Le secteur culturel de l’Ontario va continuer à être influencé par quatre grandes forces :

  • la mondialisation
  • l’économie et les contraintes budgétaires
  • la transformation numérique
  • l’évolution démographique

Mondialisation

Le monde est confronté à une intensification et une accélération sans précédent des flux de capitaux, de main-d’œuvre et d’information. Les économies deviennent interconnectées et interdépendantes, à un rythme effréné. Les liens entre les personnes, les sociétés et les pays se renforcent, ce qui entraîne davantage d’échanges, d’investissements étrangers et de déplacements internationaux.

Le secteur de la culture ontarien en général, et celui de l’industrie culturelle en particulier, est soumis à ces influences mondiales.footnote 46 La mondialisation donne aux artistes et aux producteurs de produits culturels des occasions de création et de production conjointes. Elle permet également de promouvoir et d’exporter leurs produits à l’étranger, et d’attirer des investissements internationaux. En contrepartie, les produits culturels étrangers bénéficient d’un accès plus large au marché ontarien. Maintenir l’équilibre entre les retombées économiques du marché mondialisé et les possibilités offertes aux Ontariens de créer, de découvrir et de participer à la culture locale va continuer à représenter tout un défi.

Pour les musées et d’autres institutions culturelles, la mondialisation offre des possibilités, mais présente également des risques. L’UNESCO l’a reconnu dans l’un de ses projets de recommandation adopté en mai 2015 : « La mondialisation a permis une plus grande mobilité des collections, des professionnels, des visiteurs et des idées, ce qui a des répercussions tant positives que négatives sur les musées et se traduit par une accessibilité et une homogénéisation accrue. Les États membres devraient promouvoir la sauvegarde de la diversité et de l’identité qui caractérisent les musées et les collections sans réduire le rôle des musées dans un contexte de mondialisation. »footnote 47

Économie et contraintes budgétaires

Globalement, la croissance économique devrait être modérée dans les années à venir,footnote 48 ce qui sous-entend un climat général de contraintes budgétaires. De ce fait, plusieurs provinces ont réévalué leur soutien direct aux entreprises, y compris dans le domaine de la production culturelle. Certaines ont simplement annulé leurs programmes de soutien. La Saskatchewan, par exemple, a supprimé le crédit d’impôt pour la production cinématographique. D’autres ont revu leur mode de soutien, comme la Nouvelle-Écosse, qui a remplacé les crédits d’impôt pour les produits multimédias culturels par des subventions.

Dans un avenir prévisible, la croissance économique restera faible en Ontario.footnote 49 Cette prévision tient compte d’une gestion de programmes prudente, d’augmentations de dépenses limitées et de l’objectif d’éliminer le déficit d’ici 2017-2018.footnote 50 En 2015, l’Ontario a présenté un nouveau Processus d’examen, de renouvellement et de réorganisation des programmes (ERRP) dans le cadre de son cycle de planification annuelle du budget. Tous les programmes gouvernementaux sont en cours de révision dans le but de repérer les possibilités de transformation et de modernisation des services publics, afin de s’assurer de tirer le meilleur parti de chaque dollar dépensé. Cette utilisation prudente des ressources répond également aux attentes accrues des Ontariens vis-à-vis d’une utilisation transparente et responsable des fonds publics.

Ces dernières années, certains rapports, y compris ceux de la Commission de la réforme des services publics de l’Ontario, ont plaidé en faveur d’une restriction ou d’une redéfinition des soutiens directs du gouvernement de l’Ontario à l’économie, y compris en ce qui concerne les crédits d’impôt accordés aux supports culturels.footnote 51 Suite à l’examen de l’ERRP, le gouvernement de l’Ontario a introduit dans le budget 2015 des changements concernant les crédits d’impôt et les programmes de soutien à l’industrie du cinéma et de la télévision, de l’animation informatique, de la musique et des produits multimédias interactifs numériques. Ces changements visent à assurer la pérennité et l’efficacité des programmes en modernisant et ciblant mieux les aides.

Ces tendances économiques à l’échelle provinciale et nationale ont des répercussions sur le secteur culturel, qui dépend traditionnellement en partie des fonds publics. Les municipalités, surtout celles qui sont rurales, moins peuplées et situées au nord sont confrontées en outre à des problèmes fiscaux,footnote 52 dont les répercussions se font sentir dans l’ensemble du secteur culturel. Les municipalités jouent un rôle essentiel en soutenant les arts et la culture au sein des collectivités à l’échelle de la province. Dans la plupart des cas, par exemple, les instances municipales sont les principales sources de financement des bibliothèques publiques locales et des musées communautaires.

En général, les salaires dans le secteur de la culture sont inférieurs à ceux de la moyenne nationale.footnote 53 Environ la moitié des personnes qui travaillent dans le secteur culturel sont des travailleurs autonomes, et nombreux sont ceux qui occupent plusieurs emplois.footnote 54 L’égalité homme-femme pose également un problème dans les effectifs de la culture. En Ontario, les femmes représentent juste un peu plus de la moitié de la population, mais 80 % des employés des bibliothèques, musées et galeries d’art sont des femmes.footnote 55 Les femmes qui travaillent dans le secteur culturel gagnent environ 20 % de moins que les hommes et représentent 75 % de la main-d’œuvre non payée.

En ce qui concerne les consommateurs, l’emploi précaire peut avoir des répercussions sur les dépenses que les Ontariens consacrent aux activités culturelles.footnote 56 Selon au moins une étude menée en Ontario, jusqu’à 44 % des adultes seraient touchés par l’emploi précaire dans la Ville de Toronto et les régions avoisinantes. footnote 57 Pour générer des revenus, le secteur culturel va toujours dépendre de sa capacité à accéder à des marchés actifs, aussi bien au pays qu’à l’extérieur.

Dans le contexte budgétaire actuel, les bailleurs de fonds publics du secteur de la culture répartissent les fonds de manière stratégique en fonction de leurs objectifs et de leurs ressources limitées. La Fondation Trillium de l’Ontario a récemment entrepris une analyse stratégique visant à mieux investir les fonds au profit de l’amélioration du bien-être, à veiller à un certain équilibre entre les types de projets subventionnés, à mesurer les effets de l’investissement et à simplifier le processus de candidature en vue de mieux répondre aux besoins des demandeurs.footnote 58 Le Conseil des arts de l’Ontario ajuste en permanence ses programmes afin de maintenir son cap stratégique.footnote 59 Sur le plan fédéral, le Conseil des arts du Canada a entrepris une refonte majeure de son programme, afin de simplifier et de rendre plus flexible le processus de demande de subvention et de mieux préparer l’organisme à répondre de manière stratégique à l’environnement des arts, en constante mutation.footnote 60

Les soutiens privés au secteur culturel se soucient de plus en plus d’obtenir le meilleur retour possible sur investissement. Pour attirer les mécènes, le secteur de la culture doit être capable de mesurer et de démontrer ses effets.footnote 61 Aux États-Unis, où les effets sont mesurés plus systématiquement, les dons aux secteurs artistique, culturel et humanitaire ont augmenté de plus 9 % en 2014 par rapport à l’année précédente.footnote 62

Au Canada, la proportion du mécénat par rapport au secteur culturel est relativement faible, mais stable autour de 1 % de l’ensemble des dons de bienfaisance effectués en 2007 et 2010. En 2010, le total des dons de bienfaisance en faveur des arts et de la culture avoisinait les 108 millions de dollars.footnote 63 Ce chiffre est de bon augure si cet intérêt pour le secteur de la culture peut être exploité à bon escient.

Le monde des affaires pour les arts, un organisme dont la mission vise à accroître le soutien du secteur privé aux arts et à la culture, a récemment commandité une étude sur les petites, moyennes et grandes entreprises et le public, afin de déterminer dans quelle mesure les entreprises canadiennes soutiennent et valorisent les arts. Les résultats montrent que 71 % des grandes entreprises et 38 % des petites et moyennes d’entre elles investissent dans les arts.footnote 64 La principale motivation des entreprises réside dans l’impact que peut avoir le don sur la communauté (93 % des petites et moyennes entreprises soutiennent les arts, car les activités artistiques et culturelles dynamisent la communauté). La qualité de vie, l’éducation et la motivation des employés sont également des facteurs clés d’investissement.footnote 65

Transformation numérique

La transformation numérique a révolutionné le secteur de la culture. La participation aux activités culturelles a augmenté, de nouveaux réseaux et de nouvelles formes d’interaction ont émergé. En parallèle, la production et la diffusion des produits culturels ont profondément changé.

La facilité grandissante de l’accès aux médias change notre approche de la production culturelle. Les technologies numériques permettent aux personnes individuelles de publier, de créer, de commercialiser, de diffuser et de vendre leurs propres créations, en ayant moins besoin de recourir aux méthodes traditionnelles de production, de distribution et de marketing. Un grand nombre de créateurs amateurs et professionnels trouvent des publics directement par l’intermédiaire des réseaux numériques, et les créateurs de contenus peuvent adapter leurs produits aux consommateurs d’autres pays.

Internet et les médias sociaux offrent aux consommateurs davantage de possibilités en termes de participation, d’engagement et de contrôle de leurs expériences culturelles. La majorité des Canadiens sont en mesure d’accéder à un réseau social au moins une fois par mois, sachant que les jeunes utilisent deux fois plus les réseaux sociaux que les personnes de plus de 55 ans.footnote 66 Ils recherchent des expériences personnalisées et inspirantes à partager. De plus en plus, ils souhaitent consulter et expérimenter en ligne des œuvres artistiques, des productions multimédias et des collections de bibliothèques et de musées.

La connectivité va continuer à s’étendre pour englober la vie privée, la vie professionnelle et le milieu environnant, et former une expérience globale, une « existence connectée ».footnote 67 Globalement, d’ici à 2020, ce sont plus de 5 milliards d’internautes et 80 milliards d’appareils qui seront connectés dans le monde.footnote 68

Avec 84 % des Ontariens connectés, la province connaît l’un des taux les plus élevés au Canada pour l’accès à Internet.footnote 69 Cependant, deux millions d’Ontariens ne sont toujours pas connectés à Internet. Ce sont majoritairement des gens plus âgés, dont les revenus sont plus faibles et dont le rapport à la culture peut ne pas être influencé par les tendances numériques.footnote 70 Il semble que les ménages ruraux rencontrent des difficultés pour accéder au service Internet avec un débit équivalent à celui des villes en raison de facteurs tels que l’éloignement ou les reliefs difficiles.footnote 71

Pour la majorité des personnes, la transformation numérique a changé la façon d’accéder, de partager, d’apprendre et de participer à la culture. La disponibilité et la polyvalence des appareils et plateformes encouragent la création de nouveaux produits culturels destinés à répondre à la demande croissante des consommateurs canadiens. Les téléphones et les dispositifs prêts-à-porter font désormais partie de l’environnement informatique, et le marché de l’électronique grand public a été littéralement inondé par les appareils connectés au cours des cinq dernières années. Les télévisions, les voitures et les appareils ménagers connectés, qui ont rejoint les rangs des ordinateurs portatifs, des tablettes, des consoles de jeu, des liseuses numériques et des téléphones intelligents dans notre vie quotidienne, changent les modes de comportement. Au Canada, le nombre de jeunes possédant des appareils mobiles ne cesse de croître. Étant donné que ces appareils continuent de se propager, le besoin de répondre aux utilisateurs mobiles dans divers contextes et environnements se fait plus pressant.

Si ces tendances sont très prometteuses pour le domaine de la culture, elles représentent également des défis. Comprendre comment tirer parti des technologies numériques pour offrir des produits et des services innovants, fonctionner avec de nouveaux modèles de gestion et de revenus, et répondre à de nouvelles formes de participation nécessitera de faire appel à des compétences à la fois créatives, techniques et commerciales.footnote 72 Étant donné que la connectivité, la consommation des données et la production continuent d’augmenter à un rythme exponentiel, la capacité d’intéresser le public et de le faire participer en ligne, de collecter et d’interpréter les données sur la manière dont les gens interagissent en ligne avec la culture, représente à la fois un défi et une nécessité pour demeurer compétitif. Les organismes et les sociétés qui œuvrent dans le domaine de la culture devront actualiser leurs connaissances pour adapter leurs produits et stratégies aux ouvertures numériques et aux défis qui se présenteront.

Évolution démographique

La diversité culturelle est un facteur reconnu et un moteur important de l’économie créative.footnote 73 Avec ses 13 millions d’habitants, l’Ontario est la province la plus peuplée du Canada et la plus riche de cultures différentes. La diversité culturelle de l’Ontario favorise l’innovation et attire des personnes et des sociétés créatives qui souhaitent s’installer et travailler ici. La diversité est une force essentielle qui contribue à la compétitivité de l’Ontario dans le secteur culturel.

Plus de 300 000 membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits vivent en Ontario, autrement dit davantage que dans toute autre province ou territoire. L’Ontario accueille également le plus grand nombre de francophones hors Québec en Amérique du Nord. La population francophone est de plus en plus diversifiée,footnote 74 à mesure que la province accueille de nouveaux arrivants en provenance d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Europe. Un quart de la population de l’Ontario, soit 3,3 millions de personnes, se caractérise elle-même comme faisant partie d’une minorité visible.footnote 75 Entre 2006 et 2011, la population des minorités visibles de l’Ontario a augmenté cinq fois plus vite que le reste de la population.footnote 76 Plus de 40 % des immigrants en provenance du monde entier choisissent de s’installer en Ontario.

Les populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’Ontario ont augmenté d’environ 58 % entre 2001 et 2011.footnote 77 Sur les 15 dernières années, les Autochtones ont constitué jusqu’à plus de 10 % de la population totale de Thunder Bay et du Grand Sudbury.footnote 78

Environ deux millions cinq cent mille jeunes âgés de 12 à 25 ans vivent en Ontario, ce qui représente environ 18 % de la population totale de la province.footnote 79 La population jeune de l’Ontario est généralement très connectée sur le plan technologique, et instruite. La tendance est aux générations plus jeunes et diversifiées d’un point de vue culturel et géographique. Presque 26 % des jeunes appartiennent à une minorité visible.footnote 80 Les peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits sont les plus jeunes de la province : près de la moitié de leurs membres sont âgés de moins de 30 ans.footnote 81

Les aînés (65 ans et plus) constituent le groupe d’âge dont la croissance est la plus forte au Canada.footnote 82 En5 2011, le nombre d’aînés était estimé à 5 millions et ce chiffre devrait passer à 10,4 millions d’ici 2036.footnote 83 Comme dans le reste du Canada, les Ontariens vivent plus longtemps, en souffrant moins de maladies chroniques et d’invalidité que les générations qui les ont précédés.footnote 84 Le nombre d’aînés en santé disposant de temps de loisirs aura une influence sur le secteur de la culture, grâce à une participation et une consommation accrues des produits culturels, au tourisme culturel et au bénévolat.

En 2012, 26,3 % des Canadiens âgés de 65 à 74 ans et 42,5 % de ceux âgés de 75 ans et plus étaient des personnes handicapées.footnote 85 Seulement 4,4 % des Canadiens âgés de 15 à 24 ans sont des personnes handicapées.footnote 86 Ainsi, l’augmentation considérable anticipée du nombre d’aînés aura pour effet d’accroître le pourcentage de personnes handicapées, même si beaucoup d’adultes vivront plus longtemps en santé. Cette tendance aura probablement pour effet de stimuler l’innovation dans les technologies d’assistance conçues pour le secteur de la culture et, dans un deuxième temps, de diversifier les modes d’expression.

Les effectifs professionnels de la culture vieillissant au même rythme que le reste de la population, la planification de la relève va devenir un enjeu important pour assurer la transition avec la nouvelle génération de dirigeants.footnote 87 Le secteur culturel devra s’assurer qu’il dispose des talents, des compétences et de l’expérience dont il aura besoin. La diversité de l’Ontario peut constituer un atout supplémentaire dans la transition vers une nouvelle génération de dirigeants.

C’est principalement dans les villes que se produira l’essor de la population ontarienne. La plupart des immigrants s’installent dans les villesfootnote 88 et le nombre d’Ontariens issus des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui vivent en ville augmente rapidement. Au fur et à mesure que la population urbaine augmente, la population des villages et des campagnes diminue.footnote 89 Certains pensent que le développement culturel peut permettre d’endiguer le flot de travailleurs qui quittent les zones rurales.footnote 90 La culture peut jouer un rôle important dans la revitalisation des collectivités qui doivent faire face au déclin de leur population.

L’évolution de la démographie en Ontario peut donner lieu à la création de produits, services et activités culturels plus nombreux et plus diversifiés, et à la découverte de manières de s’engager et de participer plus adaptées à l’évolution du marché.footnote 91 Elle peut aussi se traduire par de nouvelles possibilités, tant sur le plan national qu’à l’échelle planétaire, de commercialiser les produits culturels de l’Ontario.


Notes en bas de page