Plus tôt, nous avons défini trois parcours convergents qui ont été empruntés par chacun de nos neuf sujets vers le point ultime de leur mort tragique par le suicide. Tout au long de nos discussions, nous avons également découvert sept nouveaux parcours qui, selon nous, mèneront vers de meilleurs résultats pour tous les policiers dans le futur.

Dans la partie 5 du présent rapport, nous énumérons un certain nombre de recommandations particulières et, le cas échéant, nous indiquons également les rôles potentiels liés à chacune de ces recommandations.

Dans la présente section de notre rapport, nous discuterons d’abord de ces parcours, car ils se sont présentés à nous comme des pistes d’action claires, comme des conjonctures favorables et comme de nouvelles façons de comprendre et d’aborder les défis décrits ci-dessus. Ces pistes sont de nature transversale, et bon nombre de nos recommandations particulières découlent de plusieurs de ces parcours vers le changement. Nous en discutons ici sans ordre particulier. De l’avis des membres du comité, chaque parcours jouera un rôle important dans tout plan d’action détaillé.

1. Normaliser les problèmes de santé mentale

Éliminer la stigmatisation de la santé mentale dans la société en général est un objectif important pour tous. Dans les services de police, il s’agit d’un objectif qui doit être reconnu et mis en œuvre comme une priorité urgente. L’objectif doit être de rendre la santé mentale un sujet aussi ordinaire que tout autre aspect de la santé, du bien-être et de l’aptitude à l’emploi. Pour être efficace, cette normalisation doit commencer avant le recrutement, se prolonger tout au long de la formation de base au sein des écoles et demeurer évidente lors de la formation à l’emploi menée par des formateurs policiers bien préparés. Elle doit se poursuivre tout au long de la carrière d’un policier, et doit s’étendre pour inclure les familles et les proches des membres du service de police à chaque étape.

Les membres de la famille peuvent jouer un rôle important dans la reconnaissance, la gestion et le soutien des problèmes de santé mentale à chaque étape de la prévention et du traitement, mais seulement s’ils sont inclus dans une conversation ouverte dès le départ et acquièrent continuellement des connaissances et une prise de conscience de ce qu’il faut surveiller, de la façon de réagir et, surtout, de la façon d’accéder directement et d’urgence à de l’aide sans obstacle ni retard de procédure.

Les attitudes actuelles au sujet des problèmes de santé mentale parmi les policiers en service à tous les niveaux représentent un danger manifeste et actuel. Peu importe si ces attitudes émanent de la société en général ou si elles ont été cultivées dans les rangs de la police à la suite de leur exposition prolongée aux crises liées à la santé mentale et aux suicides d’autrui auxquels ils doivent fréquemment répondre. La force policière en tant que système doit passer à un point où ses propres risques pour la santé mentale, ses problèmes de santé mentale faibles à modérés et ses problèmes graves de santé mentale sont reconnus rapidement et constamment pris en charge avec le soutien de soins accessibles et de services appropriés. Afin que ce soit possible, la santé mentale dans les services de police doit sortir de l’ombre.

Nous croyons que nous avons beaucoup à gagner en liant le bien-être mental au rendement optimal, un concept que la majorité des agents de police reconnaissent et apprécient. Cela exigera des conversations et des événements de formation qui vont bien au-delà de la « préparation mentale ». De tels événements doivent également inclure une plus grande sensibilisation et une compréhension des modèles secondaires et tertiaires disponibles en prévention et en soins. Ils doivent démontrer que même les soi-disant « jouets brisés » peuvent être réparés, et que le cheminement vers le rétablissement peut être entièrement appuyé – et le sera – sans une identité amoindrie et sans une marginalisation de la mission fondamentale des services de police.

Un modèle qui peut aider à normaliser les problèmes de santé mentale, et qui vaut la peine d’être pris en considération et même adapté pour les policiers, est le Modèle du bien-être (Source : ministère des Anciens Combattants. Référence à venir) élaboré par le ministère des Anciens Combattants et maintenant utilisé pour orienter ses programmes et décisions en matière de politiques. Notamment, les dimensions incluses dans ce modèle tiennent compte de la personne tout entière dans le contexte de son environnement en entier, plutôt que de prendre une approche restrictive clinique liée à la maladie.

Nous envisageons la nécessité d’une vaste campagne à volets multiples pour réaliser cette transition. De bien des façons, elle est déjà en cours comme en témoigne notre propre examen ainsi que d’autres ayant lieu en parallèle, tout comme les initiatives prometteuses entreprises par les services de police de l’Ontario et leurs diverses associations. Mais, de notre point de vue, elle doit être accrue et amplifiée. L’ouverture, la sensibilisation et les comportements favorables envers les collègues aux prises avec des problèmes de santé mentale doivent devenir des compétences essentielles liées au rendement et au système de promotion à tous les niveaux. D’autres formes de reconnaissance devraient également être explorées.

On dit que les agents de police sont prêts à mourir les uns pour les autres. Ils doivent également être prêts à vivre les uns pour les autres et, du même coup, vivre pleinement pour leurs familles et leurs amis sans souffrir en silence.

2. S’y retrouver lors de transitions​

Lorsqu’il s’agit de problèmes de santé mentale dans les services de police, le diable semble rôder dans les transitions. Nos études nous ont constamment révélé que les plus gros risques relativement à l’interruption des soins, au déni et à l’inhibition des symptômes, ainsi qu’à l’aggravation du stress, tendent à se produire le plus souvent lors de transitions cruciales dans l’état de déploiement d’un individu au sein de son milieu de travail. Les transitions cruciales pourraient inclure : les courtes périodes d’absence à répétition requises en raison de symptômes légers à modérés, qu’il y ait diagnostic ou non; lors de la divulgation initiale et de la demande en vue d’obtenir des prestations et des services psychologiques; lors d’une réaffectation à un rôle modifié en raison de problèmes ayant des répercussions sur la capacité à travailler; lors d’une réaffectation au service régulier; et les périodes de congé prolongé en raison de problèmes qui s’aggravent et/ou pour obtenir des soins et des traitements plus soutenus.

De toutes ces transitions, le retour au travail se démarque comme la phase la plus risquée. Les processus décisionnels complexes entourant un retour à des tâches modifiées ou une réintégration complète peuvent générer un stress important chez les individus, leurs familles, leurs collègues, leurs fournisseurs de soins et leurs administrateurs de prestations, y compris la WSIB. Parmi nos neuf sujets, le retour au travail est un facteur qui a fréquemment et fortement aggravé leur état de santé, déclenché des conflits ouverts avec leur organisation et leurs pairs, enclenché ou aggravé des problèmes de rendement et de normes professionnelles, et souvent entraîné des difficultés financières.

La fragmentation actuelle à laquelle les individus et les familles doivent faire face est un autre facteur qui aggrave ces facteurs de stress. Certains services et mesures de soutien peuvent être disponibles par l’entremise de l’employeur, alors que d’autres pourraient seulement être offerts par le biais de leur association de policiers. Les individus pourraient être dirigés vers certains services offerts par des fournisseurs de services de soutien par les pairs, des fournisseurs de prestations-maladie complémentaires, des fournisseurs du programme d’aide aux employés et à leur famille (PAEF) et des fournisseurs de soins cliniques. Certains de ces organismes pourraient également fournir le soutien d’intervenants-pivots. L’expérience démontre toutefois que ces services d’intervenants-pivots couvrent rarement l’éventail complet de conseils cliniques, d’aide en matière de procédures et de programmes éducatifs pour aider les individus et les familles touchés.

Tous les membres de tous les services de police devraient avoir facilement accès à une gamme complète de services de soutien d’intervenants-pivots, prenant appui sur des pratiques exemplaires uniformes, tout en demeurant flexibles face aux besoins de chaque individu, chaque famille et chaque service de police impliqués.

3. Accès continu à des soins de qualité et à des traitements et solutions fondés sur des données probantes

Selon nos sources qui ont vécu l’expérience, y compris la voix des survivants, le niveau de confiance parmi les policiers et leurs familles dans l’ensemble disparate actuel de fournisseurs de soins est, dans le meilleur des cas, modéré à faible. Nous avons entendu parler de professionnels ayant peu de connaissances, sinon aucune, des problèmes rencontrés par les policiers ou les premiers répondants, y compris le rôle joué par les traumatismes récurrents. Nous avons entendu parler d’autres professionnels qui avaient initialement établi de très bonnes relations avec leurs patients, seulement pour refuser par la suite de leur fournir des soins selon les barèmes d’honoraires établis. Et finalement, nous avons entendu parler de professionnels bien qualifiés et bien renseignés sur les services de police qui avaient établi de très bonnes relations et obtenu des résultats positifs avec leurs patients.

Étant donné l’état souvent fragile de tout policier qui accepte ses symptômes ou un diagnostic en santé mentale dans le cadre de la dynamique culturelle décrite plus tôt dans ce rapport, tout obstacle à l’accès peut être une raison de revenir à l’inhibition, au déni et au retrait des soins. Chez certains de nos neuf sujets, les dernières années et les derniers mois de leur vie étaient clairement ponctués d’arrêts et de démarrages dans leur cheminement de soins. En ce qui concerne d’autres personnes que nous avons entendues, leur description de leur propre cheminement de soins allait de la réussite à la futilité, en passant par la frustration.

À notre avis, il est impératif que l’accès aux soins de qualité devienne universel chez les policiers en Ontario. La qualité des options de soins doit être élargie pour inclure des cliniciens sensibilisés aux services de police et aux traumatismes, et l’utilisation de traitements et solutions fondés sur des données probantes. Nous croyons comprendre que certains organismes bénévoles et associations de policiers en Ontario ont commencé à dresser des listes de référence de professionnels dûment qualifiés et de réseaux de soutien. Ce travail devrait être accéléré et rendu largement accessible dès que possible.

4. Ressourcement, mesures d’adaptation et épuisement professionnel

Pour la majorité des services de police municipaux en Ontario, les commissions des services de police ont la responsabilité de maintenir des niveaux de dotation adéquats pour répondre à la demande en services de leur territoire. En ce qui concerne la Police provinciale de l’Ontario et les services de police des Premières Nations, cette responsabilité incombe aux gouvernements provinciaux et fédéraux. La plupart des processus d’élaboration d’un budget policier établissent un « effectif autorisé » de membres. Le modèle de l’effectif autorisé est basé sur le principe que tous les postes de policiers sont pourvus et que tous les membres sont au travail. Le modèle ne prend pas dûment en compte qu’il y a des postes vacants lorsque les chiffres visés en recrutement ne sont pas atteints, et également lorsque des membres sont absents du milieu de travail en congés médicaux ou bénéficient de mesures d’adaptation dans d’autres postes. Cet écart se traduit par une charge de travail supplémentaire chez ceux qui travaillent. Il incombe essentiellement aux policiers de combler le manque de personnel par une intensification de la charge de travail liée aux déploiements réguliers et souvent par un nombre accru d’heures supplémentaires.

Les répercussions de ce modèle sont que les personnes qui travaillent sont forcées d’évoluer dans un environnement où il y a un manque de personnel, ce qui peut mener bon nombre d’entre elles vers un épuisement professionnel. Certaines personnes pourraient également développer un sentiment de mépris envers celles qui sont en congé médical ou qui bénéficient de mesures d’adaptation dans d’autres postes. Et tout cela mène à une érosion accrue des problèmes d’identité rencontrés par les membres absents ou bénéficiant de mesures d’adaptation.

Dans le modèle actuel, les lacunes en personnel ont un effet dissuasif systémique permanent sur la divulgation des problèmes de santé mentale, créent un obstacle important chez ceux qui ont besoin d’obtenir et de maintenir de bons parcours de soins et entretiennent une fausse attente à l’égard de la capacité à travailler qui perpétue la stigmatisation et l’autostigmatisation entourant la santé mentale et les blessures liées au stress professionnel. La réalité des lacunes en personnel doit être confrontée.

Chaque service individuel de police continuera sans doute à faire face aux pressions financières et, au moins à court terme, la majorité des services pourraient ne pas pouvoir résoudre tout seuls leurs lacunes actuelles en personnel. Il faut veiller à agir de façon conjointe pour mettre en œuvre un système à l’échelle de la province afin de dépasser la dotation autorisée, ce qui permettra d’obtenir les ressources suffisantes pour pourvoir les postes lorsque les membres sont en arrêt de travail pour cause médicale ou lorsqu’ils ont besoin qu’on leur fournisse des mesures d’adaptation pour travailler loin de leur poste d’attache.

5. Préserver l’identité : l’importance des accusations criminelles ou des plaintes portées contre des agents de police, et les réseaux sociaux

Les transitions de retour au travail décrites ci-dessus représentent les phases à risque élevé les plus fréquentes chez les policiers ayant des problèmes de santé mentale. Mais les situations où les agents font face à des accusations et/ou sont humiliés en public par le biais des médias grands publics ou des réseaux sociaux pourraient être décrites comme étant les plus graves. Comme constaté lors de notre examen des décès par suicide, si ces situations de « transfert » ne sont pas gérées avec soin, elles peuvent clairement atteindre le niveau d’événement déclencheur ayant une répercussion équivalente à la perte d’une relation personnelle importante.

En reconnaissant le rôle important de l’identité policière auprès des membres grandement investis dans la culture policière, les services de police ont une responsabilité accrue de s’assurer que toute atteinte soudaine et extrême à cette identité est gérée avec soin et avec un soutien. Nous avons examiné des situations et des pratiques où des ententes spéciales de transfert sont en place et appliquées pour atténuer les conséquences négatives. Parmi nos neuf sujets, nous avons également examiné certaines situations où, que ce soit intentionnel ou non par le service, les membres ont vécu un abandon pur et simple. Nous avons examiné d’autres situations qui se situaient entre les deux.

Chaque service de police doit assumer la responsabilité de créer et d’appliquer des procédures de transfert qui s’assureront que peu importe la gravité de l’infraction ou du manquement d’un policier, ou si la portée des mesures disciplinaires envisagées est perçue comme un recul mineur ou des accusations criminelles mettant fin à la carrière, les services de soutien seront en place pour maintenir un lien avec le policier et sa famille, et pour assurer la continuité des soins professionnels qui pourraient être requis.

6. Faire face aux événements impliquant un suicide​

Nous ne pouvons pas gérer, améliorer ou tirer des leçons des choses que nous ne connaissons pas. De notre point de vue, la nature unique et la position des services de police dans la société exigent que nous surveillions étroitement toutes les situations qui se terminent par un décès par suicide, et que nous en tirions des apprentissages, en vue d’une amélioration continue dans l’ensemble de l’écosystème des services de police et de la santé mentale.

Voici quelques mesures importantes visant à améliorer les résultats pour tous les policiers en Ontario : les coroners devraient tous avoir comme directive d’inscrire et de signaler les décès par suicide d’un premier répondant; une base de données devrait être créée pour permettre de saisir et d’analyser les données continuellement; et tout décès par suicide d’un policier devrait déclencher une étude sur le décès au sein du Bureau du coroner en chef.

Une grande partie de la discussion qui précède s’est concentrée sur les étapes de prévention et d’intervention en santé mentale. La postvention est également reconnue comme une pratique exemplaire dans la prévention du suicide, et, à partir de notre examen, il y a deux aspects qui méritent notre attention ainsi que des mesures prioritaires. L’un de ces aspects implique de prolonger le soutien aux personnes endeuillées, y compris des mesures directes pour prévenir les problèmes de santé mentale secondaires parmi les membres de la famille, les amis intimes et les collègues. L’autre aspect porte sur le besoin d’atténuer les risques d’un effet de contagion dans l’ensemble de la communauté policière.

En ce qui concerne le premier aspect, nous avons remarqué que chez les survivants des neuf sujets, un certain degré de soutien aux personnes endeuillées provenant de l’employeur des êtres chers, de leur association et de leurs collègues était évident dans la plupart des cas, mais l’exécution, la portée et la durée pourraient être le mieux décrites comme étant irrégulières. Lorsqu’elles sont bien planifiées et constituées, les pratiques en matière de postvention sont conçues pour atteindre un certain nombre d’objectifs à la suite d’un décès par suicide, tout particulièrement :

  • prévenir tout suicide chez les personnes qui sont plus à risque à la suite d’une exposition au suicide;
  • faciliter la guérison des personnes accablées par le chagrin et la détresse causés par une perte par le suicide;
  • atténuer d’autres répercussions négatives de l’exposition au suicide;
  • dans un contexte de services de police, trouver des moyens de commémorer de façon respectueuse la personne décédée.

Tous les services de police devraient préparer un plan de réponse d’ordre organisationnel offrant des services de postvention conçus pour aider les personnes endeuillées à gérer la crise immédiate causée par un décès par suicide, et à faire face aux conséquences à long terme.

En ce qui concerne la communauté plus vaste, la littérature présente certaines preuves d’un risque d’effets de contagion. En d’autres mots, et tout particulièrement parmi les personnes du même groupe de population qui pourraient déjà faire face à des problèmes de santé mentale, un ou plusieurs suicides dans un même groupe pourraient avoir un effet déclencheur. Les groupes de décès, comme ceux observés dans nos neuf cas au cours d’une seule année, avivent certainement les préoccupations à cet égard. Il est important de noter que la contagion ne doit pas nécessairement entraîner des suicides supplémentaires pour aviver notre inquiétude; la possibilité de provoquer ou d’aggraver les problèmes de santé mentale de tout policier ou groupe de membres nous préoccupe également.

La postvention est un élément essentiel de la prévention du suicide, et peut également faire partie d’une stratégie globale pour le bien-être mental en général. S’assurer que les activités en matière de postvention ont lieu à la suite du suicide d’un policier ne devrait pas être la responsabilité d’un seul groupe, d’un seul service de police ou d’une seule personne. Cela nécessitera l’engagement de toute la communauté, pour inclure également le rôle des médias qui devront rapporter de tels incidents avec soin.

7. Propriété conjointe et action concertée

Le modèle d’écosystème des services de police et de la santé mentale présenté plus tôt à la figure 2 illustre l’étendue des ressources et des capacités qui existent actuellement pour entraîner des résultats positifs sur la santé mentale des policiers, ainsi que la complexité et le risque de fragmentation qui existent présentement dans l’ensemble de ce système (voir l’encadré ci-dessus). Nous avons également noté plus tôt la gamme d’initiatives prometteuses et de considérations politiques qui sont en cours afin d’améliorer le niveau et la qualité des services à toutes les étapes de la prévention, de l’intervention et de la postvention. Nos discussions nous font craindre que, si elle demeurait inchangée, la fragmentation continue pourrait saper une grande partie de cette promesse.

Les services de police, en tant que système, doivent adopter la mentalité « sans fausse route » afin de s’assurer que tous les policiers et les familles aux prises avec des problèmes de santé mentale, dès qu’ils se présentent, ne se heurtent à aucun obstacle pour trouver, obtenir et payer les soins professionnels et les traitements dont ils ont besoin. Pour y arriver pleinement, les services de police doivent agir comme le système unifié qu’il est aux yeux de ses membres.

Nous reconnaissons que les récentes collaborations entre la Police provinciale de l’Ontario, ses associations et ses partenaires à but non lucratif sont un modèle prometteur, mais il y aura peu de changements si cette même approche doit être répétée dans l’ensemble des autres services de police qui desservent les communautés de l’Ontario. De même, nous avons été encouragés par les discussions concertées décrites par l’Association des chefs de police de l’Ontario et l’Association des policiers de l’Ontario (PAO), et par la Toronto Police Association avec son partenaire employeur du service de police de Toronto. Nous reconnaissons également que la santé mentale des policiers est devenue une question prioritaire à l’ordre du jour de l’Ontario Association of Police Service Boards, tout comme cela a été le cas au niveau national avec l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) et l’Association canadienne de gouvernance de police (ACGP). Mais, de notre point de vue, il y a un risque croissant de perte d’efficacité et d’efficience découlant d’un ensemble disparate  d’initiatives multilatérales et bilatérales qui prend forme sans l’entière participation de toutes les parties de l’écosystème avançant dans la même direction.

En Ontario, nous croyons que le ministère du Solliciteur général, guidé par le présent rapport au coroner en chef de l’Ontario, est le mieux placé pour fournir le leadership essentiel et la mobilisation requise pour parvenir à une approche globale du système. Nous abordons cette possibilité directement comme la première de nos recommandations.

Observations du comité concernant les forces et les faiblesses actuelles de l’écosystème des services de police et de la santé mentale

Accès à des soins et traitements appropriés

Protection de la vie privée et crainte des répercussions sur la carrière

De nombreux parcours vers des soins et des prestations commencent par l’unité des ressources humaines du service de police du  membre. Bon nombre craignent de ternir leur réputation s’ils divulguent leurs problèmes de santé mentale auprès de collègues et de membres de la gestion organisationnelle.

Accès aux services de soutien sans rendez-vous

Certains organismes ont ajouté du personnel indépendant et des psychologues provenant de l’extérieur, et certains ont ouvert des emplacements à l’extérieur du bureau pour offrir des services de soutien sans rendez-vous et sans risque de divulgation. Peu de services de police offrent présentement cette option.

Accès limité dans les petits milieux urbains et ruraux, et dans les emplacements éloignés

Les services de police plus petits pourraient ne pas avoir assez de ressources pour offrir des options de soutien discrètes. Aussi, les communautés plus petites pourraient posséder des ressources cliniques limitées, ce qui nécessite des déplacements importants et potentiellement davantage d’absences du travail pour ceux à la recherche d’aide.

Limite des prestations

Certaines associations de membres (l’Association de la Police provinciale de l’Ontario et l’Association des policiers d’Ottawa) ont récemment négocié des ententes sans limite auprès de leurs fournisseurs d’avantages sociaux. Dans la plupart des services de police en Ontario, il y a des limites restrictives sur la durée des soins fournis dans le cadre des prestations et des régimes d’assurance actuels, et la quote-part à débourser varie de façon importante.

Le service des sinistres de la WSIB fait face à une pression constante pour réduire ou limiter les prises en charge, la durée et les coûts, et souvent des efforts importants sont requis chez les policiers et les familles pour justifier les soins, les traitements et les compensations pour s’absenter du travail. Un autre obstacle est l’exigence d’être examiné par les professionnels exclusivement approuvés par la WSIB. Le régime de paiement de la WSIB rembourse habituellement un taux nettement inférieur que celui du marché.

Disponibilité des cliniciens renseignés sur les traumatismes et les policiers

En recherchant des traitements, les policiers font face à la disponibilité limitée des praticiens étant familiers avec les exigences uniques du travail des policiers et le rôle des traumatismes dans les problèmes de santé mentale. Aucune source de référence fiable et universelle n’existe présentement, bien que certaines soient en développement.

Incohérence dans les modèles de soutien par les pairs

Des organismes de soutien par les pairs dirigés par des bénévoles afin de desservir les policiers et les premiers répondants sont apparus au cours des dernières années, et bon nombre voient la demande s’accroître pour leurs services. Présentement, les procédures de soutien par les pairs et les offres de services sont perçues comme étant incohérentes en ce qui a trait à leur portée, leur qualité et leur intégration avec les autres services en santé mentale.

Équilibre entre l’accessibilité et la qualité des traitements

Confrontés à des limites dans les prestations, ou par crainte d’être révélés auprès de leur employeur et de leurs collègues, les policiers et leur famille ont souvent de la difficulté à obtenir et à maintenir des soins abordables, souvent forcés de choisir entre des soins et des traitements de très grande qualité pour une très courte période, ou des soins douteux pour une plus longue période. Bon nombre se retirent simplement de ce défi et choisissent de ne pas poursuivre les soins.

Disponibilité des soins de soutien auprès des membres de la famille

Présentement, les membres de la famille sont souvent exclus des soins de leurs êtres chers aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il semblerait que ce pourrait être en raison d’un manque d’information à propos des options disponibles, d’un manque de connaissances à propos de la santé mentale au sein des services de police, des inquiétudes réelles ou perçues au sujet de la protection de la vie privée, ou encore il pourrait s’agir d’un symptôme du comportement de détachement du policier.

Intervenants-pivots et défenseurs des patients

Lorsque les policiers se retrouvent en situation de crise, ils doivent souvent se frayer un chemin à travers des processus inconnus et complexes, ce qui peut être un obstacle aux soins, tout en ayant des effets néfastes sur leur bien-être, tout particulièrement chez ceux qui ont déjà des réticences à se dévoiler. Certains policiers et certaines familles pourraient également subir une pression financière en engageant des dépenses qui sont peut-être admissibles à un remboursement. Une gamme complète de services de soutien d’intervenants-pivots couvrira les enjeux cliniques, éducatifs et financiers.

Attitudes, comportements, connaissances et compétences à l’interne

Perceptions injustifiées d’une simulation de maladie

Malgré des investissements récents dans la sensibilisation à la santé mentale et la formation à la résilience, des soupçons et même des accusations pures et simples d’avoir recours à la simulation demeurent communs dans la culture policière. Il est démontré que les incidents de simulation sont rares et, dans la plupart des cas, le besoin d’obtenir des soins et des mesures d’adaptation est très réel.

Connaissances limitées des superviseurs et gestionnaires concernant les traitements et le rétablissement

Fait intéressant, de nombreux gestionnaires, superviseurs et collègues policiers perçoivent toujours les problèmes de santé mentale comme une incapacité permanente. Une sensibilisation à la nature véritable et aux taux de réussite des traitements et du rétablissement améliorerait grandement les transitions de retour au travail pour les membres ayant vécu un problème de santé mentale, tout en aidant à réduire la stigmatisation.

Créativité et sensibilité limitées lors d’une affectation à des tâches adaptées

L’attitude binaire « on est apte à travailler ou on ne l’est pas » décrite dans le présent rapport continue d’influencer les décisions en matière de tâches modifiées. Les policiers signalent les répercussions négatives sur leur dignité des suppositions involontaires à propos des limites de leur capacité à mener à bien leurs tâches et à demeurer liés à la mission fondamentale à laquelle ils s’identifient fortement.

Lignes directrices floues concernant la protection de la vie privée et les contacts lors des mesures d’adaptation

Les superviseurs, les gestionnaires et les pairs signalent ne pas savoir s’ils devraient maintenir un contact, ou comment, avec leurs collègues absents du travail en raison de problèmes de santé mentale. Cette situation est aggravée s’il y a également des enjeux concernant les normes professionnelles. Une plus grande transparence, des lignes directrices établies concernant le consentement et le développement de compétences sensibles aux traumatismes seraient très avantageux à cet égard.

Équilibre entre la pression de la charge de travail et un soutien compatissant

Lorsque des organisations policières entières sont mises à rude épreuve en raison de ressources déployables limitées, la pression exercée pour remettre les policiers en service actif l’emporte souvent sur la compassion envers l’individu, et réduit le soutien actif envers leurs soins et leurs mesures d’adaptation.