2.1 Général

2.1.1 Le présent plan de mise en œuvre détaille l'intervention en cas d'urgence à la centrale nucléaire de Pickering (CNP).

2.1.2 La CNP est située à une latitude nord de 43° 48' et à une longitude ouest de 79° 04', à environ 35 kilomètres à l'est de Toronto (hôtel de ville), sur la rive nord du lac Ontario.

2.1.3 La CNP comprend huit réacteurs nucléaires CANDU (Canada Deuterium Uranium) répartis en deux groupes de quatre réacteurs chacun : Pickering A et Pickering B. Chaque réacteur a été conçu pour générer 540 mégawatts d'électricité. La figure 2.1 présente un schéma de principe d'un réacteur CANDU.

2.1.4 Deux des quatre réacteurs du groupe Pickering A ont été déchargés de leur combustible et se trouvent en état d'arrêt sûr depuis 1997.

2.2 Le danger

2.2.1 Si un accident devait survenir à la CNP, il est très probable que ses effets seraient confinés à l'intérieur de la centrale, grâce aux systèmes, aux structures et aux éléments de sécurité désignés de l'installation.

2.2.2 La préparation à une urgence nucléaire exige des bases de la planification qui tiennent compte des accidents de dimensionnement et des accidents hors dimensionnement (AHD) – considérablement moins probables –, y compris des accidents graves et des scénarios d'accidents se produisant dans des centrales à tranches multiples, le cas échéant. Pour obtenir des explications détaillées sur les bases de ces accidents de référence, consulter l'annexe L du plan directeur du PPIUN – Contexte des bases de la planification du PPIUN.

2.2.3 Accidents de dimensionnement (AD)

  1. La publication des AD constitue la principale plateforme d'une planification détaillée et se caractérise généralement par l'un ou l'autre des points suivants :
    1. Les systèmes de confinement de la centrale fonctionnent normalement, ce qui permet aux rayonnements de commencer à se désintégrer avant leur libération contrôlée.
    2. Il y aurait suffisamment de temps pour alerter le public et mettre en œuvre des mesures de protection avant la libération.
    3. Le principal danger de nature radiologique pour les êtres humains serait l'exposition externe aux radionucléides et leur inhalation.
    4. Des systèmes de filtration serviraient à éliminer la quasi-totalité des matières radioactives et de l'iode radioactif. Par conséquent, le panache serait essentiellement composé de gaz rares inertes qui se dissiperaient et ne poseraient aucun danger de contamination.
    5. Les doses de rayonnement pour le public seraient probablement inférieures à celles des critères génériques (CG) au sens de l'annexe E du plan directeur du PPIUN.
    6. La contamination environnementale serait limitée à des degrés très faibles.
    7. Les rejets de matières radioactives à faible dose dans l'environnement pourraient se poursuivre par intermittence pendant un certain temps (p. ex., des jours ou des semaines).
  2. Un exemple de scénario d'accident de dimensionnement consisterait par exemple en un accident de perte de réfrigérant primaire (APRP), avec la progression type suivante :
    1. L'édifice du réacteur serait confiné en vue d'empêcher tout rejet immédiat. Le « confinement » est une situation dans laquelle toutes les sources de rejet possible dans l'environnement, comme les cheminées d'aération, sont fermées.
    2. Les canalisations reliant l'édifice du réacteur au bâtiment sous vide s'ouvriraient, ramenant par le fait même la pression interne du premier édifice sous la pression atmosphérique et aspirant vers le bâtiment sous vide toute matière radioactive dégagée par le combustible du réacteur endommagé. La décroissance radioactive se poursuivrait durant cette période de retenue (p. ex., 48 heures).
    3. À tout moment, si la pression du système de confinement s'approche de la pression atmosphérique, le système pourrait émettre un rejet filtré dans l'environnement de la matière radioactive contenue. Une telle émission pourrait être intermittente ou continue et s'étaler sur plusieurs semaines (voir la section 4.6.6). Le niveau de radioactivité de l'émission dans l'environnement décroîtrait avec le temps.
    4. Des conditions météorologiques favorables peuvent permettre le rejet filtré d'une partie de cette matière radioactive contenue dans une direction à l'opposé des zones peuplées, et ce, à maintes reprises.

2.2.4 Accidents hors dimensionnement (AHD)

  1. L'un ou plusieurs des points ci-après peuvent définir un AHD :
    1. Les systèmes de confinement de la centrale peuvent être déficients, donnant ainsi lieu à une période de retenue et de désintégration des matières radioactives considérablement réduite.
    2. Le rejet rapide de matières radioactives provenant d'un AHD dont la période d'avertissement est courte.
    3. Le rejet non contrôlé de matières radioactives provenant d'un AHD dont la période d'avertissement est courte.
    4. Le panache pourrait contenir de l'iode radioactif et des particules ainsi que des gaz rares.
    5. Les doses de rayonnements pourraient potentiellement être élevées.
    6. La contamination environnementale pourrait être élevée sur les plans tant de l'étendue géographique que de la durée.
    7. La zone touchée pourrait s'étendre au-delà de la zone de planification détaillée.
    8. Un accident se produisant dans une centrale à tranches multiples (c.-à-d. un accident mettant en cause plus d'un réacteur).
  2. Les AHD dont les effets ne sont pas atténués peuvent se transformer en accidents graves qui comportent la dégradation du combustible dans le cœur du réacteur.
  3. L'intervention en cas d'AHD, y compris d'accidents graves, est facilitée par le matériel d'atténuation des impacts en cas d'urgence dédié en plus des mesures déjà mises en place pour faire face aux AD (voir la section 2.2.3 ci-dessus) et la capacité d'élargir leur fonction.
  4. Les activités supplémentaires ci-après en matière de planification et de préparation doivent être menées pour atténuer les effets hors site, beaucoup moins probables, mais possiblement plus graves, des AHD :
    1. la distribution préalable de comprimés d'iodure de potassium (KI) (voir la section 5.3.3);
    2. des mesures automatiques par défaut pour amorcer l'alerte du public (voir la section 6.2) et diriger la mise en œuvre de mesures de protection, notamment la mise à l'abri sur place (voir la section 5.3.4) et l'évacuation (voir la section 5.3.1);
    3. la répartition rapide des équipes de surveillance aérienne et au sol pour déterminer les zones de contamination (voir la section 4.7.3);
    4. l'évacuation prioritaire des personnes qui se trouvent le plus près du danger (voir la section 5.3.1);
    5. l'élargissement des mesures de protection à la zone de planification d'urgence (ZPU), si nécessaire, pour réduire le risque d'exposition;
    6. la surveillance du rayonnement et, si nécessaire, la décontamination des personnes (voir la section 6.9);
    7. des services d'évaluation médicale, de traitement et de counseling, au besoin (voir la section 6.9).

2.3 Mesures de protection

2.3.1 Les mesures de protection envisageables pour réduire le danger lié aux rayonnements en cas d'urgence nucléaire comprennent notamment :

  1. mesures de précaution;
  2. mesures de contrôle de l'exposition;
  3. mesures de contrôle de l'ingestion.

2.3.2 Ces mesuresvsont énumérées au tableau 2.1 ci-après et définies dans le glossaire (annexe D).

2.3.3 L'utilisation opérationnelle de ces mesures est décrite aux sections appropriées du présent plan.

Tableau 2.1 Mesures de protection pour l'intervention en cas d'urgence nucléaire

Mesures de précaution Mesures de contrôle de l'exposition Mesures de contrôle de l'ingestion
  • Fermeture des plages, aires de loisirs, etc.
  • Fermeture des lieux de travail et des écoles
  • Suspension de l'admission dans les hôpitaux des patients dont l'état n'est pas critique
  • Mise à l'abri sur place
  • Blocage de la fonction thyroïdienne
  • Évacuation
  • Contrôle du lait
  • Contrôle de l'eau
  • Contrôle des pâturages
  • Contrôle des produits horticoles et des cultures
  • Contrôle du bétail

2.4 Zones de planification

2.4.1 Zone d'intervention automatique (ZIA)

  1. La ZIA est une zone prédésignée se trouvant à proximité immédiate d'une installation à réacteur nucléaire où des mesures de protection prévues seraient mises en œuvre par défaut en fonction des conditions de l'installation à réacteur nucléaire, en vue de prévenir ou de réduire l'apparition d'effets déterministes graves.
  2. La ZIA de la CNP est la zone située aux abords immédiats de l'installation à réacteur nucléaire, s'étendant dans un rayon d'environ 3 kilomètres.
  3. La zone d'intervention automatique comprend les secteurs d'intervention P1 et P2 de la zone de planification détaillée (voir figure 2.2) ainsi que les secteurs résidentiels à l'est et à l'ouest de la baie Frenchman's et le secteur industriel de Brock Road, respectivement.

2.4.2 Zone de planification détaillée (ZPD)

  1. La ZPD est une zone prédésignée se trouvant à proximité d'une installation à réacteur nucléaire, qui englobe la zone d'intervention automatique, où des mesures de protection prévues sont mises en œuvre au besoin en fonction des conditions de l'installation à réacteur nucléaire, de la modélisation de la dose et de la surveillance environnementale, en vue de prévenir ou de réduire l'apparition d'effets stochastiques.
  2. La ZPD de la CNP est la zone située aux abords immédiats de l'installation à réacteur nucléaire, s'étendant dans un rayon d'environ 10 kilomètres.
  3. La zone de planification détaillée pour la CNP est illustrée à la figure 2.2. Elle englobe le secteur de la municipalité régionale de Durham, généralement limité par le ruisseau Lynde à l'est, la 5e concession au nord et la limite Durham-Toronto à l'ouest, mais exclut toutefois la centrale nucléaire de Pickering. Elle comprend également la région de Toronto depuis la limite ouest Durham-Toronto vers l'avenue Morningside et s'étend aux avenues Finch et Steeles au nord. La zone comprend la partie du lac Ontario comprise dans un rayon d'environ 10 km de la CNP. On peut en déterminer les limites exactes à l'annexe A.

2.4.3 Zone de planification d'urgence (ZPU)

  1. La ZPU est une zone prédésignée se trouvant à proximité d'une installation à réacteur nucléaire, au-delà de la zone de planification détaillée (voir le paragraphe 2.4.2 c) ci-dessus), où une planification et des dispositions d'urgence sont prévues, de sorte que pendant une urgence nucléaire, les mesures de protection peuvent être étendues au-delà de la zone de planification détaillée afin de réduire le risque d'exposition.
  2. La ZPU de la CNP est illustrée à la figure 2.3 et s'étend sur 10 à 20 km aux abords de l'installation à réacteur nucléaire.
  3. Des orientations supplémentaires par rapport à la ZPU sont fournies à l'annexe C.

2.4.4 Zone de planification relative à l'exposition par ingestion (ZPEI)

  1. La ZPEI (voir la figure 2.3) est une zone prédésignée se trouvant à proximité d'une installation à réacteur nucléaire où des plans ou des dispositions sont prévus pour :
    1. protéger la chaîne alimentaire;
    2. protéger les réserves d'eau potable;
    3. limiter la consommation et la distribution de produits risquant d'être contaminés, de produits sauvages, de lait d'animaux de pâturage, d'eau de pluie et d'aliments pour animaux;

      Remarque : Les produits sauvages peuvent comprendre les champignons et le gibier.

    4. limiter la distribution de produits non alimentaires jusqu'à ce que des évaluations plus poussées soient effectuées;
  2. La ZPEI de la CNP englobe toutes les régions de la municipalité régionale de Durham et des municipalités de York et de Peel, la ville de Toronto et la ville de Kawartha Lakes dans un rayon de 50 km de la centrale nucléaire de Pickering. La zone de planification relative à l'exposition par ingestion couvre la zone d'action automatique, la zone de planification détaillée et la zone de planification d'urgence. La figure 2.3 présente également les sous-zones de la zone de planification relative à l'exposition par ingestion.

2.5 Secteurs d'intervention

2.5.1 La zone de planification détaillée pour la CNP est subdivisée en 25 secteurs d'intervention qui tombent dans les anneaux suivants autour de la centrale :

  • Zone d'intervention automatique
    Secteurs P1 et P2 et secteur P23 du lac
  • Anneau intérieur
    Secteurs P3 à P14 et secteur P24 du lac
  • Anneau extérieur
    Secteurs P15 à P22 et secteur P25 du lac

2.5.2 Les limites des secteurs d'intervention de la ZPD sont illustrées à la figure 2.2 et détaillées à l'annexe A.

2.6 Données, interface et soutien pour la planification

2.6.1 Délais à prendre en compte dans la planification pour les émissions radioactives

  1. L'intervalle entre le moment de l'accident à la CNP et le début d'une émission dépend de l'état et du fonctionnement du système de confinement de la centrale et de l'efficacité des mesures mises de l'avant par ses exploitants en vue de ralentir la repressurisation de la structure sous vide, ce qui prolonge la rétention et la désintégration des matières radioactives dans le système de confinement.
  2. Pour un système de confinement qui fonctionne normalement, on peut utiliser, aux fins de planification, un intervalle minimum de 2 jours (entre le moment de l'accident et le début d'une émission).
  3. Lorsque la ventilation contrôlée est requise (voir la section 4.6.6), des émissions filtrées intermittentes de durée variable pourraient continuer d'être dégagées durant des semaines.
  4. Advenant, exceptionnellement, la déficience du système de confinement, une émission potentiellement continue peut se produire beaucoup plus rapidement, et, dans certains cas, très tôt après l'accident.

2.6.2 Données de planification municipale

Les plans d'intervention en cas d'urgence nucléaire des municipalités désignées doivent détailler les données de planification nécessaires au déploiement d'une intervention efficace en cas d'urgence nucléaire. Ces données devraient être structurées en fonction des zones de planification, de la sous-zone et du secteur d'intervention et comprendre :

  1. Estimations de la population (voir l'annexe B)
  2. Données sur les institutions
  3. Infrastructure essentielle

2.6.3 Estimation du temps d'évacuation

  1. Des études d'estimation du temps d'évacuation doivent être préparées et mises à jour régulièrement pour faciliter la planification du transport et sa gestion lors d'une intervention.
  2. Des études visant à estimer le temps d'évacuation doivent être élaborées en conformité avec la norme NUREG/CR-7002, Criteria for Development of Evacuation Time Estimate Studies, ou une norme similaire.
  3. L'estimation du temps d'évacuation doit reposer sur les plus récentes données de recensement et les projections de croissance démographique jusqu'en fin de vie de l'installation à réacteur nucléaire, tenant compte des évacuations de zones périphériquesfootnote 1.
  4. La Province, les municipalités désignées et les installations à réacteur nucléaire doivent convenir de leur rôle respectif dans l'élaboration et le maintien d'estimations du temps d'évacuation du public, ainsi que de l'endroit où ces estimations seront consignées.
  5. Les plans d'intervention en cas d'urgence nucléaire des ministères provinciaux, des municipalités désignées et des installations à réacteur nucléaire doivent indiquer :
    1. le rôle respectif de chacun dans l'élaboration et le maintien d'estimations du temps d'évacuation du public;
    2. l'endroit où ces estimations sont consignées.

2.6.4 Interface et soutien

  1. L'exploitant de la CNP doit offrir une interface et un soutien au BCIGSU, conformément au plan directeur du PPIUN et aux exigences réglementairesfootnote 2.
  2. Pour la CNP, il s'agit là d'une garantie qu'advenant la ventilation des systèmes de confinement (voir la section 4.6.6), toutefois peu susceptible de se produire :
    1. une personne désignée ayant le pouvoir d'autoriser la ventilation est présente sur le site en tout temps;
    2. la Province, les municipalités désignées et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) sont consultées avant que soit entreprise toute activité de ventilation, sauf si une ventilation d'urgence doit être effectuée afin de protéger l'intégrité structurelle du confinement. Dans un tel cas, tous les efforts doivent être déployés pour informer ces intervenants dès que possible.
Schéma de la centrale nucléaire d'un réacteur CANDU à eau lourde sous pression
Figure 2.1 : Schéma de la centrale nucléaire d'un réacteur CANDU à eau lourde sous pressionfootnote 3
Zones de planification d'urgence et détaillée
Figure 2.2 : Zones de planification d'urgence et détaillée | Voir en taille réelle (JPEG, 764 Ko)
Zone de planification relative à l'exposition par ingestion
Figure 2.3 : Zone de planification relative à l'exposition par ingestion | Voir en taille réelle (JPEG, 681 Ko)

Notes en bas de page

  • note de bas de page[1] Retour au paragraphe « Évacuation de zones périphériques » est le terme employé lorsque des gens au-delà de la zone dont l'évacuation a officiellement été déclarée, qui ne sont pas directement touchés par une urgence nucléaire, choisissent volontairement de quitter la région.
  • note de bas de page[2] Retour au paragraphe Section 2.2.4 de Regdoc-2.10.1 : Préparation et intervention relatives aux urgences nucléaires.
  • note de bas de page[3] Retour au paragraphe Le schéma de centrale nucléaire, réacteur CANDU à eau lourde sous pression, est un schéma générique.