Nous sommes d’avis que pour faire progresser le programme de prospérité de la province de l’Ontario, il est essentiel que le gouvernement de la province adopte une approche de l’innovation « faite en Ontario » qui se concentre sur la création de stocks d’actifs incorporels pouvant être commercialisés au profit de l’économie de l’Ontario. Les principales activités à envisager sont l’éducation, la production de propriété intellectuelle et l’octroi ou le transfert de licences, le développement de récepteurs pour la recherche financée par les fonds publics, et la prise en compte des différences régionales liées à la langue et à l’accès à l’expertise.

 

Renforcement des capacités : connaissances de la propriété intellectuelle

Une connaissance approfondie de la propriété intellectuelle est une exigence fondamentale tant pour les innovateurs que pour les intermédiaires qui les soutiennent. De solides compétences en matière de propriété intellectuelle sont essentielles pour garantir que le milieu de l’innovation est capable de tirer parti du potentiel économique de la production et de la commercialisation de la propriété intellectuelle de valeur. Ces compétences en matière de propriété intellectuelle comprennent à la fois des connaissances de base sur les différentes formes de propriété intellectuelle, mais aussi sur la manière dont la propriété intellectuelle peut être utilisée stratégiquement pour obtenir un avantage commercial et économique.

De l’avis général, une connaissance approfondie de la propriété intellectuelle faisait défaut dans l’ensemble du milieu de l’innovation. Nous n’avons entendu aucun commentaire suggérant que les initiatives existantes d’éducation sur la propriété intellectuelle ont suffisamment comblé le déficit de connaissances en matière de propriété intellectuelle. En général, ces activités consistent en des ateliers facultatifs sur la propriété intellectuelle animés par des experts en droit de la propriété intellectuelle. Parmi les intermédiaires de soutien consultés, certains ont indiqué qu’ils proposent également à leur personnel des formations précises sur la propriété intellectuelle. L’offre actuelle a souvent été jugée inaccessible, trop technique et inadéquate pour améliorer les niveaux de connaissance de la propriété intellectuelle dans l’ensemble du milieu de l’innovation. Le consensus écrasant parmi les personnes interrogées était qu’elles, et les innovateurs avec lesquels elles communiquent bénéficieraient d’un programme complet et continu d’éducation sur la propriété intellectuelle pour améliorer leurs compétences en la matière.

Le programme d’études proposé serait conçu pour atteindre deux objectifs : 1) accroître le niveau de sophistication des innovateurs et des intermédiaires de soutien en matière de propriété intellectuelle afin de faciliter la prise de décisions stratégiques éclairées concernant la génération et la commercialisation de la propriété intellectuelle, notamment augmentant la capacité de travailler avec des experts en propriété intellectuelle afin de promouvoir leurs objectifs stratégiques; et 2) fournir aux innovateurs et aux intermédiaires de soutien les compétences requises pour savoir comment, quand et où demander une expertise juridique en matière de propriété intellectuelle.

Les résultats d’apprentissage essentiels d’un programme d’éducation sur la propriété intellectuelle devraient, au minimum, s’assurer que les participants sont capables de :

  • Comprendre chaque forme clé de propriété intellectuelle (brevets de dessins industriels, brevets d’utilité, marques, droits d’auteur, secrets commerciaux, variétés végétales et contrats)
  • Reconnaître et saisir les possibilités de commercialisation de la propriété intellectuelle dès qu’elles se présentent
  • Définir les questions juridiques clés en matière de propriété intellectuelle et établir des priorités en matière de suivi avec les experts concernés
  • Comprendre les questions relatives à la divulgation publique des inventions et les considérations globales (p. ex., différences entre les délais de grâce, accords de non-divulgation)
  • Comprendre les questions stratégiques relatives à la liberté d’agir
  • Savoir quand demander l’avis d’un expert juridique, auprès de quels experts et comment prendre en charge les engagements avec les experts juridiques compétents en matière de propriété intellectuelle
  • Élaborer une stratégie de base en matière de propriété intellectuelle
  • Négocier des accords de propriété intellectuelle avec des tiers à partir d’une position de force
  • Reconnaître les problèmes de conflits d’intérêts potentiels et savoir comment les résoudre

Renforcement des capacités : ressources provinciales centralisées

Nous avons constamment entendu dire que les établissements ontariens qui reçoivent des fonds publics et soutiennent les activités entrepreneuriales ont une capacité limitée d’aider les entreprises à se développer et à commercialiser leurs produits ou services. Cette lacune est perpétuée en partie par l’absence de compétences « internes », telles que la présence d’avocats en propriété intellectuelle ou d’agents de brevets. Tout en reconnaissant les coûts élevés associés à la génération, la stratégie, la protection et la gestion de la propriété intellectuelle, y compris le dépôt de brevets multijuridictionnels, sans la priorisation nécessaire qui va de pair avec cette expertise, le financement de ce niveau de capacité se concrétise rarement comme une priorité budgétaire qui compromet le potentiel d’une entreprise à s’étendre à l’échelle mondiale.

Nous avons également entendu des organismes de soutien intermédiaires de plus petite taille dire que non seulement il y avait un manque d’expertise « interne », mais que l’accès à l’expertise « externe », comme les avocats en propriété intellectuelle ou les agents de brevets, était limité dans les régions les plus petites, ce qui créait une polarité au sein du système. Dans les grands centres où les ressources sont plus accessibles, elles ne sont pas suffisamment exploitées dans l’ensemble du milieu de l’innovation.

La plupart, sinon la totalité des établissements interrogés, ont des spécialisations industrielles et des techniques différentes. Partout en Ontario, il existe des lacunes où les entreprises d’une industrie ne peuvent pas recevoir d’aide au sein de leur communauté. Pour cette raison, de nombreuses entreprises se passent d’aide. En plus des disparités régionales, les entreprises francophones et autochtones se heurtent à d’autres barrières linguistiques et culturelles.

Les participants aux consultations en personne nous ont fait part de la nécessité d’une stratégie coordonnée pour la génération, la protection et la gestion de la propriété intellectuelle pour la recherche et l’innovation soutenue par des fonds publics. Plus précisément, les principales lacunes en matière de services qui seraient comblées par une ressource provinciale partagée qui fournirait les services suivants :

  • Stratégies en matière de propriété intellectuelle et conseils d’experts
  • Antériorité et d’information en matière de propriété intellectuelle
  • Génération de droits de propriété intellectuelle
  • Accès aux brevets et liberté d’exploitation
  • Éducation à la propriété intellectuelle

Cette ressource pourrait fournir de multiples services accessibles aux établissements de tout l’Ontario pour les bureaux de concession de licences de propriété intellectuelle, les entreprises en démarrage et les PME ontariennes plus établies, ce qui leur permettra de fonctionner efficacement dans un marché mondial de plus en plus concurrentiel et à forte intensité de génération de produits liés à la propriété intellectuelle.

Recommandation :

  1. Qu’un programme normalisé d’enseignement des enjeux de la propriété intellectuelle sur Internet soit élaboré pour atteindre les résultats d’apprentissage jugés essentiels. Ce programme d’éducation sur la propriété intellectuelle devra être obligatoire pour toute personne ou entité qui reçoit des fonds publics pour soutenir des activités entrepreneuriales. Il devra être offert gratuitement ou à un coût nominal, disponible sur demande et facilement accessible dans toute la province.
  2. Pour résoudre le problème de l’accès à l’expertise nécessaire dans l’ensemble du milieu de l’innovation, le gouvernement de l’Ontario devrait créer une ressource provinciale centralisée pour fournir une expertise tant dans le domaine de la propriété intellectuelle que juridique, qui soit cohérente et sophistiquée. La province devrait établir un comité d’experts pour élaborer et mettre en œuvre cette recommandation, ainsi que pour définir les paramètres nécessaires au suivi des résultats.

Responsabilisation

Le milieu de l’innovation en Ontario est composé d’activités de génération de connaissances en amont et de moteurs de commercialisation en aval. Entre ces deux pôles se trouve une série d’intermédiaires de soutien qui ont été créés pour aider les acteurs commerciaux, notamment les entreprises en démarrage et les PME, à se développer et à passer à l’échelle supérieure. Dans une économie intangible, la clé de leur croissance est la capacité de voir les connaissances qui sont créées dans les établissements postsecondaires de l’Ontario, d’y accéder et de transiger avec.

Les CRI et les autres entités sectorielles établies pour jouer un rôle de soutien ont un rôle utile à jouer dans le transfert des connaissances en résultats économiques qui soutiennent la compétitivité de l’Ontario dans l’économie basée sur la connaissance d’aujourd’hui. Seulement la moitié des 18 CRI interrogés dans le cadre de ce travail ont indiqué que leur mandat comprenait un volet sur la propriété intellectuelle. Veiller à ce que ces organisations soient structurées et gérées pour jouer efficacement ce rôle, et le faire d’une manière qui évolue en fonction des besoins des entreprises qu’elles soutiennent, devrait être une priorité clé pour le gouvernement qui les finance.

Sans un mandat clair pour se concentrer sur la commercialisation de la propriété intellectuelle, les intervenants du milieu de l’innovation de l’Ontario ont traité la création et la commercialisation de la propriété intellectuelle comme une activité périphérique plutôt que comme un moteur systémique de base pour la croissance des entreprises. Par conséquent, les Ontariennes et Ontariens n’ont pas récolté les dividendes de la production de connaissances locales qui auraient pu et auraient dûêtre escomptés.

De plus, ce que nous avons entendu lors des consultations en personne était des préoccupations liées à l’absence de mécanismes de responsabilisation (pratiques de collecte de données, mesures et évaluation globale du rendement) utilisés pour réfléchir et rendre compte des activités et des résultats des intermédiaires de soutien. En outre, les impacts sont appliqués de manière incohérente et souvent suivis uniquement au niveau de l’organisation plutôt qu’au niveau du système.

Nous reconnaissons que la structure de l’économie et les moteurs de la croissance ont évolué depuis les investissements initiaux de l’Ontario dans la création de CRI et d’autres intermédiaires de soutien, le moment est toutefois venu d’élaborer et de mettre en œuvre une approche normalisée de la gouvernance des conseils d’administration et de la gestion pour toutes les entités qui reçoivent des fonds publics.

Cette approche devrait être conforme aux principes énoncés dans les directives existantes qui énoncent les déclarations d’intention, les principes, les exigences obligatoires et les responsabilités que les ministères et les entités réceptrices de l’Ontario doivent respecter dans la conduite de leurs activités, comme la responsabilisation, l’optimisation des ressources et l’accent mis sur les résultats. Cela permettra de combler une lacune importante dans l’attention accordée à la propriété intellectuelle au sein de ces organisations, ainsi que de normaliser et de formaliser une approche systémique de la collecte de données et de la mesure du rendement. Les efforts visant à la mise en œuvre d’un cadre de gouvernance et de rendement normalisé doivent tenir compte des différents besoins, des bases d’actifs et des activités industrielles des environnements locaux. Les CRI ne doivent pas fournir les mêmes services si les besoins de leurs clients locaux et régionaux sont différents. Ces rôles et la composition du milieu de l’innovation de l’Ontario doivent être évalués afin de déterminer la bonne combinaison de services disponibles localement par opposition aux services régionaux ou centralisés.

Recommandation :

Le gouvernement de l’Ontario devrait nommer une conseillère spéciale ou un conseiller spécial pour faciliter l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre de gouvernance normalisé pour pour tous les organismes de soutien du secteur de l’innovation et de l’entrepreunariat recevant des fonds publics qui ont le potentiel de générer des éléments de propriété intellectuelle dont l’économie de l’Ontario bénéficiera. Ce cadre devrait fournir une orientation claire sur le mandat et la transparence de l’organisation, la politique en matière de conflits d’intérêts, les ensembles de compétences exigées des membres du conseil d’administration et les mesures de rendement en matière de gestion.

Structure

Les chercheuses et chercheurs de l’Ontario financés par des fonds publics effectuent un travail important qui génère de nouvelles connaissances précieuses ayant de vastes applications dans divers secteurs. Certaines nouvelles connaissances issues de cette recherche ont le potentiel de générer une propriété intellectuelle précieuse qui peut apporter des avantages économiques. Notre tâche consiste principalement à faire en sorte que le milieu de l’innovation puisse tirer parti de ce potentiel économique. Cependant, les décisions et les politiques concernant les recherches à financer ainsi que la manière d’effectuer ces recherches ne font pas partie de notre mandat.

Les établissements provinciaux qui emploient des chercheuses et des chercheurs créent une entité, généralement connue sous le nom de bureau de transfert de technologie, qui utilise les nouvelles connaissances pour générer de la propriété intellectuelle et qui aide ensuite à faciliter sa commercialisation. Cela se fait généralement sous la forme d’un transfert de connaissance à un bureau de transfert de technologie ayant pour mandat d’en effectuer la commercialisation. Les bureaux de transfert de technologie créés au sein des organismes de recherche de l’Ontario présentent une diversité considérable en ce qui concerne le nom, la taille, le financement, la spécialisation, les ressources, etc.

La gestion d’une telle fonction de commercialisation présente des défis uniques pour les organisations qui effectuent de la recherche fondamentale qui, par sa nature, est très en amont de tout potentiel de commercialisation. Les stratégies de propriété intellectuelle sont intrinsèquement plus spéculatives que la recherche appliquée et s’accompagnent de la nécessité de déposer régulièrement des demandes de brevets à mesure que des connaissances supplémentaires sont générées par les recherches antérieures. Les hypothèses et stratégies originales de commercialisation doivent être revues au fur et à mesure que la recherche se développe au fil des ans. Pour atteindre cet objectif, une expertise spécialisée est nécessaire, mais elle n’est pas toujours intrinsèque à la structure de l’établissement.

Ce défi est aggravé par le fait que tant la passion des équipes de recherche que la mission principale des établissements au sein desquels elles travaillent sont beaucoup plus orientées vers la recherche de nouvelles connaissances que vers le développement d’un futur potentiel commercial. (Une recherche supplémentaire sur les BTT est disponible dans l’annexe F).

Tout au long de la période de consultation, les représentants de tout l’Ontario nous ont régulièrement fait part de leurs commentaires selon lesquels il était nécessaire de combler diverses lacunes en matière d’expertise et de ressources afin de créer des conditions gagnantes pour leurs organisations et les chercheuses et chercheurs qu’elles soutiennent. Bien que cette recommandation relative à structure se concentre sur les mandats, l’expertise et les lacunes en la matière, sans accès aux ressources et aux services suggérés dans la recommandation sur le renforcement des capacités, il pourrait être difficile de combler les lacunes qui entravent les résultats de la commercialisation.

Recommandation :

Toutes les entités de commercialisation (telles que les bureaux de transfert de technologie) au sein des organismes de recherche qui reçoivent des fonds publics doivent avoir un mandat clairement défini concernant leurs rôles et responsabilités en matière de génération de propriété intellectuelle au profit de l’économie de l’Ontario. Ce mandat devra être accompagné d’un plan qui traitera de toute question d’harmonisation institutionnelle et de capacité à remplir ce mandat. Le ministère des Collèges et Universités devrait créer un mécanisme permettant aux entités de commercialisation de définir leurs politiques globales en matière de propriété intellectuelle lorsqu’elles existent, leur intention de les créer lorsqu’elles n’existent pas, et d’articuler les lacunes perçues qui nuisent aux résultats de la commercialisation.