Introduction

La moutarde des champs ou moutarde sauvage [Sinapsis arvensis (L)., Brassica kaber (DC.) L.C. Wheeler var. pinnatifida (Stokes) L.C. Wheeler] est une mauvaise herbe envahissante, indigène à la plupart des régions tempérées de l'Europe, de l'Asie Mineure, de l'Asie du Sud-Ouest et de l'Afrique du Nord. Elle a été introduite en Amérique du Nord. On la retrouve maintenant dans toutes les provinces canadiennes de même que dans le district de MacKenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest. En Ontario, la moutarde des champs est commune dans les champs cultivés, les jardins, les pâturages, les rives de cours d’eau, les bords de route et les friches (figure 1).

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Figure 1. Infestation grave par la moutarde des champs peu après qu’un sol ait été remué.

Elle constitue un problème majeur pour la culture du canola et des céréales de printemps. Cette mauvaise herbe réussit à bien concurrencer les plantes cultivées en leur disputant lumière, eau et éléments nutritifs. Elle y parvient, grâce à la germination de sa graine et à la croissance rapide des jeunes plantules par temps frais en automne et au printemps. Les populations de moutarde des champs qui ne sont pas tenues en échec durant la saison de croissance peuvent occasionner une baisse du rendement de la culture et de la qualité du grain récolté.

Description

La moutarde des champs est une plante annuelle à port dressé. La plantule présente des cotylédons larges, en forme de haricot sec et à la pointe renfoncée (figure 2). Les plantes plus âgées ont des feuilles alternes, légèrement velues, surtout sur les nervures de la face inférieure. Les feuilles du bas ont généralement un pédoncule, des lobes échancrés avec un grand segment terminal et quelques lobes latéraux plus petits (figure 3). Les feuilles du haut sont sessiles (sans pédoncule); elles ne sont généralement pas découpées, mais plutôt grossièrement dentées. La hauteur de la plante varie de 30 à 100 cm et la tige peut être simple ou très ramifiée. Les tiges, vertes ou violacées, sont ordinairement couvertes de poils hérissés dirigés vers le bas, surtout à leur partie inférieure. Les fleurs, qui apparaissent en petits groupes aux extrémités des ramifications, s'allongent à mesure que les cosses se développent.

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Figure 2. Plantule de moutarde des champs. Noter les grands cotylédons en forme de haricot et à la pointe renfoncée.

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Figure 3. Jeune plant de moutarde des champs. Remarquer les feuilles du bas profondément lobées, avec un grand segment terminal et des lobes latéraux plus petits.

Les fleurs, d'un jaune vif, ont environ 1,5 cm de diamètre et comportent 4 petits sépales, 4 pétales disposés en croix, 4 grandes étamines et 2 petites (6 au total), et un pistil mince. Les tiges florales (ou pédoncules) sont minces et courtes (3–5 mm); elles épaississent quand les cosses se développent, mais ne s'allongent pas. Les cosses, qu'on appelle siliques, font 3–5 cm de long; elles sont en général glabres et montrent souvent des côtes très prononcées sur la longueur; elles sont dressées et serrées contre la tige, ou encore divergentes (figure 4). Chacune des cosses a un bec terminal aplati représentant un tiers de la longueur totale de la cosse. Ce bec contient 1 ou 2 graines à la base, tandis que la section principale de la cosse en renferme plusieurs qui se trouvent libérées quand les deux sections de la cosse se séparent à partir de la base et tombent complètement. Il est facile de confondre la moutarde des champs avec d'autres types de moutarde annuelle à fleurs jaunes, mais elle est la seule

  • à avoir 1 ou 2 graines dans le bec terminal aplati, en plus des graines de la cosse,
  • dont le pédoncule de la cosse est court et presque aussi gros que celle-ci (figure 5).

Les cosses mûres restent normalement intactes jusqu'à la récolte. Les graines de moutarde des champs sont sphériques, avec un diamètre de 1,5 mm; noires ou violacées, elles paraissent réticulées sous fort grossissement. La moutarde des champs ne se reproduit que par graines et il faut 2 ½–3 mois pour que la graine devienne une plante adulte.

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Figure 4. Moutarde des champs en fleurs. Noter les fleurs jaune vif et les cosses (siliques) en cours de développement.

La moutarde des champs contient 10–18 graines par cosse et 2000–3500 graines par plante. Les opérations culturales peuvent provoquer l’éclatement des cosses. De grandes quantités de graines se répandent alors sur le sol ou risquent d'être transportées par la machinerie dans d'autres champs ou de contaminer les semences de plantes fourragères ou les grains de céréales. Certaines graines de moutarde des champs sont capables de germer dès leur maturité, mais elles sont tout aussi capables de survivre dans le sol jusqu’à 60 années, surtout si elles sont enfouies assez profondément. Compte tenu de cette longévité, il est indispensable de combattre cette mauvaise herbe et de réduire au minimum la quantité de graines qui retournent dans le sol, afin de limiter les pertes de rendement pour l'année en cours et pour celles à venir.

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Figure 5. Cosse de moutarde des champs. Noter que le tiers extérieur est une sorte de bec aplati et que le pédoncule est court et presque aussi gros que la cosse elle-même.

Importance économique

La moutarde des champs est une mauvaise herbe préoccupante sur les terres cultivées. Elle entraîne des chutes de rendement et de qualité et requiert une lutte chimique et culturale très coûteuse. Le colza de printemps, par exemple, peut subir une baisse de rendement de 20 % à cause de la moutarde des champs, même à raison de 10 plants au mètre carré. La présence de graines de moutarde des champs dans une récolte de canola provoque une perte de qualité de l'huile et du tourteau de canola. Comme la graine de moutarde des champs a la même forme et la même taille que la graine de canola, il est impossible de les séparer par des méthodes traditionnelles, si bien que le producteur risque de recevoir un prix bien moindre pour sa récolte. La graine de canola est classé Canada No 1, 2, 3 ou Déclassé (Sample Reject), selon sa qualité d'ensemble et son degré de contamination. Si le grain récolté se trouve classé 2 au lieu de 1, le prix chute de 12 %, et il chute encore de 22 % si le classement qui contient seulement 5 % de moutarde des champs est identifié comme Déclassé, ce qui réduit le prix total payé descend à 3. Pour la catégorie Déclassé, la diminution supplémentaire est de 19 %. Un lot de graines de canola au producteur de 53 %. Un tel niveau de contamination correspond à une infestation d'environ 20 plants au mètre carré. On a constaté qu'une infestation dense de moutarde des champs dans les céréales de printemps peut réduire le rendement du blé de 53 %, celui de l'avoine de 63 % et celui de l'orge de 69 %.

La moutarde des champs est appétente pour les animaux quand la plante est jeune, mais la graine ingérée en grandes quantités risque de causer des désordres graves chez le bétail. L'empoisonnement par la graine de moutarde des champs présente les symptômes d'une gastro-entérite grave due à des toxines telles que l'allylisothiocyanate, la sinapine et la sinalbine. Les symptômes (fortes douleurs, salivation, diarrhée et irritation de la bouche) peuvent se manifester peu après l'ingestion d'une quantité toxique de graine et la mort peut s'ensuivre.

La moutarde des champs sert d’hôte intermédiaire pour de nombreux insectes, nématodes, champignons, virus et bactéries qui attaquent les plantes cultivées, notamment celles de la famille des Crucifères, dont les membres les plus importants sont le brocoli, le chou-fleur, le chou de Bruxelles et le chou ordinaire.

La moutarde des champs a aussi de bons côtés. Ses fleurs sont une source importante de pollen et de nectar, ce qui les rend utiles à tous les insectes pollinisateurs. En Europe, elle est parfois employée comme légume en feuilles et l'huile extraite de sa graine est utilisée dans la fabrication du savon, pour la cuisson et comme lubrifiant.

Lutte

Étant donné que la moutarde des champs est une plante annuelle qui ne se reproduit que par graines, on peut la détruire par sarclage quand les plants sont jeunes. Cependant, la graine germe à peu près en même temps que celle des plantes cultivées que l'on sème au printemps, si bien que le sarclage est souvent impossible. Si c'est le cas, ou si l'on préfère employer des méthodes chimiques, on choisira parmi les traitements recommandés dans la publication 75F du MAAO, Guide de lutte contre les mauvaises herbes.

Pour détruire la moutarde des champs, on fait appel aux herbicides appartenant aux groupes chimiques des sulfonylurées (chlorimuron, éthametsulfuron, nicosulfuron, thifensulfuron-méthyl), de l’imidazolinone (imazéthapyr, imazamox), des triazolopyrimidines (flumetsulam), des triazines (atrazine, cyanazine, simazine, métribuzine), à des herbicides renfermant des composés phénoxylés, des urées substituées (linuron, monolinuron, métobromuron), de la bentazone ou des benzonitriles (bromoxynil), ou à des mélanges en cuve de ces produits. Consulter la publication 75F pour connaître le dosage spécifique des herbicides, les mélanges commerciaux enregistrés, l’époque et le mode d'application.

Si la moutarde des champs affecte une culture de canola de printemps, utiliser de l’éthametsulfuron-méthyl ou une variété de canola qui est résistante à la triazine. Il est ainsi possible de combattre chimiquement la moutarde sans endommager la culture.

On a signalé des cas isolés de moutarde des champs résistante à la triazine dans les comtés de Glengarry, Peel et Huron. Les personnes qui pensent avoir trouvé de la moutarde des champs qui soit résistante à la triazine sont invitées à contacter le spécialiste en grandes cultures du bureau du MAAO le plus proche, ou à envoyer un spécimen de plante à la Clinique de diagnostic phytosanitaire, Division des services de laboratoire, Université de Guelph, 95 ch. Stone Ouest, Guelph (Ontario) N1H  8J7, pour qu'on leur recommande une autre méthode de lutte. Afin de retarder aussi longtemps que possible l’apparition de résistances aux herbicides, il est conseilléde ne pas utiliser année après année des herbicides ayant le même mode d’action. Employer des mélanges en cuve de matières actives ayant des modes d’action différents. Se référer à la publication 75F pour plus de renseignements sur la gestion de la résistance aux herbicides.

Nous remercions le Secrétariat d’État pour sa contribution financière à la réalisation de la présente fiche technique.