Introduction

La cécidomyie du chou-fleur, Contarinia nasturtii (Keiffer) (Diptera : Cecidomyiidae) est une cécidomyie à galle originaire d’Europe et d’Asie et un ennemi des plantes de la famille des crucifères, et sa présence a été confirmée en Ontario en 2000. C'est la première fois qu'on identifiait ce ravageur de façon certaine en Amérique du Nord. Depuis, l’espèce s'est largement répandue en Ontario et au Québec, et on l’a également trouvée en Nouvelle Écosse, en Saskatchewan et dans plusieurs États américains.

En Europe, la cécidomyie du chou-fleur est un ravageur commun endémique des cultures de crucifères dont le brocoli, le chou, le chou-fleur, le chou de Bruxelles, le chou vert frisé, le chou cavalier et le rutabaga. Les autres cultures susceptibles sont le canola, le radis noir (lo bok), le brocoli de Chine (gai lan), la moutarde rouge ou verte (gai choy), le navet comestible à fleurs (yow choy), le chou de Chine (siew choy) et le pak-choï à pétioles blancs (bok choy et pak choy). Des mauvaises herbes de la famille des crucifères peuvent également servir d’hôtes intermédiaires (moutarde des champs, radis sauvage, bourse-à-pasteur, tabouret des champs, lépidie densiflore et barbarée vulgaire).

Description et cycle biologique

La cécidomyie du chou-fleur adulte est une minuscule mouche brun clair (1,5–2 mm), difficile à distinguer des nombreuses autres espèces étroitement apparentées qui sont présentes en Ontario (figures 1 et 2). Dans les régions non réglementées, toute nouvelle occurrence doit être confirmée par un taxonomiste dûment qualifié.

Cécidomyie du chou-fleur adulte.

Figure 1. Cécidomyie du chou-fleur adulte. Source : Susan Ellis, USDA APHIDS PPQ, Bugwood.org.

Taille réelle de plusieurs stades de développement de la cécidomyie du chou fleur.

Figure 2. Taille réelle à plusieurs stades de dévéloppement de la cécidomyie du chou-fleur.

Les adultes de la première génération émergent au printemps, de la mi mai à la mi juin, avec un pic qui se produit généralement pendant la première semaine de juin (figure 4), et ils s'accouplent peu après.

Dès que la femelle a trouvé un hôte convenable, elle pond de 2 à 50 œufs, qu'elle dépose en grappes sur les tissus végétatifs en croissance active les plus jeunes, souvent à proximité du point végétatif (méristème apical). Chaque femelle pond une centaine d’œufs durant sa courte durée de vie (1–4 jours). Les œufs sont minuscules (0,3 mm); ils sont transparents au moment de la ponte, puis deviennent blanc crème juste avant l’éclosion (figure 3).

Oeufs de cécidomyie du chou-fleur.

Figure 3. Oeufs de cécidomyie du chou-fleur Source : Steve Marshall, Université de Guelph.

Les adultes (d'une longueur de 1,5 à 2,0 mm) sortent des cocons où ils ont passé l'hiver de mai à juin et s'accouplent dans les huit à dix heures qui suivent. Les femelles pondent de 2 à 50 œufs (d'une longueur de 0,3 mm) regroupés en grappes. Une même femelle peut produire jusqu'à 100 œufs. Dans un délai de un à trois jours, les larves translucides de premier stade éclosent (longueur de 0,3 mm). Au fur et à mesure qu'elles se développent et muent, elles deviennent plus foncées et prennent une teinte jaune avant d'atteindre une taille de 3 à 4 mm. Dix à 12 jours après leur dernière mue, elles tombent des plantes sur le sol et deviennent des pupes (d'une longueur de 2-4 mm). La plupart de celles ci se trouvent dans la couche supérieure de 1 à 2 cm de sol. Le stade de la pupe se termine par la sortie d'un adulte qui commence un nouveau cycle. En Ontario, on compte quatre ou cinq générations par saison, de mai à octobre.

Figure 4. Le cycle biologique de la cécidomyie du chou-fleur dure de 21 à 44 jours par génération.

Après 3 jours, les larves éclosent et commencent à s'alimenter des tissus végétaux. Ce sont de petits asticots transparents grégaires qui, à leur naissance, ont une longueur de 0,3 mm, et qui se nourrissent généralement en groupes près du point végétatif. Selon les conditions climatiques, elles peuvent atteindre leur plein développement en 7 à 21 jours. À maturité, elles sont jaune citron et visibles à l’œil nu (3 à 4 mm de long) (figure 5).

Selon des recherches effectuées en Ontario, il y aurait un chevauchement de quatre à cinq générations. Les individus du stade pré-pupe de la dernière génération de la saison entrent en diapause, hivernent dans des cocons dans le sol et terminent leur pupaison le printemps suivant; certains peuvent toutefois passer un second hiver avant de devenir adultes. Les adultes de la cécidomyie du chou fleur peuvent être présents jusqu'au début octobre, et les larves peuvent se trouver sur les plantes jusqu'à la mi octobre. Les adultes ne volent pas sur de grandes distances, mais ils parcourent parfois plusieurs centaines de mètres, ce qui leur permet de passer d’un champ déjà infesté à un autre.

Larves à maturité sur un chou rouge.

Figure 5. Lavers à maturité dur un chou rouge.

Les larves ont besoin d’un milieu humide. Durant les périodes de sécheresse, elles peuvent entrer en dormance et ne reprendre leur croissance qu'après une pluie ou une période d’irrigation. À maturité, elles tombent ou « sautent » sur le sol, où elles creusent un tunnel pour tisser leur cocon et amorcer leur pupaison. La plupart des cocons se situent dans le premier centimètre de sol. Les adultes en sortent au bout de 7 à 14 jours selon les conditions climatiques.

Pétioles renflés et déformés.

Figure 6. Pétioles renflés et déformés.

Chou vert borgne présentant de multiples pousses latérales, des cicatrices brunes et une infection bactérienne secondaire.

Figure 7. Chou vert borgne présentant de multiples pousses latérales, des cicatrices brunes et une infection bactérienne secondaire.

Diagnostic d’infestation de cédidomyie du chou-fleur

On peut confondre une infestation de cécidomyie du chou-fleur avec d’autres types de problèmes fréquents dans les champs de crucifères : carence en molybdène, lésions causées par les herbicides hormonaux, variabilité génétique des semences, stress dû à la chaleur (montée à graines) ou dommages produits par le gel (inflorescence prématurée). Lorsqu'on a trouvé une plante suspecte, bien examiner les parties récemment formées pour y déceler la présence de larves. Celles ci sont visibles à l’œil nu ou à la loupe. Si l’on ne trouve aucune larve, placer les tissus suspects dans un sac de plastique noir qu'on laisse au soleil pendant plusieurs heures. Sous l’effet de la chaleur, les larves quitteront la plante et seront faciles à voir sur le plastique noir.

Les signes d’infestation sont le résultat immédiat de l’alimentation des larves. Elles produisent une sécrétion qui dégrade les parois des cellules végétales, puis elles se nourrissent du contenu liquide de celles ci. Il en résulte une modification de la physiologie de la plante, dont les pétioles et autres tissus peuvent être renflés, déformés et tordus (figure 6). La mort de la tige principale ou du point végétatif peut produire un chou borgne (figure 7).

Feuilles intérieures d'un chou vert chiffonnées.

Figure 8. Feuilles intérieures d’un chou vert chiffonnées.

Plant de chou à pommes multiples.

Figure 9. Plant de chou à pommes multiples.

Les feuilles intérieures de la pomme deviennent chiffonnées et froissées (figure 8). Les boutons floraux restent fermés et deviennent renflés. Les pommes sont déformées, asymétriques et disjointes. On remarque souvent des cicatrices brunes liégeuses le long des pétioles et des tiges (figure 7). Si la tige principale est détruite, il peut y avoir production de tiges secondaires, ce qui donne un plant à tiges multiples ou à pommes multiples (figure 9).

Les infections bactériennes secondaires sont fréquentes (figure 7). La gravité des dommages est directement liée au stade de croissance de la culture au moment de l’attaque. Si l’infestation survient au stade de plantule ou de plant prêt à la mise en place au champ, il apparaît une galle au point végétatif (figure 10), de sorte qu'il n'y aura aucun rendement commercialisable; par contre, si l’infestation est récente ou légère, le plant peut être exempt de tout symptôme.

Galle sur un jeune plant.

Figure 10. Galle sur un jeune plant.

Surveillance et dépistage

Pour ce qui est de la surveillance, ce sont les pièges à phéromones de cécidomyie du chou fleur vendus dans le commerce qui donnent les meilleurs résultats. Ils contiennent une phéromone sexuelle qui attire les mâles de cette espèce. Des recherches effectuées en Ontario montrent que ce sont les pièges blancs Jackson qui sont les plus efficaces pour capturer les cécidomyies du chou fleur. Il doivent être suspendus à des piquets, le fond du piège étant à 30 cm au dessus du sol. Ne pas les placer plus haut parce que ces insectes restent assez bas pendant le vol. On attache l’appât à phéromone à un morceau de carton, qu'on peut agrafer à l’intérieur du couvercle du piège proprement dit. Ce dispositif fonctionne pendant environ quatre semaines. Placer trois à quatre pièges par champ, espacés d’au moins 50 m. On peut les installer vers le milieu du champ ou dans les quelques premières rangées pour faciliter la surveillance. Afin d’optimiser le moment des épandages d’insecticide, compter les individus capturés dans les pièges deux ou trois fois par semaine.

Lutte

La cécidomyie du chou fleur est un ravageur qui n'est pas près de disparaître. Une fois installé sur une ferme, il est pratiquement impossible à éliminer. Aucune stratégie de lutte ne permet d’obtenir une maîtrise parfaite de ce grand ravageur. Cependant, avec des pratiques de gestion qui incluent l’ensemble des techniques culturales et de bonnes pratiques de traitement chimique, il est possible de tenir les populations en échec et d’éviter ainsi des pertes économiques importantes. À eux seuls, les insecticides ne permettent pas une maîtrise suffisante des populations modérées à élevées de cécidomyie du chou fleur.

Assainissement des serres

  • Toujours commencer avec des plants à repiquer exempts de cécidomyie du chou fleur. Ce ravageur se propage souvent à de nouvelles régions par le transport de jeunes plants en provenance de zones infestées. S'approvisionner auprès de sources fiables et ne pas introduire de plants infestés dans des zones exemptes de cet insecte.
  • Dans les régions touchées, les producteurs devraient assainir leurs serres et traiter les plants à repiquer avec un insecticide. Le traitement par mouillage des plants à la serre à l’aide d’insecticides systémiques peut offrir une protection de plusieurs semaines sur le terrain. Pour des recommandations spécifiques concernant les pesticides, voir la publication 363F du MAAARO, Recommandations pour les cultures légumières.

Rotation des cultures

  • La rotation des cultures est la méthode la plus efficace pour réduire les populations de cécidomyie du chou fleur sur le terrain. Comme cette espèce produit plusieurs générations par saison et a un fort potentiel reproducteur, les populations peuvent se multiplier très rapidement si leur plante hôte est cultivée en continu. Lorsque les larves hivernent en grand nombre, il est difficile de lutter contre elles au cours de la saison suivante.
  • La cécidomyie du chou fleur peut survivre dans le sol pendant deux ans ou plus, et il est donc essentiel d’effectuer des rotations sans crucifères (et sans aucune autre culture de la famille des brassicacées). Comme certains individus passent plus d’un hiver dans le sol, on recommande une rotation de trois ans (une année de crucifères suivie de deux années de cultures autres que des crucifères). Les populations de cécidomyies qui hivernent sont généralement beaucoup plus nombreuses dans les champs de brocolis que de choux. Par conséquent, au moment de planifier les rotations, faire suivre une culture de brocolis par une culture de non crucifères pour réduire ou prévenir la multiplication de ce ravageur. La rotation permet de priver la cécidomyie de sa plante hôte et constitue une méthode de prévention efficace et écologique.
  • Les individus issus des cultures de l’année précédente peuvent constituer une menace pour les champs de crucifères voisins, et ce, pendant toute la saison. À partir de leur lieu d’hibernation, les mâles peuvent parcourir au vol au moins 300 m, et les femelles parcourent la même distance, sinon plus, pour trouver des plantes hôtes sur lesquelles elles pourront pondre. Par conséquent, partout où cela est possible, placer les nouvelles cultures de crucifères à au moins un kilomètre des champs où se trouvaient des crucifères l’année précédente, le canola y compris.

Choix des cultures

  • La cécidomyie du chou fleur s'attaque à la plupart des espèces de la famille des brassicacées, les dommages les plus importants ayant été enregistrés dans les cultures de chou cavalier, de brocoli, de brocoli de Chine (gai lan), de chou de Bruxelles, de chou fleur et de chou chinois (choy sum). Selon les cultivars, il existe de grandes différences de sensibilité à ce ravageur. Effectuer de petits essais pour évaluer leur sensibilité, et consulter les spécialistes du MAAARO sur le choix des cultivars.

Assainissement des champs

  • Des mauvaises herbes de la famille des crucifères peuvent également servir d’hôtes (tabouret des champs, moutarde des champs, radis sauvage, bourse-à-pasteur, lépidie densiflore et barbarée vulgaire); en l’absence de cultures de crucifères ou de canola, elles peuvent donc constituer des réservoirs pour les populations de cécidomyies du chou fleur.
  • Des essais de travail du sol indiquent que l’émergence de ce ravageur est facilitée par le labour en profondeur. Par conséquent, on ne recommande pas aux producteurs des régions touchées d’employer cette méthode au printemps.
  • En quittant un champ infesté, laver les bottes et le matériel pour les débarrasser de toute trace de terre; en effet, les pupes transportées avec la terre peuvent être la source de nouvelles infestations. Prendre toutes les précautions possibles pour éviter de propager la cécidomyie du chou fleur dans les zones où elle est absente.

Dates de mise en terre et de récolte

  • La mise en terre uniquement de cultures de crucifères de début de saison est une autre stratégie de prévention qui permet de réduire les dommages et la croissance des populations. Les dommages seront moins graves si la mise en terre est effectuée au début de juin, avant l’émergence des adultes, que si elle a lieu plus tard. En évitant les cultures de fin de saison, on réduit également la taille des populations hivernantes présentes.

Moment du traitement à l’insecticide

  • Comme cet insecte produit plusieurs générations par saison, il est probable que plusieurs applications d’insecticides seront nécessaires. À partir de pièges à phéromones (Jackson), on a établi des seuils d’intervention qui permettent de lutter efficacement contre la cécidomyie du chou fleur avec moins d’insecticides qui si l’on traitait à date fixe. Pour le chou, on recommande un seuil d’intervention de cinq à dix mâles par piège par jour (surveillance tous les deux à quatre jours). Pour le brocoli, dans les régions où les populations de cécidomyie sont faibles, on recommande un seuil d’un mâle par piège par jour. Pour le brocoli, dans les régions où les populations de cécidomyie sont élevées, un seuil de un à cinq mâles par piège par jour pourrait donner de bons résultats, mais il n'a pas été démontré que cette méthode était plus efficace que les traitements hebdomadaires. Effectuer le traitement aussitôt que possible après que le seuil a été atteint. Selon l’efficacité résiduelle des produits homologués, il peut ne pas être nécessaire de traiter chaque fois qu'on atteint le seuil d’intervention. On trouvera l’information sur l’efficacité résiduelle des pesticides homologués dans la publication 363F du MAAARO Recommandations pour les cultures légumières.
  • Employer différents insecticides en alternance pour éviter l’apparition d’une résistance.

Remerciements

Nous remercions le Groupe de travail international sur la cécidomyie du chou fleur de l’information et du soutien qu'il nous a fournis; ce groupe comprend des représentants des organismes suivants :

  • Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario
  • Départements de biologie environnementale et de productions végétales, Université de Guelph
  • New York State Agricultural Experiment Station, Cornell University
  • Cornell Cooperative Extension
  • Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec
  • Agence canadienne d’inspection des aliments
  • United States Department of Agriculture (USDA-APHIDS)
  • Station de recherche fédérale en horticulture de Suisse
  • Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité, France.

Autres sources

Pour obtenir des informations sur les exigences phytosanitaires provisoires, le Programme de certification visant la cécidomyie du chou fleur, les hôtes déclarés de ce ravageur ou la liste des régions réglementées au Canada, voir le site de l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Cette fiche technique a été rédigée par Jennifer Allen spécialiste des cultures légumières, MAAARO, Guelph; Hannah Fraser, chef de programme d’entomologie, horticulture, MAAARO, Vineland; et Rebecca Hallet, département de biologie environnementale, Université de Guelph.