Cette publication hautement spécialisée « Rapport sur l’état des ressources relatives au caribou des bois sylvicole : 3e partie »n’est disponible qu’en anglais conformément au Règlement 671/92, selon lequel il n’est pas obligatoire de la traduire en vertu de la Loi sur les services en français. Pour obtenir des renseignements en français, veuillez communiquer avec le ministère des Richesses naturelles au 807 343-4020 ou par courriel à caribou@ontario.ca.

Avant-propos

Il existe deux écotypes de caribou des bois en Ontario, dont l’appellation est liée à son habitat principal : le caribou des bois sylvicole et le caribou de la toundra. La population sylvicole boréale de caribous des bois (Rangifer tarandus caribou) (appelée « caribou »dans le présent document) figure sur la liste des espèces en péril en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD). Comme le caribou est une espèce menacée, l’espèce et l’habitat sont tous deux protégés. Cela signifie qu’il est interdit de nuire au caribou ou d’endommager son habitat.

Objectif pour la protection du caribou des bois en Ontario

Maintenir, où elles existent déjà, des populations locales de caribou des bois sylvicole qui sont liées génétiquement; améliorer la sûreté des populations locales isolées ainsi que les liens qui existent entre elles et faciliter le retour du caribou à des endroits stratégiques, près des endroits où il existe déjà.

La LEVD exige que les stratégies de rétablissement et les déclarations d’intervention du gouvernement soient préparées dans des délais prescrits pour les espèces qui figurent sur la liste des espèces en voie de disparition ou menacées. En 2008, la Stratégie de rétablissement du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou) (population boréale sylvicole) en Ontario (équipe de rétablissement du caribou des bois en Ontario, 2008) a été mise au point; elle donnait des conseils scientifiques au ministre des Richesses naturelles et des Forêts sur les moyens à prendre pour protéger et rétablir les populations de caribous en Ontario. La déclaration d’intervention du gouvernement rédigée pour cette stratégie de rétablissement a été le Plan de protection du caribou des bois en Ontario (le PPC) (MRN 2009). Le PPC décrit les grandes lignes de l’objectif visé par le gouvernement pour le rétablissement du caribou. Il indique les mesures que le ministère des Richesses naturelles (MRN) de l’époque, qui est maintenant le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (MRNF), a l’intention de prendre pour protéger et rétablir le caribou en Ontario.

Le document Ontario’s Woodland Caribou Conservation Plan Progress Report (le rapport d’étape) (MRN 2012) donne de l’information sur les réalisations des trois années qui ont suivi la diffusion du PPC. Ce document comprend, et s’appuie sur, les réalisations décrites dans le rapport d’étape. Bien qu’il ne soit ni un examen ni une révision du PPC, le Rapport sur l’état des ressources relatives au caribou des bois sylvicole rend compte des interventions que le MRNF s’est engagé à faire dans le PPC et donne un aperçu détaillé des initiatives entreprises pour la protection et le rétablissement du caribou. Le Rapport est divisé en trois parties :

1re partie : Fait des comptes rendus sur l’investissement de plus de 11 millions de dollars du MRNF dans les progrès réalisés à l’égard des mesures de rétablissement et des engagements contenus dans le PPC, y compris des rapports sur l’état d’avancement des engagements liés aux politiques, à la planification et à la gestion des ressources.

2e partie : Donne des détails techniques et communique les principaux résultats sur la surveillance et l’évaluation du caribou à l’intérieur de l’aire de répartition continue de l’Ontario (sauf pour l’aire de répartition sur les rives du lac Supérieur); décrit la distribution du caribou et résume les résultats des premières évaluations intégrées des aires de répartition.

3e partie : Fait un résumé technique des renseignements sur le programme de recherche exhaustif sur le caribou axé sur la collaboration à l’échelle provinciale du MRNF qui discute des résultats des engagements liés à la recherche dans le cadre du PPC.

Chaque partie du Rapport peut être lue indépendamment des autres, bien qu’elle fasse partie du Rapport sur l’état des ressources relatives au caribou des bois sylvicole. Des renseignements supplémentaires à l’appui se trouvent dans les annexes de chaque partie.

La LEVD exige qu’un rapport soit produit sur les progrès réalisés dans la protection et le rétablissement d’une espèce cinq ans après la publication de la déclaration d’intervention du gouvernement. De plus, le PPC contient un engagement de principe qui se résume à élaborer un « Rapport sur l’état des ressources relatives au caribou des bois sylvicole » en 2014. Ce document répond aux exigences relatives aux lois et aux politiques.

Résumé

Voici la troisième partie du Rapport sur l’état des ressources relatives au caribou des bois sylvicole. On y trouvera un résumé technique de la mise en œuvre du programme de recherche collaboratif provincial sur le caribou (le « programme de recherche » qui constitue une composante essentielle de l’engagement du gouvernement provincial dans le cadre du Plan de protection du caribou des bois en Ontario (PPCB) (MNR 2009) pour l’amélioration des connaissances scientifiques sur le caribou des bois.

Contexte : Recherche sur le caribou en Ontario

Sondages et ateliers de spécialistes

Avant la publication du PPCB, le gouvernement de la province avait déjà reconnu l’importance de cerner les besoins prioritaires en matière de recherche sur le caribou et de répondre à de tels besoins. Au milieu des années 2000, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts (MRNF) a mis en œuvre une série d’étapes visant la mise sur pied d’un programme de recherche sur le caribou en Ontario. On a notamment réalisé un sondage auprès de spécialistes afin de préciser les principales incertitudes relatives à l’écologie des caribous en Ontario (début 2006) et organisé deux ateliers avec des experts (à la fin de 2006 et en 2007). Le premier de ces ateliers portait sur la transposition de grandes incertitudes à propos du caribou en hypothèses vérifiables. Le deuxième portait sur l’affinage de ces hypothèses et sur l’élaboration d’une structure expérimentale pour les mettre à l’épreuve.

Création du programme de recherche, concepts expérimentaux et autres travaux de recherche

Après le deuxième atelier d’experts, un groupe de chercheurs a planifié et mis en œuvre le programme de recherche en vue de tester les hypothèses élaborées. Le programme de recherche a été dirigé par des représentants du MRNF, de Forêts Canada, de l’Université de Guelph, de l’Université Trent et de la Forest Ecosystem Science Co-operative Inc. L’objectif principal était d’évaluer le niveau d’appui à six hypothèses alternatives sur la façon dont les perturbations causées par les humains affectent la viabilité à long terme des populations de caribou :

  • Équilibre énergétique (axe : nourriture de faible qualité ou dépense énergétique accrue)
  • Perturbation sensorielle (axe : l’activité humaine influe sur les déplacements et sur la sélection de l’habitat)
  • Compétition apparente (axe : densités accrues d’autres proies ou prédateurs)
  • Utilisation de la route par les prédateurs (axe : l’utilisation de la route par le prédateur accroît l’efficacité de la chasse)
  • Fuite de la proie (axe : un habitat fragmenté accroît la détection du caribou par le prédateur)
  • Effets cumulatifs (axe : combinaison de deux facteurs ou plus contribuant au déclin de la population)

Chacune de ces hypothèses formule diverses prédictions sur une variété d’attributs écologiques différents (taux de gain énergétique et de déplacements du caribou, densités des prédateurs et des proies, p. ex.). Pour vérifier ces prédictions, les chercheurs ont choisi trois zones d’étude, toutes situées à l’intérieur de l’écozone du bouclier ontarien : un secteur non aménagé (lac Pickle) et deux secteurs aménagés (Nakina et Cochrane). Cochrane a été ajouté afin d’avoir un site dans la ceinture argileuse de l’écorégion 3E (Crins et coll., 2009). Les zones d’études ont été retenues en fonction de leurs grands contrastes dans les caractéristiques qui semblent avoir une influence sur la pérennité du caribou (conifères et couvert de forêt mixte, densités d’éléments linéaires, p. ex.).

Les types de données primaires pour l’évaluation des hypothèses incluaient notamment des données sur l’emplacement des animaux et leur zone d’activité, de même que des données provenant d’une vidéo à haute résolution, obtenue à la suite de la pose de colliers avec GPS sur des caribous forestiers (n = 193) et des loups (n = 68) dans les trois zones d’étude.

L’objectif central du programme de recherche est de mieux comprendre les facteurs qui affectent la viabilité du caribou des bois. Les efforts de recherche ont toutefois été aussi concentrés sur les mesures de récupération et sur les engagements du PPCB, et sur l’évaluation de certaines interprétations actuelles de l’habitat du caribou contenu dans le Guide des paysages de la forêt boréale du MRNF (le Guide des paysages septentrionaux) (OMNR 2014). Pendant qu’était réalisé le programme de recherche, le MRNF a aussi dirigé d’importants efforts de collecte de données sur le caribou dans toutes les aires de répartition continue dans le cadre d’activités de surveillance et d’évaluation (consultez la partie II pour plus de détails), notamment dans le cadre du Projet sur le caribou dans le Grand Nord et d’évaluations intégrées des aires de répartition. Les chercheurs du MRNF et leurs partenaires universitaires ont aussi analysé ces données en vue de répondre à d’importantes questions sur les distinctions entre les écotypes, la délimitation des populations, les méthodes d’évaluation de l’état des populations, la répartition spatiale, la sélection de l’habitat et l’utilisation des espaces.

Sujets généraux de recherche Les chercheurs du MRNF ont contribué à plus de 50 projets de recherche différents sur le caribou en Ontario. Certains sont terminés, d’autres sont encore en cours. Le premier ensemble de projets se concentre principalement sur le respect des engagements particuliers du PPCB. Ces projets impliquent l’évaluation des interprétations actuelles (dans le PPCB ou dans le Guide des paysages septentrionaux, p. ex.) ou de l’efficacité des diverses approches de gestion, et abordent plusieurs sujets à caractère général :

  • Différences entre les écotypes et la structure des populations et délimitation des aires de répartition;
  • Identification des meilleures populations et mesures en matière de santé;
  • Caractérisation de l’habitat du caribou;
  • Amélioration de la régénération des aires récoltées
  • Réintroduction du caribou dans des aides récoltées auparavant

Le deuxième ensemble de projets de recherche porte sur l’évaluation de l’appui des six hypothèses formulées dans le programme de recherche. Le troisième et dernier ensemble de projets se concentre sur la conception et l’application de modèles qui pourraient être utilisés comme outils d’aide à la prise de 3 décision, soit les modèles d’analyse de viabilité de population du caribou et les modèles de fonction de sélection des ressources. Ces modèles peuvent être utilisés comme base pour l’évaluation de l’état de la population ou de l’habitat, ou pour évaluer divers scénarios de planification et de développement.

Objectifs et résultats de la recherche

Différences entre les écotypes, structure des populations et délimitation des aires de répartition Cette recherche se penche sur la distinction entre le caribou vivant en forêt et le caribou vivant dans la toundra. Elle vise aussi à évaluer les approches actuelles pour délimiter les aires de répartition dans l’extrême nord de l’Ontario et dans les régions sud de distribution continue. Les résultats ont révélé de nettes différences de comportement entre l’écotype du caribou vivant en forêt et celui du caribou de la toundra, bien qu’il y ait chevauchement géographique des zones utilisées par les deux écotypes (particulièrement en hiver). Le caribou dans la zone de répartition continue est réparti de manière assez uniforme dans tout le bouclier ontarien et dans les basses terres de la baie d’Hudson. Des éléments indiquent toutefois qu’il existe un certain niveau de structure génétique, comportementale et démographique. Cette structure correspond assez bien aux aires de répartition actuelles du caribou que nous avons délimitées aux fins d’évaluation. Pour en savoir plus sur la façon dont les aires de répartition ont été délimitées, veuillez consulter le document intitulé Delineation of Woodland Caribou Ranges in Ontario (rapport de délimitation des aires de répartition) (MRNF 2014a).

Identification des meilleures populations et mesures en matière de santé

Ces projets de recherche visaient l’évaluation et l’élaboration d’approches alternatives pour l’évaluation de l’état des populations (c.-à-d. une estimation de la taille de la population) et des modèles d’occupation. Les résultats suggèrent qu’une estimation de la population estimation peut être possible en certaines situations (pour les groupes plus petits ou isolés, p. ex.), mais les coûts et l’efficacité des méthodes alternatives varient. Lorsque l’estimation de la taille d’une population est impossible à réaliser et que l’on souhaite recueillir d’autres renseignements (répartition spatiale, p. ex.), le modèle d’occupation peut constituer un outil valable pour évaluer l’état d’une population. Les diverses mesures pouvant être utilisées pour évaluer l’état et la santé d’une population comportent ont toutes des avantages et des inconvénients. Les efforts de surveillance et d’évaluation pourraient bénéficier du choix d’une population en particulier et de mesures de l’état de santé qui soient efficaces pour évaluer les caractéristiques dignes d’intérêt et qui sont complémentaires (c.-à-d. lorsque dans l’ensemble de mesures, chacune compense les inconvénients d’une autre).

Caractérisation de l’habitat du caribou

Plusieurs projets de recherche différents ont été entrepris pour caractériser l’habitat du caribou à des échelles multiples (paysage, échelle de peuplement et des sites). Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que le choix de l’habitat du caribou et le temps passé dans une zone particulière sont fortement influencés par la disponibilité du fourrage et la possibilité d’éviter les risques associés aux prédateurs, qui sont mesurés à une échelle plus petite ou plus grossière. Les forêts dominées par les conifères et les plaines arborées avaient toutes deux une importante toute l’année pour le caribou et ces types de couverts ont été tous les deux choisis à des échelles multiples. Le caribou évite généralement les habitats associés à un plus grand risque de prédation ou de perturbation sensorielle, notamment les aires perturbées en régénérescence, les forêts mixtes ou de feuillus, les régions peuplées et les routes. Enfin, le caribou, individuellement, démontre de la fidélité (tendance à revenir) aux sites utilisés à certaines périodes précises de l’année et aux domaines vitaux annuels et saisonniers. On a par ailleurs relevé une fidélité plus grande pour les sites de mise bas et pour les domaines vitaux utilisés au cours de la saison de mise bas et immédiatement après. La fidélité était moindre pour les domaines vitaux d’hiver.

Amélioration de la régénération des aires récoltées

Plusieurs projets de recherche ont été entrepris pour servir de base aux efforts de promotion de la régénération de l’habitat du caribou après la récolte forestière. Les chercheurs ont travaillé à établir comment la composition et la structure des forêts changent en fonction du type de perturbation et de l’âge, et à évaluer les effets des traitements sylvicoles à l’échelle du peuplement (entretien des arbres) sur le lichen (un aliment de première importance pour le caribou). Les résultats ont révélé que la composition de la communauté végétale du peuplement naturel et après récolte était différente et que l’ampleur de ces différences augmentait avec l’âge du peuplement. Les différences dans la structure de la forêt n’étaient pas aussi prononcées, mais la fermeture du couvert était plus élevée que pour les peuplements plus âgés après récolte. L’abondance de lichen a été influencée par plusieurs caractéristiques du peuplement. L’abondance plus importante est influencée par plusieurs caractéristiques du peuplement. Une plus grande abondance a été associée aux caractéristiques suivantes :

  • couvert dominé par les conifères;
  • faible degré de fermeture du couvert;
  • âge du peuplement (plus âgé);
  • terre sablonneuse non organique;
  • densité de peuplement, arbres et hauteur de la couronne relativement bas.

Les recherches sur les effets à court et à long terme de l’application de divers traitements sylvicoles ont révélé que les applications d’herbicides avaient des effets négatifs à court et à long terme sur l’abondance de lichen (bien que l’ampleur de ces effets varie selon le type de produit utilisé). Un traitement à l’herbicide (2, 4-D) a été associé à une composition nettement différente du lichen comparativement aux autres traitements sylvicoles et peuplements d’origine naturelle.

Réoccupation par le caribou ou utilisation des habitats récoltés anciennement

En vue d’améliorer notre compréhension des effets à plus long terme des activités de gestion forestière sur l’utilisation de l’habitat du caribou. Les chercheurs tentent de répertorier la réoccupation du caribou dans les zones préalablement récoltées et de caractériser les attributs associés à de telles zones. Les résultats préliminaires d’une analyse des zones déjà récoltées qui sont utilisées par le caribou en été suggèrent que les conifères ont tendance à dominer dans ces zones, qu’elles sont plus jeunes que les autres zones préalablement récoltées disponibles et qu’elles possèdent des caractéristiques structurelles différentes. L’utilisation de ces zones est non fréquente et plus susceptible d’être latente au lieu de constituer un indice de réoccupation; autrement dit, le caribou pourrait continuer à utiliser un secteur récemment récolté, qu’il utilisait auparavant au lieu de retourner ou d’adopter une zone suffisamment régénérée pour constituer un habitat convenable. Par conséquent, bien que ces exemples puissent receler certaines informations sur ce qui peut expliquer l’utilisation relativement peu fréquente de zones récemment récoltées durant l’été, ces résultats préliminaires ne permettent pas d’identifier les caractéristiques associées à une réoccupation à plus long terme ou à une utilisation d’un habitat convenable pour le caribou. De même, les faits probants d’autres études suggèrent que l’utilisation de zones récemment récoltées pourrait faire en sorte que le caribou coure plus de risques de prédation.

Hypothèse de l’équilibre énergétique : Régime alimentaire, nutrition, dépense énergétique et condition

Dans le but d’évaluer le degré d’appui à l’hypothèse de l’équilibre énergétique, les chercheurs ont mesuré divers aspects de l’énergétique du caribou, notamment son apport (par l’alimentation) et sa dépense énergétique. Un travail préliminaire a aussi été réalisé pour établir si la condition du caribou est différente selon qu’il vit en écopaysage aménagé ou non. Les résultats de l’apport énergétique indiquent que les lichens (particulièrement les variétés terricoles) étaient la composante dominante du régime alimentaire du caribou toute l’année, mais qu’ils ont aussi une valeur nutritive relativement faible. En matière de dépense énergétique, les conditions environnementales locales (disponibilité du fourrage, épaisseur de la neige, température, p. ex.) et les taux de déplacement quotidiens ont une forte influence sur les coûts énergétiques du caribou. Le harcèlement par les insectes était plus important dans les zones récoltées découvertes que dans celles peuplées d’arbres, mais les résultats préliminaires indiquent que pour le caribou, les conséquences énergétiques se traduisent davantage par une perte des possibilités de nourriture que par une plus grande dépense énergétique associée aux efforts pour éviter les insectes. Les données sur la condition des faons et des adultes étaient limitées, mais les éléments probants préliminaires suggèrent que le caribou pourrait avoir subi des effets négatifs sur le plan alimentaire dans certains secteurs aménagés.

Hypothèse de la perturbation sensorielle

Dans le but d’évaluer le degré d’appui à l’hypothèse de la perturbation sensorielle, les chercheurs ont caractérisé la variation saisonnière du volume de circulation automobile des secteurs aménagés et non aménagés et ont étudié les effets de la circulation automobile de routes importantes sur le comportement du caribou. Le volume de circulation variait au fil des saisons et en fonction des zones d’étude (plus faible dans les secteurs non aménagés). Les résultats préliminaires pour la proximité des caribous par rapport à la route et le nombre de fois où ils traversent la route suggèrent une augmentation de l’évitement des routes par le caribou (de manière non linéaire) avec l’augmentation de la circulation automobile. Des recherches supplémentaires se sont concentrées sur l’efficacité des mesures de désaffectation et de remise en état des routes. Les résultats préliminaires de ces travaux indiquent que le degré d’efficacité des diverses stratégies de mise hors service varie. De plus, si la régénération de la végétation sur les anciennes plateformes routières constitue un objectif, les recherches indiquent que les efforts de réhabilitation profiteront vraisemblablement des efforts de remise en état.

Hypothèse de la concurrence apparente

Dans le but d’évaluer le degré d’appui à l’hypothèse de la concurrence apparente, les recherches ont permis de vérifier les diverses prédictions formulées dans le cadre de cette hypothèse : séparation entre les niches du caribou, de l’orignal et de leurs prédateurs communs; chevauchement des niches entre l’orignal et le loup; densité plus élevée d’orignaux et de loups dans les écopaysages aménagés; et dominance de l’orignal dans le régime alimentaire des prédateurs. Les résultats de la recherche sur l’occupation, les déplacements, la sélection de l’habitat et les modèles d’activité du caribou, de l’orignal et du loup ont révélé un haut degré de ségrégation spatiale et temporelle entre le caribou et les deux autres espèces. Les densités d’orignal et de loup étaient plus élevées dans les écopaysages aménagés et les territoires des loups étaient plus petits. Des analyses du régime alimentaire du loup indiquent que les orignaux sont la proie primaire des loups toute l’année et que ces prédateurs choisissaient des écopaysages dont les caractéristiques sont souvent associées avec une densité plus élevée d’orignaux (forêt mixte, forêt de feuillus ou forêt en régénérescence). Le caribou semble être la proie secondaire ou tertiaire choisie par le loup durant l’année. La relation entre l’ours et le caribou n’a pas fait l’objet d’une étude approfondie, mais une analyse du régime alimentaire des ours au cours de la saison de mise bas n’a pas fourni de preuve appréciable que le caribou en fait partie.

Hypothèse de l’utilisation de la route des prédateurs

Pour évaluer l’étendue de l’appui à l’hypothèse de la route des prédateurs, les chercheurs ont étudié le choix de l’habitat chez le loup. Ils ont également examiné les facteurs qui influencent la période de temps qui s’écoule entre deux proies capturées par le loup, de même que les attributs associés aux sites où les loups ont capturé un orignal (leur proie dominante). Les résultats de l’analyse de la sélection des habitats indiquent que les loups ont choisi des chemins d’accès à la ressource tant à l’échelle du 5 territoire de la meute qu’à plus grande échelle de l’écopaysage. La proximité des routes était aussi un facteur déterminant dans l’efficacité avec laquelle les loups chassaient l’orignal et dans leurs probabilités de réussite pour en tuer un.

Hypothèse de la fuite de la proie

Dans le but d’évaluer le degré d’appui à l’hypothèse de la fuite de la proie, les efforts de recherche en ont vérifié les deux principales prédictions : une utilisation restreinte de l’espace chez les caribous en raison de la faible abondance et/ou de la fragmentation de l’habitat convenable, et un ciblage plus élevé du caribou par les loups dans les écopaysages aménagés. Les résultats pour l’extrême nord de l’Ontario indiquent que le domaine vital du caribou était plus vaste dans les secteurs avec faibles quantités d’habitats préférés et qu’il était plus petit lorsque la quantité d’habitats convenables au caribou était plus élevée. Les résultats pour les régions faisant l’objet d’un fort degré d’aménagement indiquent que la fidélité (la tendance à revenir) du caribou individuel à ses domaines vitaux saisonniers était généralement élevée et dans la plupart des cas, elle n’était pas influencée par des conditions d’habitat associées. La fidélité aux domaines vitaux d’hiver constitue toutefois une exception. Lorsque le domaine vital d’hiver d’un caribou était situé près de routes ou de jeunes forêts, ceux-ci étaient plus portés à retourner aux mêmes endroits en hiver d’année en année. Par contre, la tendance des individus à retourner aux mêmes domaines vitaux d’hiver était moindre si ceux-ci étaient situés près d’habitats plus convenables. Par contre, aucune des conclusions d’analyses du régime alimentaire du loup, de la sélection de l’habitat ou des attributs associés à une chasse fructueuse n’a démontré que les loups ciblent les caribous dans les écopaysages aménagés.

Facteurs de mortalité des caribous : Évaluer l’appui à plusieurs hypothèses alternatives

Toutes les hypothèses formulées font des prévisions sur les taux de mortalité des caribous, les causes de mortalité et les attributs associés aux mortalités. Les données sur les morts de caribous adultes et les niveaux d’infection par des parasites ont permis aux chercheurs de mettre ces prédictions à l’épreuve et d’aborder les engagements du PPCB pour mieux comprendre les mortalités causées par l’être humain et les effets des parasites sur le caribou. Les résultats préliminaires suggèrent que la prédation du loup est la cause dominante de mortalité chez les caribous adultes et aucune cause de moralité provoquée par l’être humain n’a pu être documentée. La prédation d’ours a été documentée, mais était assez rare. Bien que les taux annuels de survie étaient relativement élevés (>75 %), ils étaient plus bas dans la zone d’étude la plus intensément aménagée (Nakina) et cette différence semblait s’expliquer par des taux de mortalité liée à la prédation qui sont plus élevés. Les risques de mortalité variaient en fonction des saisons, mais étaient plus élevés de la fin de l’automne au début du printemps. Les données sur le sort de faons se sont limitées à des preuves vidéo captées dans le petit sous-groupe de caribous femelles auxquelles on avait posé un collier avec GPS doté d’une caméra vidéo. On dispose de peu de faits probants sur les causes de mortalité des faons, mais les résultats préliminaires suggèrent que les faons des secteurs aménagés et non aménagés sont morts au cours de deux premiers mois de leur vie (c.-à-d. du milieu ou 6 de la fin de mai au début de juillet). Les résultats préliminaires de la recherche sur les niveaux d’infection aux parasites chez les caribous adultes que l’incidence d’infection au parasite du protostrongle pourrait être plus élevée dans les zones d’étude aménagées que dans les zones d’étude non aménagées, mais on n’a détecté aucune preuve confirmée d’infection au ver des méninges (P. tenuis).

Modèles d’analyse de viabilité de population pour les caribous

L’un des principaux objectifs du programme de recherche était de créer des modèles d’analyse de viabilité de population (AVP) qui pourraient aider les utilisateurs à évaluer la probabilité à long terme de pérennité des populations de caribou et leur permettre d’évaluer les diverses activités de développement potentiel et de gestion (nouvelles routes, changements dans les taux de récolte d’orignaux ou de loups, p. ex.) pour la viabilité de la population de caribous. Deux modèles ont été créés : un modèle d’AVP simple, à espèce unique, incorporant des données sur les principaux taux vitaux (estimation des taux de survie et de recrutement); et un modèle d’AVP spatialement explicite comprenant un modèle de déplacement des caribous et incluant les principales relations (entre les caribous, les orignaux et les loups, p. ex.) et des associations d’habitats établies dans le cadre du programme de recherche. Les résultats préliminaires des travaux visant à appliquer les deux modèles aux populations dans une zone d’étude non aménagée (lac Pickle) et dans une zone d’étude aménagée (Nakina) suggèrent que la population dans la zone d’étude aménagée pourrait avoir de faibles probabilités de pérennité à long terme dans les conditions actuelles.

Fonctions de sélection des ressources pour le caribou

Les chercheurs ont conçu des modèles de sélection de l’habitat du caribou à l’échelle plus large de l’écopaysage à l’aide de fonctions de sélection des ressources (FSR). Ces modèles peuvent être utilisés pour dresser la carte des habitats convenables pour le caribou et contribuent aux efforts visant l’intégration de considérations sur l’habitat du caribou dans les initiatives d’aménagement de l’extrême nord de l’Ontario. Les résultats des FSR ont indiqué que la sélection de l’habitat du caribou était plus forte à une échelle de 10 000 hectares et était principalement influencée par l’évitement des prédateurs. Les résultats ont aussi révélé que de multiples modèles de FSR sont nécessaires pour une évaluation à l’échelle de toute l’aire de répartition de l’habitat du caribou, puisque les modèles de sélection de l’habitat diffèrent en fonction des régions et des aires de répartition (à l’intérieur des régions) et au fil des saisons.

Synthèse : Conséquences des résultats de recherche

Appui des hypothèses alternatives Les six hypothèses alternatives évaluées dans le cadre du programme de recherche ont été associées à des degrés variables de preuves à l’appui. Plus précisément, parmi les hypothèses à mécanisme unique, il semble y avoir un degré élevé d’appui à la concurrence apparente, un degré modéré d’appui à l’utilisation de la route par les prédateurs, à la perturbation sensorielle et à l’équilibre énergétique, et un faible degré d’appui pour la fuite des proies. Il semble probable que plus d’un ensemble de facteurs pourrait contribuer au déclin de la population de caribous dans les écopaysages aménagés. On peut donc affirmer, par conséquent, que l’hypothèse des effets cumulatifs tire la plus large part d’appuis des résultats de la recherche.

Les preuves issues de recherches récentes appuient aussi fortement plusieurs interprétations déjà existantes sur la biologie et l’écologie du caribou. Les attentes suivantes ont fait l’objet d’un appui faible ou mitigé : la nutrition ne limite pas le caribou; la sélection de l’habitat du caribou est fonction de divers facteurs, à diverses échelles; le caribou fait preuve d’une forte fidélité individuelle aux aires de répartition saisonnières utilisées au cours de la saison de la mise bas (appui plus fort) et de l’hiver (appui plus faible).

Une synthèse des conclusions des recherches de multiples projets a permis d’obtenir une grande variété de renseignements :

  1. Habitat du caribou
    • Les modèles de sélection de l’habitat semblent correspondre à l’influence de la disponibilité du fourrage et à l’évitement des risques associés aux prédateurs à de multiples échelles spatiales (au lieu d’une hiérarchie d’influences à diverses échelles).
    • La prépondérance des lichens terricoles dans l’alimentation des caribous toute l’année était inattendue (particulièrement en été) et suggère que les peuplements où dominent les conifères sont importants toute l’année pour le fourrage.
    • Généralement, les relations entre le caribou et l’habitat, par exemple la sélection d’une forêt à dominante conifère ou de prairies arborées, et l’évitement de zones habitées ou ouvertes et de routes, semblent conformes aux approches actuelles en matière de gestion du territoire.
  2. Risques de prédation dans les écopaysages aménagés
    • Une densité de prédateurs plus élevée, de plus grandes quantités de proies et un habitat de prédateurs dans les écopaysages aménagés peuvent accroître les risques de prédation pour le caribou.
    • La récolte et des pratiques sylvicoles qui favorisent la régénération des habitats du caribou dans des quantités et selon un mode similaire à ce qui se produit dans la nature aideraient certainement à améliorer certains des effets possibles de la récolte sur les caribous.
    • Les sites d’enfouissement peuvent constituer une source d’alimentation alternative importante pour les loups et contribuer à des densités de prédateurs plus élevées. Le tout pourrait entraîner des risques de prédation accrus.
    • L’influence des routes sur le caribou est complexe; les routes d’accès aux ressources sont associées à un risque plus élevé de prédation par les loups, mais les répercussions dominantes associées aux routes avec fort volume de véhicules peuvent être davantage liées à l’évitement par les caribous des perturbations liées à la circulation automobile. Il serait avantageux de privilégier un choix d’approches qui s’attaquent aux principales répercussions des divers types de route pour atténuer leurs effets sur le caribou.
    • La condition des habitats dans les écopaysages aménagés ne semble pas avoir mené à une meilleure détection et à un ciblage plus actif des caribous par les loups; la taille et la connectivité des zones d’habitat convenable pourraient toutefois avoir des effets sur le caribou d’autres façons (plus grande exposition aux risques de prédation lors de déplacements d’une zone appropriée à une autre, p. ex.).
    • La récolte et des pratiques sylvicoles favorisant la régénération des habitats du caribou dans des quantités et selon un mode similaire à ce qui se produit dans la nature pourrait aider à atténuer les effets des activités de gestion de ressources sur le caribou, mais de telles approches pourraient être insuffisantes sans des efforts concurrents pour limiter la somme cumulative des perturbations aux aires de répartition du caribou à des niveaux mieux aptes l’aire de répartition mieux en mesure de soutenir des populations autosuffisantes.
  3. Condition physique réduite dans les écopaysages aménagés (effets directs et indirects)
    • Deux hypothèses prédisant une condition matérielle réduite des écopaysages aménagés (équilibre énergétique et perturbation sensorielle) ont reçu un appui modéré et les résultats préliminaires indiquent que le caribou dans les écopaysages aménagés pourrait être en moins bonne condition physique.
    • L’application de traitements sylvicoles qui favorisent la régénération des habitats du caribou dans des quantités et selon un mode similaire aux modèles les plus susceptibles de découler d’un régime naturel de perturbations pourrait accroître la disponibilité du fourrage à l’échelle de tout l’écopaysage (et, possiblement, réduire les coûts énergétiques nécessaires à l’acquisition de nourriture).
  4. Réoccupation du peuplement récolté par le caribou
    • La plupart des exemples d’utilisation par le caribou de peuplements récoltés auparavant documentés dans la recherche menée à ce jour représentent probablement une utilisation latente des zones récoltées (comparativement à la réoccupation à long terme ou à l’utilisation, par le caribou, de zones qui se sont régénérées et sont devenues un habitat convenable). De ce fait, les caractéristiques du peuplement associé à cette utilisation ne sont probablement pas une source d’information adéquate pour les efforts visant à améliorer les pratiques sylvicoles.
  5. Les modèles d’AVP et de FSR : outils d’aide à la décision pour l’évaluation et l’analyse de scénarios
    • Un travail de recherche considérable dans tout l’Ontario a permis la création de modèles quantitatifs (AVP et FSR) incorporant les principaux aspects de l’écologie et du comportement du caribou. Ces modèles peuvent être utilisés pour aider à l’évaluation de la population et de l’état de l’habitat. Ils peuvent aussi être appliqués aux écopaysages présentant des modes alternatifs de gestion et de développement et pour la création de scénarios de changement climatique avec la probabilité que le caribou persistera à long terme et pour la quantité et la disposition d’un habitat convenable pour le caribou.

Lacunes dans les connaissances et recherches futures

Il persiste certaines lacunes importantes dans les connaissances sur l’écologie et le comportement du caribou en Ontario. Nous n’avons pas encore recueilli d’information directe sur les causes du décès des faons (notamment sur le rôle possible des ours noirs en tant que prédateurs), d’information exhaustive sur les causes de mortalités autres que la prédation chez le caribou adulte ou d’information plus complète sur la réoccupation de peuplements préalablement récoltés. Des travaux de recherche futurs pourraient combler de telles lacunes, bien que de tels travaux de recherche risquent d’être difficiles. On pourrait aussi envisager, comme deuxième option, de prolonger ou de poursuivre des travaux de recherche de poursuivre des travaux de recherche terminés ou toujours en cours afin d’aborder des domaines visant à améliorer la fiabilité ou à réduire l’incertitude entourant la représentativité des résultats recueillis à ce jour. Une troisième option pourrait être de se concentrer sur les principales hypothèses appuyant la recherche existante et une évaluation de l’efficacité de diverses stratégies de gestion visant à réduire les effets de leurs mécanismes associés (concurrence apparente, utilisation de la route par les prédateurs) sur le caribou.