Chapitre 1 : l’expérience du patient

Durant ses quatre premiers mois d’existence, le Conseil a récolté les témoignages de plus de 340 patients, et ce qui revient régulièrement dans leurs récits, c’est leur expérience de l’attente d’être soignés dans des environnements qui ne permettent ni le repos ni le soulagement. De nombreux patients se plaignent du manque d’intimité dans les services d’urgence et de la perte de dignité ressentie lorsqu’ils parlent de leur vécu et de leurs antécédents médicaux à un prestataire de soins de santé dans un couloir, là où tout le monde peut les entendre. Pour certaines personnes, même quelque chose qui devrait être simple, comme d’aider des patients à aller aux toilettes à temps, peut devenir difficile dans les conditions actuelles.

Orientation et accès aux soins de santé

Le Conseil a recueilli des témoignages selon lesquels les patients et leurs familles ont de la difficulté à s’orienter dans le système de santé. Certains ne sont pas en mesure d’obtenir des soins en temps voulu, à cause des longs temps d’attente ou des heures d’ouverture peu pratiques. Pour d’autres, il peut être compliqué de savoir où aller pour obtenir les soins qui s’imposent. Des personnes, par exemple, se rendent souvent au service des urgences avec des problèmes de santé mentale ou de dépendances qui pourraient être traités plus rapidement, et souvent de manière plus appropriée, dans un centre de soins primaires ou un organisme communautaire œuvrant dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie. Ne sachant pas comment accéder à des services communautaires ou attendant trop longtemps pour de tels services en raison de leur nombre insuffisant, nombreux sont ceux qui atteignent un stade de crise qui les conduit vers le service des urgences.


 « Les patients de l’Ontario passent en moyenne 16 heures au service des urgences avant d’être admis à l’hôpital, ce qui correspond au temps d’attente le plus long depuis six ans. »

– Qualité des services de santé Ontario, À la hauteur 2018

Se rendre au service des urgences pour des soins de santé qui pourraient être prodigués ailleurs est un scénario fréquent en Ontario, parfois simplement parce qu’il s’agit du seul service de santé ouvert 24 h/24 et 7 j/7. Selon le Sondage de 2018 sur l’expérience en matière de soins de santé, 41 % des Ontariens qui se sont rendus à l’urgence et 93 % de ceux qui sont allés dans une clinique sans rendez-vous ont bénéficié de soins pour une pathologie qui aurait pu être traitée par leur prestataire de soins primaires.footnote 2 Même si 94 % des Ontariens ont un médecin de famille ou une infirmière praticienne,footnote 3 les données laissent à penser que les Ontariens ne privilégient pas toujours – ou n’y ont pas toujours accès en temps opportun – leur prestataire de soins primaires. Bien que le système de soins de santé ait évolué au cours des 15 à 20 dernières années, le service des urgences reste le seul lieu de soins de santé ouvert et disponible quand les gens sont malades et ont besoin de soins. Davantage de mesures préventives et une mobilisation efficace auprès des prestataires de soins de santé pourraient aider à endiguer le flot de patients qui convergent vers les services d’urgence et les hôpitaux, et contribuer à réduire le problème des soins prodigués dans les couloirs.

Temps d’attente et soins de qualité

D’une façon générale, les visites aux services d’urgence dans la province ont augmenté d’environ 11 % au cours des six dernières années, ce qui porte leur chiffre à 5,9 millions en 2017-2018. footnote 4 Cette augmentation de l’ampleur du phénomène est seulement l’un des facteurs qui contribuent à l’accumulation dans le système, car toutes les visites à l’urgence n’aboutissent pas une hospitalisation.

L’objectif actuel recommandé pour l’Ontario – ce que la province attend de ses hôpitaux – c’est, lorsqu’un patient doit faire l’objet d’une admission, qu’il intègre un lit dans une chambre d’hospitalisation dans les huit heures qui suivent sa prise en charge à l’urgence.footnote 5Cependant, en novembre 2018, seulement 34% des patients admis à l'hôpital sont admis dans un lit d'hôpital du service des urgences dans cet intervalle de 8 heures.footnote 6footnote 7


« La moitié des parents qui ont sollicité de l’aide pour des services de santé mentale pour leur enfant ont déclaré rencontrer des difficultés à obtenir les services dont ils avaient besoin, principalement en raison des temps d’attente. »

– Santé mentale pour enfants Ontario (novembre 2017)

En outre, les patients de l’Ontario qui ont besoin d’être hospitalisés passent en moyenne 16 heures à l’urgence avant qu’un lit ne se libère, ce qui correspond au temps d’attente le plus long depuis six ans.footnote 8

Les temps d’attente trop longs ne sont pas le propre des hôpitaux; ils sont également trop longs dans d’autres structures du système de soins de santé. Par exemple, le temps d’attente moyen pour le placement dans un foyer de soins de longue durée en Ontario pour l’année financière 2017-2018 était de 146 jours et celui pour les soins à domicile d’environ six jours.footnote 9footnote 10

Une fois que les Ontariens ont accès aux services et au soutien, les données montrent qu’ils sont généralement satisfaits. Par exemple, les résultats du sondage pour les soins à domicile et communautaires témoignent d’un taux élevé de satisfaction chez les clients : 92 % des répondants évaluent leur expérience comme globalement excellente, très bonne ou bonne,footnote 11 même si les temps d’attente trop longs dans certaines parties du système sont révélateurs de dysfonctionnements. En outre, l’emplacement des services de soins de santé joue également un rôle. Par exemple, les familles témoignent de la difficulté de s’orienter dans l’offre de services de soins pédiatriques. En outre, une meilleure disponibilité de l’accès à des services de qualité plus proches de la maison aiderait les familles et les patients. 

Outre un temps d’attente raisonnable pour l’accès des Ontariens aux services de santé, la province vise à fournir des soins de haute qualité dans toutes les structures de soins. Une façon d’améliorer l’accès aux soins consiste à s’assurer que les patients ne subissent pas des complications qui peuvent être évitées en cours de traitement. Il est prouvé, par exemple, que les patients qui contractent certaines infections nosocomiales voient leur séjour à l’hôpital se prolonger de deux semaines.footnote 12 Ces infections, qui peuvent être très coûteuses à traiter, peuvent être évitées en respectant de bonnes pratiques de soins.

Nous savons de manière intuitive que tout délai pour accéder à des soins de santé – que ce soit pour qu’un lit se libère dans la structure de soins adaptée, pour obtenir un diagnostic ou pour une référence à un spécialiste – retarde le chemin de la guérison et peut même la rendre plus difficile.

Pleins feux : santé mentale, toxicomanie et médecine de couloir

Le Conseil s’inquiète du fait que les patients ne puissent pas accéder à des services en matière de dépendances et de santé mentale lorsqu’ils en ont le plus besoin. Par exemple :

  • Environ un adulte sur trois qui se rend au service des urgences pour obtenir des soins de santé mentale ou de lutte contre les dépendances n’a pas eu accès auparavant à des soins prescrits par un médecin pour sa maladie mentale.footnote 13
  • Au cours des 11 dernières années, les taux de visites aux services d’urgence et les hospitalisations ont augmenté respectivement de 72 % et de 79 % pour les enfants et les adolescents.footnote 14

L’accès aux soins de santé en lieu et en temps opportuns est crucial pour les patients présentant des problèmes de santé mentale et de dépendances. La plupart des problèmes de santé mentale et de dépendances sont mieux traités à l’intérieur des communautés. Cependant, les temps d’attente trop longs pour ce type de traitement entraînent parfois une aggravation de l’état du patient pendant qu’il attend son tour, ce qui l’oblige à se tourner vers le service des urgences, puis à retourner à son domicile pour continuer à attendre des services. Le taux de réhospitalisation pour des problèmes de santé mentale ou de dépendances est beaucoup plus important que pour nombre d’autres problèmes de santé.footnote 15


Notes en bas de page