En avril 2014, NDSU Extension a publié une excellente fiche technique expliquant ce que sont les inversions thermiques, comment les détecter et en quoi elles influent sur la dérive de pulvérisation de pesticide : http://tinyurl.com/NDSU-ae-1705 (en anglais seulement). Le présent article vise à en résumer les points essentiels, mais les opérateurs de pulvérisateur auront intérêt à lire la fiche technique.

L'atmosphère

La Terre est entourée d'une bulle d'air : l'atmosphère. Bien qu'on ne puisse pas la voir, on peut l'imaginer comme une masse bouillonnante et tourbillonnante, qui bouge comme de l'eau. La partie inférieure de l'atmosphère terrestre (la couche de surface) subit l'influence directe de la surface de la Terre et de tout ce qui s'y trouve (Figure 1). En s'étendant et en percolant au-dessus de la surface, l'atmosphère subit des changements relativement rapides en termes de vitesse du vent et d'humidité (sur une échelle temporelle d'une heure ou moins).

Image
L'atmosphère terrestre.
Figure 1. L'atmosphère terrestre. La terre est représentée à l'échelle, mais pas le paysage. Remarquez la couche de surface.

Texte en format accessible

Température atmosphérique

L'air se rafraîchit naturellement en altitude au rythme d'environ 1°C aux 100 m. Ce changement, appelé gradient adiabatique, est dû à la modification de la pression en fonction de l'altitude. Avec l'altitude, le poids de l'atmosphère diminue, la pression tombe et l'air prend de l'expansion. Cette expansion crée l'effet de refroidissement (voir la ligne rouge, Figure 2). Vous voyez comme la thermodynamique est simple?

Image
Trois profils de température atmosphérique possibles dans la basse troposphère.
Figure 2. Trois profils de température atmosphérique possibles dans la basse troposphère.

Texte en format accessible

Avec l'effet du réchauffement solaire diurne et du rafraîchissement nocturne, le rythme de cette variation de température s'en trouve affecté, ce qui modifie en retour la façon dont les particules en suspension, comme les gouttelettes de pulvérisation, se déposent, s'écoulent et se dispersent.

Avec un temps relativement calme et un ciel dégagé :

Tôt le matin

Le matin, par temps plutôt calme et dégagé, le soleil émet des rayonnements de courtes longueurs d'onde, qui sont absorbés par la surface de la Terre. Une partie de cette énergie est conduite dans le sol et chauffe également l'air en surface. Cela crée un gradient thermique dans lequel la surface est la plus chaude et l'air se rafraîchit en altitude (voir la ligne rouge, Figure 2).

En gagnant en chaleur et en expansion, l'air se fait moins dense et s'élève, comme une lampe à lave ou une montgolfière (voir Figure 3). En s'élevant, l'air se rafraîchit, redescend et se met à circuler à l'intérieur d'une cellule de convection. Ce phénomène, la turbulence thermique, est un moyen très efficace de dilution rapide des particules en suspension, comme les embruns de pesticide. C'est ainsi que l'atmosphère disperse la pollution.

Image
La montgolfière est une représentation métaphorique des cellules de convection qui créent de la turbulence thermique.
Figure 3. La montgolfière est une représentation métaphorique des cellules de convection qui créent de la turbulence thermique.

Texte en format accessible

Si la matinée était couverte plutôt que dégagée, les nuages intercepteraient une grande partie des rayonnements solaires, en les absorbant ou en les réfléchissant. Ainsi, la surface de la Terre se réchaufferait également, mais beaucoup plus lentement. La turbulence thermique s'en trouverait éliminée.

Milieu ou fin d'après-midi

Avec le soleil qui traverse le ciel et le vent qui se lève, les cellules de convection sont perturbées par le vent et subissent une turbulence mécanique (voir la ligne bleue, Figure 2). Ce type de turbulence mélange de l'air chaud près du sol avec de l'air plus frais, au-dessus, et supprime également la turbulence thermique.

De la mi-journée au soir

À mesure que l'énergie solaire diminue, le sol se rafraîchit, et l'air en surface avec lui. Lorsque l'air devient plus frais que celui du dessus, une inversion thermique commence à se produire (voir la ligne verte, Figure 2). Ce phénomène est appelé ainsi puisqu'il représente maintenant l'inverse du profil de température diurne type. L'inversion gagne progressivement en altitude, pour atteindre un maximum d'environ 100 m au lever du jour. À l'intérieur de la couche d'inversion, il n'y a plus de turbulence thermique.

Comment les inversions agissent sur la dispersion

Nous savons maintenant que par temps ensoleillé, l'énergie solaire réchauffe la surface de la Terre et l'air près de la surface, davantage que l'air au-dessus (voir la ligne rouge, Figure 2). Nous savons aussi que ce phénomène fait circuler des cellules de convection (Figure 3). La partie de l'air qui s'élève se rafraîchit et se réduit en montant au travers de l'air relativement frais du dessus. À l'inverse, la partie de l'air frais tombe librement au travers de l'air chaud, et l'action de mélange qui en résulte fait que les particules en suspension (comme la pollution ou les embruns de pesticide) sont beaucoup moins puissantes au niveau du sol. Ce phénomène nous protège contre les dommages causés par la dérive (voir Figure 4).

Image
La turbulence thermique permet à l'air chaud chargé de particules de s'élever et à l'air frais propre de descendre, ce qui disperse les particules en suspension, comme la pollution ou les pesticides.
Figure 4. La turbulence thermique permet à l'air chaud chargé de particules de s'élever et à l'air frais propre de descendre, ce qui disperse les particules en suspension, comme la pollution ou les pesticides.

Texte en format accessible

Imaginons maintenant qu'une particule d'air se déplace en altitude durant une inversion. Dans ce cas-ci, elle est plus fraîche que l'air du dessus. En commençant à s'élever, elle gagne en densité, ce qui l'empêche de prendre de l'altitude. Elle retournera donc à la couche d'où elle est partie. En d'autres termes, la particule reste où elle est. Il en va de même pour une particule d'air qui descend : plus chaude au début (et moins dense) que l'air en dessous, elle gagnera en chaleur en descendant. Par conséquent, elle cherchera à remonter d'où elle est venue.

Il en résulte que, dans une inversion, l'air ne se mélange pas par turbulence thermique. La dérive de pulvérisation (ou vapeur) reste concentrée dans l'air frais dans lequel elle a été émise. Et l'air frais et dense tend à descendre ou à se déplacer latéralement avec des vents légers, emportant avec lui les éventuelles particules de dérive de pulvérisation.

Action des nuages et du vent sur les inversions

Comme nous l'avons mentionné, les nuages absorbent l'énergie du soleil ainsi que les rayonnements de grandes longueurs d'onde de la surface de la Terre. Ils réfléchissent aussi les rayonnements de la Terre vers le sol. C'est pourquoi les nuits sont plus chaudes lorsque le ciel est couvert.

Un vent léger (p. ex. de 6 à 8 km/h) n'a pas d'effet sur les inversions, mais à mesure que le vent gagne en force et que l'air est brassé par la turbulence mécanique, l'inversion est réduite et l'atmosphère approche d'un état neutre (voir la ligne bleue, Figure 2). Même sans inversion, il serait déconseillé d'effectuer une pulvérisation si le vent devenait trop fort.

Par conséquent, les périodes prolongées durant lesquelles le ciel est généralement dégagé le soir ou la nuit, avec un vent léger, représentent une grande probabilité de fortes inversions thermiques. À l'inverse, une couverture nuageuse signifie généralement une atmosphère quasi neutre, sans forte inversion.

Action de l'humidité sur les inversions

Les inversions se forment plus rapidement lorsqu'il y a moins de vapeur d'eau dans l'air pour absorber les rayonnements. Lorsque l'air humide s'est rafraîchi au point de rosée, la condensation d'eau libère de l'énergie et réchauffe l'air légèrement, ce qui ralentit la formation de l'inversion. Sachez que les conditions d'inversion peuvent exister bien avant la formation de brouillard, qui n'est donc pas un bon indicateur du début d'une inversion, puisque l'inversion est déjà en cours.

Action des conditions du sol et de l'ombre sur les inversions

Cette question est complexe. L'humidité du sol, un travail du sol récent, les sols à texture grossière, des résidus abondants et une couverture végétale fermée sont des conditions du sol qui intensifient les inversions. De plus, les inversions débutent plus tôt et durent plus longtemps dans les secteurs ombragés (p. ex. derrière des brise-vent). La fiche technique de la NDSU contient plus de détails à ce sujet.

Inversions et dérive de pulvérisation

Durant une inversion, les grosses gouttes de pulvérisation tombent rapidement, mais les gouttelettes, plus légères, tombent très lentement (quelques centimètres par seconde). Elles ne se dispersent pas (comme dans la Figure 4). Elles flottent plutôt dans l'air frais et s'évaporent très lentement, sur de grandes distances (voir Figure 5). Ces petites particules, ainsi que les vapeurs des produits qui se volatilisent, peuvent se déplacer sur des kilomètres.

Image
La turbulence thermique est supprimée durant une inversion thermique. L'air frais chargé de particules à la surface ne peut pas s'élever, alors que l'air chaud propre ne peut pas descendre. Il n'y a pas de dispersion et l'air concentré et chargé de particules tend à descendre ou à de déplacer latéralement avec les faibles vents.
Figure 5. La turbulence thermique est supprimée durant une inversion thermique. L'air frais chargé de particules à la surface ne peut pas s'élever, alors que l'air chaud propre ne peut pas descendre. Il n'y a pas de dispersion et l'air concentré et chargé de particules tend à descendre ou à de déplacer latéralement avec les faibles vents.

Texte en format accessible

Le bon moment pour la pulvérisation

Une fois formées, les inversions persistent jusqu'à ce que le soleil se lève et réchauffe la surface de la Terre ou que le vent se lève et mélange les couches d'air stationnaires. Par conséquent, la pulvérisation de soir pose le plus grand risque de dérive des pesticides lorsque les conditions sont favorables aux inversions. Effectuer une pulvérisation très tôt le matin (p. ex. autour du point du jour) est une option qui n'est guère plus avantageuse. N'oubliez pas : au lever du jour, l'inversion sera à sa hauteur maximale.

Le soleil levant réchauffe la terre et crée des conditions de turbulence près de la surface (p. ex. quelques mètres). Le soleil doit briller durant quelques heures pour que l'inversion se dissipe jusqu'à une altitude suffisante pour se disperser adéquatement de nouveau. La plupart des inversions se seront dissipées deux heures après la levée du jour, qui est probablement le meilleur moment pour effectuer une pulvérisation.

Détection des inversions

Le seul moyen sûr de détecter une inversion est de prendre deux relevés de température : le premier à environ 10 cm du sol et le second a environ 3 mètres. Si la température en surface est plus fraîche, il y a inversion. L'importance de l'écart de température indique la force de l'inversion. Obtenir des mesures précises avec des thermomètres ordinaires est difficile. Il est donc généralement plus facile pour les opérateurs de pulvérisateur de surveiller les indices suivants :

  • des écarts de température importants entre la période de jour et la nuit précédente;
  • des conditions de temps calme (p. ex. vent de moins de 3 km/h) et dégagé;
  • présence de systèmes de haute pression et de faible humidité durant la période où il est prévu d'effectuer une pulvérisation;
  • de la rosée ou du gel (s'il y du brouillard, il peut être trop tard);
  • de la fumée ou de la poussière en suspension ou qui se déplace latéralement;
  • des odeurs qui se répandent sur de longues distances et qui semblent plus intenses;
  • des cumulus présents durant le jour s'affaissent en soirée;
  • la couverture nuageuse de nuit est de 25 % ou moins.

Si vous suspectez une forte inversion, n'effectuez pas de pulvérisation. Stoppez la dérive avant même qu'elle ne commence.

Texte en format accessible

Figure 1. L'atmosphère terrestre. La terre est représentée à l'échelle, mais pas le paysage. Remarquez la couche de surface.

Cette illustration montre l'atmosphère terrestre et les couches concentriques qui la composent. La couche la plus excentrique est la thermosphère, qui s'étend de 80 à 500 km à partir de la surface terrestre. La suivante est la mésosphère, qui s'étend de 50 à 80 km de la surface terrestre. Vient ensuite la stratosphère, dont l'étendue est entre 10 et 50 km de la surface. Enfin, la couche la plus rapprochée est la troposphère, qui s'étend jusqu'à environ 10 km de la surface de la Terre. Les inversions de surface concernent surtout une sous-section de la troposphère, la couche de surface - à flux constant -, qui s'étend généralement sur les 100 premiers mètres de la surface terrestre.
 

Figure 2. Trois profils de température atmosphérique possibles dans la basse troposphère.

Ce graphique montre trois profils de température atmosphérique possibles dans la basse troposphère. L'axe des Y représente l'altitude en mètres et celui des X, la température en degrés Celsius. Le premier profil est la température de l'air à mi-journée, par temps calme et dégagé. Le gradient adiabatique est de -1 degré Celsius par 100 mètres d'altitude et est représenté par une ligne oblique à partir de 25 degrés Celsius à la surface de la Terre. Le deuxième profil est la température de l'air à mi-journée, par temps venteux. La légère asymptote, presque verticale, commence à 19 degrés Celsius pour courber légèrement vers les 18 degrés Celsius à 1 000 mètres, où elle devient presque linéaire. Le dernier profil est la température de l'air durant une inversion en surface avant le coucher du soleil. La courbe sinusoïdale commence à 15 degrés à la surface de la Terre, pour atteindre 24 degrés à une altitude de 100 mètres. La température se rafraîchit ensuite selon un angle faible, pour atteindre 22 degrés Celsius à une altitude de 1 000 mètres.

Figure 3. La montgolfière est une représentation métaphorique des cellules de convection qui créent de la turbulence thermique.

Cette illustration est une représentation métaphorique montrant la circulation des cellules de convection. La montgolfière représente l'air chaud et léger qui, en s'élevant, déplace l'air plus frais et dense qui descend tout autour. Le résultat de cette circulation est une turbulence thermique.

Figure 4. La turbulence thermique permet à l'air chaud chargé de particules de s'élever et à l'air frais propre de descendre, ce qui disperse les particules en suspension, comme la pollution ou les pesticides.

Cette illustration montre comment, en s'élevant, l'air chaud chargé de particules retire de la basse troposphère les pesticides, la poussière et la pollution en suspension. Parallèlement, l'air propre et frais descend prendre la place de l'air chaud. C'est ainsi que la turbulence thermique disperse les particules en suspension.

Figure 5. La turbulence thermique est supprimée durant une inversion thermique. L'air frais chargé de particules à la surface ne peut pas s'élever, alors que l'air chaud propre ne peut pas descendre. Il n'y a pas de dispersion et l'air concentré et chargé de particules tend à descendre ou à de déplacer latéralement avec les faibles vents.

Cette illustration montre comment une inversion thermique supprime la turbulence thermique. Dans ce cas-ci, l'air chargé de particules étant plus frais que l'air au-dessus, il ne peut y avoir de convection. Cette couche d'air relativement plus chaud ne peut pas s'élever, mais elle se déplace vers le bas et est déportée latéralement avec les faibles vents. C'est ainsi qu'une dérive de pesticides peut se produire au cours d'une inversion.