondée sur la race.

      Les plaintes fondées sur la race doivent être traitées par des équipes spécialisées de conseillers en PDHT, spécialement formés sur les dispositions de la politique de prévention des obstacles à l’emploi et sur la détermination et la formulation :

      1. des formes directes et indirectes de discrimination raciale;
      2. de la discrimination systémique fondée sur la race.
    2. Cueillette de données ventilées sur les plaignants et intimés aux termes du Programme de PDHT

      Nous observons que les sections 10.51 et 10.52 de la politique de PDHT délèguent au Bureau de la diversité de la FPO la responsabilité d’obtenir et d’analyser des données sur la main-d’œuvre portant sur différentes dimensions de la diversité et les mesures correspondantes des politiques et programmes.

      Il faut recueillir annuellement des données sur les plaignants et les intimés aux termes du Programme de PDHT de façon ventilée par race (plutôt que des données regroupées sous l’ensemble « minorités raciales »), sexe, âge, années de service dans la FPO, poste, niveau du poste, échelle salariale, nature de la plainte aux termes du Programme de PDHT (c.-à-d., systémique ou indirecte/directe), et tout autre motif permettant d’établir et d’aborder des tendances et des constantes systémiques en ce qui a trait aux plaintes fondées sur la race.

      En outre, les données ventilées doivent faire l’objet d’une surveillance et d’une analyse afin d’examiner les tendances et constantes précises parmi les différents groupes raciaux. Les participants plaignants de race noire ont clairement exprimé qu’ils perçoivent un traitement préférentiel en ce qui a trait à l’avancement et à de meilleurs postes offerts aux groupes d’autres minorités racialisées au détriment des employés noirs.

      Également, les données doivent étudier de façon critique les détails des enjeux systémiques donnant lieu aux plaintes, en fonction du groupe racial particulier de l’enjeu. Par exemple, un grand nombre des participants plaignants de race noire ont déclaré en particulier des expériences de marginalisation, d’ostracisme, d’exclusion, de représailles et d’amenuisement de leurs qualifications, connaissances, expertise et expérience.

    3. Obliger le suivi d’une formation étendue sur l’action contre le racisme

      Tous les membres de la direction, y compris les SMA et les SM, doivent maintenir un milieu d’inclusion au moyen d’une formation sur l’action contre le racisme, le racisme anti-Noirs, les préjugés inconscients, les préjugés anti-Noirs, l’intersectionnalité et la sensibilité culturelle pour tous les employés, y compris tous les membres de la direction.

      La politique de PDHT stipule que les chefs nouvellement nommés doivent suivre une formation sur la prévention de la discrimination et du harcèlement au travail portant sur le contenu de la politique de PDHT et de programmes connexes dans les six (6) mois suivant leur date de début d’emploi. Les chefs actuels doivent suivre une telle formation au moins tous les deux (2) ans.

      Sur la base des perceptions des participants plaignants et le constat des participants intimés, on peut se questionner à savoir si cette formation est réellement mise en œuvre de façon généralisée.

      La FPO a reconnu la nécessité de cette formation dans plusieurs rapports et publications, y compris le Plan stratégique d’inclusion dans la FPO : 2013-2016. La formation doit être obligatoire et suivie par des personnes qualifiées possédant les qualifications et les expériences vécues pour être crédibles.

      La formation doit inclure des outils pour permettre à tous les membres de la direction de reconnaître des plaintes fondées sur la race, d’y être sensibles et de les régler, ainsi que les enjeux systémiques sous-jacents qui y sont reliés, afin d’éviter le dépôt de plaintes aux termes du Programme de PDHT.

    4. Mettre en œuvre des initiatives de résolution précoce

      Le guide de la PDHT fait état de services consultatifs permettant aux ministères d’en arriver à une résolution précoce et d’offrir des services de médiation en ce qui a trait aux plaintes en cours aux termes du Programme de PDHT.footnote 47

      Toutefois, à titre de mesure préventive, les initiatives de résolution précoce doivent être élaborées et utilisées de façon à régler les enjeux donnant lieu à d’éventuelles plaintes aux termes du Programme de PDHT.

      L’équipe de direction doit recevoir une formation sur des mesures de résolution précoce ou de désamorçage, en particulier pour aborder des allégations de concours non équitables ou de manque de possibilités de promotion ou de formation.

      De plus, les membres de la direction doivent recevoir une formation pour savoir à quel moment demander l’intervention précoce des RH pour tenter de résoudre des enjeux entre la direction et le plaignant éventuel avant que l’enjeu ne se transforme en plainte aux termes du Programme de PDHT.

    5. Adopter un point de vue systémique pour réaliser un aperçu des concours pour l’embauche, le recrutement et la promotion et des politiques de nomination

      Il faut revoir toutes les politiques et pratiques, officielles ou non officielles, en particulier celles qui ont une incidence sur l’embauche, la promotion et autres formes d’avancement en y intégrant une perspective antiraciste. Ces politiques en apparence neutres, particulièrement les politiques et pratiques en matière de concours, ont un impact significatif sur la carrière des employés de race noire de la FPO, en particulier les femmes de race noire.

      Étant donné le constat d’un historique de discrimination systémique et d’exclusion au sein de la FPO, qui a créé un milieu au sein duquel les employés de race noire ont été incapables d’acquérir de l’expérience dans des rôles de direction, il faut envisager d’offrir des possibilités d’accéder à des postes intérimaires de direction, plus précisément pour les employés racialisés, et en particulier les employés autochtones et de race noire.

    6. Créer des occasions « d’encadrement »

      Il faut créer des occasions de mentorat au moyen desquelles les membres de la haute direction sont imprégnés du sentiment d’avoir participé à la réussite d’un employé racialisé à qui ils sont attachés, relativement aux évaluations du rendement.

    7. Responsabilisation de la direction

      Les membres de la direction doivent avoir la responsabilité, au moyen d’indicateurs de rendement officiels, d’assurer l’achèvement et le suivi d’initiatives et de formations sur l’action contre le racisme, le racisme anti-Noirs, les préjugés inconscients, les préjugés anti-Noirs, l’intersectionnalité et la sensibilité culturelle. De plus, ils devraient avoir l’obligation de promouvoir des programmes et activités qui favorisent et encouragent la diversité et l’inclusion au sein de leurs unités, directions générales, divisions et ministères et d’y participer.

Appendix A

Notes de service publiées le 19 janvier 2018 et le 26 mars 2018 par le secrétaire du Conseil des ministres

Appendix B

Cadre de référence