En 2004, le gouvernement de l’Ontario s'est engagé à lutter contre l’économie clandestine dans le secteur de la construction. Dans le cadre de cet engagement, bon nombre de ministères et d’organismes ont collaboré pour cerner les activités clandestines et se pencher sur les éléments de non-conformité qui en découlent. Malgré ces efforts, l’économie clandestine demeure un défi de taille. Elle entraîne une perte de revenu importante pour le gouvernement et le régime d’indemnisation des travailleurs, elle menace la concurrence entre les entreprises honnêtes, elle compromet la santé et la sécurité des travailleurs et du public et, enfin, elle ébranle les normes en matière d'emploi et de programmes d’apprentissage.

De nombreuses initiatives particulières visant à lutter contre l’économie clandestine dans le secteur de la construction sont actuellement en œuvre ou en cours d’élaboration. Parmi les principaux participants à ces initiatives se trouvent les ministères du Travail, du Revenu, de la Formation et des Collèges et Universités, des Affaires municipales et du Logement, les Services gouvernementaux, l’Agence du revenu du Canada, la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail, la Tarion Warranty Corporation et l’Office de la sécurité des installations électriques. L’une des préoccupations soumises au Comité concernait les efforts du gouvernement pour lutter contre l’économie clandestine qui, même s’ils sont prometteurs, sont déployés sans supervision et sans coordination.

L’un des éléments communs aux initiatives actuelles est la diffusion d’information entre organismes de réglementation sur la conformité des employeurs aux lois relatives à la fiscalité, à la santé et à la sécurité au travail, à l’inscription des entreprises, aux normes en matière d’emploi, à la rémunération des travailleurs et aux titres professionnels. Ce type de diffusion d’information est essentiel lorsqu’il s’agit de repérer et de dissuader les responsables, mais la compatibilité des données, la protection de la vie privée et les efforts de coordination comportent des défis.

En 2007, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi sur la modernisation de la réglementation pour faciliter la diffusion et la publication d’information relative à la conformité par les organismes de réglementation, pour collaborer aux activités d’application de la loi et pour que les agents et les inspecteurs veillant à l’application des lois provinciales puissent communiquer leurs observations sur le terrain (pour faire part des enjeux). La Loi sur la modernisation de la réglementation concerne généralement la législation provinciale prévue dans le règlement sur les désignations. Le Comité considère que les organismes de réglementation devraient cerner d’autres occasions de diffusion d’information, mener des activités multiministérielles et multiorganisationnelles visant l’application de la loi et tirer davantage parti de la communication des observations sur le terrain.

Parmi les observations soumises au Comité se trouvait l’importance de l'engagement accru des employeurs honnêtes dans la lutte contre les pratiques commerciales clandestines. Dans la section « Mesures incitatives » de ce rapport, le Comité recommande des primes financières pour les employeurs qui classent leurs fournisseurs en fonction de leur rendement en matière de santé et de sécurité. Si ces primes sont également liées au fait de faire des affaires avec des fournisseurs qui exploitent des entreprises honnêtes, cela serait perçu comme un élément important de la lutte contre les activités clandestines.

Les recommandations du Comité mettent l’accent sur l’établissement d’un leadership dévoué pour la stratégie multiorganisationnelle actuelle du gouvernement, l’amélioration de la collecte et de la diffusion des renseignements et la mise en œuvre d’interventions ciblées conçues pour perturber les activités illégales et dangereuses.

Recommandation 18

Un leadership dévoué et une stratégie coordonnée à l’échelle de la province visant l’économie clandestine permettraient de maximiser l’efficacité des initiatives individuelles en cours, ainsi que leur incidence collective. La transition des projets pilotes aux activités à l’échelle de la province serait plus facile, tout comme la création de nouveaux partenariats en vue des initiatives futures en Ontario, dans les autres territoires et provinces et aux autres paliers de gouvernement.

Dans le cadre d’une stratégie provinciale, les organismes de réglementation se fonderaient sur l’expérience acquise grâce aux initiatives actuelles de conformité multiministérielles et multiorganisationnelles pour élaborer et mettre en œuvre de nouvelles propositions. À court terme, ces initiatives continueraient de viser l’économie clandestine dans le secteur de la construction, mais, à long terme, les campagnes de lutte s'attaqueraient à d’autres secteurs. Certains intervenants ont signalé des activités clandestines, y compris la présence de travailleurs sans papiers dans d’autres secteurs, par exemple en restauration, dans les transports, dans les services de nettoyage des immeubles, en agriculture et dans la confection de vêtements.

Selon le Comité, un autre moyen de lutter contre l’économie clandestine est d’influencer le comportement du consommateur. Le Comité recommande la diffusion de campagnes périodiques à l’échelle de la province pour sensibiliser le public au sujet des conséquences de l’économie clandestine dans le domaine de la rénovation résidentielle et des risques liés à l’embauche d’un entrepreneur clandestin sur le plan de la responsabilité civile. Le gouvernement pourrait s’adresser aux associations locales d’entrepreneurs d’habitations, aux conseils de rénovateurs de résidences et aux vendeurs de matériaux de construction pour qu’ils aident à diffuser ce message. Les municipalités pourraient participer en remettant aux demandeurs de permis de construction, surtout aux propriétaires de maisons, une trousse d’information sur les entrepreneurs clandestins et sur les obligations générales en matière de santé et de sécurité.

Recommandation 19

L’application de cette recommandation sous-entendrait un examen collectif par les ministères chargés de la réglementation pour déterminer les lois pertinentes, les dispositions de lois ou les règlements qui pourraient être désignés en vertu de la Loi sur la modernisation de la réglementation. Le Comité appuie la maximisation du potentiel de la Loi sur la modernisation de la réglementation et propose au gouvernement de songer à désigner des dispositions particulières de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents du travail aux fins de la diffusion d’information et de l’obtention des multiples autorisations.

Recommandation 20

Le Comité estime que le ministère du Travail, d'autres organismes de réglementation et le public devraient avoir accès à une quantité supérieure de renseignements sur les projets de construction et les entrepreneurs. L’une des mesures que le ministère du Travail pourrait prendre serait d'amender les règlements relatifs aux chantiers de constructions pour obliger les entrepreneurs à :

  • afficher clairement sur le site l’avis relatif au chantier de construction;
  • soumettre le formulaire d’inscription (Formulaire 1000) électronique décrivant les sous-traitants du projet au ministère du Travail et assurer sa mise à jour;
  • si le projet est une rénovation résidentielle, afficher le nom et le numéro d’enregistrement de la CSPAAT de l’entrepreneur et le numéro de la ligne d’information (1 877 202-0008) pour signaler toute préoccupation au ministère du Travail dans un endroit bien en vue du grand public.

Grâce à l’affichage de l’avis relatif au chantier de construction, l’information précise sur l’entrepreneur (par exemple le numéro de permis principal d’entreprise et le numéro de compte de la CSPAAT) seraient bien en vue sur le site, non seulement pour le personnel mais aussi pour le personnel responsable de l’application de la loi et d’autres organismes de réglementation susceptibles de fréquenter le chantier de temps à autre, comme les inspecteurs en bâtiment de la ville et le personnel de l’Office de la sécurité des installations électriques. Cette mesure permettrait de vérifier plus facilement si l’entrepreneur se conforme aux exigences, s’il a déclaré le projet au ministère du Travail et s’il exploite une entreprise honnête.

La soumission obligatoire du formulaire d’inscription (formulaire 1000) électronique au ministère du Travail permettrait aux inspecteurs de vérifier l’inscription des entreprises en vertu d’autres actes législatifs, comme la Loi sur la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents du travail, et de signaler d’autres infractions susceptibles d’être liées aux pratiques clandestines ou de compromettre la santé et la sécurité aux organismes de réglementation. Cependant, la mise en œuvre de cette mesure dépendrait de la capacité du ministère du Travail de maintenir une base de données adéquate. Solliciter la participation du public permettrait d’accroître les chances de repérer les chantiers de construction résidentiels non inscrits ou dangereux et de miser sur le changement de la perception que la société a des accidents de travail et des pratiques commerciales clandestines.

Le Comité reconnaît que pour faire appliquer les amendements proposés aux règlements relatifs aux projets de construction, les inspecteurs du ministère du Travail doivent pouvoir faire autre chose que décerner des ordonnances. Par conséquent, le Conseil recommande d’autoriser les inspecteurs à émettre des contraventions aux entrepreneurs qui n’auraient pas affiché l’avis relatif au chantier de construction ou qui ne l’auraient pas soumis au ministère du Travail, qui ne se seraient pas conformés aux exigences en matière d’inscription ou qui auraient omis l’affichage de renseignements prescrits par la loi sur le site du projet.

La capacité des inspecteurs du ministère du Travail de veiller au respect des exigences en matière de santé et de sécurité sur les chantiers de construction et de déceler les pratiques clandestines pourrait également être accrue s’ils avaient accès à l’information consignée sur les permis de construction émis par les autorités municipales. Les inspecteurs ont signalé au Conseil que les entrepreneurs clandestins ont souvent un permis de construction, mais ils omettent de soumettre l’avis relatif au chantier de construction au ministère du Travail. Le ministère du Travail et le ministère des Affaires municipales et du Logement élaborent actuellement un projet pilote dans le cadre duquel quelques grandes municipalités communiqueraient ce type d’information au ministère du Travail.

Une fois ce projet pilote terminé, si une évaluation révèle que les données sur les permis de construction sont très utiles aux inspecteurs du ministère du Travail et que les ententes visant la communication de l’information entre municipalités ne favorisent pas la transmission de ces données aux inspecteurs, le Conseil appuiera l’amendement de la Loi sur le code du bâtiment afin de veiller à ce que le ministère du Travail ait toujours accès à l’information sur les permis de construction partout dans la province.

Recommandation 21

De nombreuses observations ont été soumises au Comité sur les activités clandestines effectuées le soir et les fins de semaine dans le but d’éviter la détection par les inspecteurs. Les politiques et les procédures actuelles du ministère du Travail visant l’application de la  LSST devraient comprendre des inspections proactives le soir et les fins de semaine. Cette mesure favoriserait la détection des employeurs œuvrant dans l’économie clandestine et serait probablement l’une des seules façons d'améliorer directement les conditions de travail des travailleurs vulnérables, surtout les sans-papiers et les réfugiés, dont la présence dans l’économie clandestine est bien connue. Repérer ces lieux de travail peut être difficile, mais cet objectif peut être atteint, du moins en partie, en collaborant avec des organismes qui appuient les sous-groupes vulnérables de la population active.