Il y a actuellement 25 établissements correctionnels de détention en Ontario ainsi que des services communautaires de probation et de libération conditionnelle. Ces établissements, répartis dans toute la province, n’ont vraiment pas la même taille, la même capacité, la même conception et les mêmes âges de détention. La plupart des personnes sous garde sont détenues dans des établissements à sécurité maximale. La durée moyenne du séjour varie actuellement entre 48 jours (personnes non condamnées placées en détention provisoire par le tribunal) et 60 jours (personnes condamnées). Les personnes en détention provisoire représentent quotidiennement près de 70 % des détenus.

En 2014, 19 personnes sont décédées durant leur détention dans un établissement provincial. En 2021, ce nombre est passé à 46, et le nombre de décès sur cette période de huit ans se chiffre à 192. En janvier 2022, le coroner en chef de l’Ontario a lancé l’Examen des décès dans les établissements correctionnels (EDEC) afin d’analyser 186 de ces décès tragiques n’ayant pas pour mode l’homicide. Malgré des différences entre les tranches d’âges, les décès occasionnés par une intoxication accidentelle à la drogue et les suicides ont occupé une place importante, tout comme les décès accidentels et de cause naturelle.

L’examen a nécessité l’analyse d’une quantité considérable de données et des recherches pour faire ressortir, autant que possible, les éléments et habitudes du système et de chaque établissement pouvant avoir contribué aux décès ou avoir nui à la prévention. Les résultats ont été présentés à un comité d’experts comptant neuf membres, qui s’est réuni en octobre et novembre pour interpréter les données. Le présent rapport résume les travaux de ce comité, dont les membres ont cherché à comprendre la situation et à proposer des améliorations pratiques et concrètes. Le présent rapport contient 18 recommandations.

Dans la première partie, le comité d’experts met en contexte les lecteurs par l’exploration de plusieurs caractéristiques types des établissements correctionnels de l’Ontario et une compréhension cumulative des décès dans le champ d’études articulée selon différentes dimensions résultant de l’analyse des données. Dans la deuxième partie, le comité regroupe un large éventail de facteurs sous cinq thèmes distincts. Ces facteurs découlent des données, mais aussi des apports importants de 21 délégations et des délibérations du comité. Chaque thème est analysé en profondeur et corroboré. Enfin, la troisième partie, qui s’appuie sur ces facteurs exploitables pour prévenir d’autres décès et blessures graves en détention, contient des recommandations précises, y compris sur les rôles, responsabilités et échéances proposés.

Il est essentiel pour les recommandations d’« ouvrir » le système actuel, très peu transparent et déconnecté de nombreux courants importants. Une approche plus ouverte, y compris donner plus d’attention à l’expérience des détenus, du personnel de première ligne, des familles dans le deuil et des partenaires de la justice et de la santé, orientera et favorisera davantage la sécurité générale et humanisera les conditions dans tous les établissements. Elle offrira aussi plus de solutions de rechange aux modalités de détention actuelles en misant davantage sur le soutien communautaire et du milieu de la santé, qui peuvent être plus adaptés aux besoins complexes de nombreux détenus de nos jours.

Il est aussi nécessaire d’améliorer la qualité et la disponibilité des données ainsi que de renforcer la surveillance et l’examen continu des pratiques correctionnelles. Il importe de mieux comprendre ces pratiques et d’y réagir plus facilement, non seulement sur le plan théorique, mais aussi dans la pratique. Il faut promouvoir une culture d’apprentissage à chaque échelon.

Pour prévenir de nouveaux décès, il faut éliminer les obstacles à la santé et instaurer des normes plus fiables pour l’offre de soins de qualité sur un échéancier serré. Il est également urgent de se familiariser avec les compétences du personnel des services correctionnels et d’améliorer la formation qui lui est offerte. L’un des principaux objectifs, selon ces recommandations et d’autres, consiste à équilibrer la mission essentielle des établissements de détention afin que les soins deviennent une priorité au même titre que la sécurité et le contrôle.

La dernière recommandation touche une dure réalité et pourrait mener, dans un avenir proche, à des décisions difficiles. Les limites de capacité sont au cœur des conditions dangereuses et malsaines devant être considérablement améliorées si l’on veut éviter de nouveaux décès et des préjudices graves. La fréquence des confinements barricadés et les pénuries générales de personnel sont des obstacles permanents à des soins de qualité, des conditions de détention humaines, des programmes efficaces et des liens avec la famille, des éléments tous essentiels au bien-être des personnes détenues. La sécurité et le contrôle à eux seuls ne suffisent pas à assurer la sécurité ni à répondre aux besoins complexes. Le rétablissement, les aptitudes essentielles et le soutien à la transition doivent faire partie de l’équation si l’on veut que les personnes sous garde retrouvent une vie plus saine une fois libérée.

Le comité a établi que dans les dernières années, ces conditions ont considérablement compromis la sécurité des personnes en détention et entraîné une détérioration alarmante de la sécurité, du bien-être et de la satisfaction professionnelle des travailleurs dévoués des établissements correctionnels.

Le comité reconnaît que les données sur la santé, le volet social et la justice pénale, ainsi que les réalités économiques, peuvent ne pas plaider en faveur de l’augmentation de la capacité et de l’infrastructure de détention en Ontario. Il existe peut-être des solutions pour réduire la demande sur le réseau et répondre autrement de façon sécuritaire aux besoins des personnes ayant des démêlés avec la justice. Vu les ressources correctionnelles actuelles, des ajustements aux pratiques de leadership, aux modèles de dotation et aux méthodes de promotion de l’apprentissage à l’échelle du système pourraient engendrer une série d’améliorations opérationnelles qui, à leur tour, pourraient ultimement révéler une meilleure capacité à soutenir les personnes détenues, à offrir des milieux de travail plus sains et à prévenir les décès.

Il est urgent de trouver et d’adopter de telles options.