J’ai intégré mes fonctions de conseiller indépendant pour la réforme des services correctionnels en Ontario le 1er janvier 2017. Mes activités d’évaluation sont indépendantes du gouvernement et mon mandat, tel que défini dans le cadre de référence public, comporte trois volets : footnote 6

  • produire un rapport présentant des conseils et des recommandations sur des mesures immédiates pouvant être adoptées relativement au recours à l’isolement
  • présenter un deuxième rapport sur les autres réformes des pratiques d’isolement et la transformation globale des services correctionnels pour adultes de l’Ontario
  • collaborer avec le ministère à la préparation d’un plan de mise en œuvre progressive

Conformément à mon mandat, j’ai déposé deux rapports en 2017. Le premier rapport, L’isolement en Ontario, a été publié en mai. Il abordait de nombreuses questions entourant la politique et la pratique de l’isolement et formulait des recommandations au ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (MSCSC) quant à la création et à la mise en œuvre de changements. Dans sa réponse à mes 63 recommandations sur l’isolement, le gouvernement de l’Ontario s’est engagé, entre autres, à proposer une nouvelle loi sur les services correctionnels. J’ai fourni un cadre législatif détaillé ainsi qu’un document de référence à la fin du printemps de 2017 afin de contribuer au processus de rédaction.

En septembre 2017, j’ai publié mon deuxième rapport, Services correctionnels de l’Ontario : Axes de réforme. Ce rapport s’appuie sur un examen ciblé de certaines pratiques correctionnelles en Ontario qui avaient une incidence sur les lois, les politiques et les pratiques de la province à la lumière des pratiques éprouvées dans les services correctionnels et des valeurs sous-jacentes de dignité, de respect et de légalité. Le rapport comprend 62 recommandations correspondant aux thèmes suivants :

  • droits de la personne et opérations correctionnelles
  • services correctionnels et présomption d’innocence
  • pratique correctionnelle factuelle
  • autochtones et services correctionnels de l’Ontario
  • services de santé et gouvernance dans les services correctionnels

En mai 2018, la Loi de 2018 sur les services correctionnels et la réinsertion sociale a reçu la sanction royale. Cette nouvelle loi intègre de nombreuses recommandations formulées dans mes deux premiers rapports. La Loi envoie un signal clair que le gouvernement de l’Ontario a accepté le défi de réformer le système correctionnel de la province. À la troisième lecture, l’ancienne ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels Marie-France Lalonde a fait part de ses préoccupations concernant la violence dans les établissements correctionnels de l’Ontario et a souligné que les statistiques relatives aux agressions dans ces établissements suggéraient une « tendance très troublante ».footnote 7 En réponse à ces préoccupations, la ministre a demandé publiquement que je mène un examen indépendant de la violence dans les établissements correctionnels de l’Ontario et que je dépose un premier rapport dans un délai de 90 jours. L’Équipe de l’Examen indépendant des services correctionnels de l’Ontario a entrepris ces travaux d’une importance capitale en mai 2018, en consultation et en collaboration avec les membres du personnel de première ligne et leurs représentants élus.

[…] On m’a informée de plusieurs agressions très graves sur des détenus et sur le personnel de première ligne. D’importantes préoccupations soulevées découlent des statistiques provenant de nos établissements correctionnels, et les chiffres que j’ai vus suggèrent une tendance très troublante.

Marie-France Lalonde, ancienne ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, 3 mai 2018

Mon troisième rapport, Violence dans les établissements correctionnels en Ontario : Rapport provisoire, a été soumis au ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels le 13 août 2018 et publié le mois suivant. Le Rapport provisoire est axé en particulier sur les incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés et comprend des conclusions classées selon les thèmes suivants :

  • compréhension de la violence dans les établissements correctionnels en Ontario dans son contexte
  • gestion des données, tendances statistiques et les pratiques de signalement
  • exploration de solutions fondées sur des preuves pour réduire la violence dans les établissements correctionnels

Le Rapport provisoire relève un certain nombre de domaines nécessitant une analyse approfondie, dont certains font l’objet d’une discussion dans le présent rapport, Violence dans les établissements correctionnels en Ontario : Rapport final. Ce rapport et mes recommandations s’appuient sur des discussions non officielles avec des employés des services correctionnels, des visites d’établissements correctionnels, les pratiques d’autres territoires de compétence ainsi qu’une analyse et un examen rigoureux de diverses autres sources, notamment des données, des rapports, des études, des budgets, des enquêtes et des manuels relatifs aux politiques et aux procédures du ministère, des articles, des lois, la jurisprudence de même que des recherches empiriques pertinentes et des documents fondés sur des données probantes. En outre, l’Équipe de l’Examen indépendant a poursuivi sa consultation des employés des établissements correctionnels dans toute la province et a sollicité leurs commentaires au moyen d’un sondage en ligne. Le sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO comprenait des questions ouvertes et fermées axées sur quatre thèmes généraux :

  • sécurité et violence dans les établissements correctionnels
  • modèles de supervision des détenus
  • formation et mentorat des employés
  • culture des établissements

Des réponses ont été reçues de l’ensemble des 25 établissements correctionnels de l’Ontario, bien que le nombre de répondants ait considérablement varié d’un établissement à l’autre. La majorité des réponses sont venues du Centre de détention du Sud de Toronto, puis du Centre correctionnel du Centre-Nord et du Complexe correctionnel Maplehurst (tableau 1).

La majorité des répondants (884; 66 %) ont indiqué être employés à titre d’agents des services correctionnels. En outre, des réponses ont été reçues de travailleurs sociaux, d’aumôniers, de préposés aux dossiers, d’huissiers, d’agents de réadaptation et de loisirs, de membres du personnel des programmes et des soins de santé, de cadres supérieurs, de sergents ainsi que de membres du personnel des services d’administration, d’entretien, de soutien, de cuisine, de salle de courrier et de paie. Les discussions avec les personnes qui travaillent dans les établissements de l’Ontario sont essentielles à la transformation des services correctionnels; leurs connaissances et leur expérience contribuent à dresser un précieux aperçu des problèmes qui surgissent dans leur lieu de travail.

L’Équipe de l’Examen indépendant a également cherché à mieux comprendre la violence dans les établissements correctionnels en entreprenant une analyse approfondie des incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés au Centre de détention du Sud de Toronto (CDST) en 2017 (voir l’Annexe A. Étude de cas : Centre de détention du Sud de Toronto). La décision d’examiner attentivement le CDST a été prise après que le Rapport provisoire a révélé que cet établissement affichait le plus grand nombre et le plus haut taux de croissance d’incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés en 2017. Étant donné les différences importantes entre les établissements pour ce qui est des cultures, des catégories de détenus et de la composition du personnel, des politiques et des pratiques locales, ainsi que des formes de violence (p. ex., par un détenu envers un détenu, par un détenu envers le personnel, par le personnel envers le personnel, par le personnel envers un détenu), une compréhension totale de la violence dans les établissements correctionnels exigerait un examen de chaque établissement provincial de l’Ontario. Des contraintes liées au temps et aux ressources ne permettaient pas ce type d’examen. Toutefois, des éléments qui peuvent avoir contribué aux incidents commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés au CDST sont probablement communs à ceux observés dans d’autres établissements provinciaux. Ces conclusions peuvent contribuer aux efforts du ministère visant à réduire la violence dans les établissements correctionnels. L’Étude de cas fournit le cadre d’une future analyse propre à un établissement.

Puisque vous travaillez dans les établissements correctionnels de l’Ontario directement, à titre d’employés et de gestionnaires, vos connaissances et vos commentaires constituent des sources essentielles de renseignements. Nous nous efforçons de [solliciter] la participation de toutes les personnes qui travaillent actuellement dans un établissement correctionnel (agents, gestionnaires, cadres supérieurs, personnel de soutien et du ministère).

Howard Sapers, conseiller indépendant mémoire à l’intention du personnel et des gestionnaires des établissements correctionnels, 28 août 2018
Tableau 1. Nombre de répondants au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO par établissement
Établissement Nombre de répondants
Centre de détention du Sud de Toronto 319
Centre correctionnel du Centre-Nord 126
Complexe correctionnel Maplehurst 97
Centre de hdétention de Hamilton-Wentworth 78
Centre de détention du Sud-Ouest 72
Centre de détention de Quinte 63
Centre de détention d’Ottawa-Carleton 57
Centre correctionnel du Centre-Est 51
Centre de traitement et de détention provisoire d’Algoma 50
Prison de Sudbury 50
Institut correctionnel de l’Ontario 46
Centre de détention d’Elgin-Middlesex 43
Centre Vanier pour femmes 35
Centre de détention de Niagara 34
Prison de North Bay 32
Complexe correctionnel de Monteith 31
Prison de Kenora 30
Prison de Kenora 26
Prison de Sarnia 19
Prison de Thunder Bay 19
Centre de détention de l’Est de Toronto 19
Prison de Brockville 14
Prison de Fort Frances 14
Établissement de traitement et Centre correctionnel de la vallée du Saint-Laurent 6
Prison de Stratford 3
Total 1,334

Dans son examen des incidents de violence commis par des détenus à l’endroit du personnel signalés, l’Équipe de l’Examen indépendant a adopté la définition de la violence au travail prescrite dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST), à la suite des modifications (projet de loi 168) apportées en 2009 :

  • emploi par une personne contre un travailleur, dans un lieu de travail, d’une force physique qui lui cause ou pourrait lui causer un préjudice corporel;
  • tentative d’employer contre un travailleur, dans un lieu de travail, une force physique qui pourrait lui causer un préjudice corporel;
  • propos ou comportement qu’un travailleur peut raisonnablement interpréter comme une menace d’employer contre lui, dans un lieu de travail, une force physique qui pourrait lui causer un préjudice corporel.footnote 8

Avant de présenter un aperçu des conclusions formulées dans le Rapport provisoire, j’aimerais remercier les professionnels du système de justice pénale et les membres de la communauté universitaire qui ont généreusement donné de leur temps et qui ont partagé des renseignements ayant contribué à la rédaction du présent rapport. Je remercie également les membres des équipes de direction et les dirigeants des syndicats locaux du Centre de détention du Sud de Toronto et de l’Institut correctionnel de l’Ontario pour les efforts déployés afin de favoriser la participation du personnel au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO, ainsi que les représentants syndicaux du comité des relations employés-employeur pour le ministère du Comité mixte provincial de la santé et de la sécurité au travail pour leur rétroaction continue. Enfin, étant donné le rôle important que jouent toutes les personnes travaillant dans un établissement correctionnel pour cerner et mettre en œuvre les solutions nécessaires à l’apport d’un changement réel dans les établissements correctionnels de l’Ontario, je remercie les 1 334 personnes qui ont répondu au sondage sur la violence dans les établissements correctionnels de l’EISCO.


Notes en bas de page

  • note de bas de page[6] Retour au paragraphe MSCSC, « Cadre de référence : Conseiller indépendant pour la réforme des services correctionnels », Examen indépendant des services correctionnels de l’Ontario, gouvernement de l’Ontario (3 mai 2017).
  • note de bas de page[7] Retour au paragraphe Remarques de l’honorable Marie-France Lalonde, ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, à l’Assemblée nationale, lors de la troisième lecture de la Loi de 2018 sur la transformation des services correctionnels, le jeudi 3 mai 2018 (ci-après, Lalonde, Troisième lecture). En ligne : https://www.ola.org/fr/affaires-legislatives/documents-chambre/legislature-41/session-3/2018-05-03/journal-debats.
  • note de bas de page[8] Retour au paragraphe MSCSC, Programme de prévention de la violence au travail : Division des services correctionnels, gouvernement de l’Ontario, novembre 2012, article 4 (ci-après, MSCSC, Programme de prévention de la violence au travail).