À partir de mars 2019, nous mettrons fin au Projet pilote portant sur le revenu de base. En savoir plus.

Lettre d’accompagnement et résumé des recommandations

Le 31 août 2016

L’honorable Kathleen Wynne
Première ministre de l’Ontario

L’honorable Dre Helena Jaczek
Ministre des Services sociaux et communautaires

L’honorable Chris Ballard
Ministre responsable de la Stratégie de réduction de la pauvreté

Édifice de l’Assemblée législative, Queen’s Park
Toronto (Ontario)
Canada M7A 1A1

Madame la Première Ministre, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Permettez-moi de vous présenter À la recherche d’une meilleure solution, un document de travail sur un Projet pilote portant sur le revenu de base. Vous y trouverez ce que je crois être les étapes à suivre idéalement pour l’organisation, la planification, l’administration et la conception de ce Projet pilote.

Le document détaille les raisons qui sous-tendent les recommandations résumées à l’annexe A. Son contenu est le reflet de mon opinion, et non de celle du Collège Massey, qui a bien voulu m’accorder le temps dont j’avais besoin pour préparer ce rapport.

Je tiens à vous remercier de m’avoir accordé le privilège de vous conseiller relativement à cet important engagement annoncé dans le budget de l’Ontario publié en mars 2016.

De nombreux groupes directement concernés par notre expérience avec la pauvreté, et possédant d’importantes compétences en recherche, m’ont aidé de bien des façons dans la préparation de ce document de travail. Votre personnel, et celui de vos ministères, font partie des personnes qui ont répondu rapidement et avec professionnalisme à toutes mes demandes d’information. Et c’est sans compter les fonctionnaires des différents ministères fédéraux et de Statistique Canada, qui se sont montrés très avenants et utiles.

Je souhaite que ce document de travail soit pour vous et votre gouvernement le point de départ d’une consultation très fructueuse. Cette consultation vous sera certainement très utile lorsque vous et vos collègues devrez déterminer la meilleure voie à suivre pour mettre en œuvre ce courageux et impressionnant projet pilote annoncé dans le dernier budget.

Je vous adresse mes meilleurs vœux de réussite,

Veuillez agréer, Mesdames, Monsieur, mes salutations distinguées,

L’honorable Hugh D. Segal, C.M.

Maître, Collège Massey

Résumé des principales recommandations

Considérations générales

  • Le projet pilote se doit d’abord de saisir les coûts de la pauvreté, en tenant compte non seulement des prestations d’aide sociale et d’invalidité actuelles, mais également des pressions additionnelles qu’elle exerce sur notre système de santé et sur l’économie de l’Ontario en général, étant donné son incidence sur la productivité économique et les revenus existants du gouvernement.
  • Il doit prendre en considération la façon dont le Régime de revenu annuel garanti, établi en Ontario au milieu des années 1970 à l’intention des résidents de plus de 65 ans, a permis de réduire radicalement la pauvreté dans la population de cette tranche d’âge. Ce régime a pavé la voie au Supplément de revenu garanti fédéral dont peuvent bénéficier tous les résidents canadiens âgés de plus de 65 ans.
  • L’objectif principal d’un Projet pilote portant sur le revenu de base devrait consister à faire l’essai d’une mesure qui remplacerait les pratiques de surveillance et de contrôle qui caractérisent le programme Ontario au travail et le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) par un revenu de base légèrement plus généreux que recevraient automatiquement les personnes vivant sous un certain seuil de revenu. Un revenu de base serait-il plus efficace pour lutter contre la pauvreté, encourager le travail, réduire la stigmatisation, améliorer les résultats en matière de santé et accroître les chances qu’ont les bénéficiaires de vivre mieux?
  • L’Ontario ne devrait pas copier les projets pilotes similaires entrepris dans d’autres démocraties, comme la Finlande et les Pays-Bas. La Province devrait plutôt faire l’essai d’autres mesures, afin d’obtenir le plus de données diverses possible qu’elle tirera de tels projets.
  • Le projet pilote devrait être structuré de façon à mesurer l’incidence d’un revenu de base sur la situation budgétaire nette de la Province, le marché du travail/les comportements au travail, les résultats en matière de santé et de scolarité, la sécurité alimentaire, la mobilité et le logement, et les résultats économiques et communautaires nets des régions ciblées par le projet.
  • Le projet pilote devrait tenir compte des importantes nouvelles démarches entreprises en Ontario pour réduire la pauvreté, comme la Prestation ontarienne pour enfants (POE), les augmentations du salaire minimum et les changements constructifs apportés à l’aide financière aux étudiantes et étudiants, pour ne nommer que celles-là.
  • L’âge d’admissibilité pour le projet pilote devrait se situer entre 18 et 65 ans.footnote 1
  • Bien que cela n’entre pas dans le mandat du projet pilote mené en Ontario, il est néanmoins recommandé que le gouvernement fédéral considère la possibilité de faire équipe avec toute province qui songe à mettre en œuvre un projet pilote sur le revenu de base. Cette recommandation est motivée par le rôle central que des organismes fédéraux, comme l’Agence du revenu du Canada (ARC), Statistique Canada, Emploi et Développement social Canada et autres, peuvent être appelés à jouer dans tout projet pilote provincial. Comme on l’a constaté récemment avec les discussions entourant le Régime de retraite de la province de l’Ontario (RRPO) et le Régime de pensions du Canada (RPC), un engagement provincial-fédéral constructif pourrait bien faciliter une action nationale efficace en matière de réduction de la pauvreté.

Organisation du Projet pilote portant sur le revenu de base

  • La légitimité du projet pilote serait plus grande si le projet était administré par un consortium indépendant d’organismes de recherche sans but lucratif. Différents organismes au Canada et en Ontario, rattachés ou non à une université, possèdent l’expérience, l’expertise et les compétences professionnelles requises pour s’acquitter efficacement de cette tâche.
  • Les ministres devraient nommer deux groupes clés pour guider le projet pilote et le superviser.
    • Le premier groupe devrait consister en un Conseil consultatif du Projet pilote portant sur le revenu de base, qui aurait pour fonction principale de guider et de superviser le projet pilote. Ce Conseil se réunirait tous les trimestres et il compterait au plus 35 personnes dont la participation, une fois établie, ne pourrait être transférée. Le Conseil devrait être constitué de personnes ayant une expérience pratique de la pauvreté, de membres des Premières Nations et de représentants d’organismes communautaires œuvrant parmi les pauvres, du secteur public, des syndicats, d’associations d’entreprises, des municipalités, de praticiens du secteur de la santé et d’organismes de santé, d’associations agricoles, du ministère des Finances (MFO) et du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD).
    • Le deuxième groupe devrait être un groupe de recherche qui aurait la responsabilité de mener le projet pilote. Ce groupe devrait être dirigé par un chercheur expérimenté et estimé. Des représentants d’organismes sans but lucratif, comme l’Institut de recherche en services de santé (IRSS), la Société de recherche sociale appliquée (SRSA), les universités et les départements universitaires et Statistique Canada, devraient être invités à se joindre à ce groupe.
  • Ces deux groupes devraient déléguer chacun deux représentants pour siéger à un petit comité directeur mixte. Un chargé de projet devrait également siéger à ce comité directeur. Le chargé de projet devrait être choisi en fonction des recommandations faites par les deux groupes, et par le secrétaire du Conseil des ministres.
  • Le gouvernement devrait également s’assurer qu’un conseiller en matière d’éthique et un agent des finances soient nommés pour faire partie de l’équipe de gouvernance du projet pilote. Ces deux personnes auraient respectivement pour fonction d’assurer la protection de la vie privée et des droits des participants, et la diligence et la probité financières du projet pilote.
  • Les principes directeurs clés du projet devraient comprendre ce qui suit :
    • Toute participation au projet est volontaire.
    • Personne ne verra sa situation se détériorer, pendant ou après le projet pilote, en raison de sa participation au projet.
    • Tous les renseignements personnels recueillis ou consultés par le groupe de recherche resteront confidentiels.
    • La population ontarienne aura accès de façon transparente à ces données réunies sous forme de résultats préliminaires, une fois qu’elles auront commencé à être divulguées.

Données probantes clés que le projet pilote devrait générer

  • La recherche sur l’incidence d’un revenu de base devrait cibler ce genre de résultats :
    • Effets du projet pilote sur la santé des participants, en comparaison avec les personnes vivant dans la pauvreté qui n’ont pas participé au projet. Les résultats mesurables devraient comprendre : le nombre de consultations en soins primaires (santé psychosociale, mentale et physique), le nombre de consultations en soins actifs/aux services des urgences, l’utilisation de médicaments sur ordonnance, les mesures de la santé en fonction de l’utilité, etc.
    • Choix de vie et de carrière faits par les participants pendant le projet pilote, notamment en matière de formation, de constitution d’une famille, de fertilité, de conditions de logement, de temps de parentage, etc.
    • Résultats sur l’éducation des participants et de leurs enfants. Les résultats mesurables devraient comprendre : l’achèvement des études secondaires, la nature et le nombre de cours suivis par les adultes, etc.
    • Comportement au travail, recherche d’emploi et situation d’emploi. Les résultats mesurables devraient comprendre : le nombre d’heures de travail rémunéré, le nombre d’emplois occupés, le revenu gagné sur le marché du travail, l’intensité et la durée des activités de recherche d’emploi, etc. La participation à l’économie souterraine devrait aussi être examinée.
    • Impact du projet pilote sur des aspects ciblés de la collectivité où il se déroule.
    • Frais administratifs ou économies directement liés au remplacement des prestations du POSPH et du programme Ontario au travail par un revenu de base pour les participants au projet pilote.
    • Changements dans la sécurité alimentaire pour les participants au projet pilote.
    • Perceptions en matière de citoyenneté et d’inclusion des participants.
    • Impact sur la mobilité et les conditions de logement.
    • Impact du revenu de base sur les participants relativement à leur attitude à l’égard de l’assurance-emploi, des prestations pour enfants provinciales et fédérales et des autres programmes sociaux.

Ce que le projet pilote devrait et ne devrait pas tester

  • Ce que le projet pilote devrait tester :
    • Le paiement d’un revenu de base en remplacement des prestations versées par le programme Ontario au travail et le POSPH.
    • Un impôt négatif sur le revenu, or un crédit d’impôt remboursable, qui fournirait à tous les bénéficiaires un supplément leur permettant d’atteindre 75 pour cent de la Mesure de faible revenu (MFR), quelle que soit leur situation d’emploi. Une personne célibataire inscrite au programme Ontario au travail, par exemple, verrait son soutien du revenu passer de plus ou moins 45 pour cent à 75 pour cent de la MFR, et recevrait un montant minimum d’environ 1 320 $ par mois, non imposable, tout en ayant la possibilité de gagner un revenu additionnel partiel en participant au marché du travail.
    • Un montant mensuel additionnel d’au moins 500 $ pour les personnes handicapées.
    • Un revenu de base qui ne serait pas assujetti aux règles limitant le revenu gagné et la participation au marché du travail, comme celles qui sont associées au programme Ontario au travail et au POSPH.
    • Dans un essai contrôlé randomisé (ECR) effectué dans un quartier ou une collectivité urbaine de grande taille, différents groupes devraient faire l’essai de niveaux de revenu de base différents (commençant à 75 pour cent de la MFR) et de différents taux d’imposition sur le revenu gagné en plus du revenu de base. La mise à l’essai de différents paramètres devrait permettre de déterminer les meilleures combinaisons de moyens pour réduire la pauvreté sans dissuader les gens d’essayer d’accroître leur revenu en participant au marché du travail.
    • Le projet pilote devrait comprendre également des sites de saturation où il serait possible de mesurer l’impact du revenu de base sur la collectivité. Idéalement, l’un de ces sites devrait se trouver dans le sud de l’Ontario, un autre dans le nord, et un site devrait être choisi et planifié en étroite collaboration avec les communautés des Premières Nations.
  • Ce que le projet pilote ne devrait pas tester :
    • Une approche de choc selon laquelle toutes les mesures de soutien social, y compris celles n’étant pas directement liées à la pauvreté, seraient remplacées par un seul chèque mensuel.
    • Une subvention démographique universelle en fonction de laquelle tous les adultes de l’Ontario, qu’ils vivent dans la pauvreté ou non, recevraient un montant fixe, imposé selon un généreux barème de l’impôt sur le revenu.

Mise en œuvre du projet pilote

  • Le projet pilote devrait comporter trois phases :
    1. Planification et sélection des sites où se déroulera le projet, obtention de l’autorisation des commissaires à la protection de la vie privée et des intendants d’actif informationnel d’accéder aux données existantes aux fins de l’évaluation des résultats du projet pilote, recrutement des chercheurs et des analystes, structuration de l’échantillon, recrutement des participants et obtention de leur consentement concernant l’accès à leurs données et dossiers administratifs.
    2. Paiement d’un revenu de base (pendant une période minimale de trois ans), collecte de données quantitatives et qualitatives par l’accès aux dossiers administratifs, à des questionnaires et à des entretiens, divulgation large et transparente des données réunies en résultats préliminaires.
    3. Évaluation des résultats du projet pilote par l’analyse des données, projection de résultats et de conséquences à long terme à l’aide de la microsimulation et d’autres outils d’analyse, évaluation des coûts et des bénéfices occasionnés par le remplacement du système d’aide sociale actuel par un revenu de base.

Prochaines étapes

  • Dans le cadre de la publication de ce document de travail, la Province devrait chercher à obtenir du public des suggestions et des recommandations.
  • Idéalement, la Province devrait entamer la phase 1 du projet pilote avant la fin de mars 2017.
  • La durée opérationnelle des trois phases du projet pilote devrait être fixée de façon à permettre le paiement du revenu de base pendant une période minimale de trois ans.
  • Dans les discussions avec le gouvernement fédéral portant sur les initiatives de réduction de la pauvreté, l’idée d’une initiative canadienne sur la recherche de données sociales devrait être explorée. Le Canada et l’ensemble des provinces profiteraient grandement d’une initiative issue d’un partenariat fédéral-provincial (comme dans le cas de l’Inforoute Santé du Canada et des Instituts de recherche en santé du Canada) qui permettrait d’accéder à des ensembles de données sociales intégrés. Ces ensembles de données sont nécessaires pour prendre des décisions éclairées en matière de politiques publiques, sociales et économiques. Ils seraient utilisés par les gouvernements de toute allégeance, aux paliers municipal, provincial et fédéral, ainsi que par le secteur privé et les organismes sans but lucratif.

Introduction

Dans le budget de l’Ontario de 2016, le ministre des Finances a annoncé la création d’un Projet pilote portant sur le revenu de base, qui vise à mettre à l’essai une nouvelle approche pour réduire la pauvreté de façon durable. Ce projet pilote « mettra à l’épreuve une opinion de plus en plus répandue, au pays comme à l’étranger, selon laquelle un revenu de base pourrait prendre appui sur le succès des politiques sur le salaire minimum et de la bonification des prestations pour enfants en offrant un soutien plus stable et plus prévisible dans le contexte du marché du travail dynamique actuel ».footnote 2

L’idée d’assurer aux personnes un revenu de base (revenu minimum, revenu garanti, etc.) comme moyen de réduire la pauvreté est présente dans de nombreux territoires depuis plusieurs décennies. Toutefois, la recherche sur la mise en œuvre et les implications de ce genre de politique est encore rare. Les données disponibles proviennent en grande partie des expériences menées avant les grands bouleversements qu’a connus le marché du travail dans des économies comme celle de l’Ontario.

Dans ce contexte, un projet pilote visant à étudier l’impact que pourrait avoir un revenu de base sur la vie et le bien-être des Ontariennes et des Ontariens permettra au gouvernement d’obtenir des données probantes pour répondre à des questions cruciales comme les suivantes :

  • Une politique de revenu de base peut-elle être une manière plus efficace, moins intrusive et moins stigmatisante d’offrir un soutien du revenu aux personnes qui vivent dans la pauvreté?
  • Une telle politique peut-elle favoriser le travail, réduire la pauvreté financière et le manque de temps disponible, et atténuer la marginalisation économique?
  • Un revenu de base pourrait-il réduire les pressions sur les coûts dans les autres postes de dépenses du gouvernement, par exemple dans le secteur de la santé?
  • Un revenu de base pourrait-il renforcer l’incitation à travailler, en aidant de façon responsable les personnes qui travaillent, mais qui vivent tout de même sous le seuil de la pauvreté?

L’objectif énoncé par le gouvernement de l’Ontario en 2016, celui de collaborer « avec les communautés, les chercheurs et d’autres intéressés afin de déterminer le meilleur moyen de concevoir et de mettre en œuvre un Projet pilote portant sur le revenu de base »footnote 3 se reflète dans le présent document de travail. Ce document n’a pas pour but de limiter les options ou le débat. Il vise plutôt à recommander quelques options constructives concernant la conception et la mise en œuvre d’un projet pilote, d’une manière qui encourage le débat et la franche discussion. L’engagement du gouvernement de soumettre ce document aux commentaires et au débat démontre bien sa volonté de travailler en collaboration avec l’ensemble de la collectivité.

Mon rôle est de conseiller le mieux possible la Province de l’Ontario, par l’intermédiaire de la première ministre, de la ministre des Services sociaux et communautaires et du ministre responsable de la Stratégie de réduction de la pauvreté, sur les objectifs, la gouvernance, la conception et la mise en œuvre du projet pilote. Il y a une distinction entre mon rôle de « conseiller spécial », qui n’appartient pas au gouvernement et donne des conseils en toute bonne foi, et celui des représentants élus qui doivent en fin de compte déterminer comment et à quel moment aller de l’avant avec le Projet pilote portant sur le revenu de base. Le présent document de travail respecte cette différence et se veut un document de nature purement consultative. C’est au gouvernement de l’Ontario qu’il revient de décider s’il y a lieu de mettre en œuvre le projet pilote et de déterminer quand et de quelle façon il le fera. Les commentaires du public joueront un rôle important dans la prise de décision ultime concernant le Projet pilote portant sur le revenu de base.

Ces commentaires refléteront sans doute l’ensemble des points de vue et couvriront tous les aspects du projet, allant de la méthodologie utilisée jusqu’au choix de l’échantillon de population. Je suis convaincu que des critiques constructives seront également émises par ceux qui se sont investis dans la dynamique et les règles et procédures du système d’aide sociale en place, et qui s’opposent au concept de revenu de base dans son entièreté.

Les conseils fournis dans le présent document de travail se concentrent sur les questions essentielles qu’il faut se poser concernant l’organisation et la mise en œuvre d’un projet pilote :

  1. Que faut-il mettre à l’épreuve dans un Projet pilote portant sur le revenu de base, et pourquoi?
  2. Quelle est la meilleure façon d’organiser et de structurer le projet pilote?
  3. Combien de temps devrait durer le projet pilote pour produire des données probantes qui éclaireront les futures politiques publiques élaborées par les gouvernements et les assemblées législatives?
  4. Quels « livrables » peut-on raisonnablement attendre d’un projet pilote bien organisé sur la question du revenu de base?

Pourquoi faut-il se préoccuper de la pauvreté? En quoi le projet pilote peut-il aider?

Au cours du dernier quart de siècle, aucun aspect de la politique publique, que ce soit dans le Canada urbain ou rural, n’a fait l’objet d’aussi peu de créativité et de courage de la part des gouvernements que celui de la pauvreté vécue par les adultes en âge de travailler. Bien que certaines coalitions et certains organismes sans but lucratif se soient montrés assez audacieux et créatifs dans le dossier de la réduction de la pauvreté, le système de mesures disparates et non coordonnées est toujours en place. Ce « système » continue de fonctionner en dehors d’une action gouvernementale concertée. Même si des fonds publics ont été dégagés à l’occasion pour remédier à la situation, les sommes consacrées à cette question sont généralement limitées et volatiles, et elles n’ont pas permis de mettre en place une aide systémique dans les collectivités. Souvent, le mieux que les organismes locaux peuvent faire est de soulager les symptômes de la pauvreté, sans disposer des moyens nécessaires pour s’attaquer de façon durable à la pauvreté elle-même. Tous comptes faits, les adultes en âge de travailler qui vivent dans la pauvreté n’ont pas profité de beaucoup d’originalité dans les mesures visant à réduire la pauvreté. Il est difficile de conclure que le soutien du revenu offert actuellement aux personnes vivant dans la pauvreté est adéquat, en dépit des améliorations apportées récemment par la Province.

Des progrès importants ont été réalisés dans les années 1970 pour réduire la pauvreté parmi les Canadiennes et les Canadiens âgés de 65 ans et plus. En Ontario, le gouvernement minoritaire Davis a bonifié le revenu à la retraite, notamment en créant le Régime de revenu annuel garanti pour les Ontariennes et les Ontariens de 65 ans et plus. Cette politique novatrice s’est ensuite répandue dans le reste du pays. Elle est devenue le Supplément de revenu garanti (SRG), qui fonctionne encore aujourd’hui comme un supplément aux prestations du Programme de la sécurité de la vieillesse (SV). Des améliorations ont également été apportées au Régime de pensions du Canada sous la gouverne des ministres des Finances fédéral et provincial Martin et Eves, suivis d’autres mesures dans les années 1990.

Des progrès ont également été réalisés au chapitre de la pauvreté des enfants. Les changements que le gouvernement Trudeau a apportés récemment aux prestations pour enfants ont valorisé le crédit d’impôt pour enfants négocié par les ministres Ecker (Ontario) et Martin (Canada), suivant une proposition du Caledon Institute sous les administrations Chrétien et Harris. L’Allocation canadienne pour enfants (ACE) qui en a résulté devrait avoir des répercussions considérables sur les familles canadiennes à revenu modique et moyen ayant des enfants.

Plus récemment, l’Ontario a pris d’autres mesures pour réduire la pauvreté, notamment en modifiant le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO) de manière à ce que les étudiants à faible revenu n’aient pas à payer de frais de scolarité, en augmentant le salaire minimum et en bonifiant la Prestation ontarienne pour enfants (POE). Pour les adultes en âge de travailler, toutefois, très peu de choses ont été mises en place au cours des dernières décennies, à l’exception des programmes d’aide sociale trop bureaucratiques existants. Les personnes qui n’étudient pas à temps plein, qui connaissent des épisodes de revenu inadéquat ou qui, dans certains cas, font partie d’un cycle intergénérationnel de marginalisation économique et sociale ne sont pas bien servies.footnote 4 Bien que les taux, les conditions et les règles associés aux programmes d’aide sociale actuels ne cessent de changer, la prémisse de base de ces programmes, dont l’admissibilité est « basée sur le jugement », demeure la même. Les bénéficiaires doivent prouver leur pauvreté pour être admissibles, et continuer de le faire pour conserver cette admissibilité. Ce processus de filtrage décourage les personnes, pénalise le travail et les économies, impose un fardeau dégradant sur les personnes qui reçoivent de l’aide sociale et sur celles qui les rencontrent en première ligne, et se révèle généralement humiliant.

Notre système d’aide sociale actuel impose des limites au progrès économique, empêchant bien souvent les bénéficiaires de participer à l’économie générale. Les fonctionnaires bien intentionnés et travailleurs des administrations provinciales, régionales ou municipales œuvrent au sein d’un système qui met autant (si ce n’est pas plus) l’accent sur la surveillance que sur l’aide et les conseils. Malheureusement, leur charge de travail ne leur laisse pas tellement d’autre choix. Malgré tous les efforts et le travail dévoué des personnes qui administrent et assurent la prestation des programmes d’aide sociale, 15,9 pour cent des adultes ontariens âgés de 18 à 64 ans vivaient dans la pauvreté (selon la MFR) en 2014. Ce pourcentage est demeuré relativement stable au cours des dernières années.footnote 5

Le système est tellement complexe qu’une vaste proportion de la population a de la difficulté à s’y retrouver. Bien que leur intention soit bonne, ni le programme Ontario au travail ni le POSPH ne permettent aux personnes de sortir de la pauvreté, selon les paramètres établis par le seuil de faible revenu (SFR), la mesure du panier de consommation (MPC) ou la MFR.footnote 6 Les limites imposées aux bénéficiaires relativement aux gains et aux actifs entravent leur capacité de développer leur résilience et de sortir d’une crise financière et personnelle permanente.

Les dommages qui sont ainsi causés aux chances d’épanouissement des êtres humains, aux collectivités, à la productivité et aux progrès sociaux et économiques sont évidents et ne peuvent être ignorés. La pauvreté est le meilleur prédicteur de maladie et d’hospitalisation prématurées, de plus longs séjours à l’hôpital et de décès prématurés.footnote 7 Elle est également un prédicteur fiable de toxicomanie, d’insécurité alimentaire, de faibles résultats scolaires et, dans certains cas, de problèmes avec la justice. Ainsi, indépendamment de la douleur, de la frustration et des fortes pressions qu’elle inflige aux personnes et à leurs familles, la pauvreté exerce également d’importantes tensions économiques et sociales sur les collectivités et leurs écoles, hôpitaux et systèmes policier et judiciaire, et affaiblit leur économie dans son ensemble. Le fait de réduire plus efficacement la pauvreté et ses effets négatifs présenterait un sérieux avantage pour le bien-être de toutes les personnes vivant dans une collectivité, sans égard à leur propre niveau de revenu ou de stabilité financière. Les mesures de réduction de la pauvreté constituent un solide investissement pour renforcer les familles, les collectivités et l’économie dans son ensemble, si elles sont mises en œuvre avec, à la fois, un souci de générosité et d’efficacité. De plus, en offrant automatiquement un revenu de base aux personnes qui tombent dans la pauvreté, peu importe le temps que cela dure, on pourrait contrer la tentation de s’engager dans l’économie souterraine, surtout si ce revenu de base ne décourage pas le travail légitime.

The Cost of Poverty,footnote 8 un rapport publié il y a huit ans par l’Ontario Association of Food Banks (OAFB), comportait quelques conclusions importantes :

  • La pauvreté frappe plus durement les Ontariennes et les Ontariens ayant un handicap, les nouveaux immigrants, les personnes monoparentales et les membres des Premières Nations.
  • Il existe un lien évident entre la pauvreté et une mauvaise santé, une productivité moindre et des résultats scolaires plus faibles.
  • Les gouvernements fédéral et provincial, en date de 2008, perdaient entre 10 et 13 milliards de dollars par année en raison des coûts sociaux de la pauvreté.
  • Toujours en date de 2008, chaque ménage de la province perdait en moyenne de 2 299 $ à 2 895 $ chaque année à cause du coût économique général de la pauvreté.
  • Au total, la pauvreté entraînait une perte d’activité économique et de productivité de 5,5 à 6,6 pour cent en date de 2008, pour un coût total se situant entre 32,2 et 38,3 milliards de dollars par année.

En résumé, la pauvreté nous concerne tous et elle coûte une somme astronomique à l’ensemble de la société.

De nombreuses analyses rigoureuses démontrent à quel point nos comptes publics et financiers échouent à refléter avec précision les véritables coûts économiques de l’inaction sur le front de la pauvreté. En réalité, les coûts de cette inertie montent en flèche. Le maintien ou l’augmentation des inégalités dans une société est toujours inutile et corrosif. Les sceptiques n’hésitent pas à critiquer le coût des investissements visant à améliorer le système de soutien du revenu pour qu’il soit plus généreux et pour qu’il soit plus facile d’obtenir de l’aide. Pour évaluer efficacement l’incidence de tels changements, il faudrait également mesurer à quel point ils réduiraient le fardeau financier que le niveau de pauvreté actuel impose à toute la population ontarienne. Près d’une décennie après la publication du rapport de l’OAFB, de nouveaux éléments de preuve laissent entrevoir que l’essai d’un programme de revenu de base pourrait fournir des réponses importantes à la question « Pourquoi faut-il se préoccuper de la pauvreté? »

  • La bonification de l’aide financière aux personnes âgées au milieu des années 1970, sous forme de supplément de revenu, a augmenté les choix qu’ils pouvaient faire concernant leur propre vie, et a favorisé une réduction de logements inadéquats. Cette mesure a aussi permis d’accroître la longévité, tout en retardant l’apparition de maladies débilitantes. Elle a amélioré la vie des bénéficiaires, ainsi que celles de leurs familles et de leurs collectivités. footnote 9
  • La recherche suggère également que les programmes de maintien du revenu, comme la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, sont associés à une réduction substantielle de la prévalence et de l’ampleur de la pauvreté parmi les personnes âgées. footnote 10 Ils sont associés également à une diminution de l’insécurité alimentaire (accès inadéquat, insuffisant ou incertain à la nourriture), et donc à une plus forte probabilité que les personnes âgées de l’Ontario et du Canada dans son ensemble se trouvent dans une catégorie de « sécurité alimentaire » plus solide. footnote 11 Il a été démontré que les risques d’insécurité alimentaire augmentaient à mesure que le revenu des ménages diminuait, indépendamment des autres facteurs (y compris l’emploi). footnote 12 L’insécurité alimentaire elle-même a été associée à des coûts de soins de santé plus élevés, même en tenant compte des autres facteurs de risques et caractéristiques.footnote 13
  • La recherche menée sur l’impact des transferts d’argent inconditionnels aux familles canadiennes suggère également qu’une amélioration du revenu a des effets positifs sur les résultats des enfants. Au Manitoba, un supplément financier modeste (d’un maximum de 81 $ par mois) versé aux femmes enceintes à faible revenu (l’allocation prénatale du Manitoba) a démontré récemment qu’il pouvait réduire considérablement la prévalence de bébés ayant un poids insuffisant à la naissance. Les futures mères ont largement dépensé cet argent pour se procurer des aliments plus sains, parmi d’autres nécessités, même si rien ne les obligeait à utiliser cet argent de cette façon.footnote 14 Une enquête sur la façon dont les familles à faible revenu dépensent l’argent qu’elles reçoivent grâce à la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et à la Prestation nationale pour enfants (PNE) en est arrivée à la même conclusion : les transferts d’argent sans condition sont généralement dépensés par les familles d’une manière plus susceptible d’améliorer les résultats de leurs enfants en matière de santé et de réussite scolaire. footnote 15

Voilà quelques exemples seulement de l’évidence empirique qui prouve que rien ne justifie vraiment l’allégation discriminatoire que les personnes à faible revenu ne sauront pas comment dépenser un revenu fiable (bien que modeste) avec sagesse. Dans une démocratie, où les droits et les possibilités sont supposés être les mêmes pour tous -- c’est du moins ce que proclament nos lois et politiques -- c’est certainement la forme de discrimination la plus injuste et insensible qui soit que de faire ce genre de présomptions dédaigneuses à propos des choix que pourraient faire les personnes à faible revenu qui recevraient un revenu de base.

Perspectives d’avenir d’un revenu de base

Il est important de garder les choses dans leur contexte quand on examine les perspectives d’avenir d’un revenu de base.

  • Il existe une très nette différence entre un système d’aide sociale qui se caractérise par des critères d’admissibilité très rigides (et par l’application et la surveillance de ces critères) et un système de virements automatiques pour les personnes vivant sous un seuil de revenu. Le premier parle d’efficacité dans l’administration de l’aide sociale, plutôt que d’amélioration et de protection de la dignité humaine. Le deuxième est associé à la capacité des personnes de faire leurs propres choix concernant leur propre vie.
  • La pauvreté financière chez les personnes est souvent associée à un manque de temps disponible. Ces personnes se démènent au quotidien pour survivre et satisfaire les besoins les plus essentiels, avec beaucoup moins de ressources qu’il n’en faudrait. Cette situation est dommageable pour les familles, les enfants et les relations. Livré de façon adéquate, un revenu de base pourrait avoir une incidence positive dans tous ces aspects.
  • Les déductions fiscales (qui sont en fait des dépenses fiscales) et les dépenses directes des gouvernements pour des investissements qui en valent la peine tendent à encourager ceux qui s’en sortent déjà raisonnablement bien d’un point de vue économique. Les dépenses du gouvernement pour des choses comme les déductions au titre du Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) (voir une liste partielle ci-dessous footnote 16) éclipseraient tous coûts additionnels occasionnés par un revenu de base raisonnable.
  • L’Ontario dépense environ neuf milliards de dollars par année pour le programme Ontario au travail et le POSPH, et c’est sans compter les coûts additionnels que la pauvreté occasionne pour les systèmes de santé, d’éducation et de justice. Les résultats du projet pilote devraient nous fournir de l’information sur les résultats relatifs d’un revenu de base qui remplacerait le programme Ontario au travail et le POSPH. Cette information permettra aux décideurs d’évaluer les gains en efficience légitimes réalisés grâce à un système de paiement automatique unique. Ils pourront également mesurer les effets bénéfiques relatifs d’un revenu de base sur la réduction de la pauvreté, et les économies réelles réalisées grâce à une amélioration des résultats en matière de santé (physique et mentale), d’éducation, de participation au marché du travail, de collectivité et de citoyenneté. Le projet pilote devrait également nous indiquer si un revenu de base peut s’appuyer sur d’autres initiatives du gouvernement, comme les augmentations du salaire minimum, les changements apportés au Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario et la Prestation ontarienne pour enfants, pour réduire substantiellement l’ampleur et l’incidence de la pauvreté en Ontario.

Se libérer de la dépendance au chemin emprunté

À titre de société moderne, démocratique, inclusive et économiquement productive, trouver une meilleure solution pour réduire la pauvreté de façon substantielle devrait être une priorité bien définie et permanente pour l’Ontario. Après avoir fait l’essai de différents bien que minimes changements relativement au système d’aide sociale au cours des dernières années et décennies, qui correspondaient bien souvent aux changements aux marges des programmes existants, il serait grand temps pour la Province d’évaluer les mérites d’une nouvelle façon d’améliorer les vies de ceux qui vivent dans le besoin.

La « dépendance au chemin emprunté » est une expression utilisée dans les politiques sociales et économiques pour témoigner de la tendance de la plupart des gouvernements à effectuer des changements qui suivent sensiblement le même cheminement pendant de longues périodes. Bien que la vitesse et les virages à droite ou à gauche puissent varier légèrement d’un gouvernement ou d’un ministre à l’autre, les changements de politique se font surtout dans un mouvement de va-et-vient qui suit toujours le même sillon. Bien que ce processus creuse le sillon de plus en plus profondément, et que le fonds du sillon s’éloigne sans cesse de la lumière du soleil, il est plus facile, d’un point de vue politique, de rester dans la même voie que d’essayer de trouver l’énergie nécessaire pour en sortir et explorer une nouvelle avenue. Le projet pilote serait l’occasion d’explorer une « nouvelle avenue » pour réduire la pauvreté, une avenue qui serait axée sur l’humanité, le respect de la vie privée et la dignité de tous les Ontariens, qu’ils soient riches ou pauvres.

S’il est possible de concevoir un revenu de base de telle sorte qu’il incite au travail, en réduisant les pires excès et les dispositions de récupération associés au piège de l’aide sociale, et qu’il confère aux personnes le droit et la dignité de faire leurs propres choix, sans égard à leur revenu, pourquoi ne pas tenter d’en mesurer les bénéfices et les coûts potentiels dans un projet pilote ciblé et cohérent? Le gouvernement de l’Ontario mérite toute notre admiration pour s’engager dans ce processus rationnel et raisonnable. Nous connaissons les coûts que la pauvreté représente dans la vie des gens, et nous savons en quoi elle limite les perspectives d’avenir et les possibilités. Nous savons également qu’un sentiment d’inégalité répandu, nuisible pour la cohésion sociale et l’espoir d’une véritable chance, est alimenté par un sentiment individuel de précarité économique, qui se développe quand les principaux programmes du filet de sécurité sociale ne sont pas assez souples ou suffisants pour éviter à la personne de tomber dans la pauvreté. Nous avons également la capacité de régler ce problème. Ces faits combinés créent un impératif économique, social et humain convaincant pour examiner la meilleure façon de procéder. Il ne peut, ni ne devrait, y avoir de garanties concernant les résultats que pourrait donner un projet pilote. L’objectif derrière cette démarche devrait être de générer des données probantes pour l’élaboration des politiques, sans a priori ou conclusions prédéterminées.

Cette initiative de l’Ontario arrive à un moment où d’autres territoires, au Canada et à l’étranger, cherchent par différents moyens à mettre en place un revenu de base pour mieux lutter contre la pauvreté. L’occasion d’apprendre de ces autres initiatives et d’échanger avec ces territoires ne doit pas être négligée, sans qu’il soit pour autant nécessaire de refaire les mêmes essais ici.

Peu importe le choix que fera l’Ontario, le gouvernement fédéral a une chance unique de faire équipe avec les provinces qui songent à implanter un projet pilote (et avec celles qui préféreraient le faire en partenariat avec Ottawa) pour effectuer une série de tests nationaux susceptibles de générer des données exploitables par tous les paliers de gouvernement. Nous pourrions également explorer davantage la manière dont un revenu de base pourrait interagir avec les mesures de soutien du revenu administrées par le gouvernement fédéral, et en particulier les crédits d’impôt non remboursables accordés aux particuliers et aux familles, voire même les remplacer.

Un projet pilote correctement conçu permettrait d’évaluer les coûts des différentes approches en matière de revenu de base, ainsi que les répercussions avec le temps sur le travail, la santé, les inscriptions aux études secondaires et postsecondaires et le taux de réussite, et les chances mesurables de « vivre mieux ». Un tel projet ouvrirait une fenêtre sur l’incidence d’un revenu de base sur les particuliers et sur les collectivités dans leur ensemble. Il permettrait d’examiner les liens entre un revenu de base et d’autres programmes et services. Il pourrait également contribuer à prévoir les coûts nets, les bénéfices et les rendements mesurables du remplacement du programme Ontario au travail et du POSPH, en comparaison avec les coûts d’un mécanisme de soutien du revenu inconditionnel plus simple et modestement plus généreux.

Activités similaires et connexes dans les autres territoires

Vaste appui aux projets pilotes sur le revenu de base

L’Ontario n’est vraiment pas le seul à chercher une meilleure solution pour réduire la pauvreté. Comme il a été mentionné, le gouvernement fédéral a mis en place une prestation pour enfants bonifiée en juillet 2016, avec l’objectif d’accroître de façon constructive le revenu des familles canadiennes avec enfants ayant un revenu modique ou moyen. De plus, le Comité des finances de la Chambre des communes a recommandé dans son rapport d’avant budget que le gouvernement du Canada aille de l’avant avec un projet pilote sur le revenu de base.footnote 17

Dans sa plus récente lettre de mandat, le gouvernement du Québec a demandé au ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale de moderniser les programmes de soutien du revenu et de chercher de nouvelles façons de réduire la pauvreté, y compris par la garantie d’un revenu de base. En août 2016, l’aile jeunesse du Parti libéral du Québec a sommé le gouvernement de mettre en place une garantie d’un revenu de base, en remplacement du système d’aide sociale actuel de la Province. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a entrepris un examen exhaustif du soutien social afin de chercher de meilleures façons d’éliminer les pièges de l’aide sociale et de mieux soutenir les travailleurs pauvres. Les maires de Calgary et d’Edmonton ont bien accueilli l’idée d’une garantie d’un revenu de base et des projets pilotes qui y sont associés, à l’exemple du ministre des Finances de l’Alberta. En août 2015, le Groupe consultatif sur la réduction de la pauvreté du gouvernement de la Saskatchewan a lui aussi recommandé de mettre en place un projet pilote sur le revenu de base.

En Ontario, différents organismes bien en vue ont également appelé à la mise en œuvre d’un projet pilote sur le revenu de base, y compris le sous-comité sur la pauvreté de l’Ontario College of Family Physicians, l’Association of Local Public Health Agencies (alPHa), l’Ontario Public Health Association, l’Ontario Mental Health and Addictions Alliance, la Société ontarienne des professionnel(le)s de la nutrition en santé publique et l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (RNAO), pour ne nommer que celles-là. Différents conseils municipaux ont adopté des résolutions favorisant un projet pilote sur le revenu de base.

Des institutions non gouvernementales au Canada se sont également prononcées en faveur d’un tel projet. Des organismes nationaux, comme Community Food Centres Canada, l’Association médicale canadienne (AMC), l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (ACTS) et l’Association canadienne de santé publique (ACSP) ont donné leur appui à un revenu de base. footnote 18 L’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) a récemment publié un rapport en appui à un revenu de base, dans lequel il explique comment un revenu de base permettrait de garantir que personne ne passe entre les mailles du filet. L’économiste en chef du Conference Board of Canada a lui aussi donné récemment son appui à un revenu de base, comme moyen efficace et intelligent de financer et d’offrir une aide sociale.

De l’autre côté de la frontière, le U.S. Basic Income Guarantee Network (USBIG Network) estime que les arguments pratiques pour l’adoption du revenu de base sont convaincants. D’après cet organisme, cela renforcerait la sécurité, simplifierait le système actuel et servirait de tremplin à la liberté et à la créativité. Dans le monde entier, des bénévoles, des chercheurs et des défenseurs de ceux qui vivent dans la pauvreté font depuis des années la promotion de l’idée d’un revenu de base, souvent par l’entremise de sections locales du réseau BIG au Canada et en Ontario.

L’intérêt suscité par les expériences sur le revenu de base a conduit à l’élaboration d’autres projets pilotes à l’étranger. En 2015, le gouvernement finlandais a promis 20 millions d’euros pour mener une expérience de deux ans sur le revenu de base dont les objectifs déclarés seraient de réduire les désincitations au travail, d’améliorer l’efficacité de l’administration et de mieux adapter les politiques sociales aux besoins sociaux. D’ici la fin de 2016, le gouvernement publiera des données sur ce projet pilote, qui sera coordonné par l’Institut d’assurance sociale de la Finlande (Kela) et mis en œuvre avec la collaboration de chercheurs de divers établissements. En mars 2016, un groupe de travail a recommandé que le projet pilote mette l’accent sur la mise en œuvre d’un revenu de base de 550 à 600 euros par mois. Celui-ci remplacerait la plupart des prestations de base, sauf celles qui sont actuellement versées sous forme de couverture d’assurance, ainsi que les allocations de logement et pour enfants dont le montant est établi en fonction des revenus.footnote 19

Certaines villes des Pays-Bas, comme Utrecht, Tilburg, Wageningue et Groningue, envisagent des projets pilotes visant des transferts de revenu universels et inconditionnels (subventions démographiques) en 2017. Pendant deux ans, la ville d’Utrecht, par exemple, mettra à l’essai différentes versions d’un revenu de base en collaboration avec l’Université d’Utrecht. Ils se préparent à tester quatre modèles de soutien du revenu, avec ou sans exigences explicites relatives au travail ou incitations à participer à l’économie locale.footnote 20

En Afrique de l’Est, l’organisme sans but lucratif GiveDirectly a annoncé le déploiement d’un projet pilote visant à tester les avantages d’un revenu de base pour les ménages. Même s’il en est encore à la collecte de fonds pour financer le projet pilote, il a annoncé que l’expérience devrait durer au moins dix ans et qu’elle serait évaluée par de grands chercheurs.footnote 21 Pendant ce temps, dans la Silicon Valley, Y Combinator financera un projet pilote à court terme portant sur le revenu de base à Oakland, première étape d’une étude à plus long terme sur la façon dont un revenu de base inconditionnel aurait une incidence sur le bonheur des gens, leur bien-être, leur façon d’utiliser le temps et leur santé financièrefootnote 22.

En Namibie, un projet pilote sur le revenu de base, qui visait à réduire la pauvreté et à stimuler le développement économique, s’est achevé en 2008. Malheureusement, il s’est produit des problèmes de financement et le projet n’a pas fait l’objet d’une évaluation complète et approfondie. Les chercheurs scientifiques n’ont pas eu accès à ses données anonymes.footnote 23

Cependant, plusieurs autres projets pilotes précédents ont donné des résultats crédibles et prometteurs. Par exemple, une expérience menée en 2010 dans le Madhya Pradesh, en Inde (en collaboration avec l’UNICEF et la Self Employed Women’s Association Bharat), a produit des données très utiles. L’étude a permis de réunir des preuves positives de l’incidence des transferts monétaires inconditionnels sur la suffisance alimentaire et la qualité de l’alimentation, la fréquentation et les résultats scolaires, la productivité et l’esprit d’entreprise, les résultats en santé pour les enfants et l’autonomisation des femmes et des personnes handicapées.footnote 24

Menée entre 1975 et 1978 à Dauphin et à Winnipeg, au Manitoba, l’expérience Mincome a permis de mettre à l’épreuve le principe d’un revenu de base dans le contexte canadien sous forme d’un impôt négatif sur le revenu. Différents niveaux de soutien et taux de récupération des prestations ont été testés dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé, et les conséquences pour la collectivité ont été étudiées dans le contexte de Dauphin. Les résultats pointent vers des améliorations de la santé de la population, le potentiel d’économies sur les dépenses publiques en santé et l’absence de réduction significative de la participation de la population active.footnote 25

La nécessité d’un projet pilote nouvellement conçu pour l’Ontario

Du point de vue de l’Ontario, plusieurs leçons peuvent être tirées des projets pilotes et des études antérieures, ainsi que de la documentation existante. Cela concerne les impacts comportementaux des transferts monétaires conditionnels et inconditionnels sur les réactions de la main-d’œuvre à l’évolution des revenus et aux taxes introduites par le fisc. Cependant, il reste un certain nombre de questions auxquelles on ne peut répondre en se fiant aux travaux existants ou en cours. Il faut, pour cela, mettre en œuvre un projet pilote nouvellement conçu pour l’Ontario.

Tout d’abord, les projets pilotes ou les études menés dans d’autres pays ne peuvent pas éclairer complètement les interactions entre un revenu de base et certaines caractéristiques des contextes canadien et ontarien, comme les soins de santé universels, l’assurance-emploi, l’enseignement public et le système existant d’imposition et de transfert. Les coûts d’un programme de revenu de base (et d’un projet pilote) sont également tributaires de la distribution des revenus au sein de la population et du contexte dans lequel il est déployé. En deuxième lieu, les données de l’expérience Mincome, quoique dérivées du contexte canadien, étaient représentatives d’un segment de la population et d’un marché du travail tous deux très précis. De plus, l’expérience remonte à une époque où les réalités vécues par la population active étaient très différentes. Enfin, l’engouement actuel pour les projets pilotes portant sur le revenu de base offre la possibilité d’élargir la gamme des options testées. Il est possible de comparer un ensemble plus vaste de modèles dans l’ensemble des projets en cours d’élaboration dans plusieurs territoires de compétence.

Un projet pilote en Ontario est une étape importante pour comprendre l’impact et les conséquences d’un revenu de base dans le contexte actuel de cette province. La prochaine étape logique devrait être une vague coordonnée de projets pilotes dans la Confédération canadienne. Il est possible d’avoir différents essais provinciaux qui s’informent les uns les autres et de tester les synergies et les complémentarités potentielles avec le système existant de transferts fédéraux ainsi qu’avec le système fiscal.

Le gouvernement fédéral serait bien avisé d’envisager de soutenir des projets pilotes à l’échelle nationale, et ce, pour diverses raisons. Premièrement, l’ARC a une autorité unique relativement à la perception des impôts sur le revenu et l’administration de divers crédits d’impôt remboursables,footnote 26 et un rôle très naturel pourrait lui revenir dans l’administration d’un revenu de base. Deuxièmement, divers crédits d’impôt remboursables et non remboursables sont du ressort des ministères fédéraux, et il serait instructif d’étudier si leur objectif de redistribution serait bien servi par un revenu de base. Troisièmement, l’évaluation élargie, sur le plan géographique, d’une série de projets pilotes nationaux pourrait être facilitée par les données harmonisées et conservées par Statistique Canada, un organisme qui est respecté dans le monde entier. Suivant l’exemple de la mise en œuvre de l’assurance maladie universelle,footnote 27 un gouvernement à Ottawa qui est déterminé à réduire la pauvreté pourrait considérer le lancement d’un projet de revenu de base dans le pays tout entier comme une véritable occasion d’édification nationale. Si l’économie canadienne n’est pas plus solide que ceux d’entre nous qui sont les plus vulnérables sur le plan économique, la réduction de la pauvreté et de ses pathologies est certainement une initiative économique constructive et productive pour le pays dans son ensemble. Le niveau élevé de réponse au recensement 2016 donne à penser que les Canadiens croient que de meilleures décisions au plan de la politique dépendent d’une information sociale et économique saine. Bien que ce soit hors du cadre officiel du présent document de travail, ce facteur plaide pour une collaboration fédérale-provincialevisant à la création d’un projet de recherche de données sociales à l’échelle nationale. Ce serait un référentiel central dans lequel tous les ensembles de données sociales (paliers fédéral, provincial et municipal, et secteur sans but lucratif) seraient mis à jour et interreliés, et pourraient être accessibles de façon sécurisée à la demande des gouvernements et des chercheurs qui travaillent dans le domaine.

Il convient de noter qu’indépendamment de toute proposition ou de tout plan pour la mise en œuvre d’un projet pilote, la Province de l’Ontario a créé son propre Groupe de travail sur la réforme en matière de sécurité du revenu le 29 juin 2016. Le groupe a été chargé d’examiner les programmes de soutien social existants et de trouver des façons d’abandonner un modèle excessivement complexe d’aide sociale pour adopter des approches plus centrées sur le client et un système élargi de soutien du revenu. Le coordonnateur du groupe de travail est George Thompson, qui est le directeur principal de l’Institut national de la magistrature, un ancien juge de la Cour de la famille de l’Ontario et l’ancien président du Comité d’examen de l’aide sociale pour le gouvernement Peterson. Le groupe, qui comprend des défenseurs des droits, des Ontariennes et Ontariens ayant vécu la pauvreté, des partenaires de la prestation, des agents de première ligne et des experts du système, se fondera sur le travail de la Commission Lankin-Cheikh publié dans son rapport de 2012, qui avait recommandé une simplification des programmes et des procédures de prestations et de demandes d’indemnités en vigueur. Son mandat consiste à fournir des recommandations d’ici la fin de l’été 2017.

Trois aspects clés d’un projet pilote portant sur le revenu de base
Ce contexte plus large des événements, au-delà de Queen’s Park, met essentiellement en valeur trois dimensions clés concernant un projet pilote portant sur le revenu de base :

  1. L’Ontario n’est en aucun cas la seule administration à chercher une meilleure façon de réduire la pauvreté.
  2. Le projet pilote portant sur le revenu de base ne concerne pas la réforme de l’aide sociale. En effet, cet aspect sera abordé par le Groupe de travail sur la réforme en matière de sécurité du revenu, que nous avons mentionné plus haut.
  3. Le projet pilote vise à comprendre à quel point un revenu de base peut améliorer l’état de santé, les résultats du marché du travail et les perspectives réelles des Ontariennes et Ontariens qui vivent dans la pauvreté. Il est également question de mesurer les avantages individuels et communautaires de l’élimination ou de la réduction radicale des pathologies négatives invariablement causées par la pauvreté. Le projet devrait cartographier les coûts et les avantages financiers nets d’approches plus novatrices. Pour les personnes vivant dans la pauvreté, il devrait accroître leur liberté de choisir et de prendre des décisions vitales.

Organisation du projet pilote portant sur le revenu de base

Lorsqu’on pense à l’organisation et à la structure d’un projet pilote portant sur le revenu de base, certaines questions clés devraient être abordées :

  1. Comment un projet pilote devrait-il être dirigé?
  2. Comment devrait-il être organisé et mis en œuvre?
  3. Quelle devrait être la principale donnée probante produite avant, pendant et après la phase de mise en œuvre qui aidera le gouvernement et la législature de l’Ontario à décider quoi faire par la suite?

Comment un projet pilote devrait-il être dirigé?

La légitimité et la crédibilité des résultats et des conclusions du projet pilote seront influencées par les valeurs et les principes fondamentaux qui régissent le projet lui-même. Une option serait de confier le projet pilote directement au gouvernement par l’entremise d’un de ses ministères, plus probablement le ministère des Services sociaux et communautaires (MSSC). Cependant, un projet pilote inclusif et global nécessitera la collecte et l’harmonisation d’ensembles de données sur l’utilisation des soins de santé, les résultats en matière de santé et d’éducation, l’utilisation du système judiciaire et d’autres informations auprès des organismes publics concernés, y compris les municipalités et les régions. Des données administratives, fiscales et sociales des gouvernements fédéral et provinciaux seront également nécessaires. Par conséquent, il n’est pas nécessairement raisonnable ou approprié de s’attendre à ce qu’un ministère de l’Ontario puisse gérer l’ensemble du projet pilote portant sur le revenu de base.

Commentaires de divers intervenants

La plupart des ministères et fonctionnaires dévoués qui y travaillent consacrent la grande majorité de leur temps, en pourcentage de chaque jour et en pourcentage du total des « années personnelles », à la mise en œuvre, à la surveillance ou à l’administration des politiques et programmes autorisés par les règlements ou leurs lois habilitantes. Il existe une capacité limitée de tester et de mettre en application des politiques nouvelles ou modifiées aux côtés de celles qui existent en utilisant les ressources du ministère dans le cadre d’un projet pilote, étant donné que les employés du ministère provincial et des organismes sociaux municipaux ont déjà des professions exigeantes à temps plein et une charge de travail inflexible. Ce facteur est particulièrement évident pour ceux qui travaillent pour le POSPH ou Ontario au travail à l’échelon provincial, régional ou local, puisque leur charge de travail est, on s’en doute, particulièrement lourde et unique.

Il faut écouter les voix, les expériences de travail et les opinions de ceux qui travaillent pour le gouvernement, les municipalités et les régions de l’Ontario au nom des personnes vivant dans la pauvreté. Ils doivent faire partie du processus de diagnostic et de planification de tout projet pilote. Il faut aussi considérer de la même manière les voix et l’expérience des Ontariennes et Ontariens qui vivent ou qui ont vécu dans la pauvreté. Au fil de la conception et de la mise en œuvre du projet pilote, il faut solliciter et écouter les commentaires des nombreux groupes et organismes bénévoles, confessionnels et communautaires au service des personnes qui vivent des difficultés économiques, voire trop souvent, une véritable détresse. Ces parties prenantes, tout comme les personnes ayant vécu la pauvreté, devraient prendre part à la supervision des développements du projet pilote.

De même, il existe en Ontario divers organismes sans but lucratif qui ont déjà mené des projets de démonstration communautaires, des essais contrôlés randomisés et des expériences sociales locales. Ces organismes ont fait preuve d’une objectivité analytique dans la structuration des protocoles de recherche qualitative et quantitative appropriés et dans la production d’analyses rigoureuses. Ils disposent de méthodologies solides et établies pour étudier les impacts de différents programmes ciblant les résultats de santé (sous la perspective de la santé individuelle et de la santé publique), la qualité de l’éducation, les besoins en matière de logement, les taux d’incarcération et les tendances économiques pour les nouveaux immigrants, les femmes, les jeunes et les minorités. Ces compétences sont, dans certaines circonstances, plus robustes à l’extérieur du gouvernement qu’à l’intérieur.

De plus, bon nombre de ces organismes ont une longue feuille de route de collaborations efficaces pour la recherche, avec des institutions comme Statistique Canada, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le MSSC, le MFO et le MSSLD. Réinventer la roue n’a guère de sens, et ce serait sans doute relativement inefficace et coûteux.

Administration par une coalition

Il est recommandé qu’une coalition indépendante d’organismes de recherche compétents sans but lucratif soit invitée à diriger le projet pilote dans les faits sous un consortium unifié sans but lucratif. Mais la « gouvernance » ne signifie pas seulement savoir qui effectue réellement la recherche, une question de fonctionnement et de mise en œuvre. C’est également la bonne combinaison d’experts et de praticiens des milieux de la recherche et des services communautaires qui pourront éclairer et influencer de façon positive le développement du projet pilote et rendre compte de ce travail.

En fin de compte, la responsabilité revient au ministre, et au ministère qui finance le projet pilote, et, par l’intermédiaire du ministre, au Conseil des ministres et à l’Assemblée législative. La question de l’organisation centrale concerne la façon dont la conception du projet pilote, une fois choisie, sera réactive et respectueuse par rapport aux nombreuses parties prenantes du projet pilote.

Conseil consultatif du projet pilote portant sur le revenu de base

Nous recommandons la création d’un Conseil consultatif du projet pilote portant sur le revenu de base relevant des ministres et directement engagé dans des examens trimestriels de chaque phase de la mise en œuvre du projet pilote. Ce conseil serait composé de représentants des ministères clés, y compris des fonctionnaires d’Ontario au travail et du POSPH ainsi que des gouvernements municipaux et des Premières Nations, de membres d’organismes caritatifs travaillant avec les personnes qui vivent dans la pauvreté, d’éminents experts « sur le terrain », de chercheurs et de personnes vivant dans la pauvreté. Devraient également siéger au conseil consultatif des organisations qui partagent un intérêt majeur dans l’avancement économique, social et financier de l’Ontario en général, comme les syndicats de métiers et du secteur public, les chambres de commerce, la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, les centres communautaires d’alimentation de l’Ontario, l’Ontario Medical Association, le College of Family Practitioners, l’Association des agences locales de santé publique et les diverses associations du personnel infirmier. Afin de ne pas être trop lourd à gérer, l’effectif du conseil devrait être limité à 35 membres. Une fois que les membres ont été proposés et sélectionnés, l’adhésion et la participation doivent être non cessibles.

Groupe des opérations de recherche

Nous recommandons également la création d’un Groupe des opérations de recherche, dont les dirigeants seraient choisis parmi des organismes de recherche sans but lucratif établis ayant une expérience avérée du genre de recherche évoqué ci-dessus. Idéalement, les chercheurs d’organisations qui assemblent et détiennent les ensembles de données utilisés aux fins de l’évaluation du projet pilote seraient invités à siéger au Groupe des opérations de recherche. Ils partageraient leurs connaissances des données, méthodes et algorithmes mis au point pour évaluer le projet pilote de façon optimale. Ils permettraient également de garantir le respect des règles de protection des renseignements personnels, de consentement et de confidentialité qui limitent ce que l’on peut faire avec les données.

Le Groupe des opérations de recherche consulterait régulièrement le Conseil consultatif du projet pilote portant sur le revenu de base. Il serait responsable de l’encadrement du processus de collecte et d’évaluation des données qualitatives et quantitatives clés, ainsi que de l’organisation et de la mise en œuvre spécifiques des différents volets du projet pilote. Idéalement, le Groupe des opérations de recherche devrait faire désigner un administrateur ou un directeur financier par la Province pour garantir une efficacité et une prudence budgétaires. Des représentants de l’Institut de recherche en services de santé (IRSS), de Statistique Canada, de la Société de recherche sociale appliquée (SRSA) et des organismes appropriés de soins de santé et de recherche universitaires devraient être invités à se joindre au Groupe des opérations de recherche.

Comité directeur du projet pilote

Le Conseil consultatif du projet pilote portant sur le revenu de base et le Groupe des opérations de recherche contribueraient chacun un représentant pour siéger à un comité directeur du projet pilote. Ces personnes formeraient le principal lien entre le ministre et leur groupe ou conseil respectif. Pour faciliter la tenue d’un projet pilote efficace, inclusif, rigoureux et compatissant, le comité du Conseil consultatif du projet pilote portant sur le revenu de base se réunirait au début de la phase de préparation du projet pilote, puis tous les trimestres pour faire le point sur l’avancement des travaux. Le Groupe des opérations de recherche, qui gère les activités menées dans le cadre du projet pilote, et le Comité directeur, qui supervise les opérations, l’éthique et les finances, constitueraient le principal point de contact avec le ou les ministres.

Chef du projet pilote

L’ensemble du projet devrait se doter d’un chef du projet pilote responsable des activités au jour le jour et des échanges avec les hauts fonctionnaires du ministère. Le directeur doit être choisi en partie d’après les candidatures présentées par le Conseil consultatif, par le Groupe des opérations de recherche et par le greffier du Conseil exécutif. Cette personne doit bien connaître les questions de recherche critiques, avoir une affinité pour les modèles de recherche, être familière avec les protocoles de recherche appropriés et posséder des compétences éprouvées en communications.

Agent d’éthique

Puisque les ensembles de données sont créés ou accessibles à partir de diverses sources, la Province serait bien avisée de nommer un agent d’éthique pour veiller à ce que les droits à la protection des renseignements personnels de tous les participants au projet pilote, et sous tous les aspects, soient strictement protégés. Ainsi, lorsque quelqu’un demande un accès précis aux ensembles de données provinciaux, fédéraux ou autres des services sociaux, de la santé, du travail ou de la fiscalité, on s’assurera d’avoir les approbations pertinentes de comités d’éthique et de commissaires à la vie privée aux échelons fédéral et provincial. L’agent d’éthique serait également chargé d’établir des processus pour obtenir le consentement nécessaire des participants au projet pilote, afin d’avoir accès, de façon rétroactive et prospective, à leurs dossiers auprès de différents ministères et organismes gouvernementaux. L’agent d’éthique serait également chargé de déterminer et d’appliquer les paramètres associés aux banques de données finales et d’établir les critères selon lesquels les chercheurs extérieurs peuvent accéder à ces données, que ce soit pendant la tenue du projet pilote ou après son achèvement. Enfin, l’agent d’éthique serait chargé de mener périodiquement l’évaluation éthique du projet pilote afin de veiller à ce que les mécanismes mis en place pour protéger les droits soient respectés.

Les garanties éthiques qui façonnent le projet pilote et protègent tous ceux qui participent à la recherche doivent se prolonger au-delà de la protection explicite des renseignements personnels des participants. Les Ontariennes et Ontariens qui participent à l’étude doivent être assurés dès le départ des conditions suivantes :

  • Leur participation est volontaire, et personne ne devrait être contraint de participer.
  • Leur situation « n’empirera » d’aucune façon sur le plan économique à la suite de leur participation au projet pilote portant sur le revenu de base, que ce soit pendant ou après le projet, ce qui peut nécessiter la coopération des municipalités afin de ne pas pénaliser ceux qui vivent dans un logement public ou qui reçoivent d’autres avantages pendant le projet pilote.
  • Il faut assurer aux participants individuels dans les différents volets du projet pilote que le secret sera gardé à tout moment sur leur participation. De plus, toutes les banques de données utilisées aux fins de l’évaluation du projet pilote devraient être rendues anonymes afin de rendre impossible l’identification des participants individuels ou la violation de leur droit à la vie privée.
  • Les données des participants privés seront protégées à perpétuité. Cependant, les données cumulatives et les résultats de l’évaluation devraient être rendus publics de façon régulière et transparentefootnote 28. Il faut absolument un accès libre à l’information sur les activités et les résultats du projet pilote. Il devrait également y avoir un processus formel grâce auquel les chercheurs indépendants peuvent accéder aux microdonnées dépersonnalisées produites par le projet pilote afin de veiller à ce que toutes les conclusions du projet pilote principal puissent être reproduites et de procéder à une nouvelle analyse complémentaire.

Données probantes clés que le projet pilote devrait pouvoir produire par sa structure

Pour que les résultats d’un projet pilote portant sur le revenu de base puissent avoir de la valeur pour les éventuels choix de politique publique du gouvernement et de l’Assemblée législative de l’Ontario, ils doivent être porteurs de données probantes claires dans les domaines suivants :

  1. Résultats pour la santé des participants Ces résultats peuvent être contrôlés par l’accès aux dossiers d’utilisation par les médecins de l’Assurance-santé de l’Ontario, aux dossiers du Programme de médicaments de l’Ontario (PMO) et aux bases de données de l’utilisation des hôpitaux de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)footnote 29. On peut également réunir des renseignements supplémentaires sur la santé grâce à des sondages distribués aux participants du projet pilote. On pourrait ainsi constituer une base pour l’analyse d’une série de relations cruciales entre le soutien du revenu fourni par un revenu de base et les changements à l’utilisation des soins de santé par les personnes et aux résultats sur le plan de leur santé. Idéalement, les dossiers administratifs anonymisés des non-participants pourraient également être utilisés pour former de plus gros groupes de comparaison et analyser les tendances plus larges au niveau de la population. Ce travail fournirait des données cruciales sur l’effet de l’existence ou de l’absence d’un revenu de base sur la qualité de vie des citoyens et l’amélioration de leur état de santé. Il permettrait également de savoir dans quelle mesure un revenu de base pourrait réduire à long terme les dépenses en soins de santé du gouvernement de l’Ontario, le poste le plus onéreux de son budget provincial. Il faudrait également évaluer de façon précise la façon dont la source stable de soutien financier que constituerait un revenu de base permettrait de remédier à des problèmes de santé mentale. Ces derniers sont souvent associés à la pauvreté et aux défis liés à la participation au marché du travail. En outre, un mauvais état de santé a été identifié comme un contributeur majeur aux obstacles à l’emploi pour les bénéficiaires actuels à long terme d’Ontario au travail (en particulier ceux qui ne sont pas admissibles au POSPH). L’examen des effets qu’un revenu de base plus généreux pourrait avoir sur l’amélioration des résultats de santé peut également faire entrevoir des améliorations potentielles en termes de réintégration de certains participants sur le marché du travailfootnote 30. Les résultats mesurables pourraient inclure le nombre de visites aux services de soins d’urgence ou de soins primaires pour des raisons liées à la santé psychosociale, mentale ou physique, la prise de médicaments d’ordonnance, les mesures de santé fondées sur l’utilité, etc.
  2. Les choix de vie des participants, tels que les choix de carrière, les décisions concernant les études, les modes de vie, la constitution d’une famille et les décisions sur la fécondité Les données recueillies devraient permettre à la Province d’évaluer séparément l’impact d’un revenu de base sur les résultats pour cinq groupes de participants : ceux qui ont vécu dans la pauvreté pendant une longue période, ceux dont les parents vivaient dans la pauvreté, ceux dont le revenu est en deçà du seuil de la pauvreté pendant de brèves périodes (moins d’un an), ceux dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté de façon cyclique, et ceux qui n’ont aucune expérience préalable de la pauvreté. Ces résultats peuvent être mesurés grâce à des données accessibles à partir des dossiers administratifs du gouvernement, comme les dossiers de scolarisation, les dossiers de l’assurance-emploi (AE), les dossiers fiscaux (qui permettraient également de faire le suivi des activités de prestation de soins, l’auto-emploi, etc.) et les dossiers du recensement. Les données sur l’utilisation du temps pourraient également être recueillies au moyen d’entrevues avec les participants qui reçoivent un revenu de base et avec ceux qui sont affectés au groupe de contrôle, et elles pourraient permettre de suivre les décisions sur l’emploi du temps, comme le temps passé avec les enfants à la maison ou avec des parents âgés et le temps consacré aux tâches ménagères.
  3. Résultats sur le plan de l’éducation (assiduité, niveau le plus haut atteint, achèvement ou décrochage, réinscription, résultats des tests standardisés, nombre de cours suivis, etc.) pour les participants au projet pilote et leurs enfants Ces résultats nous permettraient de mieux comprendre la façon dont le passage d’Ontario au travail ou du POSPH à un revenu de base pourrait fournir aux jeunes adultes des incitations différentes à s’inscrire, à assister aux cours et à les passer, car leur sécurité financière serait renforcée. Cela nous aiderait également à comprendre comment les ressources financières que compteraient les familles pourraient avoir un impact positif sur le rendement des enfants à l’école, maintenant et dans le contexte économiquefootnote 31. On pourrait réunir ces résultats en consultant les dossiers administratifs du ministère de l’Éducation et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle.
  4. Comportement des participants relativement au travail (participation, recherche d’emploi, statut d’emploi, emploi accessoire, heures supplémentaires, travail indépendant, heures payées travaillées, nombre d’emplois, durée de l’emploi, revenu gagné, etc.) L’incidence d’un revenu de base sur la participation au marché du travail demeure l’une des principales préoccupations de la population canadienne. En effet, un récent sondage de l’Angus Reid Institute réalisé en août 2016 a conclu que 63 % des Canadiens estiment qu’un revenu de base découragerait les gens de travailler28. L’introduction d’un projet pilote portant sur le revenu de base pour les personnes qui reçoivent actuellement les prestations d’Ontario au travail fournirait des incitations supplémentaires à se joindre à la population active en leur permettant de conserver une bonne part du revenu gagné en sus de leur revenu de base. Par conséquent, il faut absolument procéder à une évaluation minutieuse de l’incidence d’un revenu de base sur les décisions des gens en ce qui concerne le travail (travailler ou non, heures de travail hebdomadaires, activités de recherche d’emploi, nombre d’emplois occupés). Comme il est dit à la section F, l’évaluation du projet pilote devrait étudier sérieusement comment les comportements sur le marché du travail varient selon les groupes démographiques, le montant des prestations reçues et leur taux d’imposition à mesure que le revenu gagné dans le marché du travail augmente. Ces résultats pourraient être mesurés à partir des dossiers existants du fisc, de l’assurance-emploi et du MSSC, et potentiellement, des données recueillies lors d’entrevues menées par l’équipe de recherche.

    Bien qu’elle soit plus difficile à mesurer ou à observer, la participation à l’économie souterraine est également un résultat pertinent. La présentation d’une déclaration de revenus frauduleuse est une infraction grave qui devrait être évitée, puisqu’un montant complémentaire serait versé aux participants du projet pilote qui vivent dans la pauvreté, et ce, qu’ils aient ou non un emploi.

    Enfin, à part l’impact des paramètres des programmes testés d’impôt négatif sur le revenu, il faut explorer d’autres voies par lesquelles le revenu de base pourrait générer une meilleure participation au marché du travail au lieu de toucher les prestations d’Ontario au travail. En 2015, par exemple, 38 % des bénéficiaires d’Ontario au travail pendant deux années ou plus, à Toronto, ont évoqué une mauvaise santé temporaire comme principal obstacle à l’emploifootnote 32. La compréhension des effets sur la santé d’un soutien stable et adéquat du revenu est susceptible d’être importante pour les incitations au travail. À Toronto, les cas de plus de deux ans représentaient 45 % de tous les cas uniques annuels d’Ontario au travail en 2015, et la moitié de tous les cas uniques mensuelsfootnote 33.

  5. Incidences au niveau communautaire dans les collectivités où un revenu de base est testé avec une concentration plus élevée (par exemple dans un site à saturation) À titre d’exemple, l’impact sur le resserrement du marché du travail local et sur l’attachement de la main-d’œuvre, sur certains prix (loyer, etc.), sur la sécurité dans la communauté (prévention de la criminalité, taux d’incarcération, arrestations, accidents de la route), ainsi que les changements potentiels de l’utilisation des certains services publics (bibliothèques, etc.) et des interactions sociales (participation civique, participation électorale, etc.). Les données provenant des services locaux de police, des dossiers fiscaux, des dossiers de l’assurance-emploi et de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pourraient, entre autres, aider à suivre ces résultats.
  6. Coûts ou économies directement liés à l’administration pour l’Ontario si l’on remplace les actuels programmes Ontario au travail et POSPH par un programme simple et direct de revenu de base. Cet aspect devrait englober le coût réel des paiements du revenu de base, les économies par rapport aux prestations d’Ontario au travail et du POSPH, le coût ou les économies qui s’ensuivent grâce à la simplification de l’administration de l’aide sociale et la réduction des volets de surveillance et de services policiers. Ces facteurs devraient être évalués, calculés et modélisés pour projeter efficacement les coûts ou les économies pour l’administration provinciale sur une période raisonnable, idéalement sur divers horizons pour des raisons de transparence. Ces coûts devraient être évalués à l’aide des données financières du gouvernement de l’Ontario.
  7. Changements dans le statut de « sécurité alimentaire » pour les participants au projet pilote relativement au revenu de base L’insécurité alimentaire a été associée à la vulnérabilité financière. Il est important de comprendre la mesure dans laquelle le flux de revenu stable provenant d’un programme de revenu de base peut entraîner une réduction de la prévalence et de la portée de l’insécurité alimentaire. Cette situation est partiellement causée par les conséquences de l’insécurité alimentaire sur la santé. En effet, de nombreuses études ont associé l’insécurité alimentaire avec une augmentation des dépenses de soins de santéfootnote 34. L’insécurité alimentaire peut être évaluée à l’aide des dossiers de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) pour les participants au projet pilote qui ont été échantillonnés dans cette enquête, en faisait le lien entre leurs réponses et la base de données du projet pilote. Toutefois, compte tenu de la nature transversale de l’ESCC et du fait que l’échantillon était petit et localement non représentatif, l’équipe de recherche devrait également mener ses propres enquêtes et entrevues incluant les questions du Module d’enquête sur la sécurité alimentaire des ménages de l’ESCC afin de suivre l’évolution de la sécurité alimentaire pour les participants au projet pilote.
  8. Perception de la citoyenneté, de l’inclusion sociale et de la sécurité L’information sur les perceptions des gens par rapport à leur situation dans la société, leur capacité à contribuer, la capacité de leur milieu social à les protéger et leurs sentiments envers leur collectivité pourrait surtout être recueillie au moyen d’entrevues avec les participants. Cette information pourrait aider à identifier les incidences potentielles à plus long terme d’un revenu de base sur les changements culturels plus larges et sur les genres de changements de comportements constructifs qu’un revenu de base pourrait générer si cela devait devenir une politique permanente.
  9. Mobilité et conditions de logement La stabilité et les choix encourant les conditions de logement et les quartiers sont des aspects de la qualité de vie d’une personne qui pourraient être touchés par un revenu de base. Ces données pourraient être tirées de fichiers administratifs contenant des adresses.
  10. Interactions isolées ou cumulées entre un revenu de base et d’autres programmes existants, tels que l’assurance-emploi, la prestation provinciale existante aux enfants et l’Allocation canadienne pour enfants qui vient d’être bonifiée. La collecte de ce type de preuve dépendra en grande partie de l’organisation effective du projet pilote lui-même.

On disposera parfois des résultats mentionnés ci-dessus dans des dossiers administratifs qui pourraient être reliés (dans les conditions strictes décrites ci-dessous) pour former une base de données longitudinale des résultats individuels. Il faudra peut-être recueillir d’autres résultats à l’aide d’instruments construits spécifiquement pour le projet pilote (interviews, enquêtes, questionnaires, etc.).

Les données dans chacun des domaines mentionnés ci-dessus devraient être disponibles au niveau individuel et pour les périodes précédant le début du projet pilote (et des paiements de revenu de base), ainsi que pendant la période au cours de laquelle les participants recevront le paiement, et après l’achèvement du projet pilote. Cela permettra d’évaluer les impacts à long terme du revenu de base et de savoir si ces effets disparaissent avec la promesse d’un revenu de base. À cette fin, les participants devraient être invités à signer des formulaires de consentement pour autoriser l’accès rétroactif à leurs dossiers individuels, idéalement pour une période minimale de deux ans précédant le début du projet pilote. Ils doivent recevoir l’assurance que toutes les données provenant d’entrevues, de fichiers administratifs et d’enquêtes seront anonymes pour protéger leur vie privée. Les microdonnées anonymisées seraient accessibles aux chercheurs approuvés uniquement, à la condition que ces derniers obtiennent l’approbation du comité d’éthique approprié, et après avoir satisfait aux exigences des agents de protection des renseignements personnels (aux paliers provincial et fédéral).

Enfin, et nous l’avons laissé entendre ci-dessus, il faudra disposer des dossiers provenant de nombreuses sources et les relier pour constituer la base de données longitudinales servant à suivre les comportements, les caractéristiques et les résultats des participants au projet pilote. Il faut demander dès que possible l’aide de toutes les parties prenantes dans la constitution, l’entretien ou le lien entre ces différents ensembles de données, afin de veiller au respect des conditions suivantes :

  1. Le calendrier et la portée du projet pilote sont compatibles avec le temps requis pour effectuer les démarches de liaison, y compris l’achèvement des examens des comités d’éthique, l’élaboration de protocoles d’entente (PE) et d’autorisations, l’obtention du consentement des participants s’il y a lieu et le renforcement des liens basés sur des identifiants.footnote 35
  2. Des enquêtes complémentaires adéquates sont élaborées pour remédier aux lacunes dans les résultats visés par les données existantes.
  3. Leur expertise est sollicitée pour élaborer des modèles simulant les effets à long terme d’un revenu de base et fondés sur les données à court terme recueillies pendant le projet pilote.

Objet du projet pilote portant sur le revenu de base

Le concept d’un revenu de base peut être concrétisé de nombreuses autres façons que celles qu’il serait raisonnablement possible de tester dans le cadre d’un projet pilote en Ontario. Le gouvernement doit donc prendre des décisions cruciales sur les diverses caractéristiques de conception du revenu de base qu’il veut tester. Plus important encore, il doit décider le nombre de versions d’un revenu de base à tester, les niveaux de soutien du revenu à offrir, et s’il faut progressivement taxer le montant du revenu de base (et, si oui, à quel taux) lorsque les personnes gagnent un revenu en milieu de travail. Il faut également prendre des décisions sur les types de soutien actuels qui seraient remplacés par un revenu de base et sur les collectivités où le projet pilote aura lieu.

En réponse à cette série de questions, il est recommandé que le projet pilote soit axé sur la mise à l’essai d’un revenu de base sous la forme d’un impôt négatif sur le revenu (que certains appellent un crédit d’impôt remboursable) qui remplacerait Ontario au travail et le POSPHfootnote 36 et auquel les Ontariennes et Ontariens âgés de 18 à 65 ans et vivant dans la pauvreté seraient admissiblesfootnote 37. Contrairement au soutien dans le cadre des actuels programmes Ontario au travail et POSPH, le soutien financier fourni n’imposerait pas de restrictions, limites ou interdictions liées à des actifs financiers, à des gains en milieu de travail ou à la participation à la population active. Les personnes recevraient un revenu garanti équivalent à une proportion déterminée de la MFR (proportion qui varierait d’un groupe expérimental à l’autre) et non imposable. Les participants seraient encouragés à obtenir un revenu en sus du revenu de base, et celui-ci serait imposé à des taux variables. Ces taux d’imposition seraient applicables jusqu’à ce qu’une personne ait payé en impôts sur le revenu gagné l’équivalent exact du revenu de base, avec un seuil à partir duquel les revenus gagnés seraient soumis au barème de l’impôt sur le revenu normal que doivent payer tous les Ontariens qui ont un emploi. Les mécanismes d’imposition appliqués aux revenus gagnés dans le cadre de l’impôt négatif fourniraient des incitations aux personnes dont les revenus sont actuellement sous le seuil de pauvreté à se joindre à la population active ou à y rester. Ils permettraient également de réduire les coûts, pour la Province, de la mise en œuvre d’un revenu de base, si elle devait choisir de l’introduire après avoir étudié les résultats du projet pilote.

Le montant des prestations reçues par les participants dépendrait de leur revenu familial net et de la composition de leur famille, comme le nombre d’adultes. Les paiements du revenu de base seraient également répartis et versés à tous les adultes de la famille, de manière à fournir à chaque adulte une source indépendante de revenu et d’autonomie financière. Ces paiements seraient versés mensuellement, et le montant de base reçu (avant tout revenu gagné) ne serait pas imposablefootnote 38. footnote 39

Essais différents dans le projet pilote

Dans le cadre du projet pilote, nous recommandons de mettre à l’essai différents niveaux de revenu de base et taux d’imposition afin de voir comment l’efficacité et les coûts d’un revenu de base varient selon les choix au plan de la politique faits à l’égard de ces deux paramètres. Cela pourrait également aider à évaluer les répercussions fiscales ainsi que les autres incidences de ces choix. En mettant à l’essai différents niveaux de revenu, nous pourrons également découvrir les prestations et les taux d’imposition combinés les plus susceptibles de mener à des améliorations majeures et abordables afin de réduire le taux de pauvreté. Cette mise à l’essai favorisera également des avantages et des économies à long terme (notamment grâce à une amélioration des résultats sur la santé, à l’augmentation de la participation sur le marché du travail, etc.) sans promouvoir une baisse du nombre d’heures travaillées, et sera la plus économique pour les contribuables. Par exemple, pour n’importe quel niveau de revenu de base donné, les taux d’imposition réduiront le coût direct du programme. Des expériences menées précédemment sur l’impôt négatif aux États-Unis et au Canada dans les années 1970 ont conduit à la sélection d’un taux de 30 à 80 %footnote 40. Les adultes qui bénéficient actuellement du programme Ontario au travail ont un taux d’imposition de 50 % sur l’ensemble du revenu gagné au-delà d’un revenu initial de 200 $ par mois. Toutefois, des programmes en cours, comme l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) ou l’Earned Income Tax Credit (EITC) aux États-Unis prévoient des taux d’imposition beaucoup plus bas. Le comportement au travail observé dans le cadre de ces programmes et de ces expériences peut éclairer le choix à faire parmi les taux d’imposition mis à l’essai dans le projet pilote; ce choix pourrait s’appuyer sur les éléments probants de l’analyse et des expériences précédentes, et simuler les répercussions des divers taux. Il ne faudrait toutefois pas oublier que, si nous mettons à l’essai divers taux d’imposition et revenus de base, c’est précisément pour en comprendre les répercussions sur le comportement au travail dans la situation actuelle de l’Ontario.

Il faut prendre note que la mise en œuvre de l’impôt négatif suggéré nécessitera la collaboration des autorités fédérales (et surtout celle de l’Agence du revenu du Canada), puisque l’Ontario ne possède pas son propre système de production des déclarations de revenus. Le gouvernement fédéral pourrait également être invité à participer au programme, ce qui permettrait à l’équipe du projet pilote de mettre à l’essai un revenu de base remplaçant les crédits d’impôt fédéraux remboursables et non remboursables.

Volets du Projet pilote sur le revenu de base de l’Ontario

En général, nous pourrions vérifier ces options en effectuant un essai contrôlé randomisé ainsi qu’un groupe de projets pilotes dans des sites de saturation auxquels seraient inscrits les participants pendant au moins trois années consécutives.

Le projet pilote consisterait à mener des essais dans quatre sites différents regroupés sous deux grands volets :

  1. Essai contrôlé randomisé (ECR) mené dans une grande zone urbaine de la province

    Quelques participants au projet pilote (ménages) seraient sélectionnés au hasard au sein de la population locale. Ils seraient ensuite affectés au hasard à l’un des quatre groupes et recevraient les prestations mensuelles correspondantes :

    1.  un groupe de contrôle recevrait les prestations du programme Ontario au travail actuel et du POSPH; le soutien du revenu et les autres prestations de ce groupe resteraient les mêmes, mais les effets de ces prestations et le comportement des participants seraient surveillés par l’équipe de recherche;
    2. un deuxième groupe recevrait un revenu correspondant à 75 % de la MFR (ajustée en fonction de la composition du ménage); les bénéficiaires du POSPH recevraient 75 % de la MFR, plus une somme d’au moins 500 $.footnote 41 Le revenu gagné des membres de ce groupe serait imposé à un taux plus bas jusqu’à ce que le bénéfice net issu du revenu de base devienne nul. Leur revenu supplémentaire serait alors imposé conformément au barème d’imposition actuel.
    3. un troisième groupe recevrait aussi un revenu correspondant à 75 % de la MFR (ajustée en fonction de la composition du ménage). Toutefois, le revenu gagné supplémentaire serait assujetti à un taux d’imposition plus élevé, jusqu’à ce que la valeur nette des prestations reçues devienne nulle, conformément au mécanisme décrit ci-dessus;
    4. un quatrième groupe recevrait un revenu équivalent à la MFR applicable (ajustée en fonction de la composition du ménage). Le revenu gagné des membres de ce groupe serait imposé à un taux plus élevé, conformément au mécanisme décrit ci-dessus.
      Dans l’idéal, il faudrait mettre en œuvre le volet ECR du projet pilote dans toute la province. Cela augmenterait la probabilité d’obtenir des résultats valides à l’externe et permettrait au gouvernement de prévoir les éventuelles répercussions d’un programme général, au moins sur les comportements et les résultats, tout en tenant compte de la multiplicité des contextes dans la province. Cependant, pour mettre en place les différents groupes de traitement tout en maintenant le programme Ontario au travail et le POSPH actuels en parallèle pour les non-participants et les membres du groupe de contrôle, les organismes locaux qui jouent à présent le rôle de fournisseurs de services de première ligne sur le terrain doivent déployer des efforts considérables.footnote 42 En outre, pour déterminer les répercussions (peut-être très diverses) du revenu de base tout en contrôlant les facteurs environnementaux qui varient selon les villes et les collectivités, il faudrait éventuellement accroître la taille de l’échantillon, ce qui augmenterait les coûts liés au projet pilote (c’est-à-dire les coûts liés aux paiements du revenu de base et à la collecte des données aux entrevues, etc.) Il semble donc plus raisonnable de concentrer les activités d’ECRdans une seule zone géographique de la province. Ces activités pourraient ainsi être soutenues par le gouvernement provincial et l’équipe du projet pilote.

Nous suggérons de mettre en œuvre le volet ECR dans une zone urbaine ou dans une région métropolitaine de recensement (avec une densité de population plus élevée), afin de garantir un plus grand anonymat des participants sélectionnés au hasard. Il faudrait sélectionner le site d’ECR en tenant compte de ce qui suit :

  1. la représentation des différentes réalités de la population ontarienne, y compris des facteurs suivants : présence de membres des communautés autochtones, de communautés racialisées et d’immigrants (de diverses générations), équilibre de la répartition par âge, équilibre de la composition et de la situation des familles et équilibre de la répartition des revenus (groupe de bénéficiaires du POSPH et du programme Ontario au travail et travailleurs à faible revenu, etc.);
  2. l’absence d’employeurs du secteur public qui ont un effet stabilisateur (gouvernement, organismes militaires, prisons, etc.) sur le marché du travail local (c’est-à-dire qui auraient la capacité d’agir comme une force stabilisatrice dans le cycle économique);
  3. l’engagement des collectivités et l’intérêt des partenaires locaux à participer aux activités du projet pilote et à faire en sorte que le revenu de base et les services traditionnels du programme Ontario au travail et du POSPH puissent être fournis en conséquence aux personnes qui participent au projet pilote et à celles qui n’y participent pas.

Il faudrait sélectionner les participants au hasard au sein d’une population de 18 à 65 ans dont le lieu de résidence principal se trouve depuis au moins un an dans le site choisi. Dans l’idéal, cette sélection au hasard serait à l’aide des registres administratifs des numéros d’assurance sociale. Ces participants (ménages) seraient ensuite affectés au hasard à un groupe de traitement sélectionné pour participer au projet pilote. Tous les ménages sélectionnés au hasard pourraient se retirer du projet pilote s’ils le souhaitent. Ils seraient tenus de signer un formulaire de consentement s’ils souhaitent prendre part à l’expérience. Ce formulaire de consentement permettrait au gouvernement de changer la nature des prestations reçues conformément au revenu de base établi à mettre à l’essai. L’équipe de recherche pourrait ainsi accéder aux données administratives contenues dans les dossiers des participants avant le projet pilote, et à partir de ce dernier, afin de relier les dossiers de différentes sources et périodes à ceux des autres membres des ménages qui participent au projet, dans la mesure du possible.

Malgré tous les atouts de ce type de conception, les ECR peuvent seulement fournir des renseignements limités sur les répercussions liées à la collectivité et les effets d’équilibre général d’une politique sur le revenu de base. Le deuxième volet du projet pilote, décrit ci-dessous, vise à traiter cette restriction.

  1. Sites de saturation

    Il faudrait aussi mettre à l’essai un revenu de base disponible pour des collectivités entières (sites de saturation). En plus d’observer les incidences du revenu de base sur les effets et le comportement des bénéficiaires, ce volet du projet pilote permettrait à la Province d’en savoir davantage sur : i) la dynamique liée à la mise en œuvre et à la gestion du programme pour toute la population locale, et ii) les conséquences, pour la collectivité, du programme de revenu de base. Ce serait ainsi l’occasion d’examiner les effets positifs et négatifs qui en découlent lorsqu’un revenu de base est garanti à toute la collectivité. Ces effets seraient notamment liés à la participation communautaire, à la réduction de la criminalité, et à l’activité économique (augmentation de la consommation locale), compte tenu du revenu supplémentaire pour les personnes vivant dans la pauvreté.

    Dans un site de saturation, toutes les personnes dont le lieu de résidence principal se trouve depuis au moins un an dans le site choisi avant la mise en œuvre du projet pilote recevraient un revenu de base (non imposé) correspondant à 75 % de la MFR ajustée. Ces prestations (qui remplaceraient complètement les aides du programme Ontario au travail et du POSPH) seraient récupérées sous la forme d’un pourcentage du revenu gagné, conformément au taux d’imposition préétabli, jusqu’à ce que le bénéfice net reçu devienne nul. Après l’application de ce pourcentage, le revenu gagné serait imposé au taux indiqué dans le barème d’imposition actuel.

    Dans l’idéal, les sites de saturation seraient délimités géographiquement, et en quelque sorte, isolés des autres collectivités, ce qui limiterait les effets de « contagion » au moment de mesurer les incidences du revenu de base sur la collectivité. Dans le même ordre d’idées, pour cerner le plus possible les incidences sur la collectivité, il faudrait que ces sites aient un niveau de mobilité de base plus faible et que peu de personnes non admissibles se joignent à la collectivité au cours de l’expérience.footnote 43 La taille et la composition de la population (répartition des revenus, etc.) dans un site de saturation influent aussi directement sur le coût du projet pilote. Conformément à la conception du programme, tous les adultes qui répondent aux critères d’âge et de résidence du projet pilote et qui vivent dans le site de saturation devraient pouvoir recevoir des prestations complémentaires si leur revenu baisse sous le seuil pertinent pendant l’expérience. Il est donc important de sélectionner les sites de saturation de manière cohérente, en tenant compte des restrictions budgétaires liées au projet pilote.

    Nous suggérons à la Province de mettre en place trois sites de saturation pilotes représentant les différentes facettes de la population et de l’économie ontariennes :

    • Sud de l’Ontario : ce site devrait représenter le plus possible la population du sud de l’Ontario (caractéristiques et répartition de la main d’œuvre, répartition par âge et par sexe, taux de pauvreté, structure et situation familiales, présence de groupes minoritaires et d’immigrants, dépendance aux services d’aide sociale, taux d’obtention de diplôme, profils éducatifs, et mode d’occupation). Il ne devrait y avoir aucune institution stabilisatrice protégeant sa main-d’œuvre des fluctuations du cycle économique par rapport aux collectivités similaires. En plus de répondre aux critères susmentionnés, le site choisi pourrait, par exemple, afficher un taux d’insécurité alimentaire élevé. Cela permettrait d’évaluer de manière précise les incidences du revenu de base sur cette manifestation importante de la pauvreté.
    • Nord de l’Ontario : ce site devrait représenter le plus possible les collectivités du nord de l’Ontario, conformément aux critères susmentionnés. L’équipe de recherche pourrait ainsi établir les interactions entre le revenu de base et les caractéristiques propres aux collectivités du Nord. Le gouvernement pourrait prendre en considération les sites correspondant au marché du travail qui dépendent davantage des aléas du marché des produits de base.
    • Collectivité autochtone : l’équipe du projet pilote pourrait envisager de mettre en place un projet pilote sur le revenu de base adapté aux réalités des collectivités autochtones, en prenant des dispositions pertinentes sur le plan culturel, et en reconnaissant les circonstances uniques des membres des Premières Nations dans le cadre des programmes de soutien du revenu du gouvernement. Les chefs des Premières Nations de l’Ontario auraient l’entière prérogative d’assurer la conception de cette partie du projet pilote et de choisir la collectivité où cette initiative serait mise à l’essai. Il leur reviendrait également de déterminer s’ils doivent, ou non, participer au projet pilote de la manière suggérée.footnote 44 Il faudrait également prévoir une certaine souplesse dans ce volet du projet pilote, notamment en ce qui a trait aux échéances et aux mécanismes d’établissement de rapport. Si un tel essai devait être mené, toutes les mesures prises devraient faire l’objet d’un accord volontaire, conformément à l’engagement de l’Ontario envers la réconciliation avec les peuples autochtones.

Comme pour le volet ECR du projet pilote, les personnes vivant dans les sites sélectionnés seraient libres de quitter le projet à tout moment. Elles seraient tenues de signer un formulaire de consentement si elles acceptent d’y participer.

Contrairement au programme Ontario au travail ou au POSPH, l’une des principales caractéristiques du projet sur le revenu de base est qu’il exige une surveillance très faible, voire nulle, des conditions d’admissibilité et de la conformité des bénéficiaires à une longue série de règles et de conditions du programme. Dans le cas d’un projet pilote sur le revenu de base mené dans un site de saturation, cela constitue à la fois un enjeu et une occasion favorable. Il faut d’abord s’attendre à ce que change une grande partie de la charge de travail administrative type des employés de première ligne au cours du projet pilote, car tous les membres de la collectivité pourraient recevoir des paiements dans le cadre du revenu de base, et non plus au titre des programmes d’aide sociale traditionnels. Toutefois, au lieu de réduire temporairement le nombre de postes pour la gestion des dossiers des bénéficiaires du soutien du revenu dans les sites de saturation, nous suggérons aux anciens chargés de cas du programme Ontario au travail et du POSPH de profiter de cette réduction de la charge de travail pour fournir davantage de services individuels. Ils pourraient ainsi aider les bénéficiaires du revenu de base à parfaire leurs connaissances financières, à établir des stratégies pour perfectionner leurs compétences et développer leur capital humain afin qu’ils s’insèrent ou se réinsèrent dans le marché du travail, et à devenir peu à peu plus autonomes. Des initiatives locales précédentes (comme le récent Programme de stabilité en logement de la région de York et le Projet de préparation aux possibilités économiques de la région d’Ottawa-Carleton au milieu des années 1990) ont laissé entrevoir que, lorsque les employés de première ligne ont moins de tâches administratives à accomplir et plus de temps pour fournir des conseils individuels et s’engager vis-à-vis du client, cela peut amener d’autres avantages. Cela peut améliorer de manière considérable la stabilité et l’autonomie des bénéficiaires d’aide socialefootnote 45, augmenter la satisfaction des employés et des clients, et générer des économies considérables à long terme. Si les gestionnaires de cas assumaient ce rôle, cela amplifierait les incidences d’un projet pilote du revenu de base et inspirerait des manières constructives de déployer les talents et les compétences des chargés de cas dans le cadre des programmes du revenu de base.footnote 46

Il y a un autre facteur à prendre en compte pour sélectionner chaque site de saturation du projet pilote : la capacité de trouver ou de créer une collectivité « de référence » afin de mesurer l’évolution des effets dans les sites de saturation. Cette collectivité équivaut au groupe de contrôle de l’ECR. Le choix de la collectivité de saturation permettra de déterminer le type de méthodes utilisé par le Groupe des opérations de recherche pour évaluer les effets du projet pilote. Une option consisterait à faire en sorte que le site de saturation choisi soit similaire à une autre collectivité comparable, d’après un certain nombre de dimensions importantes (que ce soit en niveaux ou en tendances). Cette collectivité pourrait alors servir de « site de contrôle », dans lequel nous pourrions également mesurer les effets et le comportement de ses résidents (en recueillant régulièrement des données administratives individuelles ou collectives) et les prendre en compte dans l’évaluation afin de montrer les incidences du revenu de base dans les sites de saturation. Si l’on ne trouve aucun site de contrôle de ce type pour les sites de saturation choisis, il faudra employer d’autres techniques pour évaluer les effets du projet pilote dans ces collectivités. Il faudra également obtenir des données sur les comportements et les effets dans un certain nombre de collectivités en dehors du site de saturation. Des modèles de simulation pourraient alors être envisagés.

Établissement de l’admissibilité

Pour être admissible au projet pilote, il faudrait répondre aux critères suivants : avoir de 18 à 65 ans et résider en permanence dans l’un des sites désignés depuis au moins un an avant le lancement du projet. Aucun autre critère ne devrait être retenu. Par exemple, les personnes qui n’ont pas encore la citoyenneté canadienne ne devraient pas être exclues du projet pilote.footnote 47 Il faudrait prendre note que l’appartenance à l’un des groupes du projet pilote ne donne pas nécessairement droit au versement du revenu de base. Dès qu’un particulier ou un ménage sélectionné acceptera de participer au projet pilote (sauf s’il appartient au groupe i) du volet ECR), on lui garantira que, si son revenu baisse sous un seuil défini lors de la conception du programme, il sera complété proportionnellement à ses besoins. Dans ce sens, même si le programme est fondé sur le principe d’accès universel, les participants ne recevront pas tous des paiements identiques, voire un quelconque paiement.

Veiller à ce qu’aucun participant ne voie sa situation empirer

La participation au projet pilote est volontaire. Les personnes qui y participent méritent le respect, et le projet pilote n’influerait que sur la situation d’un petit groupe d’Ontariens sans changer de manière définitive les lois pertinentes de l’Ontario. Par conséquent, chaque volet du projet pilote devrait être régi par ce principe essentiel : les personnes qui participent au projet pilote ne doivent pas voir leur situation empirer à cause d’une réduction du montant de l’aide reçue. Pour atteindre cet objectif, une première mesure consiste à établir le montant du revenu de base qui permettra d’assurer un niveau de vie plus élevé que le programme Ontario au travail et le POSPH actuels.footnote 48 Personne, peu importe le groupe auquel il appartient dans le projet pilote, ne doit perdre les aides financières ou d’une autre nature qui lui sont accordées dans le cadre du programme Ontario au travail et du POSPH, en plus des paiements directs effectués tous les mois dans le cadre du volet principal des programmes.footnote 49 De même, il faut déterminer l’admissibilité des familles au logement subventionné (logements à loyer proportionné au revenu des locataires) et le montant qu’elles doivent verser en fonction de leur revenu. Cela comprend les critères actuels qui sont énoncés dans la Loi sur les services de logement. footnote 50

L’augmentation de l’aide financière reçue dans le cadre du revenu de base par rapport au programme Ontario au travail ou au POSPH ne doit pas entraîner une augmentation du montant que les familles participant au projet pilote doivent verser pour le logement. Il faut donc ajouter la différence entre le paiement du revenu de base reçu et le paiement du programme Ontario au travail ou du POSPH au plafond de revenu qui détermine le supplément que les familles reçoivent pour le logement, de manière à ce que ce supplément au loyer ne diminue pas à cause du revenu de base reçu. Pour les personnes handicapéesfootnote 51, il faut ajouter une somme mensuelle d’au moins 500 $ au paiement mensuel du revenu de base.footnote 52 Cette aide financière supplémentaire doit également être offerte aux personnes qui soignent une personne à charge handicapée. De plus, le revenu issu de l’ACE et d’autres sources actuellement non imposables ne devrait pas être considéré comme un revenu gagné assujetti à un taux de récupération dans le modèle de l’impôt négatif. Il s’agit à présent d’un revenu libre d’impôt mis à la disposition des bénéficiaires, et cela doit rester ainsi. Enfin, tout conflit découlant des prestations reçues par un participant au projet pilote devrait être examiné par le Tribunal de l’aide sociale actuel.

Vérification de la réussite du projet pilote

Enfin, il est essentiel que le gouvernement établisse des critères clairs et univoques selon lesquels vérifier la réussite du projet pilote. Il faut également que ces critères soient rendus publics au lancement du projet. Pour renforcer la crédibilité de ce dernier aux yeux du public et veiller à ce que l’évaluation et l’interprétation des résultats ne soient pas des exercices politiques ou partisans, il est important de faire preuve de transparence sur les objectifs du projet pilote et l’intention du gouvernement au plan des politiques. Le projet pilote devrait avoir pour objectif principal de réduire de manière considérable et efficace la pauvreté (il faut déterminer les cibles liées à la réduction du taux de pauvreté et à la profondeur de la pauvreté parmi les participants au projet pilote). D’autres objectifs en matière d’économies (par exemple, par une réduction des dépenses en soins de santé et des tâches administratives) et de participation au marché du travail pourraient également être énoncés, aussi bien pour les participants que pour les groupes spécifiques.

Éléments que le projet pilote sur le revenu de base ne devrait pas mettre à l’essai

Une approche « radicale »

Le projet pilote sur le revenu de base vise principalement à trouver une meilleure façon de réduire la pauvreté et ses effets négatifs sur la qualité de vie des gens et leur capacité de s’épanouir. Il vise aussi à trouver un moyen d’offrir un soutien du revenu sans dissuader les bénéficiaires de participer au marché du travail, sans entraîner un contrôle et un suivi systématiques des choix de vie des Ontariens qui vivent dans la pauvreté, et en traitant chacun avec respect et dignité.

Le projet pilote sur le revenu de base n’est pas, et ne doit pas être, une opération « radicale » entraînant l’abandon complet des régimes d’assurance maladie, d’assurance-emploi et d’autres programmes qui constituent le fondement du large réseau d’aide sociale des Ontariens. Compte tenu de leurs buts au plan des politiques, des besoins colossaux auxquels ils répondent, des différences quant à leur base de financement, et des avantages économiques et sociaux prouvés qui sont offerts à tous les Ontariens, il ne faut pas remplacer les prestations de ces programmes par un paiement unique. En outre, beaucoup de programmes (assurance-emploi, retraites, etc.) fonctionnent comme des régimes d’assurance, ont un objectif différent et sont financés par d’autres mécanismes prévoyant des cotisations individuelles. Le réseau fédéral, provincial et municipal de stabilisateurs sociaux et d’aide au maintien du niveau de vie est trop vaste pour être détruit par un projet pilote.

Par contre, cela ne veut pas dire que les données de ce projet pilote ne serviront pas de point de départ pour éclairer une approche plus simple, plus individuelle et favorable à la liberté de choix vis-à-vis de la réduction de la pauvreté. Cela peut aussi permettre de faire le point sur la sécurité alimentaire, les droits de scolarité des établissements postsecondaires et les services de police communautaires, et entraîner une augmentation du soutien en santé, parmi les autres secteurs essentiels pour atteindre un équilibre économique et social productif et humain. La question fondamentale à laquelle nous devons répondre grâce aux données probantes que nous cherchons à obtenirfootnote 53 est très simple : « Y a-t-il une façon plus humaine et plus efficace de réduire la pauvreté, une façon de mieux respecter le droit des personnes qui vivent dans la pauvreté à faire leurs propres choix de vie et de réduire la stigmatisation et l’augmentation de la bureaucratie, tout en améliorant les effets liés aux perspectives de travail et de vie? »

Une subvention démographique universelle

Les recommandations de la section précédente portent sur la mise à l’essai d’un impôt négatif au lieu d’un paiement brut du revenu de base qui serait versé à tous les Ontariens adultes et assujetti à l’impôt sur le revenu existant (subvention démographique). L’option de la subvention démographique a été écartée pour deux grandes raisons.

Tout d’abord, d’autres administrations envisagent de mettre bientôt à l’essai des programmes qui s’apparentent davantage à la version de la subvention démographique du revenu de base.footnote 54 Les données probantes pour ce type de programme seront donc générées ailleurs dans les années à venir, alors que très peu d’éléments probants récents, voire aucun, n’ont permis d’évaluer les effets de l’impôt négatif sur le marché actuel du travail.footnote 55 Dans le cadre d’une série d’expériences menées partout dans le monde, la mise à l’essai d’une approche différente (impôt négatif) par un projet pilote de l’Ontario permettrait donc de contribuer à la production de données probantes en apportant des résultats et des renseignements nouveaux et uniques s’inscrivant dans la trame internationale. Il est inutile de mettre à l’essai à grands frais, comme dans d’autres pays, des « options liées à la subvention démographique universelle » parallèlement au projet pilote du revenu de base de l’Ontario.

Deuxièmement, le coût financier direct plus considérable de la subvention démographique dissuaderait probablement les gouvernements de la mettre en place à l’échelle réelle. L’impôt négatif serait probablement un programme plus abordable pour les gouvernements s’il était mis en œuvre à l’échelle provinciale. Il est également probable que les compromis réalisés sur la générosité de l’aide offerte par la subvention démographique afin d’assurer la transition vers une version évolutive saperaient l’objectif de réduction de la pauvreté des programmes de revenu de base.

Limites du projet pilote

Enfin, le projet pilote ne répondra pas en détail à certaines questions sans des outils de modélisation plus perfectionnés. Les questions non abordées dans ce document de travail, comme les effets d’équilibre général sur les prix locaux, les logements et les salaires, et les changements liés à l’assiette fiscale de la province (à des fins de financement), pourraient aussi être étudiées dans la dernière phase de l’analyse du modèle. Nous pourrions peut-être répondre à ces questions en utilisant des modèles de microsimulation et en nous appuyant en partie sur les données probantes générées par le projet pilote et issues des documents.

Si l’on accorde un revenu complémentaire aux adultes inclus dans l’échantillon du projet pilote et vivant à présent dans la pauvreté (c’est-à-dire à ceux qui travaillent et aux bénéficiaires du programme Ontario au travail et du POSPH) conformément aux différentes itérations du revenu de base suggérées à la section E, tout en doublant presque leurs allocations actuelles dans certains cas, il n’en résultera pas de ce fait un niveau supérieur à la MFR pour ces personnes. C’est en travaillant qu’elles parviendront à ce résultat. Une partie de leur revenu fera l’objet d’une récupération fiscale dans le cadre de l’essai, un peu à la manière dont le revenu de tous les Ontariens qui vivent au-dessus du seuil de pauvreté est maintenant imposé.footnote 56

Mise en œuvre du projet pilote sur le revenu de base

Je recommande que le projet pilote sur le revenu de base comprenne trois phases : i) travaux de planification et de préparation requis avant que les paiements réels du revenu de base soient effectués et que le travail d’enquête puisse commencer; ii) mise en place réelle du revenu de base et du processus de collecte des données; iii) analyse des effets du revenu de base mis à l’essai dans le projet pilote et des rapports coûts-avantages du projet pilote lui-même à court terme et à long terme, et modélisation du coût et des avantages d’un éventuel lancement du projet dans la province.

Nous devrions commencer à obtenir des résultats indicatifs bien avant la fin du projet pilote, compte tenu des conclusions à tirer des vagues de données recueillies lors des premiers paiements au titre des programmes sur le revenu de base mis à l’essai. En effet, il serait essentiel de mettre fermement en place une politique d’accès ouvert « complètement transparente » du début à la fin, pour que, exception faite de l’identité des participants au projet pilote, toutes les personnes intéressées par les activités et les travaux du projet pilote sur le revenu de base puissent rapidement bénéficier d’un accès ouvert aux résultats et aux indicateurs préliminaires. Par exemple, la pratique de la Société canadienne du sang qui est de tenir des assemblées publiques annuelles et d’offrir un accès libre à tous les comptes rendus du conseil, devrait s’appliquer à tous les comptes rendus du Conseil consultatif, du Conseil de gestion de la recherche et du Comité directeur.

Il est recommandé de détailler les trois différentes phases du projet pilote comme suit :

Phase I : Préparation, organisation et entrevues préliminaires

Il faut établir la composition précise du Conseil consultatif sur le revenu de base, du Comité directeur et du Groupe de gestion de la recherche avant le début de la première phase. La phase I doit ensuite porter sur la préparation de l’infrastructure (tangible et intangible) nécessaire pour distribuer le revenu de base aux participants dans le volet de l’ECR et des sites de saturation du projet pilote.

Il faudrait déterminer les ensembles de données administratives à assembler ou à obtenir pour l’évaluation du projet pilote, demander les autorisations pertinentes aux conseils d’éthique visés et aux commissaires à la protection de la vie privée afin d’accéder à ces données, remplir et signer des ententes sur le partage des données, et relier les fichiers de données. L’équipe de recherche devrait également, à cette phase, travailler avec les autorités de chaque collectivité du projet pilote pour veiller à ce que leurs administrations soient prêtes à distribuer les prestations. Il faudrait sélectionner les participants (au hasard, dans le cas de l’ECR), et ces derniers devraient consentir auprès du Groupe de gestion de la recherche à participer à l’expérience et à donner accès, au besoin, à leurs dossiers administratifs pour l’évaluation du projet pilote.footnote 57 Il faudrait également mettre en place un plan afin de s’assurer que tous les éventuels participants produisent une déclaration d’impôts et possèdent un compte bancaire, ce qui leur permettrait de participer au projet pilote et faciliterait les paiements. Les travailleurs devraient suivre une formation afin de faciliter le processus de collecte de données dans les phases subséquentes et pour chaque site pilote et d’informer le public. Le Groupe de gestion de la recherche devrait concevoir et mettre sur pied un site Web où les activités du projet pilote seraient décrites et où les rapports préliminaires seraient publiés.

À la phase 1, il faudrait également mener des entrevues préalables avec les groupes de discussion afin d’éclairer la conception des volets du projet pilote. Ces entrevues serviraient également à mettre à l’essai les questionnaires qui serviront à recueillir les données sur les effets et les comportements qui ne sont pas documentées dans les ensembles de données administratives susmentionnés. Pour savoir comment mener ces entrevues, il serait extrêmement utile de connaître l’avis des personnes vivant dans la pauvreté.footnote 58 Au cours des phases subséquentes du projet pilote, il faudrait également établir les mécanismes (comme les paramètres de rémunération) qui limitent l’attrition. Pendant la phase I du projet pilote, il faudrait aider les participants à remplir leur déclaration d’impôts, en particulier ceux qui ne l’ont jamais fait dans le passé. Il faudrait demander la collaboration de travailleurs sociaux et de professionnels en santé mentale.

La phase I devrait durer quatre mois environ. Pendant cette période, le Groupe de gestion de la recherche devrait conserver des chercheurs afin de mettre en œuvre le projet pilote.

Phase II : Enquêtes quantitatives et qualitatives, et mise à l’essai

Au cours de cette phase, le revenu de base devrait être versé sous diverses formes aux participants du projet pilote. Afin de simplifier le plus possible la mise en œuvre et l’analyse de certains effets, il faudrait effectuer ces paiements au début d’un exercice financier provincial. Pendant cette période, la base de données constituée au cours de la phase I sera mise à jour avec les nouveaux dossiers administratifs déposés par les gouvernements, ce qui permettra de produire une base de données longitudinale documentant les résultats intéressants. Il faudrait aussi recueillir d’autres données issues des entrevues périodiques (ces entrevues doivent avoir lieu au moins deux fois par an). Ces entrevues individuelles (lors desquelles les participants recevraient une rémunération modeste pour le temps accordéfootnote 59) permettront aux chercheurs de recueillir des renseignements individuels sur les effets et les comportements non documentés dans les dossiers administratifs. Ces renseignements porteraient sur l’emploi du temps et comprendraient des données qualitatives sur le bien-être des participants, les interactions avec les programmes de revenu de base mis à l’essai, etc. Il faudrait mener ces entrevues auprès d’un échantillon représentatif de ménages participant au programme, au minimum. Il n’est toutefois pas nécessaire d’interroger tous les participants, afin de limiter le coût du programme.footnote 60 En outre, les leçons que nous avons tirées de l’expérience Mincome montrent qu’il est essentiel de veiller à ce que les entrevues et le processus d’inscription restent rapides pour les participants afin de limiter l’attrition.

Au cours de cette phase, une analyse préliminaire des incidences des programmes de revenu de base sera menée à partir des données des entrevues et des données administratives. Les résultats provisoires de cette analyse seront publiés sur le site Web du projet pilote afin d’informer le public. Il faudrait également publier des rapports financiers périodiques sur les activités du projet pilote aux fins de transparence et de responsabilisation.

Outre une étude des résultats du programme pour les personnes participant à l’expérience, la phase II du projet pilote devrait aussi consister à recueillir des données sur les mécanismes de mise en œuvre. L’information directe obtenue grâce aux rapports ou aux entrevues menées auprès des fournisseurs de service, des chargés de cas, des fournisseurs de soins de santé et de l’équipe qui s’occupe des paiements par l’intermédiaire du système fiscal et reçoit les plaintes et les avis d’appel des clients, permettra d’établir les aspects problématiques de la mise en œuvre du revenu de base à améliorer éventuellement au cours du projet pilote et à résoudre définitivement en cas de lancement du programme dans toute la province. Elle permettra également d’orienter les exercices de communication avec les participants et le grand public en mettant en lumière les aspects cruciaux de l’expérience, qu’ils soient positifs ou négatifs. Aucune expérience n’est parfaite et sans faille dès le début. Très peu d’expériences en économie, en politique sociale ou en science ayant fourni au cours des dernières décennies d’immenses avantages aux particuliers et aux collectivités auraient réussi « l’essai de perfection, du lancement à l’analyse finale ». Je recommande vivement à la Province de faire preuve d’une grande transparence et de faire confiance aux Ontariens à propos des résultats provisoires positifs, négatifs et incertains du projet pilote.

La phase de recherche réelle devrait durer au moins trois ans, mais les résultats indicatifs préliminaires devraient être disponibles dans les six mois suivant le début de la partie quantitative de l’enquête. Le Groupe de la gestion de la recherche et le Groupe consultatif devraient utiliser ces premiers résultats pour cerner les problèmes liés à la conception du projet pilote, ou les parties de traitement qui posent un problème, et procéder aux modifications nécessaires pour assurer la réussite du projet pilote.

Phase III : Analyse et évaluation approfondies

L’évaluation complète des résultats du projet pilote aura lieu à la phase III, qui devrait permettre de répondre clairement aux questions citées à la section D (iii). Cette analyse approfondie permettra d’obtenir les données probantes que le gouvernement et la législature de l’Ontario pourront utiliser dans les choix envisagés à l’avenir dans les politiques. Le rapport final du projet pilote devrait documenter les incidences du revenu de base pour les participants au projet pilote, en fonction de la composition de leur famille, de leur situation sur le marché du travail, de leur situation précédente en matière d’aide sociale, de leur sexe, de la collectivité racialisée à laquelle ils appartiennent et de leur statut d’immigrant. Il devrait également décrire les difficultés, les enjeux et les réussites liés à l’exécution des paiements et à la mise en œuvre du système du revenu de base, selon l’équipe de recherche, les administrations locales et les employés de première ligne qui travaillent dans les sites du projet pilote. Il faudrait également publier un rapport financier complet sur les activités du projet pilote.

Les effets des incidences du projet pilote sur divers résultats, y compris la participation à la main-d’œuvre, et les renseignements sur les prestations versées au cours du projet pilote pourraient servir à simuler le coût d’un programme de revenu de base correspondant aux différents groupes de traitement en cas de mise en œuvre provinciale. Nous pourrions également simuler l’incidence des diverses options de financement de ces programmes (y compris leur impact sur la disponibilité de main-d’œuvre des personnes qui ne reçoivent pas le revenu de base, mais participent à son financement par l’intermédiaire du système fiscal).

À la dernière phase, il faudrait aussi longuement songer à accompagner les participants après le projet pilote. Nous pourrions envisager, après le projet pilote, un retrait progressif des prestations supplémentaires octroyées au cours du projet, afin de limiter l’ampleur du choc du revenu que connaîtraient sinon certains participants, ainsi que le stress qui pourrait se manifester lorsqu’ils doivent prendre la décision de dépenser ou non leur revenu vers la fin du projet pilote. D’autres options pourraient également être examinées par l’agent d’éthique du projet pilote.

Conclusions

Il n’y a aucune raison qui empêche de lancer, d’ici la fin de l’exercice actuel en Ontario, un projet pilote cohérent évaluant les avantages d’un revenu de base pour la société en général, et surtout, pour les personnes vivant dans la pauvreté. La Province peut compter sur des institutions et des intervenants qui possèdent les compétences, l’expérience et la capacité pour le faire. J’ajouterais également que la bonne volonté requise pour lancer un tel projet pilote est manifeste chez les organismes municipaux et leurs employés, les organismes communautaires, les groupes confessionnels, les représentants des personnes vivant dans la pauvreté, les intervenants de première ligne dans la réduction de la pauvreté et l’offre de services aux Ontariens à faible revenu, les fournisseurs de soins de santé, ainsi que les entreprises et les organisations commerciales qui sont profondément ancrées dans la vie économique des collectivités rurales et urbaines. Je n’ai remarqué aucun signe indiquant qu’un groupe ou un parti politique, quel qu’il soit, pourrait s’opposer à un projet visant à trouver une meilleure façon de réduire la pauvreté et ses graves effets négatifs sur la vie des gens, leurs perspectives, leurs relations, leur santé, leur longévité et leur situation sociale.

Les récentes améliorations apportées à l’ACE et à la POE, ainsi que les récentes améliorations apportées par le gouvernement de l’Ontario à l’assistance offerte aux étudiants de niveau postsecondaire et les augmentations du salaire minimum, expriment toutes l’intérêt fédéral et provincial envers la réduction des grands écarts en matière de revenus en soutenant de meilleures perspectives pour les personnes et les familles aux prises avec d’importantes difficultés économiques. Mettre à l’essai un revenu de base est une façon humaine et utile d’évaluer la manière dont les nombreux coûts de la pauvreté (en matière de productivité, de santé, de politiques et d’autres coûts pour la collectivité, pour ne nommer que ceux-là) peuvent être diminués, tout en réduisant la pauvreté et en favorisant le travail.

Il est impossible de prévoir les résultats d’un projet pilote bien administré et objectif. Et nous ne devrions pas non plus présumer de ces résultats. Un projet pilote bien mené devrait consister à produire des preuves rationnelles et objectives qui pourront éclairer les décisions du gouvernement dans le futur. Bien entendu, en cette période où de nombreuses approches en matière de soins de santé et de santé publique, de soins des personnes âgées, d’intégration des immigrants et de gouvernement en tant que tel évoluent en fonction des besoins changeants de leur époque, la seule erreur fondamentale que l’on pourrait commettre relativement à un projet pilote portant sur le revenu de base serait de ne pas en évaluer les effets.

 Le processus de consultation

Le gouvernement a mentionné qu’il désirait publier et distribuer ce document de travail sur un projet pilote portant sur le revenu de base afin de susciter des commentaires, des réactions et des suggestions dont il pourra tenir compte avant d’aller plus loin.

Ce processus ouvert et mobilisateur offre à la province, aux personnes vivant dans la pauvreté, aux nombreux organismes et bénévoles ainsi qu’aux groupes communautaires, institutionnels et sans but lucratif qui viennent en aide aux personnes vivant dans la pauvreté, une excellente occasion de partager leur point de vue sur la meilleure façon de mettre en œuvre un projet pilote.

Les députés provinciaux, quel que soit leur parti, ont donc la possibilité d’organiser des tables rondes avec les citoyens intéressés, que ce soit par circonscription ou par région. Les organismes de service, les communautés confessionnelles et les associations multiculturelles peuvent aussi organiser des consultations répondant mieux à leurs besoins et à leurs contextes. On espère également voir des associations d’entreprises, de travail, agricoles et professionnelles, ainsi que des groupes d’intérêts et des réseaux partager leurs points de vue sur le document de travail et sur les espoirs et les enjeux liés à un projet pilote portant sur le revenu de base.

Afin que le gouvernement puisse avoir suffisamment de temps pour étudier le document de travail et les commentaires et suggestions du public qui suivront, et pour prendre en temps opportun les décisions qu’il juge convenables à propos du projet pilote, nous espérons que les commentaires et suggestions pourront être soumis au gouvernement d’ici le 31 décembre 2016. À cette fin, il faudrait mettre en ligne un site Web comprenant le texte du présent document de travail et une adresse de courriel où faire parvenir les points de vue. Les observations écrites non numériques peuvent être envoyées à : (adresse, etc.).

Remerciements

Je désire remercier les nombreuses personnes et nombreux organismes qui ont bien voulu nous conseiller durant la préparation du document de travail. Les représentants et le personnel des bureaux de l’honorable Helena Jaczek et de l’honorable Chris Ballard, du ministère des Services sociaux et communautaires et du Bureau de la Stratégie de réduction de la pauvreté, du Cabinet de la Première ministre, d’Emploi et Développement social Canada, de Statistique Canada et des divers autres groupes indiqués ci-dessous ont vraiment été utiles, coopératifs, instructifs et candides. Leurs conseils francs et directs ont été précieux.

Maripier Isabelle nous a fourni des conseils, des recherches et des points de vue d’une valeur inestimable pour notre travail. Je suis donc très reconnaissant de toutes les contributions, et envers Maripier en particulier.

Consultations – Projet pilote portant sur le revenu de base – (par écrit, par téléphone, en personne)

Membres de l’Association des municipalités de l’Ontario – Protocole d’entente

Membres du Comité provincial-municipal de l’aide sociale et de l’emploi

Ken Battle, Caledon Institute of Social Policy

Robin Boadway, Université Queen’s et Kingston Action Group for a Basic Income Guarantee

Leslie Boehm, Université de Toronto

Alan Broadbent, Maytree Foundation

Patrick Brown, chef de l’opposition officielle de l’Ontario

Michael Creek, Working for Change

Evelyn Forget, Université du Manitoba

Joe Foster, Group Ottawa for Basic Income

Laurie Goldman, Emploi et Développement social Canada

John Green, Basic Income Waterloo Region

Doris Grinspun, Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario

Jason Hartwick et Susan Hubay, au nom du Basic Income Peterborough Network

Chief Ava Hill, Six Nations de la rivière Grand

Andrea Horwath, chef du Nouveau parti démocratique de l’Ontario

Tara Kainer, Kingston Action Group for a Basic Income Guarantee

Kory Kroft, Université de Toronto

Linda Lalonde, Ottawa Poverty Reduction Network

Tim Lenartowych, Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario

Danielle Martin, Hôpital Women’s College

Gregory C. Mason, Université du Manitoba

Sylvie Michaud, Statistique Canada

Kevin Morris, Université de l’EADO

Elizabeth Mulholland, Prospérité Canada

Lynn Anne Mulrooney, Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario

Brian Murphy, Statistique Canada

Doug Murphy, Emploi et Développement social Canada

Karen Myers, Société de recherche sociale appliquée

Chairman Chief Reginald Niganobe, Conseil tribal de North Shore

Philip Oreopoulos, Université de Toronto

Toni Pickard, Université Queen’s et Kingston Action Group for a Basic Income Guarantee

Elaine Power, School of Kinesiology and Health Policy, Université Queen’s

Rob Rainer, conseil consultatif du Réseau canadien pour le revenu garanti

Mayvis Rebeira, Center for Global Health Research

Sheila Regehr, Réseau canadien pour le revenu garanti

Benoît Robidoux, Emploi et Développement social Canada

Nick Saul, Community Food Centres Canada

Katherine Scott, Conseil canadien de développement social

Lisa Simon, Circonscription sanitaire du district de Simcoe Muskoka

Janet Simons, au nom de l’Hamilton Basic Income

Tracy Smith-Carrier, au nom de la Basic Income Guarantee London Chapter

Mark Stabile, Université de Toronto

Carol Stalker, Basic Income Waterloo Region

Linda Stewart, Association des agences locales de santé publique

Valerie Tarasuk, Université de Toronto

Sherri Torjman, Caledon Institute of Social Policy

Kyle Vose, ODSP Action Coalition

Glen Walker, au nom du Niagara Poverty Reduction Network

Pegeen Walsh, Association pour la santé publique de l’Ontario

Walter Wodchis, Institut de recherche en services de santé, Université de Toronto

Tracy Woloshyn, York Region Public Health

Maria Wong, au nom du Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter

Armine Yalnizyan, Centre canadien de politiques alternatives

Noah Zon, Maytree Foundation

Participants, table ronde sur le revenu de base, Simcoe Hall, Université de Toronto - 29 avril 2016

Tim Aubry, Université d’Ottawa

Keith Banting, Université Queen’s

Steve Barnes, Wellesley Institute

Sheila Block, Centre canadien de politiques alternatives

Marni Brownell, Université du Manitoba

David Calnitsky, Université de Wisconsin-Madison

Mel Cappe, Université de Toronto

Nick Daube, bureau du ministre des Finances de l’Ontario

Julia Drydyk, bureau de la ministre des Services sociaux et communautaires de l’Ontario

Havi Eckenberg, consultant

Maureen Fair, St. Christopher House

Tamara Gilbert, Bureau du Conseil des ministres

Bailey Griffin, Hôpital Women’s College

David Henry, Université de Toronto

James Janeiro, Cabinet de la Première ministre de l’Ontario

Jennifer Laidley, Income Security Advocacy Office

Alex Laurin, Institut C.D. Howe

Shamira Madhany, Bureau du Conseil des ministres

Jacquie Maund, Association des centres de santé de l’Ontario

Michael Mendelson, Caledon Institute of Social Policy

Asad Ali Moten, Hôpital Women’s College

Maureen O’Neil, Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé

André Picard, The Globe and Mail

Andrew Pinto, Université de Toronto

Russ Robinson, Conseil sur le vieillissement d’Ottawa

Laurel Rothman, Family Service Toronto

Bill Ruffett, Réseau canadien pour le revenu garanti

Jonathan Sas, Institut Broadbent

Ann Silversides, journaliste pigiste

Byron Spencer, Université McMaster

John Stapleton, Metcalf Foundation

Carolyn Hughes Tuohy, Université de Toronto

Mike Veall, Université McMaster

Notes techniques

Autres considérations

  1. Diverses conséquences pour les différents groupes et selon la taille des échantillons

    L’analyse des répercussions sur le bien-être en cas de remplacement du programme d’aide sociale actuel par un revenu de base nécessite une bonne compréhension des conséquences propres aux divers sous-groupes de la population. En plus d’évaluer l’impact moyen d’un revenu de base dans le contexte du projet pilote, il faut accorder une attention particulière à la compréhension des coûts et des avantages pour les divers groupes de la population (clients à long terme d’Ontario au travail, clients à court terme d’Ontario au travail, clients du POSPH, travailleurs à faible revenu, travailleurs saisonniers, personnes sans emploi, hommes, femmes, etc.) et à la compréhension des compromis sur le plan des avancées et des défis pour les divers groupes. Par exemple, le niveau de revenu de base nécessaire pour générer des améliorations en santé ou sur le marché du travail pourrait différer pour les personnes en situation de pauvreté transitoire, pour les personnes en situation de pauvreté cyclique ou pour les personnes en situation de pauvreté persistante. Par l’analyse des effets propres à ces groupes, le projet pilote permettra de déterminer qui profite ou ne profite pas d’une politique de revenu de base et de formuler des conclusions plus nuancées en matière de politiques, en plus de pouvoir déterminer les modifications à apporter à la conception du programme après le projet pilote, si l’on décide de le mettre en œuvre dans toute la province. De toute évidence, des échantillons de plus grande taille nous aideront en ce sens.

  2. Effets des externalités et de l’équilibre général sur l’économie, les coûts de fonctionnement et les dépenses à long terme

    En raison de la nature très locale du projet pilote, il sera impossible d’obtenir une vue d’ensemble de toutes les incidences fiscales découlant du remplacement d’Ontario au travail et du POSPH par un revenu de base, ce qui ne fait pas à proprement parler partie du mandat du projet pilote. Les simulations destinées à la projection des coûts seront très utiles, et certaines des conclusions du projet pilote pourraient très bien servir lors de tels exercices de simulation.

    La durée et la portée restreintes du projet pilote pourraient ne pas permettre à l’équipe de recherche de saisir toutes les répercussions à long terme, et pour l’équilibre général, d’un revenu de base provincial sur les prix (comme sur les loyers et les salaires). Ces répercussions n’entrent pas dans le mandat du document de travail. Ces effets peuvent se manifester si la redistribution des revenus réalisée par l’entrée en vigueur d’un revenu de base influe sur le mouvement de l’offre et de la demande globales de divers biens et services. Bien que certains indices à ce propos seront fournis durant les essais menés dans les sites de saturation, les simulations à des fins de modélisation et de prévisions pourraient contribuer à notre compréhension de la façon dont ces effets pourraient se manifester.

  3. Effets d’un revenu de base permanent comparativement à un revenu de base temporaire

    De par sa nature, le projet pilote permettra d’enquêter sur les effets d’un revenu de base pendant une durée déterminée, par exemple trois ans. Pour bien des raisons, on peut s’attendre à ce que le comportement des participants à un programme temporaire diffère de celui qu’ils adopteraient s’ils s’attendaient à ce que le programme soit permanent, et que des prestations de la nature et du niveau décrits à la section E soient en vigueur dans un avenir rapproché. La réaction des participants au programme sur le plan de la participation au marché du travail pourrait être diluée s’ils savent qu’un soutien au revenu plus généreux et sans conditions n’est disponible que pendant quelques années. Par exemple, les médias ont souvent mis l’accent sur la possibilité que le revenu de base, s’il est adopté comme politique, puisse stimuler l’entrepreneuriat en permettant aux gens de prendre des risques, sachant qu’ils ne pourraient pas tomber plus bas qu’un certain niveau de revenu si leurs plans venaient à échouer. Par contre, si les personnes savent que ce revenu de base pourrait ne plus exister dans trois ans, on peut imaginer que celles qui seraient prêtes à prendre ce risque ne seraient pas aussi nombreuses que si le revenu de base était une mesure permanente.

    D’autres réactions pourraient également varier selon que le revenu de base soit temporaire ou permanent. Par exemple, il serait tout à fait logique pour les ménages de tenter d’épargner une plus grande partie de leur revenu de base durant le projet pilote s’ils craignent d’avoir moins de revenu disponible une fois le projet pilote terminé. Des motifs semblables pourraient influer sur les décisions en matière d’investissement dans le capital humain et de modalités de vie, par exemple, et atténuer les changements de comportement des participants. À bien des égards, on pourrait donc s’attendre à ce que le projet pilote génère des effets moins positifs qu’un réel programme de revenu de base.

    La nature temporaire du projet pilote pourrait involontairement augmenter le niveau d’anxiété et de stress des participants à la fin du projet pilote, puisqu’ils se rapprocheraient du moment où ils retourneraient au programme d’Ontario au travail ou du POSPH. Cela pourrait non seulement fausser les effets attendus d’un revenu de base à l’égard de la santé mentale durant le projet pilote, mais cela représente également une préoccupation éthique qui doit être sérieusement prise en compte par l’équipe de recherche, tel qu’il est expliqué à la section G.

  4. Comparaison du revenu de base avec une approche axée sur les subventions

    Une approche de test à considérer consisterait en l’ajout d’un groupe expérimental à l’essai contrôlé randomisé, ou d’un site de saturation de plus, pour lequel les personnes vivant dans la pauvreté (ou dont le revenu est moindre que la mesure de faible revenu) recevraient des subventions améliorées pour leurs besoins de première nécessité (comme le loyer, la nourriture, le transport, les communications et les services numériques) plutôt qu’un revenu de base. Il ne s’agirait pas d’un nouvel instrument de réduction de la pauvreté, mais plutôt d’une manière de mettre à l’essai une nouvelle forme de réduction du coût de la vie pour les personnes à faible revenu, ce qui permettrait d’augmenter leur revenu disponible. Les effets d’une telle initiative pourraient être comparés aux effets du revenu de base et renseigner les décideurs sur l’efficacité relative de chacune des approches.

  5. Protection des prestations des personnes durant le programme de revenu de base

    Tel qu’il est expliqué à la section E, les programmes actuels d’aide sociale sont associés à diverses prestations (comme le PMO, l’assurance dentaire pour enfants, les mesures d’aide pour les soins de la vue et certaines prestations liées à l’emploi), et l’admissibilité à ces prestations est établie en fonction du statut de la personne en vertu d’Ontario au travail ou du POSPH. Dans le contexte d’un projet pilote, il est primordial de s’assurer que la situation d’aucun participant n’empire, en maintenant l’admissibilité à ces prestations pour le groupe de participants qui passent d’Ontario au travail ou du POSPH au programme de revenu de base. Par contre, si, en raison des résultats positifs du projet pilote, le gouvernement provincial choisissait d’opter pour un revenu de base élargi à l’échelle provinciale en remplacement d’Ontario au travail et du POSPH, il faudrait prévoir un mécanisme pour préserver ces prestations. Souvent, ces prestations servent les objectifs des politiques, ce qui indique qu’elles ne devraient pas être remplacées par un revenu de base (par exemple, les prestations « de type assurance »). Aux fins du projet pilote, il faudrait mettre en œuvre un mécanisme permettant aux participants qui ne faisaient pas partie d’Ontario au travail ou du POSPH avant le début du projet de demander des prestations si leurs besoins dépassent soudainement leur revenu disponible durant le projet pilote (par exemple, si un changement dans leur état de santé les oblige à utiliser un appareil fonctionnel, à adopter une diète particulière, etc.).

  6. Restrictions sur les actifs dans les programmes Ontario au travail et POSPH

    Règle générale :

      Ontario au travail Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH)
    Célibataire sans personne à charge 2 500 $ 5 000 $
    Couple sans personne à charge 5 000 $ 7 500 $
    Montant supplémentaire pour chaque personne à charge 500 $ 500 $

    Les exemptions sont les suivantes : outils de travail et actifs d’une ferme (nécessaires pour le travail); actifs d’une entreprise (10 000 $ pour les travailleurs autonomes prestataires d’Ontario au travail et 20 000 $ pour les travailleurs autonomes prestataires du POSPH); revenus des personnes à charge; revenus gagnés pendant des études postsecondaires, indemnités pour la douleur et les souffrances; la plupart des programmes d’indemnisation et accords de réconciliation gouvernementaux; Programme ontarien de secours aux sinistrés; résidence principale; produit de la vente d’une résidence principale utilisé pour acheter une autre résidence principale dans les 12 mois; véhicule motorisé principal (et jusqu’à 15 000 $ sur un second véhicule si l’emploi se situe hors de la résidence); fiducies d’un héritage (jusqu’à 100 000 $ pour les prestataires du POSPH seulement); fiducies des produits d’une police d’assurance vie (jusqu’à 100 000 $ pour les prestataires du POSPH seulement); fiducies discrétionnaires, fiducie privée d’un prix, règlement ou don (seulement si le fiduciaire n’est pas en mesure de faire des retraits sur le capital pour subvenir à ses besoins); fiducie du Bureau de l’avocat des enfants (seulement si les fonds ne sont pas disponibles pour subvenir à ses besoins); police d’assurance vie (rente, si la valeur de rachat ne dépasse pas 100 000 $ incluant la fiducie pour prestataire du POSPH; pour les prestataires d’Ontario au travail, la valeur de rachat de la police est considérée comme un actif, si elle peut être réclamée par un membre du groupe de prestataires); fonds détenus dans un REER immobilisé ou dans un fonds de retraite; prêts (si utilisés comme prévu); subventions, prix et bourses d’études du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle ou du service d’aide financière aux étudiants du Canada; REEE (si utilisé comme prévu); programme « Expérience, poursuite et reprise des études pour les parents seuls soutiens de famille » (si utilisé par un parent pour les études postsecondaires dans un REEE); REEI; traitement des paiements versés en vertu du Programme de remboursement des dépenses des transplantés (si utilisés aux fins déclarées et dans un délai raisonnable); arriérés de soutien du revenu du POSPH (pendant six mois pour les prestataires du POSPH); actifs approuvés pour des services relatifs à un handicap (sur autorisation pour les prestataires du POSPH); préarrangements funéraires; financement du Programme Quest for Gold.
  7. Restrictions sur le revenu gagné dans les programmes Ontario au travail et POSPH

    Définition de revenu gagné : Aux fins d’Ontario au travail et du POSPH, le revenu gagné sujet aux restrictions correspond au revenu d’emploi, aux montants obtenus dans le cadre d’un programme de formation et au revenu mensuel net déterminé par l’administrateur (Ontario au travail) ou le directeur (POSPH) découlant d’une participation à une entreprise ou de l’exploitation de celle-ci (incluant les travailleurs autonomes), déduction faite de toutes les cotisations ou retenues obligatoires. La définition n’inclut pas les prestations ou versements en vertu de programmes comme l’AE et le RPC et en vertu de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, qui sont déduits d’Ontario au travail et du POSPH.

    Par contre, les revenus d’enfants à charge de 18 ans ou moins et les revenus d’étudiants à temps plein de niveau secondaire ou postsecondaire faisant partie du même ménage sont pleinement exemptés en vertu d’Ontario au travail et du POSPH et ne sont pas inclus dans le calcul de la prestation versée dans le cadre de ces deux programmes.
    Régime général d’exemption des revenus : La première tranche de 200 $ du revenu mensuel net ne réduit pas la prestation d’Ontario au travail ou du POSPH. Cependant, les prestations sont réduites de 50 cents pour chaque dollar additionnel de revenu gagné au-delà du seuil de base de 200 $. Les restrictions sur le revenu d’emploi et l’accumulation d’actifs font en sorte que les dispositions actuelles des programmes existants empêchent les gens de participer à la vie économique.

    Période d’attente de trois mois : Les règles d’Ontario au travail ne permettent pas à un nouveau demandeur de bénéficier du régime d’exemption des revenus au moment de sa demande ni pendant les trois mois subséquents.

    Autres exemptions : Ontario au travail et le POSPH permettent aux prestataires de déduire de leur revenu gagné net les frais mensuels de garde d’enfants, jusqu’à un certain montant et après l’application du régime général d’exemption des revenus. C’est la même chose pour les frais d’emploi relatifs à un handicap des prestataires du POSPH.

  8. Liste des ensembles de données à considérer dans l’évaluation des résultats du projet pilote
    Plusieurs banques de données devraient être prises en compte dans l’évaluation des résultats et des changements de comportement amenés par un revenu de base dans le contexte d’un projet pilote. Comme nous l’avons mentionné dans les précédentes sections de ce document de travail, ces ensembles de données doivent être déterminés tôt dans le processus (avant le recrutement des participants) afin de pouvoir établir des protocoles adéquats pour y accéder et les relier lorsque possible. Puisque la plupart de ces fichiers sont des dossiers administratifs fiscaux ou du domaine de la santé, nous recommandons de demander aux participants leur consentement à ce qui suit :
    • Accès par l’équipe de recherche à leurs dossiers administratifs :

      Le consentement devrait être obtenu pour les dossiers actuels, futurs et historiques pour un nombre déterminé d’années avant le début du projet pilote. Le consentement concernant l’accès aux dossiers futurs permettrait d’effectuer des recherches secondaires portant sur les effets du revenu de base après la fin du projet pilote, et de documenter certains effets à long terme de l’obtention de ce revenu de base pendant la durée du projet pilote (résultats ne pouvant être observés pendant la durée du projet pilote).

    • Liens entre les dossiers administratifs dans les diverses bases de données :

      À cette fin, tous les participants (dans les sites de saturation, le groupe témoin et les groupes expérimentaux de l’essai contrôlé randomisé) qui acceptent de participer au projet pilote devraient accepter de fournir leur numéro de carte Santé et leur NAS. Sans ces identifiants, des méthodes probabilistes pourraient servir à établir un lien entre les dossiers au moyen du nom, de la date de naissance ou de l’âge, du sexe et éventuellement, de l’adresse de résidence. Même si le taux de réussite pourrait être relativement élevéfootnote 61, cette méthode prendrait beaucoup plus de temps et fonctionnerait probablement mieux dans les sites de saturation que dans le contexte de l’essai contrôlé randomisé.

    • Liens entre les dossiers administratifs et les dossiers des autres personnes du ménage :

      En premier lieu, cela permettrait d’observer et d’étudier les décisions en matière d’offre de main-d’œuvre sur le plan individuel, mais aussi dans le contexte d’un ménage, afin de permettre des décisions concertées entre les membres. En second lieu, il est probable que les effets d’un revenu de base pourront être observés non seulement chez les personnes recevant les versements, mais aussi chez d’autres membres de sa famille. Les renseignements qui permettraient de lier les dossiers du ménage pourraient être disponibles dans les données sur le revenu ou les déclarations fiscales (par l’intermédiaire des NAS et des adresses des conjoints)footnote 62 et il serait possible d’envisager de lier les dossiers de santé des membres d’un même ménage en faisant le lien entre les NAS et les numéros de carte Santé.

      En ayant le consentement, l’équipe de recherche pourrait économiser temps et énergie, et probablement analyser les effets du revenu de base avec la plus grande envergure et rapidité possibles. Au moment de leur demander leur consentement pour accéder aux dossiers et les relier, il faudrait donner aux participants l’assurance que la confidentialité des renseignements sera respectée et que l’ensemble de données créé fera l’objet de strictes mesures de sécurité. Les ententes de partage de données devraient ensuite être préparées puis signées par les intendants d’actifs informationnels, et les ensembles de données seraient ensuite reliés et conservés sous la garde d’une entité autorisée par le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et le commissaire à la protection de la vie privée du Canada.footnote 63 Il faut réserver quelques mois à la première phase du projet pilote pour établir les liens entre les dossiers. Au mieux, les données reliées (tant les données recueillies que les données administratives) seraient conservées dans un répertoire central, mais cet aspect est à négocier avec les propriétaires des données et les intendants.

      Vous trouverez ci-dessous une série d’ensembles de données à prendre en considération dans l’évaluation des résultats du projet pilote, listés par intendant d’actifs informationnels. Cette liste n’est pas exhaustive, et le Groupe de gestion de la recherche du projet pilote pourrait ajouter d’autres sources de données à utiliser. Il faut remarquer que si ces ensembles de données étaient reliés, ils devraient être hébergés sur une plateforme commune, ce qui est une autre question à aborder le plus tôt possible à la première phase du projet.

      En outre, il faut savoir que même si la majorité des fichiers de données suggérés fournissent des renseignements sur des personnes, des indicateurs communautairesfootnote 64 pourraient être tirés de ces sources et servir à étudier les impacts du revenu de base dans les sites de saturation, et les façons dont ces impacts pourraient exacerber ou atténuer les effets au plan individuel. Ces indicateurs communautaires devraient être pris en compte pour des collectivités dans leur ensemble, mais aussi décomposés par niveaux de revenu afin d’étudier la dynamique des écarts de revenu entre les populations au sommet et à la base de la fourchette de répartition des revenus (par exemple, l’évolution des inégalités en matière de santé) après l’introduction d’un revenu de base et en relation avec les effets du revenu de base sur la situation et la sécurité financières de la population dans chacun de ces groupes.

Institut de recherche en services de santé (IRSS)

Les banques de données détenues par l’IRSS et indiquées ci-dessous renseignent sur les effets sur la santé des personnes, un éventail de caractéristiques individuelles et un certain nombre de facteurs socioéconomiques reliés aux quartiers. À partir de ces renseignements, il est également possible de dégager des données personnelles longitudinales à propos de l’utilisation des soins de santé et des problèmes de santé ou des morbidités.

  • Inscription aux programmes des organismes clients
    • Type : administratif
    • Information sur : l’inscription aux modèles de soins primaires
    • Justification : assurer le suivi de l’inscription des patients auprès de divers types de pratiques (réseau de santé familiale, organisme de santé familiale, équipe de santé familiale, réseau de soins primaires, groupe de soins primaires, modèle de soins complets, groupe de soins communautaires, ententes parrainées par la communauté, centres de santé de groupe, organisation de services de santé) peut servir à déterminer la façon dont l’accès aux services et soins primaires de première ligne (mesuré par l’inscription) évolue au fil du temps, mais peut également fournir des variables de contrôle dans l’analyse des résultats en matière de santé. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Système d’information sur les soins de longue durée
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : l’utilisation des soins de longue durée
    • Justification : assurer le suivi de la quantité de soins reçus par les personnes dans les établissements de soins de longue durée ou les unités de soins de longue durée des complexes hospitaliers (incluant les soins de longue durée, les soins prolongés ou pour des maladies chroniques et les soins en établissement avec services infirmiers). Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Base de données sur les congés des patients
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : la sortie des patients (admissions, congés, diagnostics et soins reçus)
    • Justification : assurer le suivi des changements dans l’utilisation des soins durant les hospitalisations, en matière d’intensité, de durée du séjour, de transferts vers d’autres établissements, de type d’admission, de renseignements sur l’établissement, de disposition, de consommation des ressources, etc. Comprend les données sur les naissances et les soins de périnatalité, comme le poids faible à la naissance et l’âge gestationnel, qui font partie des résultats sur lesquels un revenu de base influera très probablement à court terme. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Base de données de l’Assurance-santé de l’Ontario
    • Type : sondage administratif (annuel)
    • Information sur : l’utilisation des soins de santé
    • Justification : réclamations pour soins reçus, détaillant la nature des services facturés à l’Assurance-santé de l’Ontario par les médecins, groupes et laboratoires. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Base de données sur les soins à domicile
    • Type : administratif (trimestriel)
    • Information sur : les soins à domicile (diagnostics et soins reçus) dans les établissements coordonnés par les centres d’accès aux soins communautaires de l’Ontario.
    • Justification : assurer le suivi de l’utilisation des soins à domicile, comme les soins infirmiers, la physiothérapie, la psychologie, le travail social et les services respiratoires. Comprend des données sur l’évaluation, les admissions et les congés, les diagnostics et les procédures. Certains services sont très probablement utilisés par les personnes âgées et pourraient donc ne pas être très utiles dans l’évaluation des résultats du projet pilote, mais serviraient peut-être à documenter le tableau d’ensemble de l’utilisation des soins de santé par les participants. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Système national d’information sur les soins ambulatoires
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : les soins ambulatoires hospitaliers et communautaires aux adultes
    • Justification : assurer le suivi des chirurgies d’un jour, des consultations externes et des services d’urgence (incluant l’oncologie et les dialyses rénales). Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Système national d’information sur la réadaptation
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : les soins dans les établissements de réadaptation (uniquement pour les adultes)
    • Justification : assurer le suivi des admissions et des congés dans les établissements spécialisés, les unités ou les programmes de réadaptation des hôpitaux et les lits réservés à la réadaptation, et surveiller les résultats cliniques associés (incluant les mesures d’indépendance fonctionnelle, les fonctions cognitives, les caractéristiques fonctionnelles et de santé, les activités et la participation aux activités quotidiennes et les interactions sociales), les diagnostics et les interventions. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Réclamations au Programme de médicaments de l’Ontario
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : les réclamations pour des médicaments sur ordonnance pour les personnes assurées et les médicaments admissibles.
  • Justification : assurer le suivi des réclamations pour des médicaments d’ordonnance par les personnes couvertes par le Programme de médicaments de l’Ontario, incluant les prestataires actuels du POSPH et d’Ontario au travail dont les dépenses en médicaments sont très élevées relativement à leur revenu et qui sont inscrits au Programme de médicaments Trillium, les personnes inscrites au programme de soins à domicile ou qui résident dans un foyer de soins de longue durée ou un foyer de soins spéciaux, et les personnes de 65 ans ou plus (bien que les participants au projet pilote ne fassent pas partie de cette dernière catégorie). Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Système d’information ontarien sur la santé mentale
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : les soins reçus dans les lits réservés aux soins de santé mentale dans les établissements de soins actifs et les cliniques psychiatriques
    • Justification : assurer le suivi des admissions, des soins et de l’utilisation des services, des congés et des diagnostics pour les patients adultes admis dans un lit ou un hôpital réservé à la santé mentale. Documenter également l’historique des pratiques d’autodestruction et de consommation de drogues ou d’alcool (deux résultats sur lesquels le revenu de base risque fort d’influer à court terme), et déterminer une série d’événements marquants qui ont un lien avec la santé mentale. Renseignements disponibles pour les personnes.
  •  Programme d’appareils et accessoires fonctionnels
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : les personnes qui ont une invalidité à long terme et reçoivent un appareil fonctionnel personnalisé
    • Justification : assurer le suivi des renseignements sur les personnes qui ont une incapacité à long terme et reçoivent un ou plusieurs appareils fonctionnels personnalisés pour subvenir à leurs besoins primaires, comme une pompe à insuline et un ventilateur mécanique, et qui pourraient contribuer à notre compréhension de la façon dont ces personnes gèrent leur état de santé. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Fichiers de la Base de données sur les personnes inscrites
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : l’admissibilité des personnes inscrites à des services de santé assurés
    • Justification : données démographiques (sexe, date de naissance, code postal, indice de ruralité, etc.) qui peuvent être reliées à des fichiers d’utilisation des services de santé afin de fournir un plus vaste contexte sur les personnes. Renseignements disponibles pour les personnes.
  • Profils du territoire de recensement de l’Ontario
    • Type : administratif (tous les cinq ans)
    • Information sur : les caractéristiques démographiques ou économiques du milieu dans lequel les personnes vivent
    • Justification : documenter les caractéristiques socioéconomiques du milieu (quartier) d’une personne, qui peuvent servir à une analyse visant à détecter les facteurs de confusion issus du milieu d’un participant. Information au plan géographique.

Il faut noter que pour bien des résultats en santé, il est peu probable que l’on remarque des changements importants à court terme et que les effets sur certains (prévalence des maladies chroniques et utilisation des services associée, prévalence du diabète, espérance de vie, mortalité évitable, mortalité toutes causes, etc.) n’apparaissent généralement pas de façon mesurable avant 10 ans.footnote 65

Ministère des Services sociaux et communautaires (MSSC)footnote 66

L’accès aux dossiers administratifs compilés dans les programmes d’aide sociale de l’Ontario sera nécessaire pour déterminer les personnes qui ont obtenu des prestations d’Ontario au travail et du POSPH avant le lancement du projet pilote (ou durant le projet pilote, s’ils font partie du groupe témoin de l’essai contrôlé randomisé). Il faut assurer le suivi du recours à Ontario au travail ou au POSPH au niveau individuel avant le début du projet pilote afin de dresser le portrait de l’historique de pauvreté et d’aide sociale des personnes et de surveiller les changements à mesure que le projet avancera.

C. Prise en compte possible des microdonnées des cinq dossiers (formatés) suivants compilés dans les Centres de données de recherche (CDR) de Statistique Canada

  • Renseignements sur l’unité prestataire (famille)
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : les statuts en matière d’aide sociale (incluant les cessations) et caractéristiques des familles
    • Justification : assurer le suivi des entrées et sorties des programmes d’aide sociale et documenter la composition familiale et d’autres caractéristiques comme le type de logement. Information au plan familial.
  • Renseignements sur les membres
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : les caractéristiques démographiques individuelles
    • Justification : assurer le suivi des caractéristiques des personnes bénéficiant de l’aide sociale à la fin de chaque mois (incluant l’âge, le sexe, les handicaps, le statut d’immigrant et l’historique d’immigration, l’alphabétisation, la recherche d’emploi, etc.). Information au plan individuel.
  • Renseignements sur les versements
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : les prestations reçues (types et montants)
    • Justification : assurer le suivi des prestations et déductions mensuelles des personnes bénéficiant de l’aide sociale. Information au plan familial.
  • Renseignements sur le revenu et les déductions
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : le revenu (tous les types) reçu (types et montants)
    • Justification : assurer le suivi du revenu mensuel (brut et net) déclaré par les personnes. Information au plan individuel.
  • Renseignements sur les compétences
    • Type : administratif (mensuel)
    • Information sur : les prestations reçues (types et montants)
    • Justification : assurer le suivi des compétences acquises par les personnes bénéficiant de l’aide sociale et des obstacles potentiels à l’emploi. Information au plan individuel.

Le Système de veille stratégique pour l’aide sociale (Système SABIS) fondé et administré par la Direction de la recherche et de l’analyse en matière de politiques du MSSC pourrait être utilisé à la place. En plus des variables mentionnées ci-dessus, cette base de données comprend également des renseignements portant sur l’administration des programmes d’aide sociale par le MSSC. D’autres microdonnées portant sur les allocations pour enfants, l’assurance médicaments et l’assurance dentaire offertes aux bénéficiaires de l’aide sociale devraient également être prises en compte.

Il faut savoir que des ententes de partage des données (ou des ententes d’échange d’information) ont déjà été conclues entre le MSSC et i) le ministère des Finances de l’Ontario pour les données fiscales personnelles et ii) Emploi et Développement social Canada pour les données sur l’assurance-emploi.

Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle (MESFP) et ministère de l’Éducation

Il faut trouver un moyen d’accéder aux résultats scolaires des participants et de leurs personnes à charge par l’intermédiaire des données administratives personnelles. Ces données devraient idéalement être reliées à toutes les autres sources de données figurant dans le présent document (peut-être par les NAS des parents ou une combinaison de noms et d’adresses).footnote 67

Idéalement, il faudrait pouvoir accéder à des données administratives semblables à celles décrites ci-dessous :

  • Dossiers scolaires (écoles primaire et secondaire)
    • Information sur : les résultats aux examens (idéalement des mesures normalisées comme les scores de l’OQRE en 3e et 6e année), les jours d’école manqués (présence) et si les études secondaires ont été terminées
    • Justification : faire un suivi de l’apprentissage, des résultats et de la participation (présence) des enfants. Idéalement, il faudrait obtenir ces renseignements pour chaque enfant inscrit à l’OQRE/au ministère de l’Éducation. La possibilité d’établir un lien entre ces dossiers et les renseignements en matière de santé et d’impôts à l’aide des adresses ou des NAS des parents devrait être envisagée.
  • Dossiers scolaires (études postsecondaires)
    • Information sur : l’inscription, l’obtention du diplôme, le choix de programme
    • Justification : faire un suivi des résultats en matière d’apprentissage des jeunes et des jeunes adultes dans les établissements d’enseignement postsecondaire, ainsi que de leur choix de faire des études postsecondaires et du temps qu’il leur a fallu pour obtenir leur diplôme. Idéalement, on pourrait obtenir ces renseignements pour les jeunes et les jeunes adultes auprès du COQES ou du MESFP. La possibilité d’établir un lien entre ces dossiers et les renseignements sur la santé et les impôts à l’aide des adresses ou des NAS devrait être envisagée.

Ministère des Finances (MFO), Agence du revenu du Canada (ARC) et Statistique Canada

L’accès aux données de nature fiscale à partir des déclarations personnelles du revenu et des prestations peut permettre le suivi des revenus des personnes au fil du temps (non seulement pour les bénéficiaires actuels de l’aide sociale, mais pour tous les participants, peu importe leur situation d’emploi et leur revenu total). Certaines de ces données seront directement liées à l’administration du programme, et sont recueillies par l’ARC. Statistique Canada a déjà relié des données fiscales à d’autres dossiers personnels par le passé.footnote 68

  • Fichiers des familles T1, fichiers maîtres des particuliers T1 et fichiers T4 Sommaire et Supplémentairefootnote 69
    • Type : administratif (annuel)
    • Information sur : les revenus (ménages et particuliers), impôts, paiements de transfert, cotisations aux régimes de retraite, richesse
    • Justification : assurer le suivi du revenu de chaque participant (qui a droit ou non à un revenu de base) et de toutes les sources : revenu d’emploi, revenu de retraite, revenu de travailleur autonome, revenu non imposable, autres revenus (comme les transferts de l’ACE, les crédits d’impôt remboursables et non remboursables, les autres transferts gouvernementaux et les revenus de placement). Les fichiers des familles T1 fournissent des renseignements sur les revenus de chaque personne, et pas seulement sur les revenus des prestataires de l’aide sociale (par contre, les renseignements sur l’aide sociale du MSSC comprennent des données qui ne sont pas disponibles dans les déclarations de revenus des prestataires de l’aide sociale, comme les données concernant les compétences et l’historique de recherche d’emplois). Les fichiers des familles T1 peuvent aussi fournir des données comme les crédits d’impôt réclamés, ce qui permet aux chercheurs de faire le suivi de certains comportements des contribuables (habitudes de dépense pour certains articles, etc.) et peut également offrir la possibilité d’évaluer les habitudes d’économie, dans une certaine mesure, en assurant le suivi de la richesse et des cotisations (par exemple, pour la retraite). Information au plan individuel.
    • Défis répertoriés par le ministère des Finances de l’Ontario (MFO)
      1. Le MFO conserve actuellement les données fiscales dans deux banques de données : l’une contient les renseignements sur les revenus des particuliers (sans compter les sources de revenus comme les crédits d’impôt et les diverses prestations) et l’autre contient les renseignements sur le ménage et des renseignements supplémentaires sur l’impôt foncier et les prestations, et quelques données sur l’aide sociale. Cette dernière banque de données serait la plus adéquate pour évaluer les effets d’un projet pilote portant sur le revenu de base; cependant, en raison des protocoles existants, les liens avec d’autres données administratives (sans le consentement des personnes) nécessiteraient des dispositions complexes sur les données. Si le consentement n’est pas obtenu, il faudrait se pencher sur cette question le plus tôt possible.
      2. Les données du MFO sur les impôts sont disponibles dans un délai d’environ trois ans, ce qui restreint la fenêtre d’évaluation du projet pilote.footnote 70
      3. L’ARC pourrait imposer des délais de même nature.

Emploi et Développement social Canada

L’accès aux dossiers individuels de l’AE, qui seraient reliés à tous les ensembles de données mentionnés ci-dessus, permettrait de faire le suivi, entre autres, des périodes d’emploi ou de chômage et de la situation d’emploi.

  •  Dossiers individuels d’assurance-emploi (AE)
    • Type : administratif (mensuel ou annuel)
    • Information sur : la situation, l’historique, les prestations et les revenus des anciens prestataires et des prestataires actuels de l’AE
    • Justification : assurer le suivi des périodes de chômage des personnes demandant l’AE, ainsi que leur occupation principale, leur ancienne situation d’emploi (travailleurs autonomes, anciennement employés, travailleurs saisonniers, etc.), les types de prestations reçues et le nombre de périodes durant lesquelles les prestations ont été demandées ou reçues. Information au plan individuel.