Comprendre le racisme

Les présentes normes sont destinées à traiter le racisme systémique au moyen de la collecte et de l’analyse de renseignements personnels en rapport avec des fonctions, programmes et services précis des OSP, afin de repérer et de surveiller d’éventuelles inégalités raciales.

Le racisme consiste en un ensemble d’idées ou de pratiques qui instaurent, maintiennent ou perpétuent la supériorité ou la dominance raciale d’un groupe sur un autre. La CODP fait remarquer que le racisme se distingue du préjugé du fait qu’il est aussi associé au pouvoir institutionnel, politique, économique et social détenu par le groupe dominant de la société (CODP, Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale).

Le racisme systémique survient lorsque les institutions ou les systèmes créent ou maintiennent une iniquité raciale, souvent en conséquence de préjugés institutionnels dissimulés dans les politiques, les pratiques et les procédures qui favorisent certains groupes et en désavantagent d’autres. En Ontario, le racisme systémique peut se manifester sous des formes diverses, notamment : 

  • Les fonctionnaires qui réservent un traitement à part aux Autochtones, aux Noirs et aux membres de groupes racialisés ou les soumettent à des examens plus minutieux;
  • Les occasions qui sont communiquées dans des réseaux informels d’où les Autochtones, les Noirs et les personnes racialisées sont exclus;
  • Le fait que le public accorde peu d’attention – et que le politique en fasse peu de cas – à la mesure disproportionnée dans laquelle les Autochtones, les Noirs et les communautés racialisées sont aux prises avec des problèmes sociaux, économiques et de santé.

Dans l’histoire du Canada, y compris avant la Confédération, les pratiques coloniales, notamment l’oppression des peuples autochtones et l’esclavage des Afro-Américains, ont raffermi des attitudes, des croyances et des pratiques publiques qui continuent d’avoir une incidence négative sur les Autochtones, les Noirs et les personnes racialisées et leurs communautés dans leur vie sociale, économique et politique. L’exclusion et la dévalorisation de différents groupes sont aussi visibles dans l’histoire des politiques discriminatoires du Canada en matière d’immigration et d’accès à la citoyenneté; pour n’en nommer que quelques-unes : l’admissibilité restreinte des Juifs au plus fort de l’Holocauste, l’imposition d’une taxe d’entrée aux immigrants chinois et l’internement des Canadiens d’origine japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Cette histoire laisse un héritage non sans incidence sur les Autochtones, les Noirs et les groupes racialisés, car elle perpétue les avantages et le pouvoir institutionnel du groupe historiquement dominant (les Blancs jouissant d’un statut socioéconomique appréciable). Les conséquences négatives de cet héritage se cumulent avec le temps et se transmettent d’une génération à l’autre. Le racisme systémique continue de produire des répercussions préjudiciables à l’équité raciale à l’échelle du secteur public, notamment dans les domaines de l’éducation, du bien-être de l’enfance et de la justice. Les idées et pratiques racistes persistent sous des formes diverses, notamment celle du racisme dirigé contre les Noirs, contre les Autochtones, de l’islamophobie et de l’antisémitisme (consulter le glossaire pour des définitions de ces termes).

Comprendre l’action contre le racisme

L’action contre le racisme est une ligne de conduite visant à repérer, dissiper, empêcher et réduire les répercussions inéquitables selon la race et les déséquilibres de pouvoir entre groupes dominants et groupes désavantagés, de même que les structures qui soutiennent ces iniquités. Elle prend acte de la nature historique et des contextes culturels du racisme, et se centre essentiellement sur le racisme systémique.

L’action contre le racisme vise à garantir l’absence de traitement inéquitable, lequel comprend les pratiques discriminatoires et d’exclusion. Les normes énoncent des exigences relatives à la collecte et à l’analyse des renseignements, ainsi qu’à l’établissement de rapports à cet égard, dans le but d’aider à vérifier s’il existe un traitement équitable et un accès égalitaire aux services et programmes publics, notamment :

  • Les services policiers;
  • Les processus de mise en liberté sous caution;
  • Une éducation et des soins de santé de haute qualité;
  • Des services, notamment des services de soutien, destinés au bien-être des enfants et des familles.

L’action contre le racisme visant les Autochtones se distingue de la lutte au colonialisme

L’action contre le racisme visant les Autochtones doit se comprendre à la lumière de l’incidence continue des politiques et des lois visant l’assimilation des Autochtones et de l’existence du racisme visant les Autochtones en Ontario. Il importe toutefois de prendre acte du fait que l’action contre le racisme constitue un élément à part de la lutte générale au colonialisme en ce qui a trait aux Autochtones. L’action contre le racisme ne permet pas de saisir pleinement ce que vivent bon nombre de communautés autochtones; ce problème s’explique notamment par le fait que cette action ne montre qu’une partie de l’histoire.

L’autre partie de l’histoire est fondée sur le fait que les Autochtones se sont établis ici bien avant la venue des Européens. Il s’agit là d’un fait qui justifie leurs revendications d’autodétermination et de reconnaissance de leur souveraineté, de leurs lois et de leurs structures de gouvernance. Les peuples autochtones ont un statut juridique unique reconnu par la Constitution. 

L’anti-colonialisme constitue ainsi un mouvement plus large que l’action contre le racisme, car il inclut la reconnaissance des droits et de la souveraineté inhérente des peuples autochtones, des droits des Autochtones protégés par la Constitution et issus de traités, ainsi que de leur droit à l’autodétermination conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Comprendre l’histoire colonialiste du Canada et ses répercussions 

Les gouvernements qui se sont succédé, au fil de l’histoire canadienne, ont mis en œuvre des lois et des politiques visant à dévaloriser et à détruire les identités et cultures autochtones présentes au Canada. La Loi sur les Indiens et les pensionnats autochtones footnote 1 ne sont que deux exemples parmi d’autres. Ce passé colonialiste et ces politiques ont eu pour résultat que les habitants de bon nombre de communautés autochtones du Canada vivent dans une pauvreté extrême, manquent de logements, éprouvent des problèmes de santé, ont un accès insuffisant à l’eau potable, ont une espérance de vie courte, sont moins éduqués, ont peu d’occasions d’emploi, font face au racisme, à la violence, à une victimisation excessive, à une intervention trop fréquente ou, parfois, trop rare, des forces policières.

Sans une compréhension du contexte historique et des réalités auxquelles les communautés autochtones font face aujourd’hui, il y a un risque que ces indicateurs socioéconomiques soient erronément compris comme reflétant les choix des Autochtones eux‑mêmes plutôt que comme une conséquence directe des politiques d’assimilation et des lois visant le génocide culturel.

Autrement dit, dans certains cas, différents facteurs doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de prendre des décisions relativement à la liberté d’un Autochtone (c.-à-d. tenir compte des principes de l’arrêt Gladue).

L’incidence de la recherche et de la collecte de données sur les collectivités autochtones

En ce qui a trait à la recherche et à la collecte de données, les communautés autochtones ont un vécu extrêmement difficile, lequel appartient au passé colonialiste. Des Autochtones ont été soumis à des expériences médicales et sociales, et ce, sans leur consentement et sans égard aux droits de la personne. De plus, le gouvernement canadien a attribué des noms et des numéros d’identification aux Autochtones et a recueilli des données sur eux, le tout en vue de maîtriser leurs mouvements, de limiter leur accès aux services et de surveiller les populations autochtones.

On peut comprendre que bon nombre de peuples et de communautés autochtones nourrissent des soupçons à l’égard des efforts du gouvernement pour recueillir des données. Les Autochtones peuvent se montrer réticents à divulguer leur identité autochtone, plus particulièrement dans les cas où des groupes précis de fonctionnaires ou de responsables de l’application de la loi ont joué un rôle important dans l’application de lois et de politiques visant l’assimilation ou de nature autrement punitive.

Il est impératif de faire en sorte que les renseignements relatifs aux Autochtones soient recueillis selon les politiques et les protocoles qui conviennent et que ces renseignements soient gérés et utilisés à l’avantage des communautés autochtones. Toute personne ayant à recueillir des renseignements doit par ailleurs être formée de façon à comprendre les causes de la profonde méfiance que manifestent les peuples et les communautés autochtones à l’endroit du personnel et des régimes gouvernementaux et des efforts faits pour recueillir des renseignements.

Respecter l’identité et l’auto-identification des Autochtones 

La coutume veut que les communautés autochtones de ce que l’on appelle aujourd’hui le Canada ne s’identifient pas nécessairement comme appartenant à un groupe panautochtone. L’identité autochtone relèverait plutôt de l’appartenance à un clan, à une communauté ou à une nation ou bien du rattachement à une famille de langues.

Cet élément revêt de l’importance lorsqu’il s’agit de recueillir des renseignements relatifs à l’identité autochtone. Les normes contiennent une question précise et permettent une certaine souplesse en ce qui a trait à la manière dont les Autochtones choisissent de s’auto‑identifier. Cette question se distingue de celle de la race, qui vise à recueillir des renseignements sur la façon dont les Autochtones sont racialisés par la société.

Appliquer la recherche et la collecte de données en tant qu’outils d’action contre le racisme

Au cours des siècles, les processus de mesure, de collecte et d’analyse de données ont été, au Canada, orientés par des perspectives eurocentriques. Appliquées correctement, les normes offrent une façon d’utiliser les données à des fins de lutte au racisme qui repose sur une compréhension du contexte historique et des réalités actuelles auxquelles font face les Autochtones, les Noirs et les communautés racialisées. La responsabilisation à l’égard du public et la participation communautaire constituent des aspects fondamentaux des normes et contribueront à garantir que les renseignements recueillis servent les intentions d’équité raciale de la Loi.


Notes en bas de page