Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 34 ans lors de son arrestation le 25 avril 2017.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 25 avril 2017, à 22 h 50, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a avisé l’UES de la blessure grave subie par le plaignant après une interaction avec des agents de police du SPRW.

Le SPRW a signalé que le 25 avril 2017, des agents de police sont intervenus à la suite d’un appel concernant deux hommes qui se battaient dans une résidence à Waterloo. Lorsque les agents sont arrivés, le plaignant tenait une hache. Le plaignant a frappé le témoin civil (TC) no 12 à la main avec la hache et a quitté le secteur.

Vers 18 h 04, les agents ont trouvé le plaignant, toujours en possession de la hache, sur un trottoir dans le secteur de la rue Mill et du boulevard Lansdowne à Kitchener. Le plaignant a ignoré les ordres des agents, et l’agent impliqué (AI) a utilisé son arme à impulsions à deux reprises. L’agent témoin (AT) no 1 a eu recours à son arme à impulsions une seule fois. Les armes à impulsions n’ont pas eu d’effet et par conséquent, les agents ont mis le plaignant au sol.

Le plaignant avait des blessures au visage et il a donc été transporté à l’hôpital. À 21 h 52, le SPRW a appris du personnel médical que le plaignant avait des fractures au visage.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

L’enquêteur judiciaire (EJ) de l’UES s’est rendu sur les lieux et a repéré et préservé les preuves. Il a documenté les scènes pertinentes associées à l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Homme de 34 ans interrogé, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

TC no 10 A participé à une entrevue

TC no 11 A participé à une entrevue

TC no 12 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinéesfootnote 1

AT n° 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

En fin d’après‑midi le 25 avril 2017, le plaignant a lancé un pavé depuis une fenêtre au troisième étage de sa résidence à Waterloo vers le TC no 12 et leur locateur, qui se trouvaient debout à l’extérieur.

Le TC no 12 est entré dans la maison et a affronté le plaignant, qui était armé d’une hache. Une lutte s’est ensuivie entre les deux hommes et ils sont tombés au bas d’escaliers ensemble. Les deux hommes ont été blessés durant cette lutte. On a appelé le numéro 9‑1‑1, et le plaignant a fui les lieux avec la hache.

L’AI a trouvé le plaignant en train de marcher au milieu de la rue Mill à Kitchener. L’AI a tenté d’arrêter le plaignant, l’a informé qu’il était en état d’arrestation en raison de l’incident qui était survenu plus tôt à son domicile et lui a ordonné de lui montrer ses mains, mais le plaignant a refusé d’obtempérer. Le plaignant a plusieurs fois approché ses mains de sa taille, et l’AI lui a de nouveau ordonné de montrer ses mains, mais le plaignant a refusé.

Étant donné que le service de répartition avait prévenu l’AI que le plaignant était peut‑être toujours armé de la hache, et afin de forcer le plaignant à obéir, l’AI a dégainé son arme à feu et l’a pointée vers le plaignant et lui a donné l’ordre de se coucher par terre. Le plaignant a continué de fixer l’AI du regard et d’approcher et d’éloigner ses mains de sa taille. L’AI a remis son arme à feu dans l’étui et a envoyé deux décharges de son arme à impulsions sur le plaignant, qui a arraché les fils de son corps et qui a continué de s’éloigner en marchant. Puis, le plaignant a commencé à boire d’une canette de bière qu’il avait sur lui. L’AI s’est lancé sur le plaignant et l’a plaqué au sol. L’AT no 1, qui était la deuxième à arriver sur les lieux, a déchargé son arme à impulsions une fois sur le plaignant pendant qu’il était par terre. Cela n’a toutefois pas empêché le plaignant de continuer à lutter avec l’AI.

Pendant qu’il était au sol, l’AI avait du mal à maîtriser le plaignant, qui a levé les bras et a saisi sa veste et son microphone de la radio portable. Le plaignant a tiré l’AI vers lui par la veste. L’AI a donné plusieurs coups de poing au visage du plaignant jusqu’à ce qu’il lâche la veste et arrête de résister. À ce moment‑là, il a été menotté. La hache a été retirée de la ceinture du plaignant. Pendant l’échauffourée, l’AI a eu le majeur cassé.

En raison des blessures évidentes au visage du plaignant, une ambulance est venue et a transporté le plaignant à l’hôpital, où il a été déterminé qu’il avait subi de multiples fractures au visage, y compris des fractures de ses os nasaux et orbitaux.

Preuve

Les lieux de l’incident

La rue Mill est bordée d’habitations unifamiliales des deux côtés de la route et est généralement à orientation est-ouest. La chaussée est pavée et il y a une voie dans chaque direction pour la circulation automobile. Il y a des trottoirs ayant une largeur identique des deux côtés de la chaussée et des lampadaires du côté sud de celle‑ci qui illuminent le secteur lorsqu’il fait sombre. Des deux côtés de la rue Mill, entre les trottoirs et la chaussée, il y a de minces bouts de terre gazonnés, sauf à quelques endroits. Le boulevard Lansdowne se dirige vers le sud à partir de la rue Mill et constitue la limite est de la scène.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve matérielle

Voici une photo de la hache retirée de la taille du plaignant après son arrestation :

Une photo de la hache retirée de la taille du plaignant après son arrestation

Éléments de preuve médico-légaux

Analyse par l’EJ de l’UES des données téléchargées des armes à impulsions

Une analyse des armes à impulsions utilisées durant l’interaction avec le plaignant a révélé que l’arme à impulsions assignée à l’AI le 25 avril 2017 a déchargé au total deux cartouches, dont la première l’a été à 18 h 04 m 23 s.

L’arme à impulsions assignée à l’AT no 1 a déchargé une cartouche le 25 avril 2017, à 18 h 06 m 19 s.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques.

Vidéo filmée par une témoin sur son téléphone cellulaire

Trois séquences vidéo d’un téléphone cellulaire qui ont capté une partie de l’interaction décrite ici ont été obtenues de la TC no 1footnote 2. Aucune de ces vidéos n’indique l’heure, mais elles sont en couleur et incluent le son, et il ne fait aucun doute qu’elles montrent des parties de l’interaction du plaignant avec l’AI sur la rue Mill le 25 avril 2017.

Vidéo un :

Montre l’agent de police [dont on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI], debout dans la rue Mill à environ trois mètres du plaignant. Du côté droit de la vidéo, on voit un VUS de patrouille du SPRW, dont la portière avant du côté passager est ouverte.

La vidéo continue de montrer l’AI, alors qu’il utilise son arme à impulsions et qu’on peut clairement entendre le son « clac, clac, clac ». Le plaignant émet un grognement, reste debout et arrache les fils de l’arme à impulsions de son corps.

Vidéo deux :

L’AI et le plaignant se tiennent debout à environ la même distance que dans la vidéo un. Quelqu’un (on suppose qu’il s’agit de l’AI) crie [traduction] « Mets tes mains derrière le dos ». L’enregistrement de cette interaction est interrompu lorsque la TC no 1 traverse sa maison en marchant, mais une fois qu’elle est dehors, elle continue de capter l’incident. Les hommes sont toujours debout et le plaignant crie [traduction] « Je ne suis pas en état d’arrestation pour agression armée ».

Vidéo trois :

L’AI et le plaignant s’éloignent de la caméra, sur la rue Mill, et se trouvent à deux mètres l’un de l’autre. Ils semblent discuter. Les sirènes des véhicules d’urgence sont tellement fortes qu’on ne peut plus entendre ce dialogue.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications ont été consignés de façon exhaustive dans un rapport de suivi et corroborent les témoignages des agents de police qui ont été interrogés dans le cadre de cette affaire.

Documents et éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPRW les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • enregistrement vidéo du poste de police
  • rapport des détails de l’événement du système de répartition assisté par ordinateur (RAO)
  • fiches de service
  • liste des agents - contacts avec le plaignant
  • notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7
  • incident (personne) – plaignant
  • détails dans le système de RAO concernant des incidents antérieurs impliquant le plaignant (15 rapports, de 2006 à 2017)
  • photographies des lieux de l’incident du SPRW
  • fiche détaillée du prisonnier
  • procédure - arrestation
  • procédure – emploi de la force
  • sommaires de la procédure de vérification dans la rue
  • dossier de formation – AI et AT no1
  • déclarations des témoins au SPRW – TC no12 et quatre autres témoins non désignés

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 88(1) du Code criminel - Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

Paragraphe 265(1) du Code criminel - Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

Article 267 du Code criminel - Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme
  2. inflige des lésions corporelles au plaignant

Analyse et décision du directeur

Le 25 avril 2017, en fin d’après‑midi, le plaignant a eu une altercation avec le TC no 12 (un autre locataire) dans son immeuble dans la ville de Waterloo, ce qui a incité le plaignant à s’armer d’une petite hache ou d’une hachette. À la suite de cette interaction, et à la lumière de renseignements fournis par le TC no 12 et d’autres témoins, la police avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour agression armée (art. 267) ou pour port d’arme dans un dessein dangereux (art. 88) aux termes du Code criminel et les agents du SPRW en ont été informés en conséquence. Les agents ont également été informés du fait qu’il se pouvait que le plaignant soit toujours en possession de l’arme en question. Plus tard le même jour, soit à 18 h 04, l’AI a vu le plaignant marcher dans la rue Mill et a tenté de procéder à son arrestation. À la suite de son interaction avec la police, le plaignant a été transporté à l’hôpital où, selon le diagnostic, il avait de nombreuses fractures au visage et devrait subir une intervention chirurgicale.

Lors de son entrevue avec les enquêteurs de l’UES, le plaignant a reconnu avoir consommé de la bière et de la marijuana avant son interaction avec la police le 25 avril. Il a reconnu également qu’il avait une hachette sur lui au moment de l’interaction. Il a toutefois nié avoir frappé quiconque avec la hachette, ou qu’il avait été blessé lors de son interaction avec le TC no 12. Le plaignant a allégué que l’AI avait utilisé son arme à impulsions à plusieurs reprises contre lui alors qu’il se trouvait dans la rue Mill et que, lorsqu’il était au sol, un autre agent lui avait donné un coup de pied au visage.

Au cours de cette enquête, les enquêteurs se sont entretenus avec 12 témoins civils, en plus du plaignant. Parmi ces 12 témoins, deux étaient présents au moment de l’incident initial à la résidence. Parmi les autres, huit étaient présents à divers moments durant l’interaction du plaignant avec la police sur la rue Mill et deux étaient membres du personnel médical. De plus, les enquêteurs se sont entretenus avec huit agents de police, dont l’AI. Les sept agents de police témoins ont également fourni leurs calepins de notes pour examen. Les enquêteurs avaient accès aux enregistrements des transmissions radio de la police, à une vidéo filmée par le téléphone cellulaire de l’un des témoins sur la rue Mill et aux données téléchargées des armes à impulsions de l’AI et de l’AT no 1.

Le TC no 12 a informé le SPRW que lui‑même et le plaignant habitaient tous deux dans une maison de chambres à Waterloo. À un moment donné, alors que le TC no 12 ainsi qu’un autre locataire et le locateur se trouvaient à l’extérieur de la résidence, un pavé a été lancé d’une fenêtre au troisième étage et a failli toucher les hommes. Le locateur et le TC no 12 sont montés pour aller parler au plaignant. Ils ont affronté le plaignant, qui brandissait une hache. Le TC no 12 a décrit le plaignant comme ayant le regard vide et sans émotion. Le TC no 12 a indiqué qu’il s’était jeté sur le plaignant pour le désarmer et qu’ils ont commencé à se battre. Les deux hommes sont tombés au bas d’un escalier. Puis, les deux hommes ont recommencé à se battre dans le but de contrôler la hache. Le TC no 12 a poussé le plaignant, qui est tombé au bas d’un autre escalier, et puis lui a donné un coup de poing au visage, au‑dessus du nez et lui a donné un coup de pied à l’œil gauche. Cela a fait perdre connaissance momentanément au plaignant, qui s’est levé peu après et a fui l’immeuble. Les deux hommes avaient des blessures visibles.

L’AI était de service dans son véhicule de police lorsqu’il a aperçu le plaignant marcher dans la rue Mill et, après avoir entendu la description de l’homme recherché pour l’incident de la hachette, il était convaincu que le plaignant était celui qu’on recherchait. Cet élément de preuve est confirmé par l’enregistrement de la transmission radio envoyée par l’AI immédiatement après que le répartiteur avait répété la description du plaignant comme étant un homme corpulent, mesurant 5 pi 4 po [1,63 mètre] et portant un pantalon de camouflage, un chandail à capuche et des bottes et ayant la tête rasée : [traduction] « Je pense que je viens tout juste de passer à côté de cet homme sur la rue Mill à l’intersection de Stirling. Je vais faire demi‑tour. Pourquoi est‑ce que nous recherchons cet homme? » Le répartiteur a répondu en fournissant les détails pertinents et l’avertissement suivant : [traduction] « La raison est inconnue, mais il se pourrait qu’il soit toujours en possession de la hache. »

Alors que l’AI s’approchait du plaignant à bord de sa voiture de patrouille, il a constaté que le plaignant avait du sang sur l’arête du nez jusqu’à la lèvre et lui a dit de s’arrêter et qu’il était en état d’arrestation pour agression armée et port d’une arme dans un dessein dangereux. Le plaignant ne s’est pas arrêté, mais a continué à marcher vers l’AI assis dans sa voiture de patrouille comme s’il n’était pas là; il le transperçait de son regard fixe. L’AI a répété au plaignant qu’il était en état d’arrestation et lui a dit de rester là où il était et de mettre ses mains derrière le dos. De nouveau, le plaignant l’a fixé du regard et n’a rien dit initialement, puis a dit à l’agent [traduction] « Va chier » et a commencé à mettre la main dans la capuche de son chandail et puis a baissé les mains vers sa taille. L’AI est resté assis à l’intérieur de sa voiture de patrouille et a crié [traduction] « Montrez-moi vos mains, mettez vos mains derrière le dos. » L’AI a indiqué qu’il croyait que le plaignant essayait peut‑être de saisir une arme. L’AI a alors dit au plaignant de se mettre sur le trottoir et de placer ses mains devant lui où il pouvait les voir. Le plaignant a simplement continué de fixer l’AI de ses yeux, comportement que l’AI a décrit comme ressemblant à celui d’un [traduction] « robot programmé, comme s’il accomplissait une mission » dont l’exécution était entravée par l’AI. L’AI a expliqué qu’étant donné qu’il ne connaissait pas le plaignant, il ne savait pas s’il avait des problèmes d’alcool, de drogue ou de santé mentale, mais il estimait que le plaignant posait une menace.

L’AI a continué d’exiger que le plaignant lui montre ses mains, mais le plaignant n’a pas obtempéré. Selon l’AI, le plaignant est devenu agité, a serré les dents et a gonflé sa poitrine comme s’il voulait donner l’impression qu’il était de taille plus imposante qu’il ne l’était réellement – il a levé les épaules et a continuellement mis les mains dans son pantalon à la taille et les en a ressorties, tout en ne détournant pas le regard de l’AI.

Puis, l’AI est sorti de sa voiture de patrouille dans l’espoir de désamorcer la situation, mais le plaignant a continué d’approcher ses mains de sa taille, ce qui a incité l’AI à dégainer son arme à feu et à la pointer vers le plaignant et à lui dire : [traduction] « Police, ne bougez pas, mettez‑vous par terre. » Le plaignant et l’AI se trouvaient à trois ou quatre mètres l’un de l’autre, quand le plaignant a fait un mouvement vers l’avant comme s’il voulait saisir quelque chose et a tenté de prendre l’arme à feu de l’AI, en souriant. L’AI a décrit cela comme la chose la plus étrange qu’il avait jamais vue et il a reculé de quelques mètres jusqu’à la cour avant d’une résidence située à proximité et a rengainé son arme à feu tout en dégainant son arme à impulsions et tout en criant au plaignant de lui montrer ses mains. Au lieu de cela, le plaignant a pris sa capuche et l’a ouverte et l’AI a déchargé son arme à impulsions, et un dard a touché le plaignant près de sa taille et un autre, à la hauteur du mamelon. Ce témoignage est confirmé par le TC no 11 et les dossiers des ambulanciers paramédicaux, qui ont constaté que trois dards d’une arme à impulsions avaient touché le plaignant à la poitrine, et corrobore également le témoignage de l’AT no 7, qui a observé le personnel médical à l’hôpital retirer un dard de la ceinture du plaignant. Après l’utilisation initiale de l’arme à impulsions, l’AI a vu le plaignant saisir les fils de l’arme à impulsions de ses deux mains et les arracher de son corps, sans effet apparent, sauf qu’il semblait que le plaignant était devenu agité et enragé, tout en criant : [traduction] « T’as rien qui puisse m’être reproché, je n’irai pas en prison, va chier, cochon! » et il a continué d’approcher les mains de sa taille. De nouveau, l’AI a dit au plaignant d’arrêter et le plaignant a commencé à se diriger vers lui, et puis est descendu du trottoir et s’est éloigné. L’AI s’est placé devant le plaignant pour essayer de l’empêcher de continuer à marcher dans la rue et a utilisé son arme à impulsions une deuxième fois. Les dards ont touché le plaignant plus ou moins aux mêmes endroits que la première fois, et de nouveau, il a pris les fils dans ses mains et les a arrachés de son corps.

Ce témoignage est confirmé entièrement par la vidéo filmée par la TC no 1 au moyen de son téléphone cellulaire, dans laquelle on peut voir l’AI et le plaignant qui se trouvent initialement à environ trois mètres l’un de l’autre et où l’on voit la voiture de patrouille du côté droit, avec la portière du conducteur ouverte. Puis, on voit et entend l’AI utiliser son arme à impulsions, et le son « clac, clac, clac » est très clair, et est suivi d’un grognement du plaignant, qui reste debout et qui arrache les fils de son corps. Une deuxième séquence vidéo montre l’AI et le plaignant se tenant toujours à la même distance l’un de l’autre pendant que l’AI crie : [traduction] « Mettez vos mains derrière le dos » et (après une interruption dans la vidéo, du fait que la personne la filmant a changé de place) le plaignant crie : [traduction] « Je ne suis pas en état d’arrestation pour agression armée! » Dans une troisième séquence, il semble que l’AI et le plaignant s’éloignent de la caméra tout en se faisant face, mais il semble que l’AI recule et s’éloigne du plaignant. Il semble y avoir un certain dialogue entre les deux, qui devient impossible à entendre à cause du son d’une sirène qui approche.

L’AI a indiqué qu’il n’avait jamais été dans une situation comme celle‑là auparavant et qu’il avait demandé des renforts. Cet élément de preuve est confirmé par l’enregistrement de la transmission radio durant laquelle l’AI a dit ceci : [traduction] « J’ai utilisé mon arme à impulsions, j’ai besoin d’une autre unité. » Puis, on l’entend crier : « Mettez vos mains derrière le dos! Faites‑le maintenant! » et puis « J’ai utilisé l’arme à impulsions, deux cartouches. Cela n’a rien donné. Il a simplement arraché les fils » et il précise qu’il se trouve devant une résidence sur la rue Mill.

Les données téléchargées de l’arme à impulsions de l’AI confirment qu’il a déchargé son arme à impulsions à deux reprises le 25 avril 2017, la première fois à 18 h 04 m 23 s, et qu’au total deux cartouches ont été déchargées. Cela est confirmé davantage par le témoignage du plaignant lui‑même.

L’AI a expliqué qu’il avait alors inspecté son arme à impulsions, car il croyait qu’elle ne fonctionnait pas. Il a constaté que quatre dards avaient atteint le plaignant et il a tenté de remettre sous tension son arme à impulsions et a décidé plutôt de la remettre dans son étui et a de nouveau dégainé son arme à feu. Il a ordonné au plaignant de se mettre au sol et le plaignant a marmonné [traduction] « Fuck la police » et qu’il n’irait nulle part. L’AI a continué de suivre le plaignant sur une cinquantaine de mètres au centre de la rue Mill, tout en criant contre lui l’entière durée. Puis, il a observé un véhicule automobile de couleur argent entrer dans la rue Mill et ralentir et a décidé de rengainer son arme à feu, du fait que ce véhicule et ses occupants auraient été dans la ligne de tir, derrière le plaignant. Le plaignant a marché vers la portière du conducteur de la voiture et a crié [traduction] « Donnez‑moi votre voiture! Je prends votre voiture! », mais la voiture a fait marche arrière et quitté les lieux. L’AI a indiqué qu’il pensait que le plaignant allait tuer quelqu’un ou prendre la voiture et tuer quelqu’un. L’AI a précisé qu’il avait alors vu une personne qu’il connaissait, le TC no 9footnote 3, sur la pelouse avant d’une résidence sur la rue Mill et il a demandé au TC no 9 s’il connaissait le plaignant et, dans l’affirmative, de dire à ce dernier de se coucher par terre puisqu’il était en état d’arrestation. L’AI a expliqué que le TC no 9 avait répondu qu’il n’aiderait pas et qu’il ne connaissait pas l’homme. L’AT no 1 s’est alors dirigée en courant vers le côté gauche de l’AI, tout en pointant son arme à impulsions sur le plaignant, et le plaignant a saisi son chandail à capuche, l’a arraché, l’a jeté par terre et a continué de marcher. À ce moment‑là, l’AI a constaté que le plaignant avait une hachette dans sa ceinture au bas du dos. Puis, l’AI et l’AT no 1 ont vu le plaignant sortir une grande canette de bière qu’il avait sur sa personne et commencer à en avaler le contenu tout en criant : [traduction] « Je pense que je boirai mon osti de bière, vous ne pourrez m’en empêcher! »

L’AT no 1 a expliqué qu’elle avait entendu le message diffusé au sujet de l’agression plus tôt durant la journée et indiquant que le plaignant était peut‑être toujours en possession d’une hache et qu’il y avait des motifs raisonnables de procéder à son arrestation pour agression armée. Lorsque l’AT no 1 a entendu l’AI annoncer à la radio qu’il avait trouvé le plaignant et qu’il avait utilisé son arme à impulsions en vain à deux reprises et qu’il avait besoin d’aide, elle avait tourné sur la rue Mill et avait vu que le plaignant s’éloignait de l’AI en marchant sur la chaussée. Elle a décrit le plaignant comme criant et comme gesticulant envers l’AI, qui tentait de lui parler. L’AT no 1 a indiqué qu’elle avait garé sa voiture de patrouille et qu’elle avait entendu le plaignant crier : [traduction] « Va chier! Je refuse de vous écouter. C’est ridicule. » L’AT no 1 se trouvait à environ huit mètres derrière le plaignant et elle lui a dit qu’il était en état d’arrestation pour agression armée, tandis que l’AI lui a ordonné à plusieurs reprises d’arrêter de marcher et de se mettre sur le sol. L’AT no 1 a indiqué qu’étant donné qu’elle savait que l’arme à impulsions avait déjà été utilisée deux fois et que le plaignant était peut‑être armé d’une hache, elle a dégainé son arme à impulsions et a dit à l’AI qu’elle avait une arme à impulsions et pouvait l’utiliser, si nécessaire. Elle a constaté que l’AI était très concentré sur le plaignant qui, de temps en temps, se tournait et criait contre eux. L’AT no 1 a alors constaté que des fils d’une arme à impulsions pendaient de la poitrine du plaignant et/ou de son estomac et qu’il semblait avoir ce qui ressemblait à du sang sec au bas du visage. L’AT no 1 a expliqué qu’elle avait vu la voiture de couleur argent venir vers eux sur la rue Mill, puis s’arrêter et faire marche arrière. Elle a également précisé que le plaignant se trouvait à environ cinq mètres de la voiture au moment où elle a fait marche arrière et qu’elle craignait que le plaignant soit trop proche de la voiture et que le plaignant était clairement agité. Puis, le plaignant a arraché son chandail et l’a jeté par terre et a sorti une bière qu’il avait quelque part sur sa personne et a commencé à la boire. Elle a aussi vu le manche de la hache sortant de de son pantalon en bas du dos au niveau de la taille et elle et l’AI ont échangé un regard qui confirmait qu’ils l’avaient tous deux aperçu.

L’AI a indiqué que le plaignant semblait se comporter comme un robot programmé et qu’il craignait que le plaignant tue quelqu’un. Il a dit à l’AT no 1 qu’ils devaient mettre le plaignant hors d’état de nuire et quand le plaignant a pris une autre gorgée de sa bière, l’AI a dit à l’AT no 1 qu’ils devaient le maîtriser et puis, il a foncé vers le plaignant et l’a amené au sol, tandis que l’AT no 1 a déchargé son arme à impulsions sur le dos du plaignant, mais cela n’a eu aucun effet. L’AI trouvait que le plaignant avait une force irréelle et une énorme tolérance à la douleur. L’AI s’est assis sur le dos du plaignant et a utilisé la pesanteur à son avantage pour plaquer le plaignant au sol, auquel moment le plaignant s’est immédiatement tourné sur le dos et faisait face à l’AI. Le plaignant s’est alors arc‑bouté et a poussé l’AI vers le haut et l’a éloigné. L’AI a décrit le plaignant comme ayant ses mains aux côtés et les poings serrés. Puis, l’AT no 1 s’est placée au côté gauche du plaignant et l’AI, à son côté droit, quand le plaignant a levé les bras et a agrippé la veste de l’AI ainsi que le microphone de sa radio portable et l’a tiré par la veste. Des objets sont tombés de la veste de l’AI sur le sol. L’AI a décrit la force du plaignant comme étant quelque chose d’irréel, à laquelle on ne s’attendrait pas. Puis, l’AI a utilisé sa main droite pour donner un coup de poing au plaignant au côté gauche de son visage aussi fort qu’il pouvait et il a continué à lui donner des coups de poing jusqu’à ce que le plaignant le lâche et jusqu’à ce que l’AI avait le sentiment que la menace était écartée. L’AI estimait qu’il avait frappé le plaignant au moins trois fois, mais qu’il se pouvait que ce soit jusqu’à sept fois. Il a indiqué qu’il avait frappé le plaignant au visage parce qu’il s’agissait de la cible qui lui était offerte et qu’il avait maintenu le bras gauche du plaignant au sol jusqu’à ce que le plaignant obéisse et cesse de résister. L’AI a observé que du sang sortait du nez du plaignant, qui avait alors regardé l’AI normalement et avait dit que c’était fini. L’AT no 3, qui venait d’arriver, a retiré la hache de la taille du plaignant, et les ambulanciers paramédicaux sont arrivés et ont soigné le plaignant. À ce moment‑là, l’AI a constaté que l’œil gauche du plaignant était gonflé et présentait des ecchymoses et il a été transporté à l’hôpital. L’AI indiquait que sa propre main droite avait été tailladée et qu’il saignait et plus tard, il a appris que son majeur était cassé.

L’AT no 1 a indiqué qu’après que le plaignant avait pris une gorgée de bière et avait dit à l’AI [traduction] « Je refuse de vous écouter », l’AI avait couru environ sur un mètre vers le plaignant et l’avait plaqué sur la chaussée par derrière. Elle a décrit l’AI comme enveloppant le torse du plaignant de ses deux bras et a dit que les deux hommes étaient tombés sur la chaussée; le plaignant avait atterri sur l’épaule gauche, mais n’avait pas étendu les bras pour amortir sa chute. Puis, les deux hommes s’étaient tournés sur le côté et se faisaient face. Le plaignant tentait d’empoigner l’AI, bougeait ses jambes et avait un comportement agressif. Après que la lutte avait duré environ cinq secondes, l’AT no 1 a déchargé son arme à impulsions sur le dos du plaignant et les deux dards sont entrés en contact avec le corps du plaignant, qui a lâché un cri. L’AT no 1 a indiqué que même si l’utilisation de l’arme à impulsions n’avait pas été entièrement efficace, elle avait donné à l’AI la possibilité d’enfourcher le plaignant à la taille. Le plaignant agitait ses bras et ses jambes dans tous les sens et criait [traduction] « Va chier » et « Va te faire foutre », pendant que l’AI criait qu’il était en état d’arrestation et qu’il devait cesser de résister.

L’AT no 1 a expliqué qu’elle avait alors vu le plaignant essayer de saisir la radio de l’AI et qu’elle craignait qu’il ait accès à l’équipement de recours à la force attaché à sa ceinture de service, auquel moment elle s’est approchée et a essayé de saisir les membres du plaignant pour procéder à son arrestation. Elle a vu l’AI serrer le poing droit et frapper le plaignant à l’œil gauche quatre ou cinq fois rapidement de ses mains nues et a constaté qu’il ne portait pas de bijou aux doigts. Le plaignant a continué de se battre et d’essayer d’agripper l’AI alors qu’il agitait ses jambes de haut en bas tout en donnant des coups de pied. L’AT no 1 a contrôlé les jambes du plaignant afin qu’il ne puisse pas donner de coups de pied à l’AI. Une fois que le plaignant avait arrêté de se débattre et de crier, l’AI a arrêté de le frapper. À aucun moment l’AT no 1 n’a vu le plaignant perdre connaissance. Puis, le plaignant a commencé à obéir et les deux agents l’ont tourné sur son épaule gauche, et elle a remarqué que l’œil gauche du plaignant était enflé et qu’il avait une coupure à la tempe gauche. L’AT no 1 a indiqué que l’AI lui avait dit qu’avant son arrivée, il avait tenté d’arrêter le plaignant en dégainant son arme à feu et puis, avait utilisé son arme à impulsions deux fois. L’AT no 1 a précisé que personne autre que l’AI n’avait frappé le plaignant et qu’à son avis, les mesures prises par l’AI étaient la seule option non létale d’emploi de la force à laquelle il pouvait avoir recours, puisque les armes à impulsions avaient déjà été utilisées en vain trois fois et que l’utilisation de gaz poivré ou du bâton ne constituait pas une option, puisque les agents et le plaignant étaient trop rapprochés. Selon elle, la seule option de recours à la force qui restait était l’utilisation de l’arme à feu.

L’AT no 6 a indiqué qu’à son arrivée, il avait constaté que l’œil gauche du plaignant était enflé, mais qu’il ne pensait pas que cette enflure était toute récente, tandis qu’il croyait que le nez rouge et enflé du plaignant, qui saignait activement, était quelque chose de récent. Il a également dit que le plaignant semblait être dans un [traduction] « état dû à de la drogue, un état de zombie » et qu’il semblait être [traduction] « dans un état anormal ». Lorsqu’il a vu le plaignant à l’hôpital, celui‑ci lui a demandé pourquoi il était en état d’arrestation, comme s’il ne se souvenait pas de ce qui s’était produit.

L’AT no 3 a vu que le plaignant avait une hache à l’arrière de son pantalon au niveau de la taille et plus tard, a constaté que son chandail se trouvait à l’endroit où, selon l’AI et l’AT no 1, il l’avait ôté et l’avait jeté par terre.

Quand l’AT no 4 est arrivé sur les lieux, il a constaté que le plaignant n’avait pas encore été menotté et que l’AI et l’AT no 1 avaient de la difficulté à le maîtriser. L’AI a fait savoir à l’AT no 4 qu’il avait dégainé son arme à feu, mais qu’il l’avait rengainée, préférant utiliser son arme à impulsions, mais que celle‑ci n’avait pas eu le résultat souhaité. L’AT no 4 a également vu deux fils d’une arme à impulsions sur le sol.

Tous les agents qui sont arrivés sur les lieux pendant que le plaignant était au sol ont indiqué qu’à aucun moment, le plaignant n’avait perdu connaissance. L’AT no 5 a souligné que le plaignant était conscient et silencieux et qu’il respirait au moment de son arrivée et que l’AT no 1 était agenouillé derrière lui. Il a aussi constaté que certains des dards qui s’étaient fichés dans le dos du plaignant étaient toujours reliés à l’arme à impulsions de l’AT no 1 qui avait été replacée dans son étui et qu’il y avait également des fils qui pendaient de l’arme à impulsions rengainée de l’AI, qui était agenouillé devant le plaignant. L’AI a dit à l’AT no 5 que le plaignant avait arraché les fils des dards lorsqu’il avait atterri sur le plaignant.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est clair que le plaignant a subi de graves blessures faciales à l’œil gauche et que, bien que ces blessures correspondent davantage à l’effet d’un coup de pied à l’œil gauche qu’il aurait reçu durant sa lutte avec le TC no 12 à la résidence et qui, selon ce dernier, aurait touché l’orbite de l’œil gauche du plaignant et aurait entraîné sa chute vers l’avant et l’aurait rendu inconscient plutôt que d’être imputable à l’effet des cinq à sept coups de poing secs et durs donnés par l’AI au côté gauche du visage du plaignant et à son œil, je me pencherai uniquement sur la question de savoir si les actions de l’AI étaient un emploi de force excessive, puisqu’il existe la possibilité qu’elles aient causé les blessures subies par le plaignant, même si cela serait impossible à prouver hors de tout doute raisonnable devant un tribunal. Je trouve toutefois important de tenir compte des observations du TC no 11 selon lesquelles l’œil gauche du plaignant comportait déjà une importante ecchymose et était gonflé au moment de son arrivée, ainsi que des dossiers des ambulanciers paramédicaux, qui ont décrit l’œil gauche du plaignant comme étant déjà enflé et fermé lorsqu’ils l’ont examiné, et de l’observation de l’AT no 6 qu’il ne s’agissait pas d’une blessure entièrement neuve, ce qui tend à donner du poids à l’opinion que c’était en fait le coup de pied donné à la résidence qui avait causé la fracture des os oculaires plutôt que les coups de poing donnés par l’AI. Me fondant sur le témoignage de deux témoins civils, j’accepte que le plaignant, manifestement, saignait déjà et avait déjà des blessures faciales lorsqu’il a quitté la résidence après son altercation avec le TC no 12. Je note par ailleurs que le plaignant lui‑même a attribué sa blessure au fait d’avoir reçu un coup de pied à l’œil, aussi bien dans sa déclaration à l’UES que durant son affirmation aux ambulanciers paramédicaux immédiatement après l’incident, même s’il pensait que c’était un agent de police qui lui avait donné un coup de pied alors qu’en réalité, comme le montre l’ensemble de la preuve, il est clair que le plaignant n’a pas reçu de coup de pied d’aucun agent durant l’incident sur la rue Mill. Compte tenu de la déclaration du plaignant, je conclus que le plaignant ne se souvient que très peu de la façon dont il a été blessé et qu’il est probable qu’en raison de son état mental altéré, il a fusionné dans sa mémoire les deux incidents qui s’étaient produits le 25 avril.

De plus, je n’accepte pas, en me fondant sur la totalité des éléments de preuve, que l’AI a assené au visage du plaignant le nombre extrême de coups de poing allégué par le TC no 9, puisque cet élément de preuve est contraire aux témoignages fournis par tous les autres témoins civils qui ont vu les coups de poing et qui estimaient qu’ils étaient au nombre de six. Je conclus que le témoignage de ces autres témoins civils confirme entièrement la déclaration de l’AI qu’il a donné au moins trois, mais pas plus de sept coups de poing au plaignant, de même que la déclaration de l’AT no 1 selon laquelle l’AI a donné quatre ou cinq coups de poing rapides au plaignant. Je n’accepte pas non plus la déclaration du TC no 9 concernant le nombre de fois que l’AI a utilisé son arme à impulsions, puisque qu’elle est contredite par tous les autres témoins, ainsi que par les données d’utilisation de l’arme à impulsions et les transmissions radio, qui indiquent tous clairement qu’il y a eu deux décharges de l’arme à impulsions de l’AI et une décharge plus tard de l’arme à impulsions de l’AT no 1. Je rejette également la déclaration du TC no 9, lorsqu’il a affirmé que le plaignant avait perdu connaissance quand il était couché sur la chaussée, car une fois de plus, elle ne va pas dans le sens de la déclaration des autres témoins civils ni des dossiers des ambulanciers paramédicaux, qui indiquent qu’ils avaient demandé au plaignant s’il avait perdu connaissance à un moment donné et que le plaignant avait répondu par la négative.

J’accepte la preuve selon laquelle le plaignant avait saisi l’AI par sa veste et sa radio et qu’il avait les mains proches de sa ceinture de service parce qu’elle rejoint la déclaration de l’AT no 1 et est corroborée par le fait que l’AI est retourné dans le secteur pour récupérer les articles qui étaient tombés de sa veste quand le plaignant avait agrippé à sa veste et l’avait tiré vers lui.

Finalement, j’accepte également, sur la foi de la preuve fournie par plusieurs témoins civils, qui concordait avec les déclarations de l’AI, de l’AT no 1 et des autres agents qui sont arrivés sur les lieux subséquemment, que le plaignant aurait été, pour une raison quelconque, insensible à la douleur et qu’il se conduisait comme un robot.

Me fondant sur la preuve fournie par l’ensemble des témoins, à l’exception du TC no 9, dont je rejette la déclaration comme étant exagérée et mensongère et comme contredisant tous les autres témoins, fort probablement en raison de ses interactions antérieures avec l’AIfootnote 4, je conclus que la preuve fournie par l’AI et l’AT no 1 est confirmée substantiellement par la preuve fournie par tous les autres témoins civils, de même que par la preuve matérielle et les déclarations faites à l’époque, sans possibilité d’en inventer, par l’AI et l’AT no 1 aux ambulanciers paramédicaux. Les déclarations de divers agents de police concordent également avec les déclarations de l’AI et l’AT no 1 et j’accepte cette version des événements comme étant exacte et ce sont les faits sur lesquels je me fonde pour déterminer s’il y a ou non des motifs raisonnables de croire que les actions de l’AI équivalaient à un recours excessif à la force.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Me penchant d’abord sur la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déclaration du TC no 12, telle que fournie au préposé au numéro 9‑1‑1 et communiquée plus tard à l’AI et l’AT no 1 par le répartiteur de la police, qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis les infractions d’agression armée et de port d’une arme dans un dessein dangereux. Ainsi, tant l’AI que l’AT no 1 agissaient légalement et dans les limites de leurs fonctions lorsqu’ils ont tenté d’arrêter, et puis de maîtriser, le plaignant durant leur interaction avec lui.

En ce qui concerne le degré de force utilisée par les agents dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, il faut tenir compte de ce à quoi l’AI et l’AT no 1 faisaient face au moment du recours à la force, afin de déterminer si la force utilisée était justifiée ou non. Je note que l’AI, sachant que le plaignant avait prétendument agressé un autre homme avec une hache et qu’il était peut‑être toujours en possession de cette hache, a d’abord dégainé son arme à feu lorsque le plaignant a ignoré ses ordres de s’arrêter et de mettre ses mains derrière le dos et a refusé de reconnaître que l’agent le mettait en état d’arrestation. Après avoir ordonné à plusieurs reprises et à voix haute au plaignant d’obéir, et ne sachant pas s’il était toujours en possession d’une arme ou non, je note que l’AI a tenu compte de la sécurité du public et a remis son arme à feu dans son étui et a dégainé son arme à impulsions. J’accepte la description de l’AI, puisqu’elle est confirmée directement aussi bien par le TC no 12 que par le TC no 8, que le plaignant ne se comportait pas normalement, mais fixait l’AI comme s’il regardait au travers de lui et se comportait comme [traduction] « un robot programmé... accomplissant une mission » qu’entravait l’AI et que l’AI voyait le plaignant comme posant une menace réelle. Initialement, l’AI espérait désamorcer la situation en sortant de sa voiture de patrouille pour parler au plaignant et puis en dégainant son arme à feu et, même s’il n’avait jamais l’intention de tirer, il avait été choqué lorsque le plaignant avait tenté de saisir l’arme à feu. Je comprends entièrement qu’après avoir déjà ordonné au plaignant d’obtempérer et étant donné que le plaignant faisait fi des instructions et apparemment ne se sentait pas du tout menacé par l’arme à feu dirigée sur lui, il ne restait à l’AI que peu d’options de recours à la force autres que l’utilisation de son arme à feu. Je n’ai aucune difficulté à conclure que la seule option de l’AI à ce moment‑là était d’utiliser son arme à impulsions dans l’espoir de forcer le plaignant à obéir et de permettre son arrestation. Ayant déchargé son arme à impulsions à deux reprises, avec peu ou pas d’indication qu’elle avait au moins été un peu efficace, l’AI avait encore moins d’options à sa disposition et avait eu la clarté d’esprit de demander des renforts.

Tandis qu’initialement l’AI pensait que son arme à impulsions ne fonctionnait tout simplement pas, quand l’AT no 1 a utilisé son arme à impulsions et que là aussi, l’effet sur le plaignant avait été faible ou nul, je peux comprendre comment le plaignant aurait semblé manquer de vulnérabilité et insensible aux différentes options raisonnables de recours à la force à la disposition de l’AI. Il faut louer l’AI pour n’avoir jamais déchargé son arme à feu dans ces circonstances, quand tout le reste avait échoué. Je suis d’accord avec l’évaluation de l’AT no 1 selon laquelle les actions de l’AI consistant à plaquer le plaignant au sol et de le frapper jusqu’à ce qu’il obéisse et ne présente plus une menace constituaient la seule option qui restait à l’AI. J’accepte également le témoignage de plusieurs des témoins civils et celui de l’AI et de l’AT no 1 selon lesquels aucun autre coup de poing n’a été donné au plaignant une fois qu’il avait cessé de résister. À mon avis, l’entier modèle policier repose sur une supposition que la plupart des personnes se soumettront lorsqu’elles font face à certaines options de recours à la force. Ce modèle échoue toutefois lorsque, comme c’était le cas ici, une personne, pour une quelconque raison, ne ressent absolument aucune peur et est incapable de ressentir de la douleur. Dans ces circonstances, il reste peu d’options à l’agent de police pour tenter de faire obéir une personne. Dans cette affaire, l’AI a pris en considération et a rejeté l’utilisation de son arme à feu et a conclu que son arme à impulsions était inefficace, ce qui signifiait qu’il ne lui restait que la force physique pour maîtriser le plaignant. Même si je devais conclure que les blessures subies par le plaignant ont été causées par les multiples coups de poing que l’AI lui a donnés au visage, je conclus que, conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, l’agent n’a pas eu recours à plus de force qu’il était raisonnablement nécessaire dans l’exécution de ses fonctions légitimes, et je conclus qu’il ne s’agissait pas d’un recours excessif à la force dans les circonstances. Dans ce dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI et l’AT no 1 a progressé d’une façon mesurée et proportionnée en réponse à l’absence totale de peur chez le plaignant, à sa résistance incroyable à la douleur et à sa force humaine étonnante et extraordinaire qui en résultait, dans le but de contrer ces différents facteurs, et qu’il s’agissait donc de la force qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa mise sous garde légale.

Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

Je conclus, dans l’affaire devant moi, que le degré de force et le nombre de coups portés au visage du plaignant étaient malheureusement nécessaires pour obtenir le contrôle de celui‑ci et pour le mettre en état d’arrestation et retirer toute arme potentielle qu’il avait sur sa personne. Toutefois, avant de conclure, je crois qu’il vaut la peine de souligner que l’AI a tenu compte de toutes les options au moment de l’intervention et qu’il a rejeté le recours à une force mortelle. Même si depuis une certaine distance, il semblait peut-être aux témoins civils que l’AI usait d’une force excessive lorsqu’il a porté plusieurs coups au visage du plaignant, je conclus qu’il n’a frappé le plaignant que jusqu’au moment où celui‑ci a cessé de résister et qu’il n’a pas continué à le frapper quand le plaignant a annoncé qu’il abandonnait. Dans l’ensemble, j’estime que, contrairement à l’issue malheureuse de nombreuses interactions entre la police et des personnes intoxiquées par l’alcool ou la drogue ou souffrant peut‑être de problèmes de santé mentalefootnote 5, l’AI a envisagé toutes ses options, a gardé l’esprit clair et grâce à cela, a peut‑être pu éviter une perte de vie. Il est malheureux que le plaignant ait subi la blessure grave qu’il a subie, s’il l’a en fait subie aux mains de l’AI, dont je ne suis pas entièrement convaincufootnote 6, mais dans l’ensemble, le résultat aurait pu être nettement pire si l’AI avait décidé de recourir, quand toutes les autres options avaient échoué, à une force létale.

Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par l’AI et par l’AT no 1 tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif d’imposer des accusations au criminel en l’espèce.

Date : le 11 janvier 2018

Original signed by

Tony Loparco
Director
Special Investigations Unit