Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport a trait à l’enquête de l’UES sur une collision de véhicules automobiles ayant entraîné la mort d’un homme âgé de 19 ans le 3 septembre 2016, à Hamilton.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident le 30 septembre 2016, lorsque le témoin civil (TC) no 1 a laissé un message téléphonique à l’UES, lequel a été retourné le 1er octobre 2016, à 13 h 52.

Le TC no 1 a informé l’UES que le plaignant est mort le 2 septembre 2016 dans un accident de motocyclette, à l’intersection des rue Main Est et James Sud, au centre‑ville de Hamilton. Le TC no 1 a déclaré que l’enquêteur principal [maintenant connu comme étant l’agent témoin (AT) no 2] du Service de police de Hamilton (SPH) lui a dit que le plaignant roulait très vite et que la police n’avait pas contribué à la collision mortelle. Toutefois, le TC no 1 a déclaré que trois hommes lui ont dit que la police était à la poursuite du plaignant avant la collision. Le TC no 1 a souligné que la motocyclette que le plaignant conduisait n’avait pas de plaque d’immatriculation et que le jeune homme décédé n’avait pas de titre de propriété ni de document d’assurance pour le véhicule. Ainsi, les membres de la famille du défunt avaient des doutes au sujet de ce que le SPH leur avait dit.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Nombre de reconstitutionnistes d’accidents routiers de l’UES assignés : 1

Plaignant

Homme âgé de 19 ans; décédé

Témoins civils

TC no 1 a participé à une entrevuefootnote 1

TC no 2 a participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 a participé à une entrevue

AT no 2 a participé à une entrevue

De plus, les notes de dix autres agents non désignés ont été reçues et examinéesfootnote 2.

Agents impliqués

AI a participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Preuve matérielle

Données GPS (système de positionnement mondial) de l’autopatrouille de l’AI

On a découvert que le système GPS de l’autopatrouille de l’AI ne fonctionnait pas correctement le 3 septembre 2016, au moment de l’incident. Les services radio qui se trouvent dans la configuration du modèle avaient été perdus. Il s’agit d’une panne relativement fréquente qui fait que les rapports de position ne sont pas transmis au système de répartition assistée par ordinateur (RAO). On corrige habituellement ce problème en restaurant la configuration du modèle.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a exploré les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques. Le SPH a fourni à l’UES les photos de la scène de la collision ainsi que les vidéos de surveillance reçues du terrain de stationnement et du garage respectivement situés au 1 et au 25 rue Main, à Hamilton.

  1. Vidéo du terrain de stationnement et du garage situés au 1 et au 25 rue Main (C10, 1, rue Main Est) – vue des rue Main et James
  • La caméra vidéo est fixée sur un immeuble situé à l’angle sud‑ouest de l’intersection des rues Main Ouest (la rue Main Ouest devient Main Est de l’autre côté de cette intersection) et James Sud et elle est pointée vers le bas, sur l’intersection
  • L’angle sud‑ouest de l’intersection était caché par l’immeuble
  • Il n’y avait pas de date d’estampillée sur la vidéo, mais une durée était indiquée en bas
  • Les enquêteurs se sont servis de l’affichage de la durée pour faire les observations suivantes :
    • 0 h 00 m 28 s – Le feu de circulation pour les véhicules circulant en direction est sur la rue Main Ouest était vert. La camionnette conduite par un témoin civil non désigné ayant été impliqué dans la collision (le chauffeur de la camionnette) s’est arrêtée à un feu rouge alors qu’elle roulait en direction sud sur la voie du centre des trois voies de la rue James Sud. Un autre véhicule [maintenant connu comme étant le véhicule occupé par les témoins de la collision du SPH (le conducteur témoin et le passager témoin du SPH)] qui circulait dans la même direction que le chauffeur de la camionnette, mais sur la voie longeant le trottoir, s’est arrêté directement à côté de la camionnette, à la ligne d’arrêt
    • 0 h 00 m 46 s – Le feu de circulation pour les véhicules circulant en direction est sur la rue Main Ouest est passé au rouge
    • 0 h 00 m 50 s – Le chauffeur de la camionnette a accéléré pour franchir l’intersection. Le conducteur témoin du SPH s’est engagé dans l’intersection plus lentement que le chauffeur de la camionnette. Un véhicule circulant en direction nord est aussi entré dans l’intersection
    • 0 h 00 m 55 s – La motocyclette conduite par le plaignant était couchée sur le côté, glissant le long de l’intersection (la collision s’est produite hors du champ de la caméra). Le conducteur témoin du SPH s’est immobilisé en travers des voies de circulation en direction est de la rue Main Ouest car la collision venait de se produire directement devant son véhicule. La motocyclette s’est immobilisée juste à l’est de l’intersection, au centre des cinq voies, faisant face à l’est
    • 0 h 01 m 01 s – Le conducteur témoin du SPH s’est rangé sur le côté comme pour s’enlever du chemin des véhicules circulant en direction est qui s’approchaient
    • 0 h 01 m 08 s – Un véhicule circulant en direction sud sur la rue James Sud s’est arrêté à l’intersection et s’est immobilisé à la ligne d’arrêt et une personne en est sortie et s’est dirigée vers l’endroit où le plaignant gisait sur le sol. Seul le coin avant du côté conducteur de ce véhicule était visible. Il n’a pas été possible de déterminer la marque et le modèle du véhicule
    • 0 h :01 m 23 s – Le feu de circulation pour les véhicules roulant en direction est sur la rue Main Ouest est passé au vert
    • 0 h 01 m 30 s – On pouvait voir des lumières clignotantes se refléter sur les immeubles autour, ce qui correspond à la présence d’une autopatrouille sur la scène de la collision (environ 35 secondes s’étaient écoulées depuis la collision)
    • 0 h 01 m 42 s – Les autres véhicules circulant en direction est se sont engagés lentement dans l’intersection
    • 0 h 02 m 00 s – La séquence vidéo est terminée
  1. Vidéo du terrain de stationnement et du garage situés au 1 et au 25 rue Main (C11, 1 rue Main O.) – vue du terrain de stationnement, côté ouest
  • La caméra vidéo est fixée sur un immeuble sis à l’angle sud‑ouest de l’intersection des rues Main Ouest et James Sud et est pointée vers le bas sur un terrain de stationnement se trouvant sur le côté sud de la chaussée et des voies en direction est de la rue Main Ouest venant de la rue MacNab Sud et arrivant à la rue James Sud
    • 0 h 00 m 51 s – La motocyclette conduite par le plaignant roulait en direction est, à l’est de la rue MacNab Sud
    • 0 h 01 m 17 s – Le véhicule de police conduit par l’AI roulait en direction est lorsqu’il a franchi l’intersection de la rue MacNab Sud, étant suivi par plusieurs véhicules
    • 0 h 02 m 02 s – La séquence est terminée
  1. Vidéo du terrain de stationnement et du garage situés au 1 et au 25 rue Main (C12, C13, 25, rue Main O.) – Vue côté nord de la rue McNabb
  • La caméra vidéo est fixée sur un immeuble se trouvant côté sud de la rue Main Ouest et est dirigée sur l’intersection des rues Main Ouest et MacNab Sud, qui est contrôlée par des feux de circulation
    • 0 h 00 m 38 s – Le feu de circulation pour la rue MacNab Sud est passé au vert; on ne voit pas la motocyclette conduite par le plaignant sur la vidéo (elle n’est pas captée par le détecteur de mouvement)
    • 0 h 01 m 03 s –Le feu de circulation pour la rue MacNab Sud est passé à l’orange
    • 0 h 01 m 06 s – Le feu de circulation pour la rue MacNab Sud est passé au rouge
    • 0 h 01 m 13 s – Le véhicule de police conduit par l’AI roulait en direction est en franchissant l’intersection de la rue MacNab Sud, étant suivi par de nombreux véhicules
    • 0 h :01 m 51 s – La séquence est terminée
  1. Vidéo du terrain de stationnement et du garage situés au 1 et au 25 rue Main (C57, 25 rue Main O.) – vue de la rue MacNab Sud et de la rue Main Est
  • La caméra vidéo est fixée sur un immeuble situé sur le côté sud de la rue Main Ouest et est dirigée sur les voies en direction est de la rue Main Ouest, entre les rues MacNab Sud et James Sud
    • 0 h 00 m 45 s – La motocyclette conduite par le plaignant roulait en direction est, juste à l’est de la rue MacNab Sud
    • 0 h 00 m 46 s – La lumière de frein de la motocyclette est activée
    • 0 h 00 m 48 s – La motocyclette se trouve sur la rue James Sud; la collision s’est produite
    • 0 h 01 m 13 s – L’autopatrouille circule en direction est, juste à l’est de la rue MacNab Sud, et est suivie par d’autres véhicules roulant en direction est
    • 0 h 01 m 19 s – L’autopatrouille est arrivée sur les lieux de la collision, sur la rue James Sud
    • 0 h 01 m 50 s – La séquence est terminée

Témoignage d’expert

Rapport du reconstitutionniste d’accidents routiers de l’UES

Le reconstitutionniste d’accidents routiers de l’UES a visionné les séquences des caméras vidéo, ce qui l’a aidé à établir son rapport.

À partir des durées provenant de la vidéo de surveillance et des mesures sur Google Maps, le reconstitutionniste de l’UES a fait les observations suivantes :

  • La distance entre le lieu de la collision, à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud, et le point auquel la motocyclette et l’autopatrouille ont été vues sur la séquence vidéo no 4 était d’environ 100 mètres
  • Roulant à une vitesse élevée, le plaignant a brûlé un feu rouge à l’intersection des rues Main Ouest et MacNab Sud
  • Entre la rue MacNab Sud et la rue James Sud, le plaignant a parcouru environ 100 mètres en trois secondes, si bien qu’il roulait à une vitesse approximative de 119 km/h
  • L’autopatrouille est entrée dans l’intersection des rues Main Ouest et MacNab Sud alors que le feu venait de tourner au vert
  • L’autopatrouille conduite par l’AI a franchi un point situé sur la rue Main Ouest, juste à l’est de la rue MacNab, 25 secondes après que la motocyclette eut franchi ce même point
  • L’AI est arrivé sur la scène de l’accident 31 secondes après que la collision se fut produite
  • Si l’AI roulait à une vitesse de 50 km/h (la limite de vitesse affichée et la vitesse en fonction de laquelle les feux de circulation sont réglés en séquence), il se serait trouvé à 417 mètres à l’ouest du lieu de la collision lorsque la collision s’est produite
  • La distance entre le lieu de la collision et l’intersection des rues Main Ouest et Bay Sud est d’environ 400 mètres

Les calculs de durées et de distances sont compatibles avec une conclusion selon laquelle le véhicule de police conduit par l’AI se trouvait à l’ouest de l’intersection des rues Main Ouest et Bay Sud lorsque la motocyclette conduite par le plaignant est entrée en collision avec la camionnette conduite par le chauffeur de la camionnette, à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud.

Chemin parcouru par la motocyclette jusqu’à l’endroit de la collision

Carte

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPH les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • vidéo schématisée de la collision (à l’aide du logiciel Total Station) fournie par le SPH
  • photos de la scène de l’accident fournies par le SPH
  • rapport final de l’AT no 2
  • courriel daté du 27 octobre 2016 demandant un supplément d’information concernant la demande de données GPS
  • chronologie des événements
  • tableaux de facteurs fatals – le plaignant
  • tableaux de facteurs fatals – témoin non désigné
  • registre des enregistrements de communications
  • témoin non désigné – vidéo transcrite
  • demande d’inspection mécanique – camionnette
  • demande d’inspection mécanique – motocyclette
  • rapport sur une collision de véhicules automobiles
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • notes de 10 agents non désignés
  • rapport sur les détails de l’événement (rapports spécialisés sur la collision de véhicules automobiles)
  • formulaire de sortie de biens – casques et vêtements
  • plan à l’échelle établi par l’AT no 2
  • rapports d’incident supplémentaires rédigés par des agents non désignés
  • historique de l’unité pour l’autopatrouille de l’AI (demande de données GPS du SPH)
  • historique de l’unité
  • libération de véhicule – camionnette (document non signé)
  • énoncé « va dire » / déclaration préparée de trois agents non désignés
  • énoncé « va dire » / déclaration préparée de l’AT no 1
  • déclaration de témoin du TC no 2
  • déclarations de témoin du chauffeur témoin du SPH et de son passager

Description de l’incident

Vers 2 h du matin, le 3 septembre 2016, le plaignant conduisait une motocyclette qu’il venait d’acheter et roulait sans plaque d’immatriculation, circulant en direction est sur la rue Main Ouest, à Hamilton. Le plaignant roulait à une vitesse élevée et a fait une « roue arrière » lorsqu’il a attiré l’attention de l’AI et de l’AT no 1, qui se trouvaient à l’intérieur d’une autopatrouille identifiée du SPH stationnée sur la rue Main Ouest et faisant face à l’est.

Tandis qu’il s’approchait de l’autopatrouille, le plaignant a ralenti et l’a dépassée en empruntant la voie du milieu. L’AI a démarré l’autopatrouille et a roulé derrière la motocyclette jusqu’au feu rouge à l’intersection des rues Main Ouest et Queen Sud. Lorsque le feu est passé au vert, le plaignant a fait de la vitesse en roulant en direction est sur la rue Main Ouest, mais il s’est arrêté au feu rouge, à l’intersection des rues Main Ouest et Hess Sud. Le plaignant s’est alors frayé un chemin jusqu’à l’avant des véhicules arrêtés et, quand le feu est passé au vert, il a de nouveau fait de la vitesse. L’AI n’a pas poursuivi le plaignant.

Le plaignant a poursuivi sa course sur la rue Main Ouest à une vitesse élevée et a brûlé le feu rouge à l’intersection des rues Bay Sud et Main Ouest, de même que les deux feux rouges suivants. à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud, le plaignant a de nouveau fait de la vitesse en brûlant le feu rouge de l’intersection et a percuté une camionnette qui circulait en direction sud après être passée au feu vert. Le plaignant avait heurté le panneau latéral arrière de la camionnette, côté passager. Après la collision, le plaignant et sa motocyclette ont dérapé le long de l’intersection sur le sol et se sont immobilisés juste à l’est de l’intersection.

Les services médicaux d’urgence (SMU) se sont rendus sur les lieux de l’accident et le plaignant a été emmené à l’hôpital, mais a été déclaré décédé à 3 h 01.

Dispositions législatives pertinentes

Article 249 (al. 1a) et par. (4)) du Code criminel – Conduite dangereuse

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu;

(4) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) et cause ainsi la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.

Article 5, du Règlement de l’Ontario 267/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers de l’Ontario – UES en tant qu’enquêteur principal

5. L’UES est l’enquêteur en chef dans l’enquête sur l’incident et a préséance sur tout corps de police dans le cadre de l’enquête.

Analyse et décision du Directeur

Le 3 septembre 2016, aux petites heures du matin, le plaignant, un homme âgé de 19 ans, conduisait une motocyclette qu’il avait récemment achetée, sans plaque d’immatriculation et à une vitesse élevée sur la rue Main Ouest, à Hamilton. à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud, le plaignant a brûlé le feu rouge et a percuté une camionnette. Le plaignant est décédé à la suite de la collisionfootnote 3. Le chauffeur de la camionnette n’a pas été blessé. Au moment de l’impact, une autopatrouille identifiée du SPH conduite par l’AI roulait à 400 mètres derrière le plaignant. L’AI a été témoin de la collision à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud et a immédiatement activé les feux d’urgence de l’autopatrouille. La question, en l’espèce, est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que, par ses actions, l’AI a eu une part de responsabilité dans la collision mortelle.

La rue Main Ouest traverse tout le centre‑ville de Hamilton. Les événements ayant mené à la collision mortelle du plaignant couvraient neuf pâtés de maisons le long de la rue Main Ouest, à partir de la rue Locke Sud jusqu’à la rue James Sud, en passant par la rue Queen Sud, la rue Hess Sud, la rue Caroline Sud, la rue Bay Sud, la voie Summers (qui commence seulement de la rue Main Ouest en direction nord) et la MacNab Sud.

Le 3 septembre 2016, vers 2 h du matin, l’AI et l’AT no 1 étaient à bord d’une autopatrouille identifiée du SPH qui était stationnée côté sud de la rue Main Sud, juste à l’ouest de la rue Ray Sud. La limite de vitesse sur la rue Main est de 50 km/h. Les deux agents de police ont entendu le bruit d’une motocyclette arrivant vers eux et circulant en direction est sur la rue Main Ouest. En regardant dans leurs rétroviseurs, les deux agents de police ont vu le phare avant d’une motocyclette se lever dans les airs et retomber, ce qui correspondait à une acrobatie de « roue arrière »footnote 4. Lorsque la motocyclette a ralenti en dépassant l’autopatrouille, l’AI s’est engagé dans la voie de circulation et est resté derrière la motocyclette, et les deux véhicules se sont arrêtés au feu rouge, à l’intersection avec la rue Queen Sud. Les deux policiers ont remarqué que la motocyclette n’avait pas de plaque d’immatriculation. La motocyclette s’est frayée un chemin jusqu’à l’avant des véhicules arrêtés; elle s’est arrêtée au feu rouge et, lorsque le feu est passé au vert, elle a rapidement accéléré. Les deux agents ont conclu en même temps qu’une poursuite n’était pas justifiée compte tenu de toutes les circonstances. La motocyclette s’est arrêtée au feu rouge à l’intersection avec la rue Hess Sud. L’AI a continué de rouler derrière la motocyclette, qui se trouvait plusieurs voitures devant l’autopatrouille. Le plaignant a zigzagué pour se retrouver devant les véhicules arrêtés et, lorsque le feu est passé au vert, il a rapidement accéléré sur la rue Main Ouest. L’AI a ensuite vu que le plaignant avait déjà passé la rue Caroline Sud et se dirigeait vers la rue Bay Sud. L’AI a estimé que le plaignant roulait à une vitesse comprise entre 130 et 140 km/h.

Le TC no 2 roulait aussi sur la rue Main Ouest à ce moment‑là. Il a d’abord entendu la motocyclette s’approcher de derrière à une vitesse élevée. Le TC no 2 a remarqué que la motocyclette n’avait pas de plaque d’immatriculation. Le TC no 2 s’est arrêté au feu rouge, à l’intersection de la rue Bay Sud. Le TC no 2 a vu une autopatrouille identifiée du SPH qui était aussi arrêtée au feu rouge. Quand le feu est devenu vert, le TC no 2 a vu l’autopatrouille activer ses gyrophares. Le TC no 2 n’a pas revu la motocyclette avant d’arriver à l’intersection des rues James Sud et Main Ouest. Le TC no 2 a vu la motocyclette sur la chaussée; il a observé le plaignant gisant sur le sol et a vu l’AI s’agenouiller à côté du plaignant.

Tandis que la motocyclette franchissait l’intersection de la rue Bay Sud, l’AI et l’AT no 1 ont tous deux vu le flash du photo‑radar se déclencher, signe que le motocycliste avait brûlé le feu rouge à cette intersection. L’AI a continué de rouler dans le flux de circulation à une vitesse de 45 km/h. L’AI a vu le plaignant brûler les feux rouges aux intersections de la voie Summer et de la rue MacNab Sud et a estimé que la motocyclette roulait à une vitesse comprise entre 130 et 140 km/h. L’AI et l’AT no 1 se sont arrêtés au feu rouge, à l’intersection de la rue Bay Sud, et les deux policiers ont observé le phare avant de la motocyclette se soulever dans les airs sur une distance d’environ 30 à 40 pieds [9,14 à 12,19 mètres] au‑dessus de la chaussée. L’AI a immédiatement activé les feux d’urgence de l’autopatrouille et s’est dirigé vers la scène de la collision à une vitesse sécuritaire raisonnable. En chemin, l’AI s’est arrêté à un feu rouge à l’intersection de la voie Summers et de la rue Main Ouest, qui se trouvait à environ 400 mètres du lieu de l’accident. Lorsque l’AI est arrivé à l’endroit de la collision, il a vu le plaignant qui gisait inconscient sur la chaussée; il a immédiatement commencé une manœuvre de premiers soins et a appelé les SMU. Pendant ce temps, l’AT no 1 redirigeait la circulation hors de la scène de l’accident. L’AT no 1 a remarqué que la camionnette impliquée dans la collision était bosselée à l’aile arrière droite côté passager.

Les caméras des entreprises et commerces avoisinants ont enregistré le plaignant et l’AI tandis qu’ils s’approchaient de l’intersection des rues Main Ouest et James Sud. Bien que les enregistrements vidéo n’aient pas capté la collision, ils ont bel et bien révélé que le plaignant roulait vers l’intersection de la rue James en activant ses feux de freinage et que le plaignant a brûlé un feu rouge à l’intersection des rues Main Ouest et James Sud immédiatement avant la collision. D’autres séquences vidéo montrent la camionnette qui commençait à franchir l’intersection de la rue James Sud sur un feu vert. En outre, des enregistrements vidéo montrent le plaignant sur sa motocyclette en train de glisser le long de l’intersection et s’immobilisant juste à l’est de l’intersection. L’AI est arrivé sur place environ 31 secondes après la collision.

L’AT no 2, l’agent du SPH en charge de la scène de l’accident ainsi que le reconstitutionniste d’accidents routiers ont estimé que le plaignant roulait à une vitesse d’au moins 100 km/h au moment de l’impact. Cela coïncide avec les vitesses plus élevées qu’ont observées le TC no 2 et l’AI avant la collision ainsi qu’avec la vidéo montrant les feux arrières de freinage de la motocyclette du plaignant s’activer immédiatement avant que le plaignant ne glisse sur sa motocyclette tout le long de l’intersection. L’AI se trouvait à quelque 400 mètres de l’endroit de la collision au moment de l’impact, ce qui coïncide également avec les observations du TC no 2 et avec la vitesse de l’autopatrouille de l’AI observée sur les enregistrements vidéo, de même qu’avec le moment de son arrivée sur les lieux de la collision. De plus, dans l’ensemble, les calculs de l’AT no 2 ont corroboré et renforcé le témoignage fourni tant par l’AI que par le TC no 2.

Le plaignant était en possession de 10 000 $, ce qui soulève manifestement des préoccupations quant à sa possible implication dans une activité illégale. Il n’y a toutefois aucune preuve que l’AI ou l’AT no 1 avait une quelconque idée de l’identité du motocycliste lorsque celui‑ci a dépassé leur autopatrouille cette nuit‑là. Il n’y a pas non plus de preuve que les policiers savaient que le motocycliste était impliqué dans quelque activité illégale hormis l’infraction d’excès de vitesse et de conduite d’un véhicule sans plaque d’immatriculation.

L’UES s’est efforcée de trouver les deux personnes que le TC no 1 a identifiées comme étant des témoins potentiels, soit un homme qui a été déclaré comme se trouvant sur une motocyclette avec le plaignant ou près de lui au moment de la collision, et une autre personne qui aurait été dans un véhicule Ford, non loin du village de Hess, quelques minutes avant la collision. Le TC no 1 a dit aux enquêteurs qu’il ne connaissait pas très bien les deux hommes et qu’il ne s’attendait pas à ce qu’ils se présentent. Sur une période de deux jours, les enquêteurs de l’UES ont maintes fois composé le numéro de téléphone fourni pour le premier homme, mais sans aucune réponse et sans possibilité de laisser un message. Aucun autre élément de preuve n’a été découvert pour suggérer qu’il y avait un second motocycliste sur le lieu de l’accident ou à proximité au moment de la collision. En bout de ligne, tous les efforts déployés par les enquêteurs de l’UES n’ont pas porté fruit. Si ces deux personnes étaient effectivement des témoins des événements survenus sur la rue Main Ouest, au moment où l’UES a pris part à l’enquête, il n’y avait pas d’autre moyen de les identifier ou de les contacter. Malheureusement, la preuve par ouï‑dire que ces deux hommes ont transmise au TC no 1 n’a pas beaucoup de valeur probante.

D’après les renseignements ci‑dessus recueillis par les enquêteurs de l’UES, il est on ne peut plus clair que le plaignant faisait un excès de vitesse sur sa motocyclette en roulant sur la rue Main Ouest aux petites heures du matin, avant de se rendre compte d’une présence policière à l’angle des rues Ray Sud et Main Ouest. étonnamment, lorsque le plaignant s’est clairement rendu compte de la présence policière, il a ralenti, a dépassé l’autopatrouille identifiée et a continué, comme si de rien n’était, à rouler à une vitesse passablement élevée. également, il est clair que lorsque l’AI a activé ses feux d’urgence à l’angle des rues Bay et Main Ouest, il avait manifestement l’intention d’arriver sur les lieux de l’accident de façon aussi sécuritaire que possible en parcourant une distance d’environ 400 mètres.

L’infraction à prendre en considération dans cette affaire est celle de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur causant ainsi la mort, en contravention de l’article 249 du Code criminel. Comme des décisions telles que l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, et l’arrêt R. c. Roy, [2012] 2 R.C.S. 60, l’ont clairement établi, la norme de responsabilité est une norme élevée et une responsabilité ne sera établie que si la conduite reprochée constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable aurait respectée compte tenu de toutes les circonstances. Dans cette affaire, le ciel était dégagé et les chaussées étaient sèches. La façon dont l’AI a conduit sur la rue Main Ouest, depuis la rue Ray Sud jusqu’à la rue James Sud et l’activation des feux d’urgence de l’autopatrouille à la rue Bay après que la collision se fut produite indiquent qu’il n’y a absolument aucune preuve que l’AI, à quelque moment que ce soit, se soit mis à la poursuite du plaignant. étant donné la vitesse élevée de la motocyclette et l’absence de plaque d’immatriculation, on peut se demander pourquoi l’AI ne s’est pas mis à poursuivre le plaignant antérieurement. Il est révélateur qu’en conformité totale avec la politique du SPH sur les poursuites pour appréhender un suspect, l’AI et l’AT no 1 aient tous deux déclaré qu’ils ont délibérément évité de partir à la poursuite du plaignant en raison des dangers inhérents aux poursuites de motocyclettes. Le plaignant, cependant, a continué de rouler sur sa motocyclette à une vitesse élevée, laquelle a été calculée comme étant de 119 km/h, alors qu’il s’approchait de l’intersection de la rue James Sud.

Il est indéniable que la mort du plaignant a été une perte tragique et malheureuse. Après un examen approfondi du dossier de la preuve, j’en suis arrivé à la conclusion que les actions de l’AI n’ont pas été la cause de la vitesse excessive à laquelle roulait le plaignant. L’autopatrouille que conduisait l’AI sur la rue Ray Sud se trouvait devant le plaignant, lequel a été observé par les deux agents de police faire une « roue arrière » sur sa motocyclette. Le plaignant a continué de rouler à une vitesse excessivement supérieure à la limite de vitesse affichée en plus de brûler une série de feux rouges après avoir dépassé l’autopatrouille. De plus, lorsque l’on tient compte de la distance importante entre les deux véhicules sur la rue Main Ouest, rien ne laisse croire que l’AI ait, de quelque façon que ce soit, inutilement exacerbé la conduite dangereuse du plaignant. Au contraire, étant conscient qu’il y avait une autopatrouille derrière lui sur la rue Main Ouest, le plaignant a manifestement eu toutes les occasions de cesser de conduire dangereusement, mais à aucun moment il ne l’a fait.

Je suis d’avis que l’AI n’a pas entamé de poursuite policière avec l’autopatrouille. à aucun moment l’AI n’a‑t‑il fait signe au plaignant d’arrêter sa motocyclette avant la collision et c’est après la collision que les feux d’urgence de l’autopatrouille ont été activés. L’AI n’a pas davantage adopté, à quelque moment que ce soit, le genre de conduite agressive du véhicule de police qui aurait pu faire croire au plaignant qu’il essayait de le rattraper pour l’immobiliser. En dernière analyse, je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions exercées par l’AI étaient nettement dans les limites prescrites par le droit criminel. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 29 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales