Personnes soignantes et services de soutien leur étant offerts en Ontario

Personnes soignantes

Qui sont les personnes soignantes en Ontario?

Les personnes soignantes prodiguent gracieusement des soins aux membres de leur famille, à leurs amis et à leurs voisins de tout âge ayant besoin de soins de santé physique ou mentalefootnote 1. Les bénéficiaires de ces soins vivent dans leur domicile ou dans des établissements. À titre de comparaison, les fournisseurs de soins de santé sont des personnes embauchées et rémunérées pour prodiguer des soins, dont certains sont semblables à ceux prodigués par les personnes soignantes et d’autres, beaucoup plus complexes.

Nos consultations ont attiré un grand nombre de personnes soignantes. Il était on ne peut plus évident que les personnes soignantes ne formaient pas un groupe homogène, mais qu’il s’agissait plutôt de personnes uniques aux expériences uniques. J’ai par exemple rencontré :

  • une jeune femme qui a quitté son emploi pour s’occuper à plein temps de sa mère;
  • une mère d’âge moyen qui prodiguait des soins spécialisés à son fils autiste;
  • un homme d’âge moyen qui prenait soin de ses parents âgés;
  • un homme âgé qui s’occupait de son épouse atteinte de démence;
  • une femme âgée qui s’était occupée de son époux avant qu’il décède et qui aidait maintenant une amie et voisine ayant besoin de soutien pour rester chez elle.

Une personne soignante est une personne et un des membres d’une unité ou d’une dyade qui comprend le bénéficiaire  des soins. Certaines personnes soignantes vivent avec les personnes dont elles prennent soin, tandis que d’autres font régulièrement le trajet – parfois sur de longues distances – pour apporter ces soins. Toutes les personnes soignantes sont continuellement en contact avec les personnes dont elles s’occupent. J’ai été étonnée d’apprendre que les personnes soignantes que j’ai rencontrées tenaient résolument à s’acquitter de leurs responsabilités de personne soignante, malgré le stress et les difficultés que ces responsabilités engendrent. Certaines de ces personnes le font volontairement et considèrent que cela fait partie de la vie, tandis que d’autres y sont contraintes par des attentes familiales ou par une incapacité à trouver ce qu’elles estiment être des aides suffisantes.

Un certain nombre de personnes soignantes ont souligné que leur relation se caractérisait par des concessions mutuelles inégales. Des recherches ont montré que la prestation de soins avait d’énormes conséquences sur la vie des personnes soignantes, notamment des répercussions néfastes sur leur bien-être émotionnel (Lin et ses coll., 2016), des taux élevés de stress et de détresse, des difficultés financières, une incapacité à se concentrer au travail, une instabilité d’emploi (comme de quitter volontairement ou non des emplois), et ainsi de suite (The Change Foundation, 2016).

J’ai écouté des personnes soignantes parler des niveaux élevés de stress qu’elles éprouvaient. Bon nombre d’entre elles ont indiqué qu’il leur était impossible d’abandonner leur rôle – et ne voulaient pas le faire – malgré leurs sentiments de frustration, de fatigue, de découragement, de ressentiment, voire de frayeur devant ce que leur réservait l’avenir lorsque la personne dont elles s’occupaient serait plus vieille, deviendrait encore plus malade, atteindrait un seuil critique ou décéderait. Toutes les personnes que j’ai entendues s’accordaient sur le fait que les personnes soignantes ont besoin de soutien pour être en mesure de poursuivre leur tâche.

Quelle est la contribution des personnes soignantes?

The Change Foundation estime à 3,3 millions, ou 29 % de la population provinciale, le nombre d’Ontariens qui apportent de l’aide et prodiguent des soins à un membre de la famille, à un ami ou à un voisin malade, handicapé ou âgé (2016)footnote 2. Ces aides vont du soutien émotionnel au transport et aux tâches ménagères, jusqu’à l’exécution de tâches cliniques comme le gavage,   le soin des plaies et l’administration d’injections.

Des estimations plus poussées indiquent qu’il en coûterait au-delà de 26 milliards de dollars par année pour remplacer le travail des Canadiens qui prennent soin de personnes âgées par des soins équivalents rémunérés (Hollander et ses coll., 2009). Ce coût serait plus élevé pour les soins prodigués à des membres de la famille, à des amis et à des voisins, tous âges confondus.

À mon avis, la contribution des personnes soignantes et leur valeur seront beaucoup plus importantes dans les années  à venir. Les Ontariens ont tiré parti de nombreuses tendances marquées, comme une espérance de vie plus longue, des avancées technologiques qui sauvent et prolongent la vie, le traitement efficace de maladies chroniques, le passage de soins hospitaliers à des soins ambulatoires, et de soins en milieu hospitalier à des soins en milieu communautaire, pour ne mentionner que ceux-là.

Malgré le caractère très positif de ces tendances, ces dernières ont placé plus haut les attentes à l’égard des personnes soignantes qui s’occupent de leurs proches qui, maintenant, survivent, vivent plus longtemps, sont atteints de maladies liées  à l’âge, dépendent de la technologie, ont besoin de traitements continus, ont besoin d’aide pour se rendre à leurs rendez-vous pour une consultation ou une intervention médicale et en revenir, et ont besoin d’une aide pour fonctionner chaque jour. Ces tendances ont aussi placé plus haut les attentes à l’égard des enfants et des jeunes capables d’aider à prendre soin de leurs frères et sœurs, de leurs parents et de leurs grands-parents.

Les tendances sociétales ont, elles aussi, exacerbé les pressions exercées sur les personnes soignantes. Le passage de grandes familles à de plus petites, la mobilité accrue où les enfants adultes peuvent vivre plus longtemps chez leurs parents  et la plus grande participation des femmes à l’effectif rémunéré font en sorte que la responsabilité de la prestation des soins familiaux pourrait reposer sur les épaules d’un moins grand nombre d’enfants adultes qui vivent à une certaine distance et ont des obligations professionnelles et familiales différentes.

Chacun sait que notre système de santé est financé par les deniers publics et ses fournisseurs rémunérés déploient des efforts hautement appréciés et très importants pour satisfaire les besoins des Ontariens en matière de soins. Le fait moins connu, apprécié, voire inclus dans les équations économiques est l’immense contribution des personnes soignantes non rémunérées. Ces personnes complètent nos services financés par les contribuables, constituent une partie intrinsèque de notre système de santé et contribuent grandement à la santé et au bien-être des Ontariens.

Services de soutien aux personnes soignantes en Ontario

De nombreux organismes fournissent des services hautement appréciés dans des champs d’expertise ciblés, à l’aide de différentes sources de financement

Les consultations ont mis en évidence le fait que de nombreux organismes fournissent des services de soutien hautement appréciés aux personnes soignantes en Ontario. Ces organismes jouent un rôle de premier plan et ont de solides antécédents en ce qui a trait au soutien accordé aux bénéficiaires de soins et aux personnes soignantes, que ce soit de façon directe ou indirecte. Dans ce dernier cas, par exemple, des organismes fournissent parfois des services, comme des services de relève qui permettent de soutenir la personne soignante tout en répondant aux besoins du bénéficiaire de soins.

Ces organismes et les services qu’ils fournissent varient énormément sur les plans de la concentration et du financement. La majorité des organismes se concentrent dans des champs d’expertise sélectionnés, comme :

  • une maladie, une affection ou un trouble (p. ex., cancer, maladie cardiaque et AVC, maladie d’Alzheimer, sclérose en plaques, schizophrénie, familles en deuil);
  • des âges particuliers (p. ex., poupons, enfants, jeunes, personnes âgées);
  • un type de services (p. ex., vie en santé, aide aux personnes qui restent à domicile).

La concentration dans des champs d’expertise sélectionnés s’avère parfois très difficile pour les personnes soignantes. Durant les consultations, une personne soignante a fait remarquer que ses besoins ne s’inscrivaient pas nettement dans une des catégories d’organismes existants axés sur une maladie ou l’âge :

« Je m’inquiète seulement de mon fils de 26 ans qui ne peut pas être laissé à lui-même. »

Une autre difficulté réside dans le fait que les personnes soignantes ne trouvent pas de soutien dans certains secteurs et deviennent parfois déboussolées quant à ce qu’elles sont en droit d’attendre et à ce à quoi elles peuvent se fier. Une personne soignante a mentionné qu’elle avait eu un très bon soutien lorsque sa mère a reçu un diagnostic de démence; mais lorsque  son père a été affaibli par une autre maladie, elle a trouvé bien peu d’aide, voire aucune.

Les organismes concentrés dans un champ particulier présentent des points communs. Ils fournissent habituellement des services de soutien aux personnes soignantes, comme des renseignements et de l’éducation. Certains aident également les personnes soignantes à cheminer à travers les services et, parfois, entreprennent des recherches pour ces personnes en plus de défendre leurs droits.

Le financement des services de soutien aux personnes soignantes varie énormément. Les organismes et les services sont parfois :

  • financés par l’État, comme les programmes offerts par le truchement des RLISS, les centres d’accès aux soins communautaires (CASC), les hôpitaux et les soins primairesfootnote 3;
  • financés par le secteur privé, soit des sociétés à but lucratif ou sans but lucratif, comme les organismes qui offrent des soins à domicile ou un soutien à domicile complémentaires;
  • financés par le biais de dons de bienfaisance et de fondations.

La source de financement tend à influer sur les services de soutien élaborés pour les personnes soignantes et sur l’endroit où ils seront offerts dans la région. Les priorités d’un RLISS, par exemple, influent directement sur l’allocation ou non de fonds pour des services de soutien aux personnes soignantes. De même, les organismes à but lucratif préféreront créer des services particuliers ayant fait l’objet d’analyses de rentabilité défendables, tandis que le financement de source philanthropique ciblera les services de soutien pour lesquels les donateurs ont un lien personnel ou émotionnel.

L’accès aux services de soutien aux personnes soignantes est inéquitable et inefficace

L’Ontario a mis sur pied quelques initiatives remarquables pour soutenir les personnes soignantes. Il est regrettable que   ces initiatives tendent à exister dans des créneaux ou des champs ciblés qui ne répondent pas aux besoins de toutes les personnes soignantes. Il en résulte un accès inéquitable et inefficace aux services de soutien appropriés pour les personnes soignantes de toute la province. Habituellement, les personnes soignantes découvrent ces lacunes lorsqu’elles tentent de trouver le soutien dont elles ont besoin.

Voici quelques exemples évoqués durant les consultations :

  • une participante d’un RLISS a décrit un programme d’éducation des personnes soignantes acquis depuis peu et le bon accueil qu’il avait reçu, alors que des participants d’autres RLISS n’étaient pas au courant du programme ou n’avaient pas planifié l’adoption de ce programme;
  • le représentant d’un organisme axé sur une maladie croyait que leur modèle régional fonctionnait très bien, ce qu’a confirmé un grand nombre de personnes soignantes présentes aux consultations; mais d’autres personnes soignantes ont indiqué que ce service de soutien n’était pas offert dans les régions éloignées où elles vivent;
  • une personne soignante a indiqué que les services offerts à son époux étaient sensationnels dans une région, mais que lorsqu’ils ont déménagé dans un autre RLISS, ils n’avaient pas accès à des services de soutien semblables ou du même niveau. On s’attend de plus en plus à ce que les épouses prodiguent les soins, et on le leur demande de plus en plus.

Je constate qu’en règle générale, les organismes qui ciblent une maladie ou qui se trouvent dans des régions particulières de la province semblent croire qu’ils répondent efficacement aux besoins des personnes soignantes. En comparaison, les personnes soignantes sont plus enclines à mentionner les lacunes et les limites des services de soutien offerts. Selon moi,

cette situation a mis en évidence l’importance de valider l’expérience des personnes soignantes et d’adopter leur perspective.

Services de soutien aux personnes soignantes d’autres autorités

L’examen des expériences et des modèles d’autres autorités ayant des approches plus officialisées du soutien aux personnes soignantes s’est révélé très utile. Ces autorités sont :

  • la Nouvelle-Écosse;
  • l’Alberta;
  • la Suède;
  • le Royaume-Uni.

Vous trouverez plus de renseignements sur ces autorités à l’annexe D.

Une approche Ontarienne du soutien aux personnes soignantes

Introduction

Je suis d’avis qu’une approche du soutien aux personnes soignantes adaptée à l’Ontario doit articuler avec précision les besoins des personnes soignantes. Un de mes premiers intérêts aura été d’obtenir un consensus sur ce que seraient ces besoins. L’examen des documents d’information m’a permis de dresser une longue liste de services de soutien qu’il serait possible d’offrir aux personnes soignantes. Ces documents, de même qu’une évaluation des organismes dédiés aux personnes soignantes d’autres autorités, ont servi à sélectionner quelques options possibles de structure.

Les personnes que j’ai consultées aux fins de discussion, de débat et d’amélioration ont toutes reçu ces renseignements. Ces consultations sur le terrain ont été inestimables pour orienter et donner forme à mes conseils et à mes recommandations définitives sur les services de soutien aux personnes soignantes et la structure à mettre en place pour offrir ces services.

Services de soutien aux personnes soignantes

Les participants à nos consultations convenaient majoritairement de la pertinence de ces trois niveaux, de même que des services de soutien particuliers nécessaires à chacun de ces niveaux.

Niveau de soutien aux personnes soignantes

Services de soutien au niveau de la personne

Les consultations ont mis en évidence le fait que les personnes soignantes s’efforcent d’avoir accès à des renseignements et à des services de soutien pour diverses raisons. Elles :

  • ne savent pas où ils se trouvent;
  • ne savent pas comment y accéder;
  • trouvent des services de soutien trop spécialisés qui ne répondent pas à leurs besoins;
  • sont incapables de trouver des services de soutien généraux adressés à toutes les personnes soignantes.

De plus, les personnes soignantes ont indiqué qu’elles manquaient de connaissances et avaient besoin de renseignements pour s’acquitter de leur rôle. Un certain nombre de personnes soignantes ont insisté sur l’importance de disposer de renseignements adaptés à la phase de la prestation de soins qu’elles ont atteinte. Le rôle des personnes soignantes évolue au fil du temps, en même temps que les besoins du bénéficiaire de leurs soins.

Les services de soutien aux personnes soignantes, au niveau de la personne, doivent comprendre les deux initiatives suivantes :

1. Mettre en place un guichet unique.

Chaque personne soignante a besoin d’un guichet unique pour entrer en contact, quels que soient son lieu de résidence, ses ressources ou les difficultés de communication auxquelles elle est confrontée. Un certain nombre d’intervenants ont indiqué qu’un numéro unique que les personnes soignantes pourraient composer en  cas de difficultés critiques avec la prestation de soins et une connexion immédiate permettraient de fournir des services qui dépassent de loin la simple relation d’aide et le maintien prolongé du bénéficiaire de soins à la maison.

Un guichet unique aurait la capacité :

  • de fournir à la personne soignante des renseignements cohérents sur la prestation de soins et les services de soutien offertsfootnote 4;
  • de conseiller les personnes soignantes sur les services les plus susceptibles de répondre à leurs besoins, avec l’apport de suffisamment de renseignements sur le type de service, la personne qui l’offre, le mode d’accès et le coût;
  • de mettre les personnes soignantes en contact avec les services et les organismes qui répondraient à leurs besoins. Cette navigation active pourrait inclure la mise en contact des personnes soignantes avec des services ou des programmes particuliers (comme être une personne soignante; administrer des médicaments; déplacer quelqu’un sans se blesser ni
    le blesser; le moment où il convient de demander de l’aide ou de se rendre à l’hôpital; l’évolution d’une maladie, d’une affection ou d’un trouble; et ainsi de suite).

La perspective d’« une communication chaleureuse avec une personne et d’un cordial transfert des soins à une autre personne » a obtenu un appui massif. On admettait aussi majoritairement qu’un guichet unique serait une solution équitable pour tous les résidents de la province et qu’il serait adapté aux besoins uniques des personnes soignantes dont les cultures, les orientations, les langues, les âges et d’autres facteurs diffèrent (p. ex., Autochtones [Premières Nations, Métis, Inuits], francophones, LGBTQ et autres groupes).

2. Offrir des programmes d’éducation et de soutien.

Ces programmes doivent viser à combler les besoins généraux de toutes les personnes soignantes. Les exemples avancés dans le cadre des consultations comprenaient, entre autres, la façon de jongler avec plusieurs priorités dans la prestation des soins, la réinsertion dans la vie active après avoir été une personne soignante et la gestion de la vie après avoir été une personne soignante.

Services de soutien au niveau de l’organisme

Les consultations ont mis en évidence le fait qu’il existe en Ontario de nombreux et précieux services de soutien aux personnes soignantes, des organismes qui ciblent différents secteurs et qui révèlent des îlots d’excellence dans certains domaines. Grâce à eux, les personnes soignantes ont un accès variable selon leur lieu de résidence et les problèmes qu’elles éprouvent. Certains participants aux consultations ont aussi indiqué que de nombreux organismes auraient intérêt à savoir   ce que font les autres, tout en respectant les avantages concurrentiels d’un point de vue philanthropique.

On s’entend largement sur le fait que les services de soutien aux personnes soignantes, au niveau de l’organisme, doivent comprendre les deux initiatives suivantes :

1. Combler les lacunes en matière de services et de soutien aux personnes soignantes au sein des RLISS et entre eux.

Cela pourrait consister en un repérage des lacunes et la demande de conseils sur les possibilités de les combler, en une normalisation des services, en une prolongation des programmes qui obtiennent d’excellents résultats et en un accès plus équitable aux services de soutien aux personnes soignantes.

2. Aider les organismes dédiés aux personnes soignantes à combler les lacunes et à optimiser leur impact.

Cela pourrait consister en une invitation aux organismes dédiés aux personnes soignantes à se regrouper pour :

  • repérer et combler les lacunes en matière de services;
  • échanger des idées et des démarches efficaces;
  • faire meilleur usage de leurs ressources collectives en réduisant la duplication au minimum;
  • prolonger les programmes qui obtiennent d’excellents résultats;
  • offrir un accès plus équitable aux services de soutien aux personnes soignantes.

Services de soutien au niveau du système

Les consultations ont mis en évidence le fait qu’il existe de vastes problèmes en matière de soutien aux personnes soignantes, qu’il est impossible de régler au niveau de la personne ou à celui de l’organisme. Cela comprend des questions publiques plus générales, ainsi que celles qui touchent plusieurs ministères provinciaux – comme la santé, les services communautaires et sociaux, l’éducation, l’hébergement, les transports – et divers ordres de gouvernement, comme le provincial, le municipal et le fédéral.

On s’entend largement sur le fait que les services de soutien aux personnes soignantes, au niveau du système, doivent comprendre les quatre initiatives suivantes :

1. Mener à bien des programmes d’éducation et de sensibilisation du public.

Ces programmes doivent porter sur la valeur, l’importance et les difficultés liées à la prestation de services. Les répercussions de la prestation de soins sur les personnes soignantes et les droits des personnes soignantes à vivre en bonne santé font partie des autres messages clés qui ont été véhiculés.

2. Amener les fournisseurs de services de santé et d’autres services à mieux connaître les personnes soignantes.

Les personnes soignantes ayant pris part aux consultations ont donné des exemples de leur présence auprès des membres de leur famille, de leurs amis ou de leurs voisins, et du fait d’être ignorées ou traitées avec indifférence par les fournisseurs de services (comme des médecins, des infirmières, des services médicaux d’urgence, des services policiers, etc.). Habituellement, les personnes soignantes procurent des renseignements et de l’aide de grande valeur dans ce genre de situation (p. ex., en calmant un enfant ou un parent excessivement anxieux, en transmettant de l’information parfois difficile à comprendre).

Il serait judicieux pour des organismes comme les hôpitaux, les cliniques, les services d’urgence et les services policiers, de former leur personnel dans de brefs délais. Plus tard, ce type de formation pourrait être intégré aux programmes d’études.

3. Donner des conseils sur les politiques et les lois applicables au soutien des personnes soignantes.

Ces conseils permettraient de corriger et d’harmoniser les politiques et les lois municipales, provinciales et fédérales. La réforme du système de santé provincial devrait par exemple tenir compte des besoins des personnes soignantes, comme des soins primaires. La réforme de l’éducation pourrait là aussi, à titre d’exemple, accorder des crédits-formation aux personnes qui quittent la vie active pour devenir des personnes soignantes, pour les compétences qu’elles acquièrent dans ce rôle.

4. Donner des conseils pour la recherche sur les personnes soignantes et y participer.

Cette recherche pourrait porter sur les personnes soignantes, leurs besoins et les pratiques exemplaires en matière de soutien aux personnes soignantes. L’étude sous divers angles de la prestation de soins suscite de plus en plus d’intérêt. La recherche sur les personnes soignantes, y compris la méthodologie, la réalisation et la mise en œuvre des résultats, nous permettrait de mieux comprendre et d’améliorer l’expérience de ces personnes. Il faut toutefois éviter que les personnes soignantes et les bénéficiaires de soins se lassent de la recherche ou des questionnaires.

Structure pour l’apport de soutien

Les consultations ont montré qu’il est largement admis que certains organismes jouent un rôle de premier plan pour soutenir les bénéficiaires de soins et les personnes soignantes. Il s’agit entre autres d’organismes axés sur des maladies particulières, d’organismes fournisseurs de soins à domicile et en milieu communautaire, d’associations de patients et de personnes soignantes, et de services de santé financés par l’État. Tous s’accordent à dire que cet important soutien doit rester.

Il semble aussi qu’on admet que l’Ontario ne dispose actuellement pas d’un organisme ou d’une entité qui :

  • se consacre exclusivement aux personnes soignantes et à leurs besoins multiples et diversifiés;
  • tient compte de la culture générale des personnes soignantes par opposition à la prestation de soins dans un ou des domaine(s) ciblé(s);
  • prodigue et coordonne toute la gamme de services de soutien aux personnes soignantes établis dans la recommandation 1.

Dans le cadre des consultations, les personnes soignantes étaient favorables à la création d’un organisme dédié à la satisfaction de leurs besoins généraux. Des représentants d’organismes existants affichaient en général leur accord et
percevaient la pertinence d’un organisme dédié aux personnes soignantes. Ils ont manifesté leurs inquiétudes quant à la capacité d’un organisme à atteindre le niveau des systèmes de soutien existants et se demandaient quelle serait la place  d’un tel organisme dans le système actuel. Les organismes existants ont aussi mis en garde contre la duplication des services de soutien déjà offerts aux personnes soignantes.

Tous s’entendaient sur les principes sous-jacents qui orienteraient un organisme dédié aux personnes soignantes; toutefois, les opinions variaient énormément concernant la meilleure structure de prestation et de coordination des services de soutien aux personnes soignantes.

Principes sous-jacents d’un organisme dédié aux personnes soignantes

Les principes suivants ont émergé du processus de consultation. Un organisme ontarien de soutien aux personnes soignantes doit :

  • collaborer avec les personnes soignantes pour la conception, la création et la gouvernance dudit organisme, tout en évitant de faire ces travaux « sur le dos des personnes soignantes »;
  • apporter de la valeur aux personnes soignantes en améliorant leurs expériences dans la prestation de soins;
  • se concentrer sur des services de soutien généraux dont toutes les personnes soignantes ont besoin, sans égard à la maladie, au trouble ou à l’âge du bénéficiaire des soins;
  • être en mesure de faire appel à divers ministères pour combler les multiples besoins des personnes soignantes – comme l’éducation, les transports, l’hébergement, l’emploi, les services sociaux – au fil de la transition des bénéficiaires de soins d’un niveau de soins à un autre;
  • éviter d’accaparer une partie des responsabilités d’autres organismes ou du gouvernement (p. ex., médiation des services de soins à domicile fournis dans les RLISS; financement des services individuels);
  • collaborer avec les organismes, les programmes et les services provinciaux, régionaux et locaux déjà en place afin d’optimiser le soutien, de réduire la duplication au minimum et d’élargir ce qui existe déjà de façon plus généralisée dans toute la province;
  • reconnaître les personnes soignantes francophones et leur fournir des services de soutien en français;
  • faire en sorte que la structure de l’organisme et toutes ses activités favorisent la diversité, l’équité, l’inclusion et la compétence culturelle (c.-à-d. la capacité à comprendre, à communiquer et à interagir efficacement avec des personnes d’autres cultures). Cela signifie qu’il faut être sensible aux besoins uniques en soutien des personnes soignantes de la population ontarienne et y répondre, entre autres :
    • les Autochtones (Premières Nations, Inuits, Métis). Les besoins des peuples autochtones n’ont pas été examinés en profondeur. Un engagement plus poussé relativement à la conception et à la mise en place conjointes des services de soutien aux personnes soignantes adaptés est nécessaire;
    • les communautés LGBTQ. Les consultations ont révélé des problèmes uniques en matière de prestation de soins, notamment le fait que les personnes soignantes et les bénéficiaires de soins devaient cacher leur identité sexuelle pour éviter les mauvais traitements, le harcèlement et le refus de services de santé et de soutien;
  • être garant des coûts et optimiser l’efficacité du système en tirant le maximum des systèmes et des bases de données en place qui sont exploitables et pertinents.

Options d’un organisme dédié au soutien des personnes soignantes

D’après les rapports, les études et les consultations antérieurs sur les besoins des personnes soignantes, ainsi que les consultations additionnelles auprès de plus de 200 personnes, je crois que les personnes soignantes tireraient avantage d’une approche provinciale officialisée du soutien aux personnes soignantes. J’ai examiné un certain nombre d’options qui avaient toutes été proposées sous une forme ou une autre dans le cadre des consultations.

Une de ces options consistait à créer un organisme de soutien aux personnes soignantes sous forme d’organisme gouvernemental provincial. Un organisme ontarien serait ainsi créé par le gouvernement et aurait une obligation de rendre compte auprès de lui, sans toutefois faire partie d’un ministère. Un organisme aurait le pouvoir et la responsabilité de s’acquitter d’une fonction ou d’un service public. En règle générale, le gouvernement nomme les personnes qui font partie   de l’organisme ou de son organe directeur. Même si cette option donnerait à l’organisme dédié aux personnes soignantes un profil provincial évident, on pourrait le considérer trop étroitement lié au gouvernement pour témoigner de la culture unique de la prestation de soins. De plus, un organisme provincial pourrait ne pas être vu en tant que voix objective des personnes
soignantes au moment de s’attaquer à des questions touchant plusieurs ministères provinciaux (comme la santé, les services communautaires et sociaux, l’éducation, l’hébergement, les transports) et divers ordres de gouvernement (provincial, municipal et fédéral, par exemple). Pour ces raisons, cette option a été jugée inacceptable.

Une autre option consistait à faire d’un organisme dédié au soutien aux personnes soignantes un ministère ou un programme du ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Le soutien aux personnes soignantes deviendrait un service gouvernemental qui compliquerait la participation des personnes soignantes à la gouvernance à un autre titre qu’à celui de conseillers. Au bout du compte, le gouvernement aurait le pouvoir de prendre des décisions sur le service. D’autres organismes pourraient considérer que le service reçoit un traitement de faveur en matière de financement puisqu’il serait intégré au gouvernement. Il serait difficile, pour le service, de témoigner de la culture unique de la prestation de soins. En outre, étant un service du ministère de la Santé, il serait difficile de s’attaquer à des questions qui toucheraient plusieurs ministères et divers ordres de gouvernement. Cette option n’a pas été retenue.

Une autre option consistait à créer un organisme de soutien aux personnes soignantes exploité par le groupe collectif des 14 RLISS. Chaque RLISS connaît bien ses populations et ses services de santé et communautaires. Chacun d’eux est en mesure de recourir à ses connaissances pour fournir des services de soutien au niveau de la personne. Toutefois, comme les RLISS sont maintenant responsables des services de soins à domicile, les personnes soignantes pourraient ne pas considérer une organisation exploitée par les RLISS comme une voix objective pour les représenter. Même si les RLISS ont le mérite d’injecter une perspective régionale, il serait difficile pour eux de s’occuper des services de soutien au niveau de l’organisme et à celui du système. Enfin, si l’organisme de soutien aux personnes soignantes doit donner de bons résultats, il faut maintenant se concentrer sans cesse sur la conception et la mise en œuvre. À l’heure actuelle, les RLISS entreprennent d’importants changements organisationnels et, par nécessité, doivent faire porter tous leurs efforts sur la mise en place réussie de ces changements. Cette option n’a pas été retenue.

Une quatrième option, que je considère cette fois réalisable, pratique et mieux adaptée, consiste à créer un organisme de soutien aux personnes soignantes autonome. Cet organisme serait en mesure de se concentrer sur toute la gamme de services de soutien recommandés plus tôt (recommandation 1) au niveau de la personne, de l’organisme et du système. De plus, il  serait vu comme un organisme indépendant du gouvernement, ferait participer des personnes soignantes à sa gouvernance, adopterait un modèle régional de soutien aux personnes soignantes au sein d’un ensemble provincial, serait sensible aux besoins uniques de la population ontarienne en matière de soutien aux personnes soignantes et y répondrait, en plus d’être garant des coûts.

Les propriétés de cette option, qui nécessitent une évaluation et des modifications constantes, comme l’exige le système de santé en constante évolution, doivent comprendre les éléments suivants :

Leadership en gouvernance

  • Une gouvernance assurée par un conseil d’administration composé de bénévoles ayant les compétences et l’expertise nécessaires. Le conseil serait représentatif de la population diversifiée de l’Ontario et s’efforcerait de trouver un équilibre relatif à l’expérience dans des domaines, comme la prestation de soins, les politiques, les finances, les questions juridiques, les affaires et d’autres.

Leadership en gestion

  • Un secrétariat doté en personnel dans un bureau central et des bureaux régionaux, renforcé par des réseaux de bénévoles locaux.

Bureaux

  • Emplacements central et régionaux. Ces bureaux régionaux seraient de préférence alignés sur les 14 RLISS et situés au même endroit; il serait toutefois important d’avoir une relation d’« indépendance »
    par rapport aux RLISS, pour éviter la confusion et tout conflit relatif aux services de soins à domicile.

Dotation en personnel

  • La dotation en personnel du bureau central comprendrait un directeur général, un membre du soutien administratif et du personnel central choisi pour superviser les principales fonctions (p. ex., un seul numéro à composer; programmes d’éducation; systèmes d’information; marketing et communications; et d’autres fonctions).
  • La dotation en personnel des bureaux régionaux comprendrait un chef régional du soutien aux personnes soignantes dans chaque région, accompagné d’une équipe de bénévoles.

Statut de personnalité morale

  • Le statut serait celui d’organisme de bienfaisance sans but lucratif pour donner la chance d’obtenir des subventions de recherche et autres. L’organisme ne rivaliserait pas pour obtenir du financement, mais pourrait recevoir des dons de la part de participants reconnaissants ou de fondations.

Financement

  • Il bénéficierait d’un financement gouvernemental pluriannuel, lié aux objectifs et aux résultats attendus. Un autre organisme pourrait se charger des fonctions administratives afin de réduire au minimum les coûts indirects.

Responsabilités

  • Tout le personnel relèverait du directeur général.
  • L’organisme aurait une obligation de rendre compte au ministre de la Santé et des Soins de longue durée ou à la personne désignée par celui-ci.
  • L’obligation de rendre compte du rendement comprendrait des indicateurs de rendement qui mesureraient à la fois le processus et les résultats au niveau de la personne, de l’organisme et du système. Ces indicateurs pourraient être, entre autres, la satisfaction des personnes soignantes à l’égard des services de soutien; les rapprochements fructueux entre des personnes soignantes et les services de soutien dont elles ont besoin (c.-à-d. suppression des cloisonnements); la satisfaction à l’égard des renseignements et de l’enseignement reçus; les collaborations entre organismes; etc.

Activités régionales/locales

  • Le personnel assurerait la gestion et le soutien opérationnel du bureau central, avec l’intervention et l’engagement communautaires dans les bureaux régionaux.
  • Il y aurait des communications bidirectionnelles continues entre le bureau central et les bureaux régionaux afin de déceler les problèmes, les lacunes et les duplications, et d’y apporter une solution, de normaliser les programmes et de faire en sorte que les programmes soient exécutés et évalués à l’échelon local. Des enjeux propres à certaines régions tireraient profit de conversations avec d’autres régions et de l’aide de celles-ci.
  • L’exécution locale des programmes s’accompagnerait de stratégies liées à : la débrouillardise; l’intervention entre personnes soignantes; l’engagement auprès d’équipes locales et de particuliers (p. ex., pharmaciens, physiothérapeutes, conseillers en mode de vie; chefs spirituels/religieux locaux); l’encadrement; des initiatives communautaires de soins prodigués avec compassion; des groupes de soutien virtuels; un partenariat actif avec des organismes locaux qui offrent des programmes.
  • Le personnel veillerait à ce que les personnes soignantes francophones obtiennent des services en français.
  • Le personnel s’engagerait auprès des Autochtones à concevoir et à mettre en place avec eux des services de soutien adaptés à leur philosophie unique en matière de prestation de soins.
  • Le personnel travaillerait avec les membres des communautés LGBTQ pour mieux les comprendre et mettre sur pied des services de soutien aux personnes soignantes qui leur conviennent.

La vision et le mandat suivants sont proposés pour l’organisme, aux fins d’examen et de développement :

Vision : Que toutes les personnes soignantes se sentent soutenues et valorisées.

Mandat : Améliorer l’expérience des personnes soignantes en Ontario en leur procurant information, soutien et respect.

À mon avis, il serait important de respecter le rôle essentiel que jouent les organismes existants, qui ont de solides antécédents en matière de soutien aux bénéficiaires de soins et aux personnes soignantes, comme ceux qui ciblent des maladies particulières, des organismes fournisseurs de soins à domicile et en milieu communautaire, les associations de patients et de personnes soignantes, et les autres parties du système de santé. Leur perspective est depuis toujours inestimable. Nous devons puiser dans cette expérience et cette expertise et leur laisser une marge de manœuvre pour qu’ils continuent de fournir des services de soutien aux personnes soignantes.

Consultez l’annexe E pour avoir de plus amples renseignements sur le modèle recommandé.

Une volonté de mise n œuvre

Selon moi, il faut afficher une ferme volonté de mise en œuvre pour assurer la réussite de l’entreprise. Puisqu’il faudra consacrer du temps et des efforts pour planifier, confirmer ou renforcer les propriétés proposées pour le modèle, ainsi que pour amorcer la mise sur pied de l’organisme, le Ministère devrait envisager la nomination d’un responsable de la mise en œuvre dans de brefs délais, pour qu’il entame ces importants travaux.

Pour terminer, on devrait faire beaucoup de cas de la mise sur pied d’un organisme dédié aux personnes soignantes de conception ontarienne. Il faudra absolument accélérer la mise en œuvre, ce qui signifie que certaines initiatives seront sur pied plus tôt que d’autres. À mon avis, l’engagement des personnes soignantes, une véritable communication aux différents échelons, une rétroaction constante et de la patience permettront à cet organisme évolutif d’offrir aux Ontariens ce dont ils ont besoin.


Notes en bas de page

  • note de bas de page[1] Retour au paragraphe Soignants et aidants naturels sont d’autres termes employés pour désigner les personnes qui prodiguent des soins à des membres de leur famille, à des amis et à des voisins.
  • note de bas de page[2] Retour au paragraphe The Change Foundation a analysé les données propres à l’Ontario de l’Enquête sociale générale de 2012, réalisée par Statistique Canada.
  • note de bas de page[3] Retour au paragraphe Le mandat des RLISS – en tant que premiers responsables des soins à domicile et en milieu communautaire intégrés – s’élargit pour inclure les services de soins à domicile qui étaient offerts par les CASC. Le transfert de ces services des CASC aux RLISS s’est terminé à la fin juin 2017.
  • note de bas de page[4] Retour au paragraphe Il pourrait s’agir de renseignements généraux, comme la disponibilité de programmes financiers et de programmes de relève, et la façon d’y accéder.